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samedi 16 septembre 2023

φιλαδελφία

Andrew Wyeth, Groundhog day (100cm, 1959) Philadelphia museum of art.

Comment ça, nous n’avions jamais visité le musée d’art de Philadelphie, alors qu’on était récemment tout près, à Hartford ?
C’est un oubli regrettable, une ville qui a failli devenir la capitale des États-Unis. Il est vrai qu’elle a perdu 400 000 habitants depuis les années 1950, mais ça n’est certainement pas à cause de ses collections, qui attirent 800 000 visiteurs par an dit l'Encyclopédie. C’est peut-être parce qu’un quart des habitants y survivent sous le seuil de pauvreté, et que les médias racontent qu’ils hantent par milliers la longue avenue de Kensington, jour et nuit, hésitants comme des zombis, le corps tordu, perdant leurs membres dans les caniveaux. On y compterait 5 morts chaque matin, sous l’effet de la déréliction économique, assistée de drogues tout à fait légales et bon marché promues par des laboratoires renommés et mécènes des plus grands musées internationaux (l’étymologie grecque de Philadelphia est fraternité, ne l’oublions pas).

Justement, le musée, le Philadelphia Museum of Art, parlons-en. Sur son site internet, dans un résumé historique qui fait son possible pour ne rien nous apprendre, il se réjouit d'avoir toujours bénéficié, malgré les crises et les guerres, de donations généreuses, et se considère honoré de posséder la robe de mariage de Grace Kelly avec le prince Rainier 3 de Monaco. On le comprend.

La présentation de la collection de 170 000 pièces (dont 5000 exposées au public) est peu enthousiasmante, mais honorable, dans des reproductions téléchargeables, le plus souvent d’une bonne qualité (3000 à 4000 pixels), aux renseignements laconiques.
Pour une visite agréable il sera préférable, sur la page de recherche, à gauche, de filtrer les 170 000 objets en utilisant les critères de recherche (ordonnés par nombre d’occurrences), par exemple en sélectionnant "peinture" et "européenne", on réduit la balade à 2500 vignettes, classées un peu n’importe comment, il faut le reconnaitre.

Tout cela n’est pas vraiment folichon, mais quand vous aurez jeté un coup d’œil au florilège qui suit, désordonné mais orienté, vous aurez peut-être envie de poursuivre un peu la balade imaginaire, quitte à vous y perdre (d'autant plus qu'une bonne part, peut-être la moitié, des œuvres choisies ici ne sont pas exposées au public).

Peu de musées peuvent se réjouir d’héberger à la fois une des plus minuscules miniatures de Van Eyck (une carte postale) et des panneaux de la main incontestée de Rogier van der Weyden ; Philadelphie expose son monumental diptyque de la crucifixion (près de 4 m²), certainement la plus singulière de ses œuvres, où les personnages de la Passion sont enfermés dans des décors abstraits comme dans les tableaux de Francis Bacon. 

La série d’œuvres d’Andrew Wyeth est remarquable, ce qui n’est pas une surprise, Wyeth est né et mort à Chadds Ford, à moins de 50 kilomètres du musée, et avait fait son atelier d’un vieux moulin voisin. Outre le moulin, on trouvera deux autres tableaux exceptionnels, ces deux seaux au fond d’un couloir de ferme et le célèbre coin de table de Groundhog Day (illustration plus haut. Hélas Wyeth n’est mort qu’en 2009 et ne méritera donc pas de reproductions de haute qualité avant des décennies).

Une série aussi remarquable de Thomas Eakins. Là encore rien de surprenant, Eakins, considéré comme le plus important des peintres réalistes étasuniens est né à Philadelphie, y a enseigné, peint, et y est mort. Oublions son inévitable portrait de l’orgueilleux Docteur Gross et son scalpel (notez tout de même, à gauche, la mère du patient qui ne partage pas la confiance du chirurgien), et admirons les frises de personnages de "Réparant le filet" (ill. détail 4) et "Pêche à Gloucester", ou les étonnants portraits de Mrs. Cushing ou de La cantatrice.

De Jacob van Oost l’ancien, un Portrait de fille, magnifique exemple du portraitiste peut-être le plus subtil du 17ème siècle flamand à Bruges, dont Wikipedia qui n’y connait rien dit que ses portraits sont stéréotypés (on pourrait aisément montrer que c’est une grossière erreur de jugement).

De Turner l’époustouflant "Incendie du parlement" auquel le peintre assistait le 16 octobre 1834. Il peignit un autre point de vue de l’évènement, plus éloigné, aujourd’hui au musée de Cleveland.

Et beaucoup d’autres paysages plutôt originaux, inhabituels, hollandais avec Jacob Ruidsael (ill. détail 3), Van der Heyden, Wijnants, Wouwermans, Dubbels, et d’origines diverses avec Thaulow, Lane, Guardi, Aivasovsky (Aivazovski), Calame, Doughty, Gauffier (ill. détail 2), Monet (ill. détail 1), Pissarro 

Et puis des scènes aussi curieuses, de Duyster (ill. détail 5), DegasWinslow Homer, AH. Maurer, Jan Olis, JF. Millet, Rusinol (Rusiñol), Judith Leyster (ill. détail 6), et des milliers d'autres choses

Détails dans les salles du Philadelphia museum of art, de haut en bas Monet, Gauffier, Ruisdael, Eakins, Duyster, Leyster.

lundi 22 novembre 2021

Loin de Vienne

Un des Lorenzo Lotto du Kunsthistorisches Museum de Vienne. 
D'accord, tout le monde parait s'y ennuyer solidement, la pose sans bouger devait être longue et éprouvante, mais quel bleu !


« Il faut aimer la peinture Flamande et académique jusqu'au XVIIIième. Le musée est triste, les salles immenses ! […] Le prix élevé n'est pas mérité. Il faisait tellement beau dehors que nous sommes ressortis très vite. »
Un commentaire en septembre 2021 sur TripAdvisor, site international du voyageur cultivé qui pratique la numération romaine.

Le Kunsthistorisches Museum (KHM) abrite, au cœur de Vienne, en Autriche, la galerie de peinture ancienne la plus riche d’Europe (au mètre carré), et, par bonheur, une des moins visitées : 600 000 par an d’après Wikipedia. Imaginez des salles 15 fois moins peuplées que celles du Louvre !
Il expose pourtant les tableaux les plus connus des peintres les plus fameux du 15ème au 18ème siècle. Bien entendu depuis presque 2 ans les nombreuses restrictions des nations au droit de voyager limitent sérieusement les visites sur place. Reste le voyage immobile.  

Le site internet du musée remonte hélas presque à l’époque de la collection, pas autant que celui du Louvre néanmoins puisque des reproductions libres de droits et d’assez bonne qualité (jusqu’à 3000 pixels) de 25 000 œuvres, dont 2500 tableaux, sont disponibles.

Mais le site est peu fait pour la flânerie. Il faut savoir à l'avance ce qu’on y cherchera afin de filtrer et réduire le nombre de résultats.
Car comme le site de l’Art Institute de Chicago, celui du KHM affiche chaque page suivante d’une recherche en rechargeant l’ensemble des précédentes, si bien que, vers la page 20, il commence à dérailler et présenter des œuvres en double, triple, puis vers la page 30, tout bascule et les écrans se répètent, tous identiques. Alors on renonce, réalisant que tel Sisyphe on n’atteindra jamais les dernières œuvres de la requête. 

Pour confondre les incrédules et inciter les autres à aller y réviser, avec prudence dans les recherches néanmoins, les chefs-d’œuvre du passé, voici un florilège dans un ordre vaguement alphabétique. Ne tardez pas trop à les récolter, tous ces liens pourraient vite devenir caducs, le site est vétuste et l’hiver n’est pas loin.

Passons sur le joyau du musée, les 11 Brueghel père, déjà évoqués lors de la grande rétrospective de 2018 à Vienne et toujours visibles en gigapixels sur un site dédié miraculeux. Seul le Suicide de Saül, alors en restauration, manquait. Le voici aujourd’hui (ci-dessous), lisible et grandiose (mais pas en gigapixels).

Le 12ème Brueghel du musée, le suicide de Saül, enfin visible et limpide.
 

La visite commence, installez-vous, et un peu de silence s’il vous plait…

D’Altdorfer, cette résurrection volcanique parmi d’autres, d’Antonello de messine, sainte Dominique, de Baldung Grien, la Mort et sa salière, quelques beaux Jacopo Bassano, des Bellotto en pagaille, évidemment des vues de Vienne, le plus léché des Bronzino, le 12ème des Brueghel, le suicide de Saül, encore un suicide, celui de Cléopâtre par Cagnacci où la pleureuse au fond semble être le même personnage qui s’est déplacé pendant la pose comme dans un tableau animé, les 3 plus beaux Caravage, les Corrège les plus fumeux ou fantaisistes, des portraits incomparables de Cranach, un triptyque de Gérard David mal reproduit, deux superbes Del Mazo décidément très inspirés de Velazquez, des Dürer mémorables, des Francken comme s’il en pleuvait, 2 merveilles méconnues de Geertgen (Gérard) de saint Jean, peut-être le plus beau tableau de Gentileschi (Orazio, le père évidemment), 4 ou 5 Giorgione des plus réussis, de beaux Guardi, Holbein le jeune, 4 rares Wolf Huber mal reproduits, une scène plus rare encore et singulière, de Jacobus Mancadan dont il faudra un jour parler, un sobre portrait par Juan de Flandes, le plus fameux des Jordaens qui éclate lui aussi de retenue et de discrétion, parmi les Lorenzo Lotto le plus beau certainement (voir illustration), une salle d’interrogatoire accueillante par Magnasco, deux rares Patinir, fantastiques et bien reproduits, un étrange tableau de Christoph Paudiss, curieux peintre bavarois à suivre, quelques Rembrandt bien frappés, un déluge de Rubens, de beaux Johann Schönfeld, bon nombre de Spranger, un charmant Ter Borch intimiste (n’oubliez pas de zoomer), et puis des masses de vénitiens, Tintoret, Tiziano Vecellio (Titien), plein de paysages animés de Lucas Valckenborch, de Van der Goes sainte genoveva et son petit démon, et une pathétique descente de croix, de Rogier Van der Weyden l’immense triptyque de la crucifixion et ses anges presque noirs, un singulier portrait triste (peut-être un autoportrait) de Samuel van Hoogstraten derrière une fenêtre, des chefs-d’œuvre de Velazquez, l'atelier de Vermeer, une série d’architectures rêvées par Vredeman de Vries, et enfin une sombre image de confinement par Jacob Vrel.  

Qui dit mieux ?

Ajoutons pour être complet que le KHM a concédé au site Google Arts&Culture, naguère Google Institut culturel, et jadis Google Art project, l'autorisation de reproduire dans un ordre proche de l'aléatoire et une qualité nettement supérieure 100 de ses tableaux, dont bon nombre de notre florilège. La visite vaut réellement le coup d'œil pour qui souhaite en examiner des détails. 

N’oubliez pas le guide… Merci.
 

dimanche 17 février 2019

Peinture flamande au détail

Van Eyck Jan, détail de l'ange de l'annonciation, un des panneaux du polyptyque de l'Agneau mystique (Gand, Saint Bavon).

Décidément, ce sont les peintres flamands des 15ème et 16ème siècles qui font l’objet des zooms les plus astronomiques sur internet. C’est compréhensible, ils passaient des mois à fignoler les plus petits détails. Un tableau devait être parfait, de près et de loin, comme la nature.

Il y avait déjà le plus fameux des triptyques de Jérôme Bosch et 11 tableaux de Brueghel, s’y ajoutent une vingtaine d’œuvres de Van Eyck et quelques Van der Weyden.

Pour Van Eyck c’est la continuation du projet de restauration du polyptyque de l’Agneau mystique à Gand (1), qui a incité à l’utilisation des mêmes méthodes sur 20 autres œuvres, de musées européens pour l’instant (projet Verona).

Pour Van der Weyden, c’est la continuation du projet Google Art and Culture, avec une quinzaine de très belles reproductions, bien que nettement moins détaillées que dans le projet Verona.

À l’exception d'une reproduction monstrueuse de la descente de croix du Prado, peut-être héritière orpheline du projet de 2009 entre le musée et Google. Le fichier d'origine mesure 30 000 par 23 000 pixels, ou 200 mégaoctets. En fonction de sa puissance, votre machine aura sans doute beaucoup de difficultés à l’afficher, et se mettra peut-être à fumer. Dans ce cas, utilisez cette version moindre (15M pixels et 26M octets).

50 œuvres flamandes au détail, c’est peu, mais ne boudons pas, dégustons-les sans tarder, multiplions les téléchargements et à défaut les copies d’écran des plus beaux détails. Car un lien sur internet survit rarement plus de quelques années.

***
(1) La restauration du polyptyque de Gand, commencée en 2010, demandera plus d’une douzaine d’années. Seuls les panneaux extérieurs, soit un tiers de la surface, sont aujourd'hui achevés. Les panneaux intérieurs sont en cours. Leur restauration est visible au musée de Gand, dans une grand cage de verre, comme au zoo.


Van der Weyden (Rogier de la Pasture), détail du diptyque de la crucifixion (Philadelphie).

mardi 8 janvier 2019

Tableaux singuliers (10)

Chaque œuvre du peintre flamand Petrus Christus justifierait son apparition dans cette chronique irrégulière dédiée aux tableaux singuliers. On lui en attribue moins d’une trentaine.

Devenu membre de la guilde des peintres à Bruges en 1444, peu après la mort de Van Eyck, il est peut-être le « Pietro Crista élève de Van Eyck » que cite Vasari dans Les Vies, ou le « Piero Cresci de Bruges », à Milan en 1456 quand Antonello de Messine y était, et qui lui aurait montré la technique inventée par Van Eyck, ce mélange d’huile et de résine pour lier les pigments colorés, qui remplacera bientôt les autres techniques dans toute l’Italie.


La particularité de Petrus Christus, c’est qu’il ne semble pas avoir été formé dans les grands ateliers de l’époque, chez Van Eyck ou Van der Weyden, mais qu’il s’efforce un peu maladroitement de leur ressembler.
De Van Eyck il n’a pas la solennité, ni de Van der Weyden la gravité. Ses volumes sont simples, presque naïfs, et ses personnages ont des poses un peu raides, ce qui leur donne l’aspect de santons dans des décors miniatures, mais fait la fraicheur ingénue de son style.
S’il respecte globalement les canons de l’iconographie, il surprend maintes fois par des inventions dans la perspective, ou dans l'intégration des figures dans l’espace.

Il suffit de piocher dans la série incomparable des 5 œuvres hébergées par le Metropolitan museum de New York pour remonter à chaque fois une pépite, comme l’incroyable portrait d’un moine chartreux auréolé d’une mystérieuse lumière rouge, une lamentation géométrique, ou un orfèvre corail.

Et puis il y a cette extraordinaire et unique scène d’Annonciation (illustrations), vue d’un point surélevé dans une légère perspective plongeante, comme d’un drone équipé d’une optique à grand angle survolant la scène, et surprenant un curieux conciliabule, sur le pas d’un porche annexe qui donne sur un jardin abandonné.



Post scriptum :
Qui connait l’œuvre de ce primitif flamand se sera peut-être étonné de ne pas trouver ici, plutôt que cette Annonciation dont l’attribution à Christus reste discutée (voir les nombreux avis d’experts - en anglais - au chapitre References), le portrait de jeune femme à l’étrange et singulière pureté, du musée Gemäldegalerie de Berlin.
C’est parce que ce petit panneau est une singularité parmi les singularités, unique dans l'histoire du portrait. Un hapax disent les linguistes. Et tous les mots pour en parler sont inutiles.

jeudi 13 octobre 2016

Revue de détails à Washington (1/2)

Contrairement aux grands musées français qui se pavanent sur tous les médias, le musée d’art de la ville de Washington en Amérique, la National Gallery of Art, n’a pas besoin de claironner qu’elle est un des plus beaux musée du monde. Elle le prouve tous les jours en partageant sur internet des images de haute qualité de sa collection, libres de toute utilisation, même commerciale. La planète entière peut le constater.
Le musée conseille même fortement de partager et diffuser ses images.

Alors abimons-nous à distance dans les détails inouïs des tableaux accrochés dans ce musée généreux mais lointain et qu’on ne visitera peut-être jamais autrement.   
(n'oubliez pas d'appuyer sur le bouton Zoom) 



1.1  De La Tour Georges - Madeleine repentante 1640
1.2  Gentileschi Orazio - Sainte Cécile et un ange 1620
1.3  Gentileschi Orazio - Sainte Cécile et un ange 1620
2.1  Chardin - La petite maitresse 1740
2.2  Largilliere Nicolas de - Elizabeth Throckmorton, religieuse 1737
2.3  Leonard de Vinci - Ginevra de Benci 1478
3.1  Rotari Pietro - Portrait de femme avec une fleur 1761
3.2  Reynolds Joshua - Miss Beatrix Lister 1765
3.3  Barocci Federico - Portrait Quintilia Fischieri 1600



1.1  Botticelli Sandro - Madone et enfant 1470
1.2  Bronzino - Jeune femme et enfant 1540
1.3  Cranach l’ancien - Portrait de femme 1522
2.1  Weyden Rogier van der - Portrait de femme 1460
2.2  Gainsborough Thomas - Mrs Cobb Methuen 1777
2.3  Gainsborough Thomas - Mrs Graham 1777
3.1  Cercle de Velazquez  - Pape Innocent 10 1650
3.2  Titien - Portrait de Ranuccio Farnese 1542
3.3  Rembrandt - Autoportrait 1659

À suivre...

vendredi 4 mars 2011

Enfin mort (ou presque)

En général, l'hystérie des héritiers du dessinateur Hergé est protégée par les décisions de justice. La moindre vignette extraite d'un album de Tintin et reproduite sans l'autorisation des légataires est pourchassée jusqu'à la mortification du contrevenant. Quand la décision de première instance est par hasard plutôt tolérante, la cour d'appel rétablit sans tarder le droit arbitraire et illimité des héritiers. Et c'est toujours dans une théorie d'arguments juridiques sophistiqués, qui enchevêtrent sans issue le droit de propriété intellectuelle et les exceptions de courte citation ou de parodie.
Alors que les faits sont généralement simples. Il y a d'un côté les héritiers ou légataires qui vivent d'un patrimoine fini créé par Hergé, terrorisés par l'émiettement de leur trésor, despotes jusqu'à la paranoïa et n'autorisant que les apologies et les citations à la gloire de leur gagne-pain.
De l'autre côté, quelques idolâtres déçus, une fois devenus adultes, d'avoir été abusés par des situations et des sentiments tellement schématiques, comme par les westerns de John Ford avec John Wayne, et qui tentent d'égratigner l'idole. Si on peut leur reprocher parfois un peu de parasitisme, l'accusation a de quoi faire sourire quand elle est plaidée par les ayants droit, qui ne font que profiter d'un héritage providentiel.

Le 9 juillet 2009, l'inénarrable Gordon Zola, écrivain, auteur des parodies impayables des aventures de Saint-Tin et son ami Lou («Le 13 heures réclame le rouge», «L'affaire tourne au sale»...), romans probablement désopilants, avait été condamné pour parasitisme par le tribunal de grande instance d'Évry. Or le 18 février 2011, à la surprise de tous les avocats de la liberté d'expression, la cour d'appel de Paris a tellement rigolé à la lecture des titres des romans incriminés, qu'elle a fusillé la décision de première instance et intégralement disculpé Gordon Zola, pour exception de « parodie évidente ».

Les nostalgiques du reporter à l'éternel pull-over bleu commencent à manquer et les parents ont un peu honte de faire lire à leurs enfants ces histoires vaguement suspectes (même si le cinéma contemporain distille sans retenue la même pensée rudimentaire). L'œuvre d'Hergé survit parce que les souvenirs d'enfance sont persistants, mais si elle demeure dans cet état de momification, le jour viendra où elle ne sera plus rééditée que pour de rares collectionneurs passionnés de la ligne claire. Les héritiers, enfin, n'auront plus rien à ronger.
Au moment où un musée Hergé ouvre à Louvain-la-Neuve, et y embaume Tintin (les chiens sont interdits mais l'actualité y est pleine d'évènements passionnants animés par diverses troupes de scoutisme), cette décision de justice marque peut-être une discrète résurrection du petit personnage inconsistant aux aventures puériles.


Afin de protéger l'auteur de cette chronique des aigreurs de la famille Hergé, de l'opprobre, de la faillite, et peut-être du suicide salvateur, les héros du génial créateur ont été substitués sur cette illustration par des personnages fictifs. On peut néanmoins constater que Tintin est assez souffrant, et peut-être même un peu mort. À ses pieds, son fidèle chien Milou est également mal en point. (Rogier Van der Weyden, Lamentation - 1441, 47 x 32cm, Bruxelles, musée royal des beaux arts).