Affichage des articles dont le libellé est Brueghel (ou Bruegel). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Brueghel (ou Bruegel). Afficher tous les articles

mardi 4 octobre 2022

Promenade à Detroit

André Kertész, Homing ship, photographie, New York 1944 (Detroit institute of Arts).

Notre civilisation, fière de ses avancées, réalise qu’elles la conduisent inévitablement vers l’abime. Alors elle commence à réagir par de petites mesures sur les conséquences plutôt que sur la cause. Il semble bien que nous devrons désormais, habitants sans privilèges de l’Europe de l’ouest, renoncer à aller visiter ces musées du Nouveau Monde qui nous auront fait rêver, Chicago, New York, Boston, Philadelphie, Detroit… 
Qu’à cela ne tienne ! C’est le rôle des rêves de ne jamais se réaliser. Tant que nous avons un reste d’électricité et un logiciel de navigation (et aussi des tas de serveurs informatiques dans des paradis fiscaux). Les musées américains sont éloignés mais leurs sites sur internet sont prodigues. 

Le Detroit Institute of Arts, un des 10 premiers musées des États-Unis par l’ampleur de ses collections, en partage une grande partie dans de belles reproductions copiables et aux dimensions honorables (2048 pixels).  

Constituée depuis les années 1880 par les magnats et bienfaiteurs de l’humanité, de la presse et de l’automobile que furent les Dodge, Firestone ou Ford, la collection était estimée plus de 8 milliards de dollars en 2014, lorsque la ville de Detroit qui la gérait, en faillite après l’abandon de ces mêmes bienfaiteurs de l’humanité, menaça d’en mettre une partie à l’encan, la plus vendable, Brueghel, Rembrandt, Van Gogh, Matisse. Des solutions de financement furent finalement trouvées, mais l’administration du musée était toujours instable quand survinrent la pandémie de 2020, puis la crise économique. Depuis, nous n’avons plus de nouvelles (pour être honnête, nous n’avons pas cherché à en avoir, afin de maintenir cet optimisme qui fait la marque de fabrique de Ce Glob).  

S’il faut croire l’encyclopédie Wikipedia en anglais, l’évènement marquant de la vie du musée advint le 24 février 2006, quand un garnement colla son chewing-gum sur un grand tableau de 2 mètres d’Helen Frankenthaler. Après 4 mois d’acharnement la toile restaurée par le laboratoire de conservation du musée était comme neuve. On aura frôlé la catastrophe. Par chance le scandale a été oublié car c’était également le jour où les Detroit Pistons ont vaincu les Chicago Bulls.

Pratique : 
La visite des collections se fait par pages de 8 à 9 vignettes, ce qui est assez laborieux, par exemple quand la recherche des mots "de La Tour" annonce 5417 pages. Par chance les premiers affichés seront les résultats qui comportent les 3 mots recherchés (pour trouver une expression exacte, entourez-la de guillemets doubles).
Il faudra également renoncer à déambuler comme dans les salles d’un musée. Pas de consultation de l’ensemble du catalogue en vignettes ; ici, il faut savoir ce que l’on veut. Mais la fonction de recherche est assez généreuse si on saisit des mots anglais suffisamment généraux comme painting, watercolor, etching, pastel, sculpture, french, et si on utilise les filtres fournis, par collection et par date.

Notez enfin qu'il n'est pas rare, après un peu d'attente, de recevoir temporairement et aléatoirement, au lieu de la page demandée, une page "Pardon our dust", qui signifie "pardonnez notre poussière" ou prosaïquement "Site en travaux, revenez dans un temps indéterminé".


Karel Dujardin, détail de la Sainte famille de retour d'Égypte, 1662 (Detroit institute of Arts).
 
Voilà une litanie de liens qui allécheront alphabétiquement le chaland :

Bouguereau, ouvrons avec les mièvres Cueilleuses de noisettes, car il parait que c’est, comme la Joconde au Louvre, de loin le tableau favori des visiteurs du musée (nous ne commenterons pas). Breton, Jules, un curieux incendie dans une meule de blé. Bronzino, 3 belles choses. Pieter Brueghel l’ancien, la fameuse Danse de mariage et de nombreux détails (voir les flèches en haut à gauche dans la fenêtre de zoom). Butinoneâmes sensibles, évitez ce lien - le Massacre des innocents. Caravage, Marthe et Marie-Madeleine. Church F.E, la côte de Syrie. Jan de CockLoth et ses filles. Karel Dujardin, Retour d’Egypte. Fussli, le célèbre Cauchemar. Orazio Gentileschi, Femme au violon. Henri Gervex, Café à Paris. Ghiglia - La rose artificielle (il y a un piège dans le titre). Hammershøi, encore une femme dans un intérieur. M.J. Heade, un Paysage de mer. Holbein, un portrait de femme. André Kertész, beaucoup de belles photos dont la magnifique Homing ship

Pause détente, avec le Salvator Mundi présumé de Léonard de Vinci. Pour qui regretterait la disparition du tableau à 450 millions de dollars dans le désert saoudien, Detroit en possède un clone très ressemblant, aussi inexpressif, attribué un temps à Léonard, puis à son "fils adoptif" Salaï, puis à Giampetrino. Mais où s'arrêteront-ils ?

Reprenons avec Alfred Leslie, une violoniste. Detroit possède peut être l'intégrale des gravures de Martin Lewis, et nombre de dessins préparatoires. Nous en parlions en 2009, mais la plupart des liens sont morts. En voici quelques autres : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7. Liotard, portrait au pastel de Marie-RoseThomas Moran, une Venise à la Turner. Rembrandt Peale, un homme lisant à la chandelle. Jan Provost, un délicieux Jugement dernier. De Rauhauser une longue série de photos, dont Car wreck. W.T. Richards et sa Long Branch Beach. Jacob van Ruisdael, le célèbre Cimetière juif. Gilbert Stuart, les beaux portraits de la famille Todd. Un Ter Borch rare, l'homme lisant. Une extraordinaire scène goyesque avant Goya d'Adriaen van de Venne, Quaet slagh ou Angry blows (?) Un étrange portrait d'homme par Velázquez. Une mer calme de Simon de Vlieger. Un intérieur de Vrel. De Richard Wilson, un paysage avec un moine blanc difficile à distinguer. Enfin, les spectaculaires Bottes marines d'Andrew Wyeth.

mercredi 14 septembre 2022

Le marché au détail (3 de 3)


Encore quelques détails d’œuvres passées en vente publique ces dernières années. Aujourd’hui des scènes infernales et de sorcellerie du 17ème siècle en Hollande, entières cette fois. 

À la suite de Jérôme Bosch puis de la lignée des Brueghel, les peintres flamands et hollandais des 16ème et 17ème siècles, en moralistes astucieux, moquaient l’humain, ses conceptions délirantes et son agitation hystérique, tout en faisant croire aux autorités religieuses qu’ils peignaient le monde futur imaginé pour menacer les mécréants. 
Ça devait être un plaisir bien divertissant que de peindre ces scènes surréalistes avant l’heure, pleines de sorcelleries et de bestialités en tout genre, de choses grouillantes et de congénères grignotés par des monstres antipathiques. Ça les changeait des angelots grassouillets et des vierges immaculées.

En haut, Cornelis Saftleven, une superbe "scène animalière" vendue par Christie’s 10 fois l’estimation, en mai 2012.
On a retenu le nom de Cornelis Saftleven pour ses curieux tableaux de genre, folies animales, allégories moralisatrices, et on oublie qu’il était un maitre de son art, de l’envergure d’un Rembrandt, comme dans cette scène, ou celle-là. Pour mémoire, il n’y a plus guère que sur le site monstrueux de l’illustrateur Aeron Alfrey, MonsterBrains, qu’on trouve des reproductions acceptables de Saftleven.

À gauche, une scène de sorcellerie de Van Wijnen, dit Ascanius, habitué du genre, vendue par Sotheby’s en juillet 2016. Ascanius était aussi pourvoyeur de scènes bibliques délirantes, carrément cosmiques comme cette Tentation de saint Antoine, ou cette Création (admirez la partie de billard électrique au centre, une sorte de Salvador Dalí du 17ème siècle). Les bonnes reproductions de Wijnen semblent introuvables. 

Enfin à droite, une scène de sorcellerie par un peintre hollandais non identifié actif à Rome au 17ème, mise aux enchères vers 2020, et en bas une scène de l’Enfer dans le style de l’école hollandaise au 17ème, en vente chez Sotheby’s en janvier 2021.
Toutes ces informations sont d’une précision douteuse, convenons-en, mais quelques détails sont amusants.


mercredi 4 mai 2022

Mais comment diable m’abonner à ce blog ?

Si l’informatique n'est pour vous qu'un brouillard, si vous vous perdez dans ces innombrables systèmes qui font tourner, sur des appareils disparates, des milliers de logiciels difficilement compatibles entre eux, il faut vous en prendre à l’Éternel. Les livres les mieux documentés l'ont dit depuis des siècles : c’est parce que l’humain, qui avait la ferme intention de reprendre ses turpitudes d’avant le Déluge, a construit une tour qui dépassait largement la hauteur d’eau atteinte par la crue biblique, grâce à quoi il pensait pouvoir forniquer, violenter, assassiner et blasphémer à profusion, persuadé que le niveau de la prochaine punition divine ne pourrait pas l’atteindre. L’histoire se passait à Babel. Mais l’Éternel, malin, changea de tactique, et alors qu’à l’époque l’informatique se résumait à un système unique et un seul logiciel sur un seul type d’appareil, on se retrouve aujourd’hui avec des milliers de marques, de normes, de standards, de particularités nationales, de langues, le tout si bien combiné qu’on ne sait même pas comment s’abonner à un simple blog.
(La tour de Babel © Pieter Brueghel l'ancien, musée Boijmans, Rotterdam).

 
Presque chaque année une personne au moins annonce à l’auteur de ce blog, animée d’une feinte confusion « mais comment être prévenue quand vous publiez une chronique ? », pensant ainsi lui faire avaler qu’un petit obstacle technique l’a empêchée de jamais lire sa prose, qui pourtant promettait des sujets si alléchants, dit-elle. L’auteur, bien élevé, se garde de lui rappeler que ses chroniques sont quasiment hebdomadaires.

Naguère Gougueule, à qui Ce Glob est Plat appartient corps donc âme, proposait gratuitement une fonction qui enregistrait les adresses de courriel des volontaires souhaitant recevoir un avertissement dès la parution d’un nouvel article de blog. Ce Glob est Plat n’y a jamais souscrit. Il a bien fait car la firme vient de supprimer cette fonction en 2021, laissant les auteurétrices de blog se dépatouiller avec une liste d’adresses courriel d’abonnés abandonnés désormais sans nouvelles.

Or il a toujours existé une solution idéale à ce problème : un petit logiciel qui prévient quand les sites que vous lui avez demandé de surveiller postent un nouvel article sur internet (*). Ce logiciel existe, en divers modèles, sur toutes les machines, tablettes, téléphones et systèmes d’exploitation, souvent gratuit ou pour quelques euros (éliminez d’emblée ceux qu’on paye par abonnement, vous en devenez le pigeon).  

(*) Certains navigateurs internet remplissent cet office en regroupant dans un menu les nouveautés des sites suivis, mais la solution n’alerte pas l’utilisateur, et semble assez mal maintenue. Par ailleurs, Il existe fort probablement un moyen de créer un lien dynamique vers un blog, quelque part sur la page d’accueil de votre résossossiot préféré. Mais n’ayant aucune science de ces logiciels bouffeurs de cervelle, l’auteur ne vous sera là d’aucun secours. 

Cette solution est si peu connue de l’internaute ordinaire que ce type de logiciel avertisseur n’a pas trouvé de nom simple et évocateur. On l’appelle Lecteur de flux RSS (Really Simple Syndication), parfois Agrégateur de flux, ou Abonnement à des contenus, ou le poétique Lecteur de syndication de contenu au format RSS-XML.
L’encyclopédie Wikipedia en dit "Bref, un moyen idéal de survoler l'actualité lorsqu'on n'a pas le temps de parcourir un site, ou afin de faire un tri parmi les informations qui nous intéressent."

Vous fournissez au logiciel l’adresse des flux d’abonnement (**) des sites que vous souhaitez suivre, et il vous avertira et présentera à tout moment la liste des nouveaux articles. Vous éliminez alors d’un doigt les articles qui vous ennuient et lancez directement la lecture de la dernière chronique de Ce Glob est Plat. Et tout en la cherchant éperdument, parcourant d’un œil distrait les titres récents des médias conventionnels que vous suivez aussi, vous vous serez informés sur le sort de notre planète, et ainsi serez parmi les premiers à savoir si on doit désormais, par rigueur grammaticale, appeler "deuxième" ce qui était hier encore la "seconde" guerre mondiale, ce qui n’est pas un mince avantage.
   
(**) L'adresse du flux RSS n’est pas l’adresse du site. On la trouve en cherchant Flux RSS, ou Feeds sur le site, ou une icône orange ; certains lecteurs de flux la dénichent automatiquement à partir de l’adresse du site. C’est https://ostarc.blogspot.com/feeds/posts/default pour Ce Glob.
 

Mais alors, pensez-vous déjà, pourquoi n’en parle-t-on jamais, si c’est la manière idéale d'être informés seulement de ce qu’on a demandé, sans être pollués par tout ce qui est inutile ?

Vous avez peut-être répondu ! Les médias cherchent à vous vendre tout ce qui vous est inutile, le vent autour des émissions de radio ou de télévision, les publicités surgissantes et les animations qui détournent votre attention sur les pages internet. Or, comme tout système destiné à revoir ou réécouter une émission de télévision ou de radio (replay, podcast), et qui permet d’éviter aisément toutes ces incommodités, les lecteurs de flux RSS savent, soit présenter les articles désinfectés dans leur propre éditeur, soit vous emmener directement à l’article voulu, en esquivant toutes les nuisances et tentations intempestives, comme un service à domicile.  

POUR ALLER PLUS LOIN : Afin de trouver le logiciel avertisseur qui correspondrait à votre idiosyncrasie technique, toutes les questions seront traitées dans les commentaires de la présente page avec les plus parfaites rigueur, objectivité, honnêteté, franchise, et certainement incompétence, car les appareils, systèmes d’exploitation, et logiciels sont nettement plus nombreux qu’à l’époque sacrée de la tour de Babel.

lundi 22 novembre 2021

Loin de Vienne

Un des Lorenzo Lotto du Kunsthistorisches Museum de Vienne. 
D'accord, tout le monde parait s'y ennuyer solidement, la pose sans bouger devait être longue et éprouvante, mais quel bleu !


« Il faut aimer la peinture Flamande et académique jusqu'au XVIIIième. Le musée est triste, les salles immenses ! […] Le prix élevé n'est pas mérité. Il faisait tellement beau dehors que nous sommes ressortis très vite. »
Un commentaire en septembre 2021 sur TripAdvisor, site international du voyageur cultivé qui pratique la numération romaine.

Le Kunsthistorisches Museum (KHM) abrite, au cœur de Vienne, en Autriche, la galerie de peinture ancienne la plus riche d’Europe (au mètre carré), et, par bonheur, une des moins visitées : 600 000 par an d’après Wikipedia. Imaginez des salles 15 fois moins peuplées que celles du Louvre !
Il expose pourtant les tableaux les plus connus des peintres les plus fameux du 15ème au 18ème siècle. Bien entendu depuis presque 2 ans les nombreuses restrictions des nations au droit de voyager limitent sérieusement les visites sur place. Reste le voyage immobile.  

Le site internet du musée remonte hélas presque à l’époque de la collection, pas autant que celui du Louvre néanmoins puisque des reproductions libres de droits et d’assez bonne qualité (jusqu’à 3000 pixels) de 25 000 œuvres, dont 2500 tableaux, sont disponibles.

Mais le site est peu fait pour la flânerie. Il faut savoir à l'avance ce qu’on y cherchera afin de filtrer et réduire le nombre de résultats.
Car comme le site de l’Art Institute de Chicago, celui du KHM affiche chaque page suivante d’une recherche en rechargeant l’ensemble des précédentes, si bien que, vers la page 20, il commence à dérailler et présenter des œuvres en double, triple, puis vers la page 30, tout bascule et les écrans se répètent, tous identiques. Alors on renonce, réalisant que tel Sisyphe on n’atteindra jamais les dernières œuvres de la requête. 

Pour confondre les incrédules et inciter les autres à aller y réviser, avec prudence dans les recherches néanmoins, les chefs-d’œuvre du passé, voici un florilège dans un ordre vaguement alphabétique. Ne tardez pas trop à les récolter, tous ces liens pourraient vite devenir caducs, le site est vétuste et l’hiver n’est pas loin.

Passons sur le joyau du musée, les 11 Brueghel père, déjà évoqués lors de la grande rétrospective de 2018 à Vienne et toujours visibles en gigapixels sur un site dédié miraculeux. Seul le Suicide de Saül, alors en restauration, manquait. Le voici aujourd’hui (ci-dessous), lisible et grandiose (mais pas en gigapixels).

Le 12ème Brueghel du musée, le suicide de Saül, enfin visible et limpide.
 

La visite commence, installez-vous, et un peu de silence s’il vous plait…

D’Altdorfer, cette résurrection volcanique parmi d’autres, d’Antonello de messine, sainte Dominique, de Baldung Grien, la Mort et sa salière, quelques beaux Jacopo Bassano, des Bellotto en pagaille, évidemment des vues de Vienne, le plus léché des Bronzino, le 12ème des Brueghel, le suicide de Saül, encore un suicide, celui de Cléopâtre par Cagnacci où la pleureuse au fond semble être le même personnage qui s’est déplacé pendant la pose comme dans un tableau animé, les 3 plus beaux Caravage, les Corrège les plus fumeux ou fantaisistes, des portraits incomparables de Cranach, un triptyque de Gérard David mal reproduit, deux superbes Del Mazo décidément très inspirés de Velazquez, des Dürer mémorables, des Francken comme s’il en pleuvait, 2 merveilles méconnues de Geertgen (Gérard) de saint Jean, peut-être le plus beau tableau de Gentileschi (Orazio, le père évidemment), 4 ou 5 Giorgione des plus réussis, de beaux Guardi, Holbein le jeune, 4 rares Wolf Huber mal reproduits, une scène plus rare encore et singulière, de Jacobus Mancadan dont il faudra un jour parler, un sobre portrait par Juan de Flandes, le plus fameux des Jordaens qui éclate lui aussi de retenue et de discrétion, parmi les Lorenzo Lotto le plus beau certainement (voir illustration), une salle d’interrogatoire accueillante par Magnasco, deux rares Patinir, fantastiques et bien reproduits, un étrange tableau de Christoph Paudiss, curieux peintre bavarois à suivre, quelques Rembrandt bien frappés, un déluge de Rubens, de beaux Johann Schönfeld, bon nombre de Spranger, un charmant Ter Borch intimiste (n’oubliez pas de zoomer), et puis des masses de vénitiens, Tintoret, Tiziano Vecellio (Titien), plein de paysages animés de Lucas Valckenborch, de Van der Goes sainte genoveva et son petit démon, et une pathétique descente de croix, de Rogier Van der Weyden l’immense triptyque de la crucifixion et ses anges presque noirs, un singulier portrait triste (peut-être un autoportrait) de Samuel van Hoogstraten derrière une fenêtre, des chefs-d’œuvre de Velazquez, l'atelier de Vermeer, une série d’architectures rêvées par Vredeman de Vries, et enfin une sombre image de confinement par Jacob Vrel.  

Qui dit mieux ?

Ajoutons pour être complet que le KHM a concédé au site Google Arts&Culture, naguère Google Institut culturel, et jadis Google Art project, l'autorisation de reproduire dans un ordre proche de l'aléatoire et une qualité nettement supérieure 100 de ses tableaux, dont bon nombre de notre florilège. La visite vaut réellement le coup d'œil pour qui souhaite en examiner des détails. 

N’oubliez pas le guide… Merci.
 

vendredi 2 octobre 2020

Quelques actualités provisoires

Au fil des ans, certaines des 719 chroniques de Ce Glob ont reçu une ou plusieurs mises à jour pour correctif ou information actualisée, sous la forme d’un petit codicille daté, à la fin de la chronique. Et en dépit de beaucoup de temps perdu dans des forums spécialisés dans la langue de Walt Disney, la recherche d’un moyen, sur l’éditeur du blog, d’alerter le lectorat sur une mise à jour est restée infructueuse.
Alors pour savoir s’il y a des actualisations, et où elles se trouvent, il est nécessaire de rechercher « mise à jour » dans le blog au moyen du dialogue dans l’en-tête, ce qui n’est pas réellement convivial.

Aussi, malgré une actualité culturelle très indécise, voici, pour égayer le trimestre prochain, quelques mises à jour notables et relativement stabilisées...

Mad meg à Nancy au Musée des beaux-arts

Il n’est pas si facile de voir réellement des dessins de mad meg, parce qu’ils sont immenses, et parce qu’elle n’a pas encore la notoriété de ses ainés, Bosch, Brueghel et consorts. Mais c’est en bonne voie, le musée des beaux-arts de Nancy, judicieux comme souvent, vient de lui acheter son immense Cène « Feast of fools », et lui a demandé de fouiller dans les collections de gravures et dessins du musée et de concevoir une exposition autour de certaines de ses propres œuvres.
Ça se passe au musée, place Stanislas, du 10 octobre au 31 janvier, c’est ouvert à toute personne de tout âge et de tout genre, dont la température corporelle est comprise entre 35° et 38°C. Allez-y, ne serait-ce que pour faire un bilan de santé.

L’âge d’or de la peinture danoise à Paris au Petit palais

C’est l’exposition parisienne à ne pas manquer cette année, un peu comme la comète de Halley en plus modeste, elle ne passe au même endroit que tous les 35 ans ! 
Jusqu’au 3 janvier, vous y verrez 200 parmi les plus beaux tableaux de la peinture occidentale, mais vous ne le savez pas encore, les médias sont discrets. On en a suffisamment parlé ici en février dernier. Il ne devrait pas y avoir plus de monde qu’au Grand palais en 1985, mais ne vous étonnez pas si aujourd’hui tous sont masqués.
 
Josef Koudelka à Paris à la Bibliothèque nationale de France


S’il vous reste un peu de temps à Paris jusqu’au 16 décembre, mettez-le à profit pour traverser la Seine jusqu’au quai François Mauriac, vous y verrez un certain nombre, peut-être une centaine, des 170 grands panoramas de ruines méditerranéennes photographiées par Koudelka et offertes à la BnF.
En page 5 du dossier de presse vous en trouverez 12 petites reproductions. Surtout lisez bien les « Conditions d'utilisation des photographies » car il vous sera demandé de les effacer de votre mémoire, par tous les moyens pharmaceutiques appropriés. 
 
Ces paysages vides d’humains ne sont pas seulement les ruines d’une civilisation lointaine, il est bien possible qu’ils soient celles de l’Humanité. C’est ce que précise l’exergue de Koudelka « Les ruines ne sont pas le passé, mais le futur. Un jour, autour de nous, tout sera en ruine ». 
 
***
En illustration, détail d’une photo prise par Josef Koudelka en 1971 en Andalousie, à Grenade, publiée ici sans aucune autorisation.

dimanche 17 février 2019

Peinture flamande au détail

Van Eyck Jan, détail de l'ange de l'annonciation, un des panneaux du polyptyque de l'Agneau mystique (Gand, Saint Bavon).

Décidément, ce sont les peintres flamands des 15ème et 16ème siècles qui font l’objet des zooms les plus astronomiques sur internet. C’est compréhensible, ils passaient des mois à fignoler les plus petits détails. Un tableau devait être parfait, de près et de loin, comme la nature.

Il y avait déjà le plus fameux des triptyques de Jérôme Bosch et 11 tableaux de Brueghel, s’y ajoutent une vingtaine d’œuvres de Van Eyck et quelques Van der Weyden.

Pour Van Eyck c’est la continuation du projet de restauration du polyptyque de l’Agneau mystique à Gand (1), qui a incité à l’utilisation des mêmes méthodes sur 20 autres œuvres, de musées européens pour l’instant (projet Verona).

Pour Van der Weyden, c’est la continuation du projet Google Art and Culture, avec une quinzaine de très belles reproductions, bien que nettement moins détaillées que dans le projet Verona.

À l’exception d'une reproduction monstrueuse de la descente de croix du Prado, peut-être héritière orpheline du projet de 2009 entre le musée et Google. Le fichier d'origine mesure 30 000 par 23 000 pixels, ou 200 mégaoctets. En fonction de sa puissance, votre machine aura sans doute beaucoup de difficultés à l’afficher, et se mettra peut-être à fumer. Dans ce cas, utilisez cette version moindre (15M pixels et 26M octets).

50 œuvres flamandes au détail, c’est peu, mais ne boudons pas, dégustons-les sans tarder, multiplions les téléchargements et à défaut les copies d’écran des plus beaux détails. Car un lien sur internet survit rarement plus de quelques années.

***
(1) La restauration du polyptyque de Gand, commencée en 2010, demandera plus d’une douzaine d’années. Seuls les panneaux extérieurs, soit un tiers de la surface, sont aujourd'hui achevés. Les panneaux intérieurs sont en cours. Leur restauration est visible au musée de Gand, dans une grand cage de verre, comme au zoo.


Van der Weyden (Rogier de la Pasture), détail du diptyque de la crucifixion (Philadelphie).

mercredi 10 octobre 2018

Brueghel au détail

Brueghel l'ancien (ou Bruegel), détail de la Tour de Babel (ci-dessus) et des Jeux d'enfants (ci-dessous).

L’histoire « du » Pieter Brueghel l’ancien de la reine d’Angleterre était évoquée ici-même récemment. De son côté, le Kunsthistorisches museum de Vienne détient 12 tableaux unanimement attribués au peintre (et autant de controversés).
Sur le site du musée, ils bénéficient d’une reproduction de qualité mais peu zoomable (1), et les grande scènes de foule avec leurs centaines de personnages individualisés, spécialité de Brueghel l’ancien, n'y sont pas vraiment lisibles.

Alors remercions la grande rétrospective que le musée consacre actuellement au peintre, car elle a occasionné la création d’un site (2) propre à ravir le voyageur immobile, et dont on espère qu’il n’ira pas se perdre trop vite dans cet interminable couloir électronique rempli de portes qui affichent toutes le même numéro 404 et s'ouvrent sur le vide.

Parmi les 12 « vrais » Brueghel du musée, 11 ont été photographiés en astronomiquement haute définition, et on s’y promène avec une aisance vertigineuse comme à la pointe du pinceau du peintre.

Il n’y a rien à ajouter. Même à Vienne devant les originaux, sous un éclairage moyen et avec un temps limité par la poussée de mille visiteurs dans votre dos, vous ne verriez pas le centième de chacun des tableaux reproduits ici. Aucune chance de découvrir le personnage qui se libère d’un fardeau au bord d'un ruisseau au pied de la « Tour de Babel », ou le joueur de cornemuse à la fenêtre qui a présumé de son appareil digestif dans le « Combat de carnaval et carême ».

Pour les pervers, les tableaux sont également visibles sous une lumière infrarouge ou sous des rayons X, et les amateurs d’envers pourront examiner le revers des tableaux avec le même luxe de détails.
Notez que le 12ème, l’extraordinaire et minutieux « Suicide de Saül » de 1562, en cours de restauration, est absent du site.

Prévoyez quelques jours de congé.

***
(1) Pour les puristes, le mot est dans le dictionnaire Le Robert. Et sinon, qu’auriez-vous écrit ?
(2) Source des images : www.insidebruegel.net 

Brueghel l'ancien, détail de Chasseurs dans la neige.

Brueghel l'ancien, détail du Portement de croix.

Brueghel l'ancien, détail de la Conversion de Saül.

Brueghel l'ancien, détail de la Conversion de Saül.

Brueghel l'ancien, détail de la Conversion de Saül.

vendredi 5 octobre 2018

La collection de la reine


Lorenzo Costa, Portrait de femme au petit chien, c.1500 (détail), exposé au château de Windsor.

On dit que la reine s’ennuie, dans son palais de Buckingham, depuis 65 ans, et qu’elle passe ses jours à éteindre les lampes que son entourage oublie. Il faut dire que son budget de fonctionnement a été divisé par trois, au fil des années.

Quand le soir tombe, après les heures de visite, elle se promène parfois dans les couloirs de la « Queen’s Gallery », la collection d’œuvres d’art confiées à la Couronne.
Elle se dit qu’il faudra bien un jour dire adieu à tous ces portraits peints qu’elle a, pour certains, rencontrés vivants. Elle pense qu’il faudra alors remplacer les grandes lettres sculptées ou gravées sur les frises et frontons et qui annoncent la Queen’s Gallery, par « King’s Gallery », sans doute. Et c’est idiot, mais il n’y a pas le même nombre de lettres. On devra peut-être changer tout l’ensemble en augmentant légèrement la taille des caractères. Encore des dépenses.

Le site internet qui présente la collection, prévoyant, n’aura rien à substituer puisqu’il parle déjà de « collection royale ». Elle compte 450 œuvres exposées, et 5500 peintures, 9500 aquarelles et 250 000 autres choses, dans les réserves.

Jakob Philipp Hackert, Cascade à Isola del Liri, 1793 (détail), Collection royale.

On y trouve quantité de chevaux, de bateaux, de soldats, de chevaux, de princesses, d’hommes importants abondamment médaillés, de chiens, de chevaux, de reines, de moutons, de scènes de bataille, sans oublier les chevaux.
En somme beaucoup de croutes et de navets, mais comme on ne peut pas se tromper tout le temps, il y a fatalement de beaux tableaux et quelques chefs d’œuvre.
Ne reculant devant aucune compromission, Ce Glob est Plat a affronté 1738 reproductions de chevaux, pour extraire un petit florilège plaisant, malgré un outil de consultation réfrénant les performances.
(Sous la vignette, n’oubliez pas d’appuyer sur le bouton rouge de droite, qui figure un machin entrant dans un truc, pour afficher l’image en haute définition et éventuellement la télécharger).

Voici donc la girafe nubienne d’Agasse, une bergère de Berchem, un curieux (comme toujours) Trophime Bigot, Rembrandt et sa femme Saskia peints par un élève, Ferdinand Bol, un minutieux paysage idyllique et frais de Jakob Hackert, une charmante scène scintillante de Gerard ter Borch, Un des innombrables Canaletto de la collection, vue imaginaire des quatre chevaux de Saint Marc à Venise descendus du balcon de la basilique et placés sur des piédestaux, un magnifique portrait du trop rare Lorenzo Costa, un double portrait par Lucas Cranach (exposé à Windsor).
Et puis une fin de journée ensoleillée de Cuyp, un intérieur lumineux par De Hooch, un singulier portrait derrière une fenêtre en trompe-l’œil, anonyme, un joyau de douceur, anonyme également, une vue de Tolède façon brumes antiques par David Roberts, et enfin l’inévitable, pour beaucoup la merveille de la collection, l’intérieur avec un virginal, une viole de gambe et deux personnages, ou Leçon de musique, de Vermeer. Actuellement visible uniquement dans des visites guidées de Buckingham, il quitte rarement l’Angleterre. En Europe, il n’a visité que deux fois la Hollande, à La Haye en 1996 et 2017.

Maitre anversois, La vierge et deux saintes, c.1520 (détail), Collection royale.


Trophime Bigot, Dans l'atelier de Joseph, c.1630 (détail), exposé au château d'Hampton Court.


Également dans la Collection royale, le Massacre des innocents, scène biblique par Pieter Brueghel l’ancien, mérite un paragraphe particulier parce qu’il a une petite histoire croustillante.

Peint vers 1565, c’est une variante fidèle d’un tableau actuellement au Kunsthistorisches museum de Vienne. On y voit des soldats espagnols et allemands exterminer dans la neige des enfants en bas âge (ils razziaient effectivement les Pays-Bas à l’époque du tableau).
Mais celui de Londres a été retouché après la mort de Brueghel, entre 1604 et 1621, et transformé en épisode de pillage. Les enfants on été remplacés par des volailles diverses, des dindes, un cygne, un sanglier, une grande poterie et un veau au premier plan. Seuls deux ou trois enfants, pas encore morts sur la version de Vienne, ont été également épargnés par cette censure vertueuse. Au centre, commandant la troupe, la grande barbe reconnaissable du duc d’Albe a certainement été escamotée, au fond les flammes d’un incendie consumant les maisons et le ciel ont été ajoutées, puis effacées en 1941.
Malgré la présence des enfants sous la couche de repeints, les restaurateurs anglais ont préféré conserver la version animalière, qui, si elle ne dénature pas l’intention politique de Brueghel, l’édulcore sérieusement.

L’énorme rétrospective Brueghel (ou Bruegel) qui vient de débuter pour 4 mois, à Vienne en Autriche (chose qu’on ne voit qu’une fois dans une vie, comme l’annonce le site de l’exposition), était l’occasion idéale de juxtaposer les deux tableaux pour les livrer au jeu des 7 erreurs. Mais la reine n’a pas voulu prêter son Brueghel.
On ne lui a peut-être pas demandé.


Pieter de Hooch, Joueurs de cartes dans un intérieur ensoleillé, 1658 (détail), exposé à Buckingham Palace


Canaletto, Capriccio avec les chevaux de Saint Marc sur la Piazzetta, 1743 (détail), exposé à Edimbourg Palace of Holyroodhouse

vendredi 15 juin 2018

La mort, restaurée et triomphante


Après avoir, vers 1350, exterminé près de la moitié de la population de l’Europe, la Mort était à Palerme, en Sicile au début des années 1400. On le sait parce qu’un peintre anonyme l’a représentée triomphante sur un mur du palais Sclafani. La fresque a été depuis transférée dans le musée du palazzo Abatellis, tout proche.
Certains spécialistes supposent que Pieter Brueghel le vieux l’aurait vue au début des années 1550, lors de son voyage en Italie du sud, car il peignait 10 ans plus tard son propre « Triomphe de la mort ».


Mais l’hypothèse est superflue, car ce thème de l’égalité de tous devant la mort, baliverne destinée à calmer les revendications des pauvres et rançonner les riches, était alors un cliché rebattu et son iconographie explorée en tous sens sur les fresques et les enluminures du Moyen-Âge. Et s’il y a une influence à trouver sur le panneau de Brueghel, elle vient plutôt de sa fréquentation assidue des délires hallucinés de Hieronymus Bosch, mais dépouillés de leur fantaisie irréelle.
La mort fourmille et s’y déploie à une échelle industrielle en milliers de squelettes systématiquement malintentionnés, sur un panneau de bois d'une largeur d’un mètre et 62 centimètres.



Le tableau a toujours appartenu à des collections directement liées à la couronne d'Espagne, et depuis 1827 au musée du Prado à Madrid (non loin des plus beaux Bosch), où son vernis jaunissait irrémédiablement, et la mort s'encrassait avec lui.

Soucieux de ne pas la voir dépérir, le musée du Prado vient de la décrotter méticuleusement, remplacer son vernis, consolider son support de bois, et l’expose à nouveau depuis peu, dans un état de fraicheur remarquable, histoire de prolonger son triomphe durant quelques décennies encore.



Toutes les illustrations sont des détails du Triomphe de la mort de Pieter Brueghel (ou Bruegel) le vieux, récemment restauré.