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dimanche 11 mai 2025

Célébrons un bicentenaire (1 de 2)


La National Gallery de Londres, le plus important musée de peintures d’Angleterre, commémore ses 200 ans d’existence, NG200. Sur l’accueil de son site, elle diffuse un slogan percutant : "rassembler les gens et les peintures" (d’accord, ça n’est que la bête définition du rôle d’un musée de peintures). Elle y met en avant la gratuité de la visite de ses collections, et en profite pour solliciter des dons. Enfin le slogan est accompagné de quelques animations banales ; hier, c’était le défilement de détails d’une nature morte aux fleurs de Ruysch.


Mais c’est à partir d'autres sources, curieusement, qu’on apprend que le musée a rouvert, depuis hier 10 mai, une aile fermée depuis deux ans où se situe désormais l'entrée de la National Gallery, qu’il a totalement réorganisé le parcours de visite et les conditions de présentation et d'éclairage d’un millier de tableaux, qu’il a choisi au hasard un de ses adhérents qui a dormi parmi les chef-d’œuvres le 9 mai au soir, a été réveillé par le petit déjeuner d’un chef étoilé, a ensuite déambulé dans un musée à l'accrochage inédit et vide de visiteurs (qui attendaient dehors l’ouverture de l'évènement, à 10h), et en a profité pour découvrir en exclusivité le fameux panneau d’un peintre inconnu acquis récemment contre 20 millions de dollars (ce dernier n’était pas vraiment un mystère, le tableau est reproduit un peu partout, mais son iconographie est réellement déconcertante et Ce Glob en publiera prochainement une version en haute définition, téléchargeable of course).


Sur internet le musée est resté discret, sinon muet, sur tout cela. Il existe bien une page, qu'on ne trouve qu'en connaissant son adresse précise, où il survole le programme des évènements de cette année anniversaire, mais vous n'y verrez que les flagorneries et les complaisances habituelles du marketing le moins subtil : "le musée est à vous... c'est vous qui avez l'imagination et le talent... 1000 tableaux rien que pour vous..."    


En attendant d’aller admirer sur place les merveilles de Van Eyck, Mabuse, Léonard et les autres dans ces nouvelles conditions, notamment de lumière, fêtons ici ces furtives festivités avec une reproduction de 2.3 fois les dimensions originales (36 x 46cm) de cette nature morte de Ruysch, distinguée sur la page d'accueil du musée (et téléchargeable ici-même, puisque la National Gallery l’interdit).


Rachel Ruysch était une des peintres de fleurs (et un peu de fruits) les plus célèbres de son temps, achetée autant que Rembrandt l’avait été dans ses années prospères, et à des tarifs comparables. Le Rijksmuseum d'Amsterdam en conserve 4.

À Londres, avec 3 tableaux exposés, elle est la reine de la salle 28 de la National Gallery consacrée aux natures mortes flamandes et hollandaises. Ce bouquet de 1716 en illustration, silencieusement explosif, est un de ses plus beaux.


Les natures mortes de fleurs, très prisées dans le nord de l’Europe aux 17ème et 18ème siècles, jugées artificielles et passées de mode aujourd'hui, gardent cependant un peu de la sympathie du grand public, qui reste confondu devant la minutie de la réalisation et la générosité des couleurs. 

Bientôt, quand la plupart des espèces de fleurs de la planète auront disparu après l’extinction des insectes et oiseaux pollinisateurs, ces tableaux que les anglais et les hollandais appellent "vies immobiles ou tranquilles" justifieront leur nom français de "natures mortes" et seront certainement de nouveau appréciés et reconnus à l'égal des tableaux des peintres de ruines.


samedi 14 décembre 2024

Le Premier, en pire

Meissonnier, ruines des Tuileries, entre 1871 et 1883, 136cm
(Compiègne, musées du Second Empire) 

Cornegidouille ! nous n’aurons point tout démoli si nous ne démolissons même les ruines !
Alfred Jarry, Ubu enchaîné.

Pour le lectorat qui ne s’est jamais passionné pour la vie de nos maitres et leurs néfastes lubies, résumons : le Premier Empire c’était Napoléon premier, des millions de morts dans des guerres quasi mondiales et incessantes, un népotisme effréné, la suppression de la liberté de la presse, le rétablissement de l’esclavage, une centralisation bureaucratique abusive, et en matière d’art officiel l’impériale figure "à la romaine" de Jacques-Louis David, lèche-cul de tous les régimes. 
Le Second Empire, c’était Napoléon 3 (oui, ça commençait mal, et c’était un neveu de l’autre), le même régime que le premier en plus mesquin, une incompétence à gouverner quoi que ce soit, la colonisation débridée de l’Afrique et de l’Asie, et la remise au pays voisin des clés de tout un territoire, avec un ou deux millions de têtes de bétail humain.
En peinture c’était une cour de tâcherons serviles, Winterhalter, Meissonnier, Flandrin, Pils, Horace Vernet, Dubufe et quelques autres.

Décevant, en effet. Et le déclin va jusqu’au musée qui les héberge aujourd'hui. Les grandes tartines au bitume du Premier Empire s’étalent sur les hautes cimaises de l’aile Denon, au Louvre, quand les fades mondanités du second se perdent dans les salons négligés du château de Compiègne et de son musée du Second Empire.

On se dit qu’il doit bien y avoir malgré tout quelques tableaux attrayants dans ce musée. Le site du château nous en présente un catalogue de 650 peintures, avec des fonctions de recherche (choisir Outils puis Index), et des reproductions de qualité passable.
Hélas on n’y fera pas une pêche miraculeuse. Peu de choses originales. Le récent achat de la Cantharide esclave n’y est pas encore, la longue série de toiles de Coypel sur Don Quichotte est consternante, Natoire, plus talentueux, ne s’en sort pas mieux, tous les portraits sont navrants, sans parler des scènes de chasse.

Nous avons réuni ici les rares tableaux qui sortent un peu de l’ordinaire. Leur présence dans le catalogue, peu explicite sur le sujet, ne garantit pas qu’ils sont effectivement exposés dans le château ou le musée.
Allez le vérifier avant la fermeture définitive du château, ce qui ne saurait tarder à lire le rapport de contrôle consterné que la Cour des comptes vient de publier. La courte synthèse en introduction (pages 4 à 6) est un modèle de poésie ; on croit y lire la déploration d’un Byron ou d’un Lamartine sur la ruine des empires (voyez ce qu’en disait hier Étienne Dumont).

Allez-y même si vous n’en attendez pas grand chose, vous y flânerez dans un grand parc (négligé parait-il), un château luxueusement meublé (mal chauffé et où tombent régulièrement des pierres dit le rapport), et une vaste et passionnante remise de voitures hippomobiles. 
Et vous contribuerez ainsi modestement au maintien d’un patrimoine totalement abandonné depuis des années par les ministères de la Culture et les dotations de l’État, qui semblent n'attendre qu'un prétexte pour confier le tout à des capitaux privés.

À gauche, Jacob de Heusch - Chantier naval, fin 17e, 72cm
À droite, Salomon van Ruysdael - Réjouissances près de l'église d'Alkmaar, 1640, 42cm (les deux :  Compiègne, musées du 2d Empire).

À gauche, Friedrich Sustris, Adoration des bergers, 138cm
À droite, Protais PA., percement d'une route 1869, 100cm
Les deux :  Compiègne, musées du 2d Empire.

À gauche, Paul Huet, Château de Pierrefonds en ruine (vers 1860, 162cm)
À droite, Paul Huet, Après recréation par Viollet-le-Duc (vers 1860, 162cm)
Les deux :  Compiègne, musées du 2d Empire.

Potémont, Femmes au jardin, 1860 (Compiègne, musées du Second Empire) 

jeudi 20 juillet 2023

Histoire sans paroles (45)

Vous ne supportez plus l’azur, l’azur encore, les vacances, les foules à l’état pâteux, les loisirs de masse ?
Alors choisissez L’enfer, c’est à Thiers dans le Puy-de-Dôme, en Auvergne.
On se croit avertis, on pense que l’Enfer est une abstraction, une chimère, une hantise de simple d'esprit, alors qu’il est là, près de nous, rafraichi par les cascatelles de la rivière Durolle. 
Vous y serez sans doute seul, mais pas pour longtemps. Bientôt nous y serons tous.

samedi 24 juin 2023

samedi 6 mai 2023

La vie des cimetières (107)


Guerre ou attentat, quand elle subit un traumatisme, la société, qui sait bien que le souvenir d'un drame n'a jamais empêché la récurrence du mal, choisit cependant d'entretenir la mémoire de l’évènement, pour ne pas oublier les innocents sacrifiés, dit-elle.
Peu après le massacre du 10 juin 1944 à Oradour, à 20km au nord-ouest de Limoges - où un bataillon de 200 soldats d’occupation avaient réuni tous les habitants du village et exterminé pour l’exemple 650 innocents par le feu et la mitraille - les autorités décidèrent de préserver le village martyr dans l’état de ruine, afin "d’entretenir l’émotion et la haine" dit (ou cite) Wikipedia.

On ne sait trop ce qui, essentiellement en été, anime la curiosité des 200 à 300 000 visiteurs qui viennent sur les lieux 80 ans après le massacre, mais on leur a promis un village comme au jour de son abandon, un village qui prouve qu’il a souffert, pas un banal terrain vague infesté de mousses, de ronces, de plantes envahissantes recouvrant quelques cailloux. 
Or le temps et les intempéries n’ont que faire de la mémoire des hommes et persistent à tout corrompre sur leur passage. Alors on ne cesse de consolider les restes de murs, infiltrer des résines protectrices, tenter de limiter l’érosion, raviver les couleurs qui s’affadissent. L’entretien d’une ruine est une activité ruineuse. 
D'ailleurs des voix économes commencent à s’élever qui proposent de concentrer les dépenses sur certains vestiges représentatifs, le garage, la poste, l’église, et d’abandonner le reste au temps. 

Un jour, dès le début peut-être, on eut l’idée de mettre en évidence les objets usuels que le feu n’avait pas détruits, et ainsi d'évoquer, par l’absence, les habitants martyrisés. Alors apparurent aux côtés des squelettes de vélo et des carcasses d’automobile, sur les murs et les rebords de fenêtre, incongrues comme des animaux fantastiques, presque vivantes, une légion de machines à coudre américaines de marque Singer et Howe, instruments que les surréalistes révéraient depuis qu’ils avaient lu, dans le chant sixième du Maldoror de Lautréamont, cette phrase qui les avait tant émus "… beau […] comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie !".


lundi 16 janvier 2023

Et rien de Rome en Rome n'aperçois (2 de 2)

Friedrich Loos, Panorama de la Rome antique, 1850, détail de la vue n°5.

Examinons donc aujourd’hui les 5 tableaux du panorama de la Rome antique peints par Friedrich Loos vers 1850 (les liens individuels sont en fin de la chronique précédente et de la présente).

Préalablement, faisant défiler le panorama, on se sera immanquablement demandé où peut bien se trouver Rome. On ne voit que vignes, cultures, campagne. Quelques ruines, notamment l'amphithéâtre incomplet du Colisée au centre de la vue 3, confirment qu’on est bien au cœur de la Rome du passé, capitale du monde il y a deux millénaires. Mais Loos y était au milieu du 18ème siècle, et les lieux mêmes où avaient habité 1 500 000 romains dit-t-on étaient depuis devenus une banlieue de la ville récente, située quelques kilomètres au nord et où ne vivaient plus que 150 000 habitants. 
 
Le plan ci-dessous illustre l’orientation précise du point de vue de chaque tableau numéroté. L'œil se situe au centre sur la terrasse de la villa Celimontana. On aura noté sur la vue panoramique que Loos a fait correspondre assez précisément les bords mitoyens des vues adjacentes, en répétant parfois des deux côtés le même élément, arbre ou pan de mur.
La hauteur des 5 toiles est de 0,74 mètre, la largueur des vues 1 et 5 est de 1,18 mètre. Les vues 2,3 et 4 font 0,99. Seules les vues 1, 2 et 3 sont signées, "Fried. Loos" suivi de la date 1850, sauf la 3 dont le chiffre des unités n’est pas lisible (la Nationalgalerie date les 5 toiles de 1850)

Plan de la Rome antique en 2020 environ (le nord est en haut). Chaque secteur correspond à un des tableaux (numérotés dans le panorama) peints par Loos en 1850, à partir de la villa Celimontana (au centre).
 
La direction et la longueur des ombres sont globalement cohérentes avec l’orientation des vues et indiquent approximativement un moment unique, une heure du début de la matinée entre le printemps et l’été. Le soleil est relativement bas à l’est. 
Il faudrait des avis connaisseurs en botanique et en agriculture pour estimer plus précisément la saison, à l’observation de la végétation et des activités agricoles (tout commentaire serait apprécié)

Le ciel est vide, à l’exception d’un petit nuage discret sur la vue 2. La longue ombre qui recouvre ce qui est probablement la colline du Gianicolo, à gauche de Saint pierre du Vatican sur la vue 3, comme celle du premier plan, et celle qui assombrit la basilique à gauche sur la vue 4, sont énigmatiques ; elles ne peuvent être que projetées par des nuages bas à l’est derrière l’observateur mais inexistants ; liberté du peintre qui donne ainsi plus de relief à ces vues.

 Quelques points de repère pour commencer une promenade :  

Afin de rechercher les monuments qui subsistent en comparant les vues de 1850 par Loos et de 2020 sur Google Earth online, il est conseillé de le faire sur un ordinateur, d’ouvrir les liens des deux vues dans des fenêtres séparées et de les juxtaposer. Sur la vue contemporaine de Google Earth Online on pourra se déplacer dans les 3 dimensions et ainsi ajuster le point de vue, horizontalement, latéralement et en profondeur avec la souris, verticalement avec en même temps la touche majuscule pressée (essayez toutes les touches de contrôle). Sur le site Gallerix, les 5 vues de la Nationalgalerie de Berlin se trouvent sur la 2ème page de vignettes, en bas de page.

Vue 1, direction sud-sud-est (zone jaune)
Au fond, les collines d’Alban, au deuxième plan le long ruban du mur d'Aurélien, et derrière lui la longue ligne à peine visible de l'aqueduc Claudio. À droite la basilique San Sisto Vecchio.
en 1850 : Vue 1 par Loos 

Vue 2, direction sud-sud-ouest (zone bleue)
À gauche les Thermes de CaracallaÀ droite la basilique Santa Balbina et sa tour. Au fond l’aqueduc Claudio.
en 1850 : Vue 2 par Loos 

Vue 3, direction ouest (zone rose)
À droite l'église de San Gregorio, devant les ruines de la Domus Severiana, et au fond le vatican et le dôme de la basilique Saint Pierre. À gauche, peut-être la tour de la basilique Santa Cecilia in Trastevere et au fond le parc del Gianicolo et son belvédère (à vérifier).
en 1850 : Vue 3 par Loos 
 
Vue 4, direction nord-nord-ouest (zone verte)
À gauche la basilique San Zanipolo, puis le couvent Padri Passionisti. Au centre derrière une ligne de cyprès, le célèbre Colisée. À droite au fond la basilique Santa Maria Maggiore.
en 1850 : Vue 4 par Loos 

Vue 5, direction est (zone orange)
Au premier plan, la toute proche basilique Santa maria in Dominica alla Navicella, derrière elle, la basilique santa Stefano Rotondo, et encore derrière la grande et historique basilique de Santa Giovanni in Laterano (Saint-Jean-de-Latran), hors du Vatican mais lui appartenant ; c'est ici que se réunissent en conciles depuis 17 siècles les maitres de la religion chrétienne qui y palabrent pour accorder tant bien que mal le récit de leur mythologie aux avancées des connaissances et des sociétés. À gauche au second plan la basilique et le monastère Agostiniano Santi Quattro Coronati. 
Un dessin préparatoire de 2,9 mètres de l'ensemble du panorama était présenté par la galerie Antonacci de Rome en 2006. Le seul extrait correctement reproduit est un détail de cette vue 5. Les arbres du premier plan sont absents, ou omis.
en 1850 Vue 5 par Loos 

Rome de Rome est le seul monument, disait déjà Du Bellay en 1558. Le seul monument qui reste de Rome est l'idée qu'on s'en fait. Continuons donc à la rêver.
Bonne balade !

dimanche 8 janvier 2023

Et rien de Rome en Rome n’aperçois (1 de 2)

Friedrich Loos, Panorama de la Rome antique, 1850, détail de la vue n°2.

Friedrich Loos, peintre paysagiste et scrupuleux né en Autriche en 1797, était très apprécié de son temps, au moins jusqu’à ses 60 ans, puis démodé, mais peignant et gravant encore après 90 ans. 

De 1846 à 1852 il faisait l’inévitable voyage en Italie auquel était tenu tout artiste plus ou moins fortuné du 17ème au 19ème siècle : Trieste, Venise, Florence, Rome, Naples, Capri, Rome, Gênes, et enfin le lac Majeur.

Lors de son second séjour à Rome, de fin 1849 à fin 1851, il réalisait un panorama de 180 degrés de la Rome moderne, des terrasses de la villa Mellini (devenue Observatoire astronomique de Rome) sur le Monte Mario , en 5 tableaux qu’on dit actuellement à l’ambassade d’Allemagne au Vatican mais dont on ne trouve pas trace sur internet. 
Et il peignait surtout durant ces deux années un monumental panorama de 360 degrés en 5 tableaux sur 5,33 mètres, de la Rome antique cette fois. Il s’était installé, pour les dessins préparatoires et les esquisses, sur la terrasse de la villa Mattei (villa Celimontana depuis, et siège de la Société italienne de Géographie), sur le Monte Celio, 7 km au sud-ouest de la villa Mellini, sur l'autre rive du Tibre.   

Ces 5 tableaux, à présent dans la collection de l’Alte Nationalgalerie de Berlin, ne sont qu'épisodiquement exposés. On trouve cependant d’assez bonnes reproductions téléchargeables sur le site du musée, et surtout de plus précises, grandeur nature, sur Gallerix, ce singulier site russe dont on vous débroussaillait jadis le mode d’emploi (les liens vers les 5 tableaux sont en fin de chronique).


F. Loos, Panorama de la Rome antique en 1850. Voir le commentaire qui suit.
 
En cliquant sur la longue vignette ci-dessus vous ouvrirez (l’affichage peut être un peu long) une image que vous pourrez télécharger de 22 867 pixels par 2 717 et 11 Mégaoctets reconstituant à peu près en taille réelle le panorama tel qu’exposé par Loos à Rome en 1852 (la vue 1 est répétée à droite pour visualiser la boucle fermée du panorama). Il ne le vendit pas alors. Il en demandait sans doute un montant justifié par l’ampleur de l’ouvrage.

Prenez le temps d’en découvrir les détails, d'en déduire la saison, l'heure, les activités humaines, peut-être les monuments. Dans la prochaine chronique nous orienterons les vues sur le plan de Rome et tenterons de faire un peu de topographie des lieux, et de repérer ce que le temps (en réalité l’humain) en a fait en 170 ans. 

 Liens vers les reproductions de chaque tableau séparément, sur le site de la Nationalgalerie (NG) et sur le site Gallerix (GX) dans l’ordre panoramique, de gauche à droite : 
1.NG - 1.GX - 2.NG - 2.GX - 3.NG - 3.GX - 4.NG - 4.GX - 5.NG - 5.GX.


samedi 22 octobre 2022

mardi 14 septembre 2021

Errer au Prado (2 de 2)

Suite et fin (temporaire peut-être) d'une visite du musée numérique du Prado.
 

Parmi les innombrables tableaux peints par Hubert Robert, si nombreux que personne n’a encore réussi à éditer un catalogue complet de son œuvre, le Prado héberge un des plus magistraux, hélas oublié dans les réserves.

Encore sous l’emprise de l’admiration pour son modèle Giovanni
Panini, Robert avait représenté vers 1760-70 le gigantesque amphithéâtre de Rome, le Colisée, sous un angle très ordinaire (aujourd’hui à l’Ermitage).
20 ans plus tard, devenu « Robert des ruines », il fouinait dans les dessins de ses 11 années de jeunesse passées en Italie et imaginait ce point de vue de l’intérieur du monument d’une ingénieuse subtilité (illustration ci-dessus).

Il y succombe comme toujours à son besoin de nous seriner, comme l’avait fait Du Bellay, que les plus grandes réalisations humaines, y compris les civilisations, disparaissent, alors que la vie, pourtant si fragile, demeure, étonnée voire amusée de cette inconstance.
Ici l’histoire s’inscrit logiquement, comme les fouilles, dans un mouvement de spirale autour d’un axe vertical, le temps, qui peut être lu dans les deux sens selon l’humeur du spectateur.

En bas, dans un grand trou circulaire et sombre se déroulent les fouilles, le passé à découvrir. Au dessus, dans une partie reconstituée des ruines, parmi un groupe de personnes en habits anachroniques pour certains, peut être un ancien ou un guide raconte le passé aux plus jeunes, ou joue une scène antique. En haut, de jeunes curieuses grimpent au sommet du tumulus et découvrent en contrebas, dans une position périlleuse, les fouilles réalisées. Ainsi le présent risque de tomber dans l’oubli.
On se rappellera le tableau du musée Cognacq-Jay, l’Accident, où Robert ironisait sur le même thème en faisant chuter d’une ruine un amoureux et son bouquet de fleurs directement dans un sarcophage antique.

 

Il n’y a pas un musée des beaux-arts qui ne possède une œuvre de la famille Francken, le plus souvent de Frans le deuxième. Il y aurait des milliers de tableaux. La dynastie a fleuri à Anvers pendant plus d’un siècle.
Au début du 17ème, à l’époque de Frans le fils, le plus prospère, et le plus talentueux, l’atelier était devenu le magasin de la Samaritaine.
On y satisfaisait toutes les envies du client. Tous les genres étaient au catalogue, allégories profanes, pièces religieuses, paysages animés (avec l’aimable collaboration de prestigieux collègues spécialisés dans le genre), natures mortes, scènes de sorcellerie, et le tout avec beaucoup de personnages dans des mises en scène savantes et souvent très originales. La pièce favorite était le cabinet de curiosités qui détaillait minutieusement la collection réelle ou rêvée du client. Des heures à découvrir les innombrables détails, on en avait pour son argent.

Un peu comme pour Hubert Robert (135 000 visiteurs au Louvre pour la rétrospective de 2016), la renommée de Francken n’est pas suffisamment élevée pour en faire une tête de gondole, c’est pourquoi nous conseillerons à tout amateur de belle peinture surpeuplée aux détails exubérants de se munir d’une accréditation sanitaire et de se rendre à Cassel dans le Nord, avant le 3 janvier 2022, au musée de Flandre qui consacre une grande exposition à la dynastie Francken.
La cotation très relative des Francken, l’éloignement de la capitale, et la crainte sanitaire qu’entretiennent les autorités devraient en faire une exposition apaisée et mémorable pour l’amateur intrépide.

En attendant, le site du Prado en présente une belle série de 22, essentiellement bibliques (détail d’un Ecce Homo ci-dessus). Sur place il n’en expose qu’un seul, et encore, temporairement.

 

Antonello de Messine était sicilien (évidemment) au milieu du 15ème siècle. Il a certainement découvert à Naples la peinture flamande alors prisée (peut-être celle de Petrus Christus), en Toscane celle de Piero della Francesca, et à Venise celle de Giovanni Bellini.

Chaque tableau d’Antonello évoque une de ces influences, à l’exception de ce Christ mort pleuré par un ange, peint à l’huile et la tempera sur un panneau de bois (détail ci-dessus). Il daterait de la fin de la courte vie d’Antonello.
Pour une fois dans sa rare production, on ne se trouve pas devant un cadre bien équilibré où s’inscrivent des personnages peints avec distance, voire froideur. Ici les personnages, décentrés, débordent du cadre, comme si l’évènement s’était produit là, hors de la volonté du peintre, qui aurait préféré bien centrer son sujet et ne pas rogner l’aile de l’ange ni le mur de Jérusalem (en réalité ce serait Messine). Au cadrage « instantané » s’ajoute un réalisme des attitudes et des expressions, unique chez Antonello.

Dans la réalité le tableau est exposé au niveau zéro du musée.

 

Terminons cette errance au Prado par Joachim Patinir ou Patenier, paysagiste rarissime du début du 16ème siècle dont on connait moins d’une vingtaine de paysages, tous exceptionnels. Le Prado en expose 4, dans la même salle, la plus belle collection qui soit.

Une conservatrice du Prado qui commente une courte vidéo sur le Passage du Styx nous apprend que le peintre a figuré, sur 2 de ces 4 tableaux, un minuscule personnage en train de déféquer, et que pour cela Patinir avait été surnommé « der kacker » (el defecador).
Reconnaissons qu’en fouillant tout Patinir sur les médiocres reproductions disponibles, nous n’avons trouvé pour l’instant que les deux impatients du Prado, qui mesurent respectivement 1 cm. au fond, près des cochons, derrière un arbuste (illustration ci-dessus), et 8 mm. sur la berge du Styx devant un squelette de monstre marin.

On notera à la poursuite de ce Graal que l’œuvre de Patinir, très bucolique, comporte finalement beaucoup plus de lapins que de défécateurs.

dimanche 18 octobre 2020

La vie des cimetières (97)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 3ème partie (de 3)
Arbres et saisons

Ifs, pins, thuyas, cyprès, cèdres, évoquent peut-être la persistance de la mémoire, ou tout autre valeur de permanence bien venue dans un cimetière, en tout cas leurs silhouettes majestueuses font toujours très décoratif, en toute saison, sur une lande un peu désolée, notamment quand l’âge leur a donné la forme d’immenses brocolis exotiques.
 

Difficile de trouver plus typique que le vieux cimetière de Tullybuck, pas tout à fait abandonné, au cœur du pays. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Kilbannivane à Castleisland. On prévient le visiteur que le sol est accidenté et que les objets de valeur laissés dans les voitures en stationnement devraient être soigneusement dissimulés. À propos de brocolis géants, s’il y a un botaniste dans la salle, quels sont ces arbres ? des cyprès ? (Copyright Google Maps)

Ahenny, autre vieux cimetière pittoresque, avec, en bonus, deux antiques hautes croix celtiques superbement ouvragées. (Copyright Google Maps)

Un cimetière généreusement arboré, agrémenté de quelques croix celtiques, même orné d’une ruine murée et placardée d’avertissements, fait tout de suite plus animé, comme ici le vieux cimetière de Glencullen. (Copyright Google Maps)

Il a bien fallu, en 10 ans, 3 ou 4 passages de Google Street view au long du cimetière d’Aghadoe, aux portes du  parc national de Killarney, pour noter que la cathédrale en ruine, réduite à quelques pans de mur sans toiture, était « fermée temporairement ». (Copyright Google Maps)

Il y a des cimetières où on aimerait enterrer une âme sœur, pour s'y rendre souvent en pèlerinage, en toute saison. Google Street view le sait, qui y retourne régulièrement, comme à Kildownet (ou Kildavnet), en 2009, 2011 au printemps et 2019 en automne. Ne manquez pas, sur la route du détroit (vous êtes sur Achill island), à 200 mètres vers le sud, la tour solitaire du clan O’Malley. (Copyright Google Maps)

Au style typique des films de genre, mais pimpant au printemps (ici en juin 2011), le vieux cimetière de Glenties est certainement à découvrir par une nuit de pleine lune. Spacieux et bien agencé, il permet de nombreux angles télégéniques. Une petite échelle de 3 marches près du pilier d’entrée à gauche évite l’escalade du mur si la grille est fermée. (Copyright Google Maps)

Record mérité, Google Street view est passé 7 fois en 10 ans par le cimetière de Drumcliffe, le Drumcliffe du nord, le plus célèbre, où est enterré le grand poète et prix Nobel irlandais, W.B. Yeats, avec son parking dédié et sa cafeteria. 
En réalité - ne le dites pas aux touristes - s’il y a des restes humains dans sa tombe, ce ne sont pas ceux de Yeats, ou alors, par un pur hasard, un ou deux extraits, pas plus. Enterré un peu négligemment en 1939 à Roquebrune en France, dans une fosse commune, il a fallu en inventer les morceaux au moment de son rapatriement en 1948…   
Néanmoins on notera à l’horizon, le plateau enneigé en haut des falaises de la magnifique montagne Ben Bulben. (Copyright Google Maps)


Enfin, on ne pouvait pas terminer cette tournée des cimetières irlandais sans tenter d’y entrer. Or Google a visité en détail le très populaire Glasnevin cemetary de Dublin. On peut le survoler en 3 dimensions, et en parcourir les principales allées. On dit que c’est un « véritable musée en plein air » comme le Père-Lachaise à Paris, ou le cimetière monumental de Milan. N’exagérons pas, la statuaire visible y semble remarquablement fade et mièvre.  

 

mercredi 7 octobre 2020

La vie des cimetières (96)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 2ème partie (de 3) 
Églises et embruns

Tout cimetière irlandais convenable devrait entourer une église. Mais la considération pour la religion semble moins durable que le respect pour les défunts. On trouvera donc beaucoup d’églises en ruine, ou en bonne voie, environnées de sépultures fraiches et fleuries. Parfois l’ensemble sera situé en bord de lac ou de mer. Plaisance, détente, repos.
 

Lough Gur graveyard, le cimetière irlandais idéal, du gris et du vert au bord d’un lac, dans un site immémorial, touristique et mégalithique, accessible par une voie goudronnée. Que demander de plus ? (Copyright Google Maps)

Un autre cimetière bien sympathique, celui de Kilronan, dans un site magnifique, au bord du Lough Meelagh, lac poissonneux, qui fait cohabiter avec bonheur tombes récentes et ruine romantique, et équipé d’un petit parking fort pratique. (Copyright Google Maps)

Cimetière d’Ahamlish. En 2010 l’accès à l’église était muré et déconseillé, aussi bien que la décharge de détritus, punissable d’une amende de 3000 euros. (Copyright Google Maps)

Le cimetière d’Aughaval est très vaste, la partie en ruine ne constituant que le nord que longe la route R335. Vers le sud, le cimetière devient plus vivant, si l’on peut dire. Les chiens y sont interdits, sous peine d’une amende de 150 euros, à l’exception des chiens errants, qui sont insolvables. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Canice à Eglinton. L’endroit, près de Londonderry en Irlande du nord, semble très fréquenté, Google Street view y est passé 6 fois (ici en avril 2011). L’église, très soignée, n’est pas du tout en ruine, mais on pressent comme une ombre sournoise… (Copyright Google Maps)

Dans la banlieue de Dublin, à deux pas de la plage, du port de plaisance, du golf et d'un centre de loisirs, sur la presqu’ile d’Howth, le cimetière de l'abbaye Sainte Mary est vanté par tous les guides touristiques. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Cloughor vaut évidemment par sa situation en face d’une grande plage abritée du vent atlantique, au sud de l’ile d’Arranmore, au nord de l’Irlande. L’ile, vaste mais qui se dépeuple rapidement, a récemment supplié Australiens et Américains de venir s’y installer. Pour mémoire, les locataires du cimetière ne sont pas comptés dans les statistiques de population. (Copyright Google Maps)

Le vieux cimetière d’Inver entoure une église en ruine difficilement accessible. La notice du site de généalogie du comté de Donegal dit qu'il a été fondé après 1460 et abandonné vers 1900 (pourtant il présente des photos de tombes récentes). Il précise que le sol en est accidenté et les noms effacés par les quantités de sable apportées par le vent. (Copyright Google Maps)

À suivre...