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jeudi 28 juillet 2022

Cosquer v.2, la grotte du futur

Le célèbre colloque des trois pingouins peints dans la grotte Cosquer près de Marseille, à une époque glaciaire, il y a 20 000 ans.

Au cœur de l’édifice appelé "Villa Méditerranée" ou "l’agrafeuse", dans le port de Marseille sur l’esplanade J4, vient d’ouvrir à la visite publique la réplique d’une grotte ornée par de lointains ancêtres du paléolithique. C’est la troisième en France, après les diverses versions de la grotte de Lascaux (v.4 ou v.5, depuis 1983), et celle de la caverne du Pont d’Arc (ou Chauvet v.2, en 2015).

Elle reproduit une grotte découverte une dizaine de kilomètres au sud-est de Marseille, dans la calanque de la Triperie, par le scaphandrier Henri Cosquer en 1991. 

À l’époque où ses parois ont été décorées, voilà 19 000 à 27 000 ans, la mer était à 8 kilomètres de l'emplacement actuel de Marseille.
Au commencement ce furent des silhouettes de mains négatives, au pochoir, et des signes tracés du doigt, puis vinrent 8000 ans plus tard des animaux, gravés ou peints, quelques chevaux, trois pingouins, des poissons, des morses et des sacs en plastique informes où les paléontologues disent reconnaitre des méduses. Ah, ça n’est pas la basilique qu’est Lascaux, ni même l’église qu’est Chauvet, mais quand même, des pingouins et des morses, à Marseille !

Puis la glace de la planète a fondu et l’eau a recouvert lentement la région jusqu’à Marseille, 100 mètres plus haut, noyant déjà près de la moitié de la partie ornée de la grotte dont l’entrée se trouve maintenant à 37 mètres sous le niveau de la mer. 
Et l’eau monte toujours, imperturbablement. On dit qu’elle ne s’arrêtera pas de sitôt. 

Comme à Pont d’Arc, la copie est plus une imitation "à la manière de sapiens" qu’un facsimilé. Les scènes les plus marquantes ont été concentrées sur un seul niveau, pour permettre la visite dans des modules d’exploration automatisés. Cela se passe au sous-sol, qui se trouve être réellement sous le niveau de la mer, mais on ne le voit pas. On y accède par une cage de descente mise en scène pour y faire croire. Et là, toutes les minutes, de 9h à 19h30, un wagonnet de 6 places part pour un périple de 220 mètres et 35 minutes d’exploration, scrupuleusement synchronisées avec les éclairages et les commentaires diffusés dans des casques. Il y aurait même de vrais plans d’eau. On se croirait à Disneyland ou dans le Train fantôme.
Évidemment, pas question de suspendre le spectacle pour poser des questions ou attendre les esprits plus lents.

Tout cela est bien alléchant, et le succès exceptionnel* du premier mois montre que le public est avide d’endroits frais pour se divertir et fuir une heure ou deux la canicule et l’ennui.

* 100 000 visiteurs en 34 jours, soit 2940 par jour, quand les prévisions déjà très optimistes en attendent 1370 par jour en moyenne annuelle.

Mais pourquoi diable, pour perpétuer la mémoire d’une réalisation humaine qui aura survécu presque 30 000 ans avant de se diluer dans l’eau, la reproduire à une niveau plus bas que l’original, dans un bâtiment dont l’étanchéité reste sensible, et sur un emplacement qui sera submergé dans moins de 100 ou 200 ans, disent les prévisions optimistes ? Pour que les touristes du futur découvrent émerveillés la copie Cosquer v.2 en tenue de plongée sous-marine, comme l’avait fait le découvreur de la grotte originale ? 

En réalité personne ne pensait une seconde à l’avenir lointain et ne comptait préserver un quelconque souvenir de quoi que ce soit. 
Le bâtiment Villa Méditerranée, geste architectural un peu décrié et sans véritable destination, impressionnait moins les badauds par sa silhouette d’agrafeuse que les contrôleurs budgétaires pour ses couts d’exploitation. En face, le Mucem**, ouvert en 2013, recevait plus d’un million de visiteurs par an. Enfin les copies de grottes ornées rencontrent encore un succès populaire certain (au moins les premières années). Alors l’équation économique a été jugée favorable à l’établissement d’une attraction culturelle sur la même esplanade

** Musée national des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

Pour un public qui préfèrerait que son temps de cerveau ne soit pas totalement pris en charge, il existe bien un site internet du ministère de la Culture, construit à la façon de l’excellent site consacré à la grotte Chauvet, mais il a été un peu cochonné et sa visite n’est pas aussi agréable. On ne comprend jamais clairement où on est, le déplacement de salle en salle relève du jeu vidéo à mystères, les gravures sont difficiles à déchiffrer, et il faudra de l’opiniâtreté ou de la chance pour trouver la gravure du meurtre de l’homme-phoque ou le colloque des pingouins peints.

Retenez le code 204 et pensez à scruter les plafonds.

lundi 29 juin 2020

Il n’y a pas d’H à Ermitage (2 de 3)


Comme dans ce tableau de Jan Kobell (Ermitage, non exposé), ouvrir une simple porte dans le musée virtuel de l’Ermitage est une expérience troublante qui ne vous mène pas toujours où vous le pensiez.

Exaltés par votre errance dans le palais de l’Ermitage, vous n’avez probablement pas résisté à chercher les artistes que vous aimez, et pour cela à consulter le catalogue des collections en ligne.

Mais les liens du catalogue vers la visite virtuelle ne sont pas fiables. Ils vous entrainent le plus souvent sur de fausses pistes.
Vous voulez voir un tableau dans son contexte, cliquez sur le numéro de la salle (Room), êtes transportés vers un nouveau plan, peu ou pas interactif, qui ne comporte pas toujours la salle demandée, ou qui mène à une page vide, et quand vous trouvez par hasard le bouton « Virtual visit 3D » ou « View in 3D », vous êtes admonestés d’un « Erreur 404 non trouvé ».
Alors vous renoncez et revenez au plan de visite virtuelle.
Mais vous savez, depuis l’épisode précédent, que nombre de salles manquent sur ce plan, notamment les arts du 19ème au 21ème siècle.

Or il existe un moyen d’atteindre ces salles hypothétiques, c’est d’utiliser la visite virtuelle en partant d’une salle que vous estimez proche de votre objectif. Pour cela vous disposez, en plus du plan interactif, de deux outils.
Le zoom, qui permet de lire les numéros de salles apposés près de l’encadrement des portes (mais ils manquent souvent et ne sont pas toujours ordonnés), et 150 raccourcis vers des salles prestigieuses que l’Ermitage a distinguées sur une page spéciale. Évidemment, les salles y sont baptisées mais pas numérotées, histoire de brouiller les pistes, mais c'est de là que vous pourrez accéder à Bonnard, Degas, Monet, Vallotton, et tant d'autres.

Illustrons. Vous bruliez de voir dans quel contexte est présenté le « carré noir sur fond blanc » de Malevitch, un des fondements de l’art moderne, dont l’auteur déclarait, dit la notice « Le carré n’est pas une forme subconsciente. C’est une création de la raison intuitive. […] Le carré est vivant, c’est le premier pas vers la créativité pure ».
Le catalogue le localise salle 443, qui est absente des plans.
En examinant la liste des 150 salles, vous trouvez sur l’onglet 11 des salles dont l’art vous parait moderne, le nom de Malevitch se trouve même sur la vignette de la salle « Dmitry A. Prigov ».
Vous êtes près du but. Vous cliquez sur la vignette…, puis sur le bouton « View in 3D »…

Sur place vous inspectez les salles avoisinantes. Pas de numéros de salle. Pas de Malevitch alentour. Mais vous arrivez par hasard dans une salle où vous reconnaissez, sur certains tableaux, un style caractéristique. Le titre de la page le confirme, vous êtes dans la « salle Friedrich ». Vous cherchiez la 443, vous êtes dans la 352, inaccessible autrement.

L'exceptionnelle salle des 8 tableaux de Caspar Friedrich, dont le catalogue des collections dit qu’elle porte le numéro 352, mais qu’on ne peut atteindre qu’en fouinant autour des salles de l’art contemporain, elles-mêmes accessibles un peu au jugé.

D’accord, l’exemple était mal choisi. Qu’à cela ne tienne, la physique la plus moderne prétend que la matière se comporte ainsi dans la réalité, qu’elle peut se trouver n’importe où et dans plusieurs endroits en même temps. Les physiciens appellent ce phénomène la non-localité. Et puis avouez que vous vouliez voir cette riche collection de paysages de Friedrich.

Abordons enfin un sujet gênant. Dans l’épisode précédent nous promettions de résoudre le mystère de l’introuvable salle 308, qui recèle notamment, dit le catalogue, 3 des tableaux les plus fameux de Jean-Léon Gérôme, dont sa plus grande version du nébuleux et pathétique « après le bal ».
Hélas, après des heures d’errantes insomnies, reconnaissons que c’était pure vantardise.
Nous nous excuserons en offrant un abonnement au blog, gratuit et à vie, pour tout indice déposé dans les commentaires.

Nonobstant ces petites déconvenues, maintenant familiers des lieux, vous avez réalisé que la plupart des œuvres (98%) ne sont pas exposées (Not on display), ou sont fréquemment introuvables, mais qu’elles sont bien documentées dans l'excellent catalogue en ligne qui regorge de curiosités et de raretés. Nous le feuillèterons dans le prochain épisode.

Au cours de votre visite de l’Ermitage virtuel, si vous êtes ici, c’est que vous êtes perdus, toujours dans le musée, mais dans une zone étrange qu’il vaudrait mieux éviter. Revenez sur vos pas, retrouvez les salles Picasso en passant par la salle Vlaminck, ou vous resterez à perpétuité dans cet environnement carcéral. 
À défaut reprenez le jeu au début, ou éteignez tout.

lundi 22 juin 2020

Il n’y a pas d’H à Ermitage (1 de 3)


Saint-Pétersbourg, la place du Palais et la façade du Palais d’hiver, jadis résidence des empereurs de Russie et aujourd’hui musée de l’Ermitage, théâtre de notre quête. Ici l’histoire se fait à chaque instant. Le 20 juin à 1h, c’était la féerie d’un soir de printemps, et 6 heures plus tard une tentative de putsch militaire sans doute, infructueux si on en croit le silence des médias sur le sujet.

On raconte que le virus à couronne, devenu mondialement célèbre en mars dernier, souhaiterait refaire un tournée planétaire, qu’il réapparait en Chine et qu’il sera peut-être en Europe dans quelques mois. Préparons-nous, par précaution, pour un long voyage immobile.

D’abord, déçu par d’anciennes excursions, on pense qu’il est inutile de retourner à Pétrograd, enfin Léningrad, disons Saint-Pétersbourg, sur le site du Государственный Эрмитаж (musée d’État de l’Ermitage). La randonnée a toujours été épuisante. On le dit le musée le plus copieux du monde en nombre d’objets, en réserves ou exposés, mais les recherches y étaient trop laborieuses, en cyrillique, et les reproductions épouvantables.

Et puis un jour au gré d’une dérive distraite, on voit passer une page, en anglais. On constate en fouillant que ce ne sont pas seulement 3 ou 4 pages clairsemées, comme souvent, mais que le site du musée de l’Ermitage au complet, avec le catalogue détaillé des collections, existe désormais en deux langues, russe et anglais, et que les reproductions y sont maintenant d’une qualité suffisante pour une déambulation agréable et instructive, pour qui sait déchiffrer un peu la langue de Disney.
On va finalement pouvoir errer dans ce mystérieux musée inaccessible pendant près d’un siècle, dont on disait qu’il regorgeait de Rembrandt, de hollandais, de français, d’italiens, de Léonard de Vinci, de millions de choses merveilleuses que personne n’avait jamais vues.

Cette « ouverture » du musée n’est pas si soudaine, c’est en fait un long travail depuis la fin du siècle dernier, couronné et soutenu en 2011 par la création de la « Fondation pour le développement de l’Ermitage ». Et comme en France, où les véritables spécialistes de l’art sont les fournisseurs d’énergie, de béton ou de produits de luxe, dans la Russie moderne, les grands musées sont encore contrôlés par les représentants de l’État, mais à travers sa participation majoritaire dans de grandes firmes.
Ici, la fondation est pilotée par la banque Gazprom, une des plus grosses entreprises stratégiques russes, principale émettrice des gaz qui détruisent l’atmosphère terrestre, assistée par Coca-Cola, Vuitton, Samsung, et autres bienfaiteurs de l’humanité.

Et les effets s’en font sentir. Nombreux projets de succursales, à l’image de celle d’Amsterdam, à Las Vegas, Barcelone, Moscou, Vladivostok, ambitieuses opérations de restauration d’œuvres, expéditions archéologiques, traduction totale du site en anglais (Comment, vous ne maitrisez pas la langue des affaires ?), et création d’une visite virtuelle du musée sur internet.

Si beaucoup de ces opérations de prestige semblent s’être évaporées comme de la buée dans les nuits froides de Saint-Pétersbourg, la visite virtuelle de l’Ermitage est bien concrète, si on ose dire. C’est même la plus exceptionnelle expérience de promenade électronique dans un grand musée.
Dans ce monde vaste et silencieux, vous aurez à votre disposition les outils simples et traditionnels des jeux vidéos, pour vous repérer, vous déplacer et interagir.

Les webcams

Elles sont au nombre de trois et montrent le monde réel. Trois caméras en haute définition qui fonctionnent en permanence, placées sur la grande place du Palais face au musée, dans la cour centrale du Palais d’hiver, et dans le hall Raphaël (retenez qu’actuellement l’heure de Saint-Pétersbourg est celle de la France plus une). Vous ne verrez presque personne passer sur l’image des deux dernières, au cœur de l’Ermitage, tant qu’il sera fermé pour raison sanitaire, ou parce que c’est lundi.
Ces caméras vous serviront peu, mais il sera parfois reposant, comme devant le spectacle de la mer, d’afficher en plein écran l’immense place du Palais, aux heures animées, et de scruter les occupations de ces innombrables fourmis (notre illustration plus haut).

Le catalogue des objets à chercher

C’est le cœur de notre quête.
Comme le Louvre, l’Ermitage présente des artefacts de toutes les civilisations, dans un espace de temps plus vaste encore, de la préhistoire à l’art moderne, avec une préférence pour l’époque contemporaine de la création du musée, c’est à dire les arts et artisanats du 18ème siècle, ou très appréciés alors.

Dans le catalogue vous trouverez l'image, les caractéristiques détaillées, et l’historique des 3 millions d’objets conservés par l’Ermitage, ou au moins d’une bonne partie. Notez que 60 000 seulement sont exposées au public.
Nous reviendrons sur ce catalogue dans un prochain épisode. Il ne nous servira pas pour l’instant, car s’il indique la localisation des objets exposés (le numéro de la salle et l’emplacement de la salle dans le musée), il ne nous emmène pas sur place dans la visite virtuelle, ou parfois seulement, et par des détours subtils qui feront le plaisir des esprits fureteurs mais l’exaspération des flâneurs.


L’Ermitage expose deux tableaux de Joseph Wright of Derby, achetés à peine secs pour Catherine 2 de Russie dans les années 1770. Mais comment les atteindre dans la visite virtuelle ?


La visite virtuelle

C’est une fonction exceptionnelle, sans doute unique sur internet, à cette échelle.
Les 66 000 mètres carrés d’exposition du musée, boiseries, marbres, ors et somptuosités sont à la portée de votre main. Vous vous déplacez de salle en salle, zoomez pour détailler les vues panoramiques, vous arrêter sur chaque objet, en lire la notice, et voir l’œuvre de plus près.

Pour ne pas vous perdre, ou vous repérer si vous êtes déjà égaré, vous disposez d’un plan général interactif. Il affiche, sur 3 étages, la liste de toutes les salles (il y en a des centaines), le thème et la période exposés, et vous y emmène directement. Si vous connaissez le numéro de la salle recherchée, vous disposez sur la même page du plan où elle peut être sélectionnée, ce qui vous y téléporte également.

Trucs et astuces

• Il vous faudra quelquefois choisir un autre point de vue dans la même salle (elles sont vastes) pour accéder aux informations sur des objets de la pièce qui, d’où vous êtes, ne semblent pas documentés (signalés par un i cerclé).

• Certaines pièces ont peu d’objets documentés, mais n’oubliez pas de lire, en haut de page, les informations sur la salle, qui en disent parfois long.

• Pris d’un vertige naturel devant tant de luxe, vous ne vous souviendrez pas toujours de quelle salle vous veniez. L’Ermitage l’a prévu et vous indique sur une vignette, quand vous pointez la pièce suivante, si vous l’avez déjà visitée lors de la session.

• Quand vous vous arrêtez devant une glace, ne vous étonnez pas de ne pas voir votre reflet. Pour que l’expérience soit impressionnante, le musée est totalement désert, les visiteurs sont effacés. Mais peut-être réussirez-vous à apercevoir quelques silhouettes floues, au rez-de-chaussée par exemple, vers les vestiaires. Un témoin peu fiable dit les avoir vues, une fois.

• Dans son ensemble, le jeu est savamment développé, mais comme dans toute création humaine un peu complexe, il vous arrivera, pensant entrer dans une pièce, de vous matérialiser dans une autre, très éloignée. Ça ne sera pas un raccourci, mais une anomalie du logiciel.
 
Enfin, souhaitant atteindre un numéro de salle vu dans le catalogue des objets, vous pourriez ne pas le trouver sur le plan, ou tourner autour de la salle sans réussir à l’atteindre.
Ainsi, vous entreverrez peut-être des peintures impressionnistes, des tableaux de Caspar Friedrich, de Matisse, les plus fameux Gérôme, un carré noir de Malevitch, ou 43 Picasso, mais le plan refusera de vous y mener.
Peut-être faut-il, comme dans tout jeu vidéo, avoir acquis un niveau d’expertise suffisant pour que ces salles s'ouvrent, comme une récompense.

Nous verrons, dans le prochain épisode, comment atteindre ces mystérieuses pièces inaccessibles, et tenterons même de résoudre l’énigme de la salle 308.


Où se trouve le plus beau tableau du musée de l’Ermitage ?

lundi 23 novembre 2015

British Museum, le jeu vidéo

Aphrodite ôtant sa sandale, marbre du 3ème siècle avant notre ère, trouvé à Cnossos, aujourd'hui au British Museum de Londres.

Quand l’état d’urgence est déclaré dans votre pays, que les établissements publics sont fermés, que les fonctionnaires en civil sont armés et que des envies de loi d’exception envahissent les encéphales affolés des élus, il reste à se réfugier dans une des plus attachantes activités nées de la technologie moderne, la visite virtuelle (sur ordinateur) de lieux que l’on a connus ou qu’on aimerait connaitre.
Il suffit pour cela que Google y ait dépêché un de ses milliers de piétons, vélos ou voitures équipés de caméras panoramiques et ait intégré les images dans la fonction « Street View » de sa cartographie.

Et depuis quelque temps Google associe ce savoir-faire géographique et ses prétentions culturelles dans des promenades virtuelles à l’intérieur des musées (ceux qui acceptent de renoncer un peu à leur exclusivité), sur un site appelé « l’institut culturel ».
On peut ainsi visiter aujourd’hui le British Museum, immense musée qui rassemble tous les jours dans le centre de Londres 15 à 20 000 curieux et 50 000 objets artistiques et culturels des civilisations qui ont essuyé la domination britannique.

Amusons-nous à y chercher une des merveilles (il y en a des centaines) de la collection, un petit marbre délicat figurant la déesse Aphrodite enlevant sa sandale, sculpté entre 300 et 200 avant notre ère disent les experts, découverte dans les fouilles de Knossos en Crète en 1858, achetée par le musée en 2000 chez Sotheby’s.

En explorant d’abord la base de 4600 objets du British Museum reproduits en haute définition sur le site, la statuette est introuvable, ou alors sous un critère de recherche trop exotique.
Allons donc visiter virtuellement le musée. Mais on verra que la chose n’est pas vraiment au point et que la visite ressemble plutôt à l’exploration d’un jeu vidéo à énigmes.

Connaitrait-on le numéro de la salle d’exposition (ici G22/dc7) que l’information serait inutile car le plan pour s’y rendre (sur la gauche de l’écran) n’affiche pas les numéros des salles, cependant le G signifie probablement Ground floor. On progresse. En cliquant au hasard, dans le plan, sur une des salles du rez-de-chaussée, on verra peut-être s’afficher une enfilade d’antiquités manifestement égyptiennes ou encore des vitrines de tablettes couvertes d’inscriptions cunéiformes. Mais on cherche les salles consacrées à la culture hellénistique.

Vous vous exclamerez alors « Qu’est-ce qu’ils nous compliquent la vie, au lieu de nous donner le lien direct qui afficherait l’endroit exact, comme dans Street view ! » C’est que la fonction n’existe pas. D’ailleurs, vous devriez également éviter de cliquer sur le bouton de retour arrière du navigateur car il ne vous ramènerait pas à l’étape précédente mais toujours au milieu du hall d’entrée du musée. Et tout serait à refaire.
Google propose tout de même sur un rail en bas de page une centaine d’objets choisis accessibles directement, comme par magie. Et par chance la vitrine recherchée se trouve dans la même salle qu’un de ces objets, une couronne de feuilles d’or.
Vous êtes rassurés. Vous brulez.

Et si persévérant vous parvenez à la vitrine convoitée, vous serez cependant un peu déçus du seul point de vue disponible, de la médiocrité de l’image, et de ne pas pouvoir lire les cartels trop petits.
On aura toutefois échappé à pire, Google aurait pu appliquer ici les algorithmes utilisés dans la rue pour Street view et flouter les visages des statues pour respecter l’anonymat de leur vie privée ou masquer toutes les parties des corps jugées sexuellement explicites.

Finalement la visite n’est pas agréable et pourrait être largement améliorée.
En attendant, on trouvera de belles photos de la statuette, sous des angles variés, sous le numéro 2000,0522.1 dans le catalogue en ligne du site du British Museum.