Léonard et la tasse volante
On apprend par les journaux les plus sérieux que la République a récemment vacillé. Peut-être même la civilisation. Le secret a resisté une semaine, mais on ne trompe pas facilement la perspicacité des grands journaux français, surtout pendant la semaine la plus calme de l'année médiatique, et la révélation (1) tombait le 11 aout, après un communiqué de l'Agence France Presse.
Le 2 aout 2009, alors que l'entrée au musée du Louvre était gratuite, une jeune femme profitait de l'immense libéralité de l'État Français pour pénétrer dans le temple du bon goût officiel et, devant les touristes médusés, lançait violemment une tasse à thé en porcelaine contre l'épaisse vitrine blindée à l'épreuve des balles qui protège une célèbre italienne grassouillette, surnommée «Madame Lise», qui jaunit lentement dans son bocal depuis cinq siècles que Léonard de Vinci l'a peinte.
La tasse fut brisée.
Les agents d'accueil du Louvre ont immédiatement neutralisé la personne et l'on remise au commissariat de l'arrondissement. Elle tenait des propos confus dans une langue étrangère et ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales. On remarquera que les personnes confiées aux forces de l'ordre sont toujours fortement déséquilibrées mentalement, psychologiquement frustrées ou imbibées d'alcool. Le psychiatre du commissariat déclara la dame atteinte de troubles psychiques susceptibles d'un internement à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.
Le tableau n'a évidemment absolument rien subi, et le public a été à peine perturbé, mais une analyse approfondie au microscope à balayage électronique et à gicleur à pédale a révélé une très légère éraflure sur la vitrine, afin de justifier le dépôt de plainte et l'internement psychiatrique. L'éraflure sera rapidement effacée.
On peut s'inquiéter de l'augmentation des tarifs répressifs, quand on se souvient de l'épisode du vol du même tableau, le 21 aout 1911 par Vincenzo Perruggia, qui l'a gardé presque deux ans dans son appartement parisien, sous son lit, avant de tenter de le revendre en Italie et d'être dénoncé le 13 décembre 1913. Sauvé par son patriotisme feint et par la guerre de 1914, il ne fera que quelques mois de prison.
En juillet 2007, une jeune femme avait déposé un baiser de ses lèvres maquillées sur une toile uniformément blanche de 6 mètres carrés du peintre Cy Twombly, à Avignon. La toile appartenait à un triptyque estimé deux millions d'euros dirent les assureurs. Et c'était consternant de voir les journaux et les blogs réclamer en chœur une sanction exemplaire et démesurée ou s'extasier du génie avant-gardiste du geste. La femme fut condamnée très sévèrement, financièrement. Les assureurs étaient ravis. Une petite retouche de peinture blanche suffit pour effacer le blasphème.
Tout cela n'a plus rien à voir avec le plaisir esthétique. On ne voit pas les œuvres d'art pour ce qu'elles sont. Elle sont devenues des emblèmes de ce qu'on ne comprend pas, comme des divinités. Absurde et vaine sacralisation. On sait, depuis que Marcel Duchamp a exposé avec succès un urinoir manufacturé, qu'un objet devient une œuvre d'art quand quelqu'un le décide. Alors que croient donc ces autorités pensantes qui ont idéalisé la Joconde ou le tableau de Twombly ? Ont-elles oublié la leçon de Duchamp (2) ? Ont-elles oublié que ce ne sont que des objets, qui périront bientôt, comme le reste ?
(2) On remarquera que désacraliser l'objet pour statufier son auteur (l'Artiste) n'est pas vraiment plus malin.
La tasse fut brisée.
Les agents d'accueil du Louvre ont immédiatement neutralisé la personne et l'on remise au commissariat de l'arrondissement. Elle tenait des propos confus dans une langue étrangère et ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales. On remarquera que les personnes confiées aux forces de l'ordre sont toujours fortement déséquilibrées mentalement, psychologiquement frustrées ou imbibées d'alcool. Le psychiatre du commissariat déclara la dame atteinte de troubles psychiques susceptibles d'un internement à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.
Le tableau n'a évidemment absolument rien subi, et le public a été à peine perturbé, mais une analyse approfondie au microscope à balayage électronique et à gicleur à pédale a révélé une très légère éraflure sur la vitrine, afin de justifier le dépôt de plainte et l'internement psychiatrique. L'éraflure sera rapidement effacée.
On peut s'inquiéter de l'augmentation des tarifs répressifs, quand on se souvient de l'épisode du vol du même tableau, le 21 aout 1911 par Vincenzo Perruggia, qui l'a gardé presque deux ans dans son appartement parisien, sous son lit, avant de tenter de le revendre en Italie et d'être dénoncé le 13 décembre 1913. Sauvé par son patriotisme feint et par la guerre de 1914, il ne fera que quelques mois de prison.
En juillet 2007, une jeune femme avait déposé un baiser de ses lèvres maquillées sur une toile uniformément blanche de 6 mètres carrés du peintre Cy Twombly, à Avignon. La toile appartenait à un triptyque estimé deux millions d'euros dirent les assureurs. Et c'était consternant de voir les journaux et les blogs réclamer en chœur une sanction exemplaire et démesurée ou s'extasier du génie avant-gardiste du geste. La femme fut condamnée très sévèrement, financièrement. Les assureurs étaient ravis. Une petite retouche de peinture blanche suffit pour effacer le blasphème.
Tout cela n'a plus rien à voir avec le plaisir esthétique. On ne voit pas les œuvres d'art pour ce qu'elles sont. Elle sont devenues des emblèmes de ce qu'on ne comprend pas, comme des divinités. Absurde et vaine sacralisation. On sait, depuis que Marcel Duchamp a exposé avec succès un urinoir manufacturé, qu'un objet devient une œuvre d'art quand quelqu'un le décide. Alors que croient donc ces autorités pensantes qui ont idéalisé la Joconde ou le tableau de Twombly ? Ont-elles oublié la leçon de Duchamp (2) ? Ont-elles oublié que ce ne sont que des objets, qui périront bientôt, comme le reste ?
***
(1) Les textes en italiques sont des citations des journaux du web Le Monde, le Nouvel Obs, le Parisien, Le Post, Aujourd'hui en France. Elles sont la vérité, bien que leurs informations ne concordent pas toujours très bien, notamment le fait de savoir si la jeune femme a été hospitalisée ou non. Le reste est supposé.(2) On remarquera que désacraliser l'objet pour statufier son auteur (l'Artiste) n'est pas vraiment plus malin.
1 commentaire :
Twombly à Avignon = opération publicitaire, tant pour l'outragé que pour l'outrageuse, peintre à l'oeuvre confidentielle. Sans parler du bénéfice pour la collection Lambert.
Duchamp, lui, avait au moins l'honnêteté de reconnaître sa supercherie !
Enregistrer un commentaire