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vendredi 25 avril 2025

Razzia sur l'université

Winslow Homer, La cloche du matin (ou le vieux moulin), 1871, 97cm (Yale University Art Gallery, New Haven). Méconnu mais l’un des plus beaux Homer, avec ceux d’Orsay et de Philadelphie.



Aux États-Unis, la nouvelle administration fédérale déploie avec zèle depuis quelques semaines la politique prescrite par le boss, l’épuration du pays dans le but de préserver l’homme américain, blanc, croyant et riche. Elle utilise pour cela des méthodes de restriction et de contrôle des droits bien connues et éprouvées.   

Et comme elle imagine, à raison, que la science s’oppose à ses conceptions du monde, elle a nettoyé l’enseignement public de quelques dizaines de milliers d’impuretés, sans négociations.


Du côté de l’enseignement privé, les puissantes universités comme Harvard, Yale, ou Princeton profitent depuis longtemps de subventions publiques et avantages fiscaux, qui représentent 20% à 30% de leur budget annuel. C’est une faiblesse, et un levier persuasif que manipule aujourd'hui l’administration fédérale pour chercher à contrôler la pureté des étudiants, la soumission des enseignants, l’intégrité des programmes et la gestion des établissements.  



Heade (Martin johnson), Newburyport Marsh Haystacks, c.1871-75, 61cm (Princeton University Art Museum). Heade aurait peint plus d’une centaine de ces paysages des marais salants et des meules de Newburyport entre 1865 et 1875 (Monet ne découvrait ses premières meules qu’en 1888). Tous les musées de l’est américain en exposent. L’université de Yale en possède également plusieurs.



Aux dernières nouvelles, devant l’ultimatum, Princeton plie, Harvard grimace et Yale prend le maquis, mais cela peut changer du jour au lendemain. 


Ces universités ont un budget et un capital supérieurs à ceux de petits pays, elles sont propriétaires des plus importantes bibliothèques au monde et de riches collections d’art qu’elles exposent dans leurs musées et sur leurs sites, où on découvre des chefs-d’œuvre, parfois correctement reproduits.

Il serait sage d’y faire une petite récolte d'images avant qu'elles ne choisissent de se séparer des plus monnayables d'entre eux aux enchères, pour combler quelque déficit inopportun, et semble-t-il inévitable vu les méthodes crapuleuses de la négociation fédérale.



Misrach Richard, Pompes à essence submergées, Salton sea, 1983, Desert Cantos portfolio, photographie (Chromogenic print 58.5 cm) Harvard University Art Galleries, Cambridge.


samedi 18 mars 2023

C’est le printemps, allons à Cleveland (2 de 2)

Faisons comme promis un détour vers les beautés des continents lointains ou des profonds tiroirs, cachées au cœur du musée des arts de Cleveland. Si bien cachées qu'elles sortent rarement des réserves, pour leur fragilité à la lumière quand il s'agit de dessins, gravures ou photographies (c'est bien la peine de faire des merveilles pour les yeux si elles ne peuvent survivre que dissimulées à la vue ! D'où l'avantage à visiter le site du musée...)
Dans notre florilège, seuls la vue du parc de Yosemite par Bierstadt et le haut-relief de Khajuraho sont exposés en permanence au public (ils n'entraient pas dans les tiroirs)

1 : Drouais François-Hubert (attribué) - portrait de jeune fille (crayon 1758)

2 : Rackham Arthur - The Wren and the bear (encre 1902). Les amateurs du dessinateur Franquin verront dans cette encre singulière l'annonce de la fabuleuse série des "Idées noires"

3 : Français François-Louis - Château de Pierrefonds (encres vers1870) 



1 : Utamaro - Courtisane rêvant au mariage (gravure sur bois vers 1790)

2 : Eishi - Kuronushi (gravure sur bois vers 1795)

3 : Utamaro - À la pêche (gravure sur bois vers 1799)

4 : Eishi - La chasse aux lucioles (gravure sur bois vers 1796)

5 : Kunisada - Femme éteignant une lumière (gravure sur bois vers 1820).



1 : Anonyme - Massue, casse-tête (Iles Marquises, bois sculpté début 19ème s.)

2 : Anonyme - Scène leste (Inde Khajuraho, haut-relief en grès début 11ème s.)

3 : Bierstadt - Parc Yosemite, mont Starr King (USA, huile sur toile 1866)

4 : Foglia Lucas - Brulage contrôlé, Californie (USA, photographie 2015)


mardi 4 octobre 2022

Promenade à Detroit

André Kertész, Homing ship, photographie, New York 1944 (Detroit institute of Arts).

Notre civilisation, fière de ses avancées, réalise qu’elles la conduisent inévitablement vers l’abime. Alors elle commence à réagir par de petites mesures sur les conséquences plutôt que sur la cause. Il semble bien que nous devrons désormais, habitants sans privilèges de l’Europe de l’ouest, renoncer à aller visiter ces musées du Nouveau Monde qui nous auront fait rêver, Chicago, New York, Boston, Philadelphie, Detroit… 
Qu’à cela ne tienne ! C’est le rôle des rêves de ne jamais se réaliser. Tant que nous avons un reste d’électricité et un logiciel de navigation (et aussi des tas de serveurs informatiques dans des paradis fiscaux). Les musées américains sont éloignés mais leurs sites sur internet sont prodigues. 

Le Detroit Institute of Arts, un des 10 premiers musées des États-Unis par l’ampleur de ses collections, en partage une grande partie dans de belles reproductions copiables et aux dimensions honorables (2048 pixels).  

Constituée depuis les années 1880 par les magnats et bienfaiteurs de l’humanité, de la presse et de l’automobile que furent les Dodge, Firestone ou Ford, la collection était estimée plus de 8 milliards de dollars en 2014, lorsque la ville de Detroit qui la gérait, en faillite après l’abandon de ces mêmes bienfaiteurs de l’humanité, menaça d’en mettre une partie à l’encan, la plus vendable, Brueghel, Rembrandt, Van Gogh, Matisse. Des solutions de financement furent finalement trouvées, mais l’administration du musée était toujours instable quand survinrent la pandémie de 2020, puis la crise économique. Depuis, nous n’avons plus de nouvelles (pour être honnête, nous n’avons pas cherché à en avoir, afin de maintenir cet optimisme qui fait la marque de fabrique de Ce Glob).  

S’il faut croire l’encyclopédie Wikipedia en anglais, l’évènement marquant de la vie du musée advint le 24 février 2006, quand un garnement colla son chewing-gum sur un grand tableau de 2 mètres d’Helen Frankenthaler. Après 4 mois d’acharnement la toile restaurée par le laboratoire de conservation du musée était comme neuve. On aura frôlé la catastrophe. Par chance le scandale a été oublié car c’était également le jour où les Detroit Pistons ont vaincu les Chicago Bulls.

Pratique : 
La visite des collections se fait par pages de 8 à 9 vignettes, ce qui est assez laborieux, par exemple quand la recherche des mots "de La Tour" annonce 5417 pages. Par chance les premiers affichés seront les résultats qui comportent les 3 mots recherchés (pour trouver une expression exacte, entourez-la de guillemets doubles).
Il faudra également renoncer à déambuler comme dans les salles d’un musée. Pas de consultation de l’ensemble du catalogue en vignettes ; ici, il faut savoir ce que l’on veut. Mais la fonction de recherche est assez généreuse si on saisit des mots anglais suffisamment généraux comme painting, watercolor, etching, pastel, sculpture, french, et si on utilise les filtres fournis, par collection et par date.

Notez enfin qu'il n'est pas rare, après un peu d'attente, de recevoir temporairement et aléatoirement, au lieu de la page demandée, une page "Pardon our dust", qui signifie "pardonnez notre poussière" ou prosaïquement "Site en travaux, revenez dans un temps indéterminé".


Karel Dujardin, détail de la Sainte famille de retour d'Égypte, 1662 (Detroit institute of Arts).
 
Voilà une litanie de liens qui allécheront alphabétiquement le chaland :

Bouguereau, ouvrons avec les mièvres Cueilleuses de noisettes, car il parait que c’est, comme la Joconde au Louvre, de loin le tableau favori des visiteurs du musée (nous ne commenterons pas). Breton, Jules, un curieux incendie dans une meule de blé. Bronzino, 3 belles choses. Pieter Brueghel l’ancien, la fameuse Danse de mariage et de nombreux détails (voir les flèches en haut à gauche dans la fenêtre de zoom). Butinoneâmes sensibles, évitez ce lien - le Massacre des innocents. Caravage, Marthe et Marie-Madeleine. Church F.E, la côte de Syrie. Jan de CockLoth et ses filles. Karel Dujardin, Retour d’Egypte. Fussli, le célèbre Cauchemar. Orazio Gentileschi, Femme au violon. Henri Gervex, Café à Paris. Ghiglia - La rose artificielle (il y a un piège dans le titre). Hammershøi, encore une femme dans un intérieur. M.J. Heade, un Paysage de mer. Holbein, un portrait de femme. André Kertész, beaucoup de belles photos dont la magnifique Homing ship

Pause détente, avec le Salvator Mundi présumé de Léonard de Vinci. Pour qui regretterait la disparition du tableau à 450 millions de dollars dans le désert saoudien, Detroit en possède un clone très ressemblant, aussi inexpressif, attribué un temps à Léonard, puis à son "fils adoptif" Salaï, puis à Giampetrino. Mais où s'arrêteront-ils ?

Reprenons avec Alfred Leslie, une violoniste. Detroit possède peut être l'intégrale des gravures de Martin Lewis, et nombre de dessins préparatoires. Nous en parlions en 2009, mais la plupart des liens sont morts. En voici quelques autres : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7. Liotard, portrait au pastel de Marie-RoseThomas Moran, une Venise à la Turner. Rembrandt Peale, un homme lisant à la chandelle. Jan Provost, un délicieux Jugement dernier. De Rauhauser une longue série de photos, dont Car wreck. W.T. Richards et sa Long Branch Beach. Jacob van Ruisdael, le célèbre Cimetière juif. Gilbert Stuart, les beaux portraits de la famille Todd. Un Ter Borch rare, l'homme lisant. Une extraordinaire scène goyesque avant Goya d'Adriaen van de Venne, Quaet slagh ou Angry blows (?) Un étrange portrait d'homme par Velázquez. Une mer calme de Simon de Vlieger. Un intérieur de Vrel. De Richard Wilson, un paysage avec un moine blanc difficile à distinguer. Enfin, les spectaculaires Bottes marines d'Andrew Wyeth.

mardi 19 octobre 2021

La vie des cimetières (101)



Rochefourchat est de ces localités qui font les bouche-trous et la joie de la presse régionale tant il n’y a rien à en dire

Le village a perdu méthodiquement un habitant par an depuis 1800, quand ils étaient 200. Depuis 1999 ils ne sont plus qu’un. C’est un pluriel de majesté. Le maire, lui, habite Paris, à 7 heures de route.

Sur 407 mètres carrés, le cimetière compte une quinzaine de tombes éparpillées. Quoiqu'entretenu, on devine qu’il n’en a plus pour bien longtemps. La population est partie mourir ailleurs. Reste la cabine téléphonique et l'église désaffectées, et quelques corps de bâtiment. 

Un artiste conceptuel pourtant, que personne n’a oublié parce qu'il n'a jamais été connu, avait apposé à Rochefourchat, avec beaucoup de cérémonie et peut-être un peu de dérision, en septembre 2006, une plaque inaugurant un Centre d’art contemporain fantôme. Ça n’a pas ressuscité le village.


Copie d'écran d'une page de consultation du cimetière de Rochefourchat sur le site de Geneanet.
 
Cependant on a pu voir, à l’occasion, un généalogiste égaré photographiant les inscriptions sur quelques tombes, et se laissant aller à en immortaliser de moins lisibles mais pittoresques. Ce qui ne fait pas les affaires du site Geneanet, qui veut bien mettre des moyens de diffusion à la disposition des taphophiles obsessionnels, mais il lui faut en échange des noms et des dates. 
Sur Geneanet on ne fait pas d'esthétisme, pas de photos d’ambiance, pas de flou artistique. On doit dénoncer les morts, les identifier par tombereaux. Le soldat inconnu au pied de l’Arc de triomphe les laisse de marbre. 

Ils auraient indexé plus de 30 000 cimetières dont 24 000 en France, et pas loin de 20 millions de noms, gravés sur tombe ou monument aux morts. 
Ils appellent cette collecte un projet collaboratif. C’est très bien organisé, et leur chaine Geneanet sur Youtube est dynamique et pédagogique, accommodée de musique guillerette. S’il faut croire le bandeau en fronton, les personnes qui cherchent leurs ancêtres morts sont plutôt jeunes et jolies, avec la peau claire.

Enfin, ils sont inévitablement passés à l’ère désoxyribonucléique. Vous aurez préalablement, contre 150 euros, craché dans une enveloppe envoyée ensuite à un site internet illégal implanté à l’étranger.
À réception du résultat, vous envoyez le fichier ADN à Geneanet

Ils reconstituent alors automatiquement votre généalogie complète, vous retrouvent de la famille en Nouvelle-Écosse, en Papouasie, en passant par Darwin, ou par Neandertal, remontant par Toumaï, puis Adam, et enfin… On conseillera d’arrêter là et d’éviter les dernières pages, dès que vous verrez les mots écailles ou tentacules.

Et quand vous réaliserez ébahis que tant de science permet à Geneanet de satisfaire cette interrogation essentielle « Suis-je cousin d’un médaillé olympique ? », réservée toutefois au profil Premium abonné à renouvellement automatique résiliable à tout moment, vous vous poserez peut-être la question « ces recherches ont-elles un sens, une utilité ? »

Vous y répondrez sans doute.

vendredi 21 mai 2021

Histoire sans paroles (40)


Paris, les berges de l’ile de la Cité, quai des orfèvres.
C’est un peu ici, disent des historiens, qu’est née la France, quand le colonisateur romain montra au Gaulois comment utiliser la chèvre tripode pour lui construire un temple dédié à Jupiter, dieu des dieux.
Au fil des siècles, le temple disparaitra quand s’installeront sur l'ile et dans le désordre chronologique, le Palais de justice, les principaux tribunaux du pays, dont celui de Commerce, la cathédrale Notre-Dame, la Sainte Chapelle pour servir d'écrin à l’une des 6 ou 7 couronnes d’épines certifiées que le crucifié aurait portées durant son calvaire, et la Préfecture de police, un temps au 36 quai des orfèvres.
Que manquait-il pour faire une nation ?
L’armée ? Inutile pour un petit bastion protégé naturellement. Ah, le pouvoir législatif peut-être ? En a-t-elle réellement besoin ? Elle s’en passe bien actuellement. Non, la France aurait pu s’arrêter là, aux frontières de l’ile de la Cité, ne pas franchir le fleuve et laisser tout le reste en paix.

 

vendredi 4 décembre 2020

Escale à Francfort

De retour de 3 semaines virtuelles à Copenhague, faisons une halte en Allemagne à Frankfurt (Francfort-sur-le-Main). C’est une très grande ville riche, moderne, et son musée de peinture, le Städel museum, héberge une vaste collection qu’il présente sur internet, libre de droits et en très haute définition (quelquefois excessive : 17 000 x 18 000 pixels et 471 Mo pour le Géographe de Vermeer).
Le musée précise qu’en tant qu’institution publique, et comme il ne peut présenter aux visiteurs qu’à peine un centième de la collection, il se doit d’en partager la totalité dans de bonnes conditions sur internet. On ne saurait trouver meilleur argument contre la misère actuelle en ligne des grands musées publics français et italiens.

La consultation du site est agréable, fluide, richement documentée (en anglais et allemand). On déambule parmi 29 875 peintures, dessins, gravures, photographies, ou parmi une sélection de 1539, ou par artiste, ou avec des filtres de recherche.
 
Pour le voyageur qui ne fera qu’une rapide escale virtuelle à Francfort, voici quelques tableaux remarquables et pittoresques, avec leur lien direct sur le site du musée, présentés dans l’ordre à peu près chronologique de création, de 1435 à 1901.

9 détails d'œuvres du Städel museum décrites dans le florilège ci-dessous.

1. Comment peindre 12 manières de torturer des martyrs chrétiens en 1435 ? Stefan Lochner le sait. Il dépose un fond à la feuille d'or, ajoute des détails savoureux avec de jolies couleurs douces, et en fait une merveille (illustration 1).

2. Un bijou de Jan Van Eyck vers 1437. Comme tous les magiciens, cet homme-là doit avoir un « truc » (illustration 2).
 
3. Un Ecce homo de Jérôme Bosch, vers 1495. Le public s’exclame « crucifie-le », et une chouette, caméo que Bosch place soigneusement dans la plupart de ses tableaux, ajoutée dans un repentir final, observe la scène.

4. Elle lisait un roman de gare avant de se coucher. L’ange débarque, manifestement il hésite, il ne se souvient pas de ce qu’il doit lui annoncer. Elle reste interdite, inexpressive, ne sachant ce qui l’attend. Au dessus d’elle une colombe lampadaire attend également que l’ange se rappelle le message. Bref, tout le monde attend. Gerard David (peut-être) aurait peint ça vers 1509, dans une délicate gamme de gris et bleus.
 
5. De Joos van Cleve, un somptueux triptyque de lamentation sur le Christ mort, en 1524, dans un superbe décor très influencé par les paysages de Patinir, son contemporain à Anvers, comme dans cet autre beau tryptique de la crucifixion au Metropolitan de New York (illustration 3)

6. Une nativité insolite vers 1530 d’Hans Baldung Grien, où un ange un peu dégouté présente à la Vierge un enfant Jésus au teint de mort-vivant.
 
7. Une mise en scène très cinématographique et déjà surréaliste du Pseudo-Félix Chrétien (alias Bartholomeus Pons), en 1537.
 
8. Lucas Cranach, vers 1540, représente un Jésus très progressiste pour l'époque, qui va devoir garder une dizaine de bambins pendant que ces dames vont au cinéma (ou plus probablement avec des messieurs, les barbus qui se planquent, à gauche).
 
9. Un très joli portrait de Beatrix Pacheco par François Clouet ou assimilé, vers 1550.
 
10. Une scène de marché en 1559, avec parabole biblique, de Pieter Aertsen, hollandais de l’époque du père Brueghel, remarquable par sa superbe galerie d’étranges portraits songeurs, entre l’indifférence et l’ennui, et que le commentaire qualifie d’impudeur érotique !

11. Un paysage sylvestre féérique de Coninxloo, vers 1600. On distingue quelques chasseurs armés de fusils, et on verrait bien un accident de chasse, un peu de rouge dans cette obsession verte et bleue. (illustration 4).
 
12. Un dessin grandiose d’Abraham Bloemaert, l’Âge d’or, en 1603, où l’on remarquera que les « distanciations sociales » ne sont pas vraiment respectées et que Bloemaert était un dessinateur incomparable.
 
13. Un magnifique portrait de bergère en berger, d’un inconnu allemand, sans doute un maitre (monogramme A.V.D. 1665), accompagné d'un beau pendant.
 
14. En passant près du Géographe de 1669, avec son compas à la main, vous reconnaitrez nécessairement le peintre. Il a signé deux fois, sur l’armoire, discrètement, et sur le mur, avec ostentation. En réalité les deux signatures n’existaient pas lors d’une vente très documentée du tableau en 1872, alors que Vermeer est mort en 1675. (illustration 5).
 
15. Pieter Janssens, surnommé Elinga, peint vers 1670 cet autoportrait empreint de modestie. De fausse modestie. Il se représente au fond, de dos, en train de peindre (le commentaire dit qu’il était gaucher et tenait donc sa palette de la main droite), dans une belle maison dont il peint toujours la même pièce pour ses effets de soleil. Le sol est couvert d’un carrelage compliqué de marbre blanc et noir, et les murs de tableaux d’autres peintres. Les riches habits, la lumière, les dorures, tout respire la félicité. Au centre, au premier plan, légèrement dans l’ombre et vêtue de noir, la balayeuse rappelle discrètement que tout cela est en train de devenir poussière. (illustration 6).
 
16. Les toiles de Lingelbach, comme celles de Berchem à la même époque, vers 1670, fourmillent de personnages colorés et de détails observés sur le vif, dans des mises en scènes dignes des meilleurs moments des films de Spielberg (surtout coupez le son) ou Max Ophüls.
 
17. Peintre dans l’atelier d’un sculpteur à Rome vers 1760, peint par le jeune Hubert Robert. Peut-être un autoportrait. (illustration 7).
 
18. Johan Christian Dahl, un copain de Caspar Friedrich, était à Naples en 1820 et 21 quand le Vésuve faisait une de ses éruptions de routine, comme tous les 15 ans en moyenne, entre 1774 et 1944. Mais depuis 1944, rien, 76 ans de silence. La prochaine éruption risque d’être très violente. Pour mémoire plus de 5 millions d’être humains vivent dans le voisinage immédiat du volcan.
 
19. Une tempête avec son naufrage imminent, par Andreas Achenbach en 1837, en pleine crise d’acné romantique.
 
20. On a beaucoup dénigré la peinture réaliste, la jugeant bien inutile quand la photographie faisait la même chose, en plus économique. Mais en 1848, quand Hasenpflug peignait, la photographie couleur n’existait pas. Il était de ces peintres qui se gèlent les pieds et se ruinent la santé dans les courants d’air des ruines romantiques en attendant que les Maxwell, Ducos de Hauron et autres Lumière inventent bien au chaud dans leur laboratoire la photographie en couleurs.
En outre depuis qu’elle existe, la photographie moderne ne sait toujours pas, sans manipulations, apporter à la fois dans les ombres et dans les lumières les nuances et les détails que l’œil perçoit (au contraire des films Kodachrome, abandonnés en 2010), et elle ne sait pas non plus, sans outil de retouche, réorganiser la réalité, déplacer ou supprimer les éléments gênants. (illustration 8)

21. Un ciel d’orage de Chintreuil, en 1868, avant l’impressionnisme. Peut-être pas un chef d’œuvre, mais Chintreuil est trop rare pour ne pas être montré dès que possible.
 
22. De 1879, un des portraits incomparables de Renoir, ici triple, qui se passe de commentaire. (illustration 9).
 
23. Hans Thoma, peintre bizarre peu connu aux styles très disparates, des paysages les plus originaux au choses symboliques les plus pesantes. Le commentaire affirme que le livre ouvert est la Bible, dans cette plaisante vue d’une fenêtre de 1883.
 
24. D’une exposition marquante au Petit palais en 1987, suivie d’une rétrospective à Orsay en 1997, à quelques ventes médiatisées, jusqu’à une exposition en 2019 au musée Jacquemart-André, tout le monde (au moins à Paris) connait maintenant l’appartement au décor dépouillé du 30 Strandgade à Copenhague, que Vilhelm Hammershoi (Hammershøi) habita de 1898 à 1909, avant de s’installer en face au 25, qu’il peignit également rectiligne et gris. Sachant que le peintre avait les moyens de se procurer beaucoup de couleurs variées en tube, on imagine que cette grisaille mélancolique se situait plutôt dans sa tête, ici en 1901.
 
 

vendredi 2 octobre 2020

Quelques actualités provisoires

Au fil des ans, certaines des 719 chroniques de Ce Glob ont reçu une ou plusieurs mises à jour pour correctif ou information actualisée, sous la forme d’un petit codicille daté, à la fin de la chronique. Et en dépit de beaucoup de temps perdu dans des forums spécialisés dans la langue de Walt Disney, la recherche d’un moyen, sur l’éditeur du blog, d’alerter le lectorat sur une mise à jour est restée infructueuse.
Alors pour savoir s’il y a des actualisations, et où elles se trouvent, il est nécessaire de rechercher « mise à jour » dans le blog au moyen du dialogue dans l’en-tête, ce qui n’est pas réellement convivial.

Aussi, malgré une actualité culturelle très indécise, voici, pour égayer le trimestre prochain, quelques mises à jour notables et relativement stabilisées...

Mad meg à Nancy au Musée des beaux-arts

Il n’est pas si facile de voir réellement des dessins de mad meg, parce qu’ils sont immenses, et parce qu’elle n’a pas encore la notoriété de ses ainés, Bosch, Brueghel et consorts. Mais c’est en bonne voie, le musée des beaux-arts de Nancy, judicieux comme souvent, vient de lui acheter son immense Cène « Feast of fools », et lui a demandé de fouiller dans les collections de gravures et dessins du musée et de concevoir une exposition autour de certaines de ses propres œuvres.
Ça se passe au musée, place Stanislas, du 10 octobre au 31 janvier, c’est ouvert à toute personne de tout âge et de tout genre, dont la température corporelle est comprise entre 35° et 38°C. Allez-y, ne serait-ce que pour faire un bilan de santé.

L’âge d’or de la peinture danoise à Paris au Petit palais

C’est l’exposition parisienne à ne pas manquer cette année, un peu comme la comète de Halley en plus modeste, elle ne passe au même endroit que tous les 35 ans ! 
Jusqu’au 3 janvier, vous y verrez 200 parmi les plus beaux tableaux de la peinture occidentale, mais vous ne le savez pas encore, les médias sont discrets. On en a suffisamment parlé ici en février dernier. Il ne devrait pas y avoir plus de monde qu’au Grand palais en 1985, mais ne vous étonnez pas si aujourd’hui tous sont masqués.
 
Josef Koudelka à Paris à la Bibliothèque nationale de France


S’il vous reste un peu de temps à Paris jusqu’au 16 décembre, mettez-le à profit pour traverser la Seine jusqu’au quai François Mauriac, vous y verrez un certain nombre, peut-être une centaine, des 170 grands panoramas de ruines méditerranéennes photographiées par Koudelka et offertes à la BnF.
En page 5 du dossier de presse vous en trouverez 12 petites reproductions. Surtout lisez bien les « Conditions d'utilisation des photographies » car il vous sera demandé de les effacer de votre mémoire, par tous les moyens pharmaceutiques appropriés. 
 
Ces paysages vides d’humains ne sont pas seulement les ruines d’une civilisation lointaine, il est bien possible qu’ils soient celles de l’Humanité. C’est ce que précise l’exergue de Koudelka « Les ruines ne sont pas le passé, mais le futur. Un jour, autour de nous, tout sera en ruine ». 
 
***
En illustration, détail d’une photo prise par Josef Koudelka en 1971 en Andalousie, à Grenade, publiée ici sans aucune autorisation.

samedi 18 mai 2019

La déchéance de Gerhard Richter

Gerhard Richter était, en 2013, le peintre vivant le plus cher, entendez le plus coté, pour « Abstraction n°599 à 46M$ » (*), battu en 2015 par le « Petit chien géant gonflable en ballons orange à 58M$ » de Jeff Koons.
Précisons que « peintre vivant le plus cher » est un titre éphémère, d’abord parce qu’une inflation permanente dévalorise tous les records de prix, et ensuite parce qu’un jour ou l'autre tout lauréat change fatalement d’état ; Gerhard Richter, par exemple, approche de 88 ans.

Le record de prix a été pulvérisé en novembre 2018 par David Hockney, qui a 81 ans, pour « Piscine avec 2 personnages à 90M$ ». Mais Koons, qui n’a que 64 ans, vient de reprendre la tête, en mai 2019, avec « Petit lapin gonflable en métal chromé avec carotte à 91M$ ».

Malgré son record, Richter n’est pas très connu du grand public. Sa spécialité est la reproduction sur toile de photos prises avec un appareil Polaroïd, de mauvaise qualité et floues, dont il restitue savamment tous les défauts, en essuyant un peu la peinture avant qu’elle ait séché, pour le flou.
Souvent, il balaie la toile avec de grands gestes d’une brosse rageuse, en traits liquides horizontaux puis verticaux (ou inversement), de la couleur qui lui tombe sous la main, ce qui fait de belles toiles abstraites et décoratives qu’il vend très cher également.
Parfois, pour se reposer l'esprit, il peint des nuanciers infiniment soignés.
On dit de lui qu’il s’est cherché toute sa vie. Mais ne le dit-on pas de tout artiste qui n’est pas resté docilement dans le même tiroir de nos cerveaux, sous la même étiquette ?

Et soudain, le 24 avril 2019, la déchéance. La justice allemande a jugé que les œuvres de Richter ne valaient pas plus que des ordures.

Retournons dans le passé. Un jour de juillet 2016, un homme « sans emploi » récupérait, sur un trottoir d’une riche banlieue de Cologne, dans (ou près de) la poubelle de Gerhard Richter avant que les éboueurs ne l’emportent (la poubelle), quatre petites photos repeintes jugées ratées par l’artiste.
Plus tard, elles étaient soumises, dans le cadre d’une vente aux enchères, à la Gerhard Richter Archive, organe dont le rôle est de cataloguer et certifier l’œuvre du maitre. La réaction normale aurait été simplement de ne pas les authentifier.
On opta pour la solution hystérique. L’homme vient d’être condamné à une peine pécuniaire de 787,5 euros par photo. La justice a été clémente, car l’acte d’accusation, pour donner de la consistance à l’infraction, les avait évaluées 60 000 euros pièce.

Lors de l’annonce du verdict, la juge Katharina Potthoff a déclaré « Même tombées à côté de la poubelle, des œuvres restent la propriété de l’artiste ».

Pareille décision de justice, motivée certainement par le respect fondamental de la volonté du créateur, soulève un flot de questions, certaines existentielles, qui ne manqueront pas de bouleverser le monde de l’art.

À partir de quand les détritus de Richter ne sont plus du Richter et ne lui appartiennent plus ? D’ailleurs y a-t-il une limite ?
Parmi les immondices de Richter, y a-t-il une hiérarchie, une échelle de valeur ?
Un relief, une raclure, une rognure, voire une chiure ont-elles le même statut que les œuvres entérinées par le maitre et admirées dans les grands musées ?
Et pourquoi le mot allemand richter signifie-t-il juge en français ?

Ces questions sont profondément troublantes.


(*) M$ signifie millions de dollars.  


L’administration du cimetière du Père-Lachaise, toujours au plus près de l’évolution des mœurs, a prévu que les grands artistes, ou les modestes quidams, qui en exprimeront le désir, pourront être enterrés avec leurs détritus (s’ils en conservent la propriété), dans des sépultures réservées à cet usage.

dimanche 12 août 2018

Autoportraits... et poursuite du vent

Toute activité humaine est naturellement égocentrique. Et quand elle s’exerce dans le domaine de l’art, activité qui a déjà pour ambition de se faire remarquer, il n’est pas rare que l’auteur patauge avec complaisance dans la mégalomanie.

Ainsi le grand compositeur de musique de films américains, Gustave Mahler, qui, avec les 100 minutes de sa 3ème symphonie, avait pulvérisé le record de 80 minutes des symphonies 5 et 8 du tenant du titre, Anton Bruckner, n’était toutefois pas pleinement satisfait. Après plus d’une décennie d’un entrainement intensif, il parvenait à faire exécuter à Munich, le 12 septembre 1910, sa 8ème symphonie, par un effectif de 1029 musiciens, un pour trois spectateurs. Tous les écrivains et musiciens célèbres du continent s’y ruèrent.

En peinture, l’unité de mesure de cette pompeuse surenchère est classiquement le mètre carré. Un artiste réellement consciencieux, avec pour horizon les cimaises des musées, ne barbouillera pas moins de 4 mètres carrés par œuvre.
Mais il est une spécialité plus rare, peu pratiquée car très périlleuse, qui est un peu le sommet de la mégalomanie car elle allie quantité et narcissisme : c’est le double, le triple, voire le quadruple autoportrait.

L’autoportrait simple est une manie courante chez le peintre comme chez l’écrivain, par mesure d’économie, peut-être, car l’auteur est son modèle le plus proche, et disponible, mais surtout par un nombrilisme primordial. Albrecht Dürer, par exemple, s’aimait tant qu’il s’est représenté souvent, très avantageusement, selon l’iconographie usuelle d’un Christ salvateur, ou déambulant au centre d’un massacre biblique de corps mutilés, de têtes et de membres, et tenant bien en évidence un petit panneau portant son nom et son monogramme, comme un guide dans un groupe de touristes.

L’outil essentiel à l’autoportrait du peintre est le miroir. L’autoportrait double, c’est à dire le peintre se représentant peignant son autoportrait, également visible sur la toile, demande un deuxième miroir (n’est-ce pas ?). Au-delà, pour l’autoportrait triple ou plus, on utilise des montages, des photographies, ou des complices travestis.
Le miroir inverse l’image sur un axe vertical. Si l’on en faisait les statistiques, 85% des autoportraits devraient montrer un peintre gaucher. S’il s'est figuré droitier, vous pouvez parier avec une chance de gain de 85% qu’il à utilisé deux miroirs, le second redressant le renversement vertical opéré par le premier. (vous suivez toujours ?)


Voici en illustrations quelques exemples épineux. Ne les examinez pas sans avoir au préalable avalé deux ou trois comprimés d’aspirine.



En haut à gauche, Salvador Dalí, qui était droitier, peint cet autoportrait au miroir avec sa femme posant en 1973, soit (version laborieuse) en regardant, dans un petit miroir qu’il tient de la main gauche, la scène reflétée par un très grand miroir qui se trouve dans son dos, soit (version simplifiée) d’après une photographie de la scène prise par un tiers à la place du grand miroir. 

En dessous à gauche, Léon Spilliaert, peintre belge assez neurasthénique qui pratiquait couramment l’autoportrait, s’est peint ici en 1908 au lavis, pastel et crayons de couleurs, dans une pièce présentant deux grands miroirs parallèles qui se regardent. Au moins le semble-t-il, si on ne remarque pas certaines imprécisions, comme le premier reflet du peintre, de dos, qui est manquant, et les feuilles de papier blanc dont l’orientation devrait être inversée en alternance. L’essai est louable mais ne procure pas le vertige qu’Orson Welles créait en 1941 en montrant, avec les mêmes moyens, le désespoir du citoyen Kane

En haut à droite, Norman Rockwell, le plus célèbre des illustrateurs de la vie de l'Américain moyen du nord, réalisait en 1960, pour une couverture du Saturday Evening Post, ce triple autoportrait malicieux, à l’occasion de la parution de sa propre autobiographie (oui, ça se complique un peu dans le genre narcissique). Il l’a réalisé d’après des photographies qu’il a mises en scène et dont on trouve des exemplaires sur internet. Quelqu’un à même pensé un jour qu’il serait malin de sculpter la scène figurée sur l’illustration. On trouve probablement cet objet en trois dimensions dans le musée uniquement consacré à Norman Rockwell, à Stockbridge dans le Massachusetts (arrivé à ce point, le thermomètre à vanité ne fonctionne plus). 

En bas à gauche, Alfred Le petit, journaliste et caricaturiste, a peint cet autoportrait quadruple en 1893. C’est un record sans doute, mais certainement un montage total. L’auteur de ces lignes a vidé un tube entier de comprimés sans parvenir à reconstituer la position des différents miroirs. 

En bas à droite, Giorgio de Chirico peint en 1922 cet autoportrait singulier et ironique (peut-être), où il est dévisagé par son propre buste de profil. Il serait savoureux qu’il ait réalisé lui-même le buste pour le peindre (de Chirico était également fervent sculpteur), mais il est sans doute imaginaire.

dimanche 1 avril 2018

Fouilles virtuelles à Helsinki


Sur les lieux d'une fouille, un archéologue extrait nombre de petits objets historiques, sans attrait pour le profane, et parfois, très rarement, un bijou, un pépite.
C’est l’expérience que vivra le fouineur de musées électroniques en explorant les collections de la Galerie nationale finlandaise, ouverte depuis peu. Le musée physique se trouve à Helsinki, engourdi à 6° seulement du cercle arctique.

La Galerie virtuelle affiche, sur 40 000 œuvres, environ 20 000 reproductions d’une qualité honorable, dont 12 000, signalées, sont libres pour toute utilisation même commerciale, puisque les originaux sont dans le domaine public.
Les modes de recherche sont nombreux, en finlandais, suédois ou anglais, par technique, par époque, par artiste, avec des vignettes qui rendent l’exploration rapide et plutôt agréable, éloignant l’ennui.

Le plaisir étant dans la découverte de pépites, en voici quelques unes. À vous de trouver les autres, sans oublier les artistes avec des Å, des Ä et des Ö.

Les reproductions sont des détails des œuvres, dans l’ordre de lecture : 
En haut : Debucourt (le feu), Edelfelt (jeune femme lisant) 
Au centre : Simberg (portrait d’homme), Edelfelt (portrait de femme), Félon (nymphes), Edelfelt (portrait d’homme) 
En bas : Järnefelt (brulage), Aivazovski (photomontage, autoportrait avec paysage peint à l’huile), Simberg (jardin de la mort), Schjerfbeck (femme assise).



jeudi 8 février 2018

Pénurie soudaine de réalité


Derrière leur cache-nez, les peuples septentrionaux, qui vivent durant presque toute l’année dans des paysages auxquels manque la partie supérieure, la surface, doivent bien rire aujourd’hui du reste de l’Europe.

Soudain bouleversée devant l’effacement d’une partie de son décor quotidien, l’Europe avance à petits pas précautionneux, se congestionne, s’embouteille. Sa réalité lui échappe, comme gommée. Elle n’est pas habituée à se déplacer sur une abstraction, ou alors, une fois tous les dix ans.


Les peuples du Nord, eux, vivent continument dans ces paysages conceptuels qu’il faut reconstituer mentalement, c’est pourquoi ils produisent des films policiers ou des films d’horreur tellement abstraits. Cela tient à leurs paysages épurés, géométriques, désincarnés.

Alors ils sourient certainement de voir les pages des blogs et des médias du reste de l’Europe soudain blanchir à l’unisson. Ils savent que cela ne dure pas, que le Sud est frivole, et qu'ils se retrouveront bientôt à nouveau seuls dans leur décor métaphysique.