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vendredi 28 mai 2021

Mystère de l’Extrême-Orient

De notre correspondant très loin…

La physique du 20ème siècle a découvert qu’on ne peut pas connaitre à la fois la position précise et les paramètres de mouvement d’une particule, parce que la matière se comporte aussi comme une onde, et que plus on connait l’une, moins on en sait sur les autres, et inversement. Or tout être humain est composé d’une quantité innombrable de particules.
Dans ces conditions comment parvenir à compter précisément le nombre d’habitants de la Chine ?

D’un côté, le Financial Times, qui sait tout sur le monde parce que ses ordinateurs sont équipés de Windows 98, déclare qu’aujourd’hui la population chinoise décline, pour la première fois depuis 60 ans, depuis la célèbre politique économique de Mao-Zedong, le « Grand bond », qui avait entrainé, on s’en souvient, une telle famine que le seul grand bond fut pendant quelques années celui de la mortalité.

De l’autre côté, le directeur du bureau des statistiques de Chine, froissé (1), annonce une augmentation de plus de 5% en 10 ans (70 millions), et rétorque que le Parti contrôle encore 18% de la population de la planète, mais admet que l’âge moyen du Chinois augmente un peu et qu’il faudra donc augmenter l’âge du départ à la retraite.

(1) Aucun gouvernement n’est prêt à accepter une baisse de sa population. Ça serait inconvenant. On soupçonnerait l’incompétence. Au lieu de se laisser porter par la spirale étourdissante de la consommation il faudrait se prendre la tête avec des questions rasantes sur la gestion des ressources.
   
Qui croire ? Quelles vérifications pourraient convaincre ?

Des esprits mal préparés aux subtilités de la science ont objecté qu’on ne peut pas comparer des êtres humains, notamment chinois, à des particules élémentaires.
Qu’ils se détrompent. Le citoyen chinois se comporte précisément comme une particule et peut parfaitement, par ses propriétés ondulatoires, se trouver au même instant à plusieurs endroits à la fois. 
On en trouvera la preuve incontestable sur le site de BigPixel, vitrine d’un savoir-faire chinois, qui vante sous une apparence touristique sa science en matière de caméras de surveillance des citoyens (2). Vous y constaterez par exemple qu’à Shangaï, ville la plus peuplée du pays, sur une seule prise de vue dont on imagine qu’elle a été vérifiée par les autorités, on trouve déjà un grand nombre de doublons (en illustration ci-dessous un échantillon de doublons proches, présents sur la photo du site).
 
(2) Ceux qui en vivent insistent pour qu’on remplace l’expression « caméras de surveillance » par « caméras de sécurité ou de protection » tant il est vrai que l’apport essentiel de ces caméras est, d’après eux, une augmentation sensible de la sécurité du citoyen. 
Prenons Atlanta, ville la plus sécurisée des États-Unis, avec près de 10 000 caméras pour 500 000 habitants. Elle vient de vivre le 16 mars 2021 le meurtre de 8 personnes de la communauté asiatique dans 3 attentats consécutifs. « Les caméras indiquent - dit la police - qu’il est hautement probable que le même tireur soit impliqué dans les 3 attentats ». On ne saurait apporter éléments d’information plus décisifs pour la protection des citoyens.
 

 
 
Il conviendra donc d’abord d’identifier tous les doublons, y compris distants l’un de l’autre, et d’en établir le pourcentage parmi la totalité des habitants enregistrés par cette caméra, puis de corriger le biais en soustrayant ce pourcentage du total. 
Il ne restera qu’à multiplier le résultat par le nombre de caméras de surveillance protection du pays pour obtenir une estimation consolidée de sa population. Le B-A-BA de la physique statistique en somme.

Ici, nous serons cependant confrontés à un obstacle substantiel, car personne ne s’accorde non plus sur le nombre de caméras de surveillance protection installées en Chine dans le cadre du projet de gestion du crédit social des citoyens. Elles ne sont pourtant pas dissimulées (sans doute parce que la technique ne le permet pas encore).
Le chiffre le plus courant, mais qui date un peu, parle de 200 millions, certaines sources relativement fiables n’hésitent pas à affirmer 400 millions et bientôt 600, jusqu’à soupçonner un objectif de 2,76 milliards, soit 2 caméras par Chinois.
Mais ce sont des conjectures, personne n’est allé les compter, ce qui serait pourtant la méthode scientifique pertinente.

On parle toutefois d’un artiste chinois, Deng Yufeng, qui, par des repérages méticuleux, a fait un inventaire précis des caméras de certaines rues de Pékin (Béijing), modèles, localisations, orientations, angles de vue, et organisé des itinéraires touristiques narquois (c’est un artiste), où le jeu consistait à effectuer le parcours en évitant le plus grand nombre possible de caméras, et en tournant le dos aux autres, pour ne pas être repéré ni reconnu.
Inutile de préciser qu’à ce jeu nombre de citoyens ont été identifiés - pas toujours les vrais coupables, on ne dira jamais assez les conséquences dramatiques du port du masque sanitaire - et ont perdu, pour comportement incivil, des dizaines de points de crédit et certains droits sociaux.
Il devient illusoire, dans ces conditions, de penser se fier à des recensements de caméras aussi précaires.

On réalisera finalement que le dénombrement d’une population par le moyen des caméras est une opération sans limite, sisyphéenne diraient certains dictionnaires, car le nombre et la puissance des caméras paraissent augmenter plus vite que le nombre d’habitants, sans que l’on ait pour autant les moyens de justifier chacun des chiffres de cette comparaison.

Ainsi la Chine restera un mystère. Et ça n’est pas dû au Chinois. Hors de son pays, on s’aperçoit que c’est un être humain. Mais en Chine, les règles de la biologie et de la sociologie ne sont plus les mêmes.

On balaiera aisément les accusations de xénophobie que ne manqueront pas d’éveiller ces constats. Ces dérèglements sont générés par les relations malsaines qui lient les détenteurs d’un pouvoir et ceux sur lesquels il s’exerce. La chose est banale, elle a été pointée depuis longtemps par Étienne de la Boétie, et si la Chine parait emblématique, c’est que son système est en avance sur les autres nations, dont les gouvernements lui envient les méthodes et l’efficacité.

Par exemple on peut sourire, en France, des désaccords systématiques entre les autorités et les intéressés sur le décompte des participants à une manifestation, ou à une réunion politique. Or les deux chiffres sont à chaque fois exacts.
C’est que les lois de la physique y ont déjà entamé leur lente dérive, et qu’il suffirait d’un rien, pour que les chiffres de la pandémie soient annoncés officiellement en omettant de les relativiser, pour que l’état d’urgence sanitaire soit négocié en échange d’autres mesures liberticides avec la gratitude des soumis, pour qu’une loi répressive sur la « sécurité globale » soit entérinée par des députés en vacance…

vendredi 22 mars 2019

Au nouveau musée de l’Homme




À la fin du 20ème siècle, il y a peu, l’Homme n’intéressait plus l’homme. Le musée du même nom, place du Trocadéro à Paris, déserté, couvert de poussière, partait en morceaux, pillé vers 2005 de tout son département d’ethnographie par le musée des Arts premiers, joujou de la nostalgie colonialiste d’un président de la République.

Il ne lui restait qu’à fermer, ce qu’il fit en 2009.

En octobre 2015 ouvrait un tout nouveau Musée de l’Homme, désormais réduit à la préhistoire et l’anthropologie.
Sur un mur, au-dessus de deux magnifiques spécimens d’extincteur, y sont gravées les trois questions existentielles que se pose fatalement chaque être humain, le plus souvent en fin de repas ou trônant dans les toilettes : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? 
L’établissement flambant neuf essaie d’y répondre.

Et on sent bien, à parcourir ses vitrines mises en scène avec tant de gout, qu’en changeant de millénaire l’espèce humaine a franchi un cap décisif.
Depuis les formes immémoriales de la Vénus préhistorique de Lespugue (illustration 1), les têtes ethniques artistement décapitées et symboliquement plantées sur d'étranges piques (ill.2), et les merveilles de la technologie réparatrice capable de remplacer quasiment à l’identique n’importe quel membre emporté par la griserie des grandes guerres (ill.3), le troisième millénaire se présente comme l’ère de la symbiose de la matière et de l’esprit par le moyen de la physique quantique (ill.4).
Et comme l’avait prophétisé dès 1932 le génie scientifique de Salvador Dalí, ce pain de deux livres superfluide antigravifique restera certainement définitivement le symbole de notre temps.

Un bien beau musée, en fin de compte !


dimanche 10 avril 2011

Un peu de physique théorique

À l'époque d'Alfred de Musset, des bluettes sentimentales et des énervements romantiques, les choses étaient claires : une porte devait être ouverte ou fermée. Dans notre monde moderne et hasardeux, celui de la mécanique quantique où tout est simultanément onde et particules, la théorie de Schrödinger sur la superposition des états de la matière et le principe d'incertitude d'Heisenberg ont apporté quelques nuances sur les états probables d'une porte.

lundi 8 mars 2010

La photo du photon

Tout lecteur assidu aura noté la tonalité scientifique de Ce Glob Est Plat. Disons même matérialiste. Or depuis plus d'un siècle, quelques savants respectables, à l'aide de concepts insolites, ont troublé cette tranquille vision mécaniste du monde. On trouve leurs noms dans tous les dictionnaires des noms propres, Planck, Einstein, Bohr, Heisenberg, Schrödinger, Dirac, Born, de Broglie... Ils ont inventé la physique (ou mécanique) quantique (1), une description (2) du comportement intime, microscopique de la matière.
Jusqu'alors on considérait la matière un peu comme un voisin de palier. En public, elle se conduisait comme vous et moi, elle suivait son train-train sans surprise, descendait la poubelle à heures fixes et fermait les volets avant de se coucher. Et puis voilà cent ans, on apprenait, à la une des journaux scientifiques, qu'elle avait une vie privée assez déviante, des attitudes fantasques, et qu'elle se moquait même discrètement de la physique classique. Parmi les débordements qu'on lui prêtait, on racontait que dans l'intimité, pour entrer au salon, elle s'évaporait et passait au même instant par les deux portes situées aux extrémités de la pièce, que son chat était à la fois mort et vivant quand elle le cherchait (d'où l'odeur parfois particulière), que son poisson rouge, soluble, dilué dans son aquarium, ne reprenait une forme de poisson qu'à l'écoute de son petit nom, que sa plomberie ne respectait pas la gravitation et que l'eau de son appartement s'écoulait parfois de la bonde vers le robinet. Ainsi, à écouter cette nouvelle physique, la matière était réduite à n'être, dans l'intimité, qu'une vague probabilité, une vibration, un fantôme d'elle-même errant indéfiniment dans un appartement vide, flanqué de quelques ectoplasmes domestiques. C'était une situation désagréable pour le matérialiste, mais après tout, si la matière souhaitait se comporter comme un gamin irresponsable quand personne ne la regarde, c'était son affaire. Au moins savait-on à peu près où la trouver, comment la localiser. Enfin, c'est ce qu'on croyait, car la théorie prévoyait que des particules associées, puis dispersées, continuaient à constituer un tout inséparable quel que soit leur éloignement. Einstein même ne voulait pas y croire. On avait un peu oublié cette plaisanterie quand le coup de grâce advint à Orsay au début des années 1980, par Alain Aspect et ses expériences sur la «non séparabilité». Il démontrait (1) par un brillant bricolage (2) qu'un frère et une sœur jumeaux séparés par des kilomètres, sans pouvoir se concerter, restaient liés, et quand quelqu'un sonnait chez l'un, ils regardaient alors tous les deux par leur fenêtre, au même instant. C'était le pompon! La matière n'était pas seulement impalpable et évanescente, elle devenait unique, continue et indivisible.

  «Ne pas toucher les œuvres». Comment s'assurer que la matière existe, quand il est interdit de toucher les statues des musées?

Il est inutile de résister à une science qui n'a aligné que des succès technologiques, du transistor au laser. Nous en étions donc là depuis une trentaine d'années, à végéter tristement dans l'indécision, englués dans une réalité sans forme, parfait humus pour tous les spiritualismes, les idéalismes, les religions de toutes confessions. Épicure dépérissait et Démocrite faisait rire les enfants. Et puis le 25 février 2010, l'Institut Rayonnement Matière de Saclay, plus précisément le Service des Photons Atomes et Molécules (SPAM), associé à quelques honorables institutions, déclarait avoir enregistré les images du mouvement d'un nuage d'électrons dans une molécule constituée de deux atomes d'azote. Le procédé, décrit avec des mots incompréhensibles (imagerie d'orbitales par la méthode tomographique utilisant l'émission attoseconde en champ laser) est certainement très astucieux. Mais le résultat est là. La matière reprend un peu de consistance. Son image se précise. Finalement il est probable qu'elle existe.

 
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(1) Vidéo de la conférence UTLS (2) Texte de la même conférence