lundi 23 novembre 2015

British Museum, le jeu vidéo

Aphrodite ôtant sa sandale, marbre du 3ème siècle avant notre ère, trouvé à Cnossos, aujourd'hui au British Museum de Londres.

Quand l’état d’urgence est déclaré dans votre pays, que les établissements publics sont fermés, que les fonctionnaires en civil sont armés et que des envies de loi d’exception envahissent les encéphales affolés des élus, il reste à se réfugier dans une des plus attachantes activités nées de la technologie moderne, la visite virtuelle (sur ordinateur) de lieux que l’on a connus ou qu’on aimerait connaitre.
Il suffit pour cela que Google y ait dépêché un de ses milliers de piétons, vélos ou voitures équipés de caméras panoramiques et ait intégré les images dans la fonction « Street View » de sa cartographie.

Et depuis quelque temps Google associe ce savoir-faire géographique et ses prétentions culturelles dans des promenades virtuelles à l’intérieur des musées (ceux qui acceptent de renoncer un peu à leur exclusivité), sur un site appelé « l’institut culturel ».
On peut ainsi visiter aujourd’hui le British Museum, immense musée qui rassemble tous les jours dans le centre de Londres 15 à 20 000 curieux et 50 000 objets artistiques et culturels des civilisations qui ont essuyé la domination britannique.

Amusons-nous à y chercher une des merveilles (il y en a des centaines) de la collection, un petit marbre délicat figurant la déesse Aphrodite enlevant sa sandale, sculpté entre 300 et 200 avant notre ère disent les experts, découverte dans les fouilles de Knossos en Crète en 1858, achetée par le musée en 2000 chez Sotheby’s.

En explorant d’abord la base de 4600 objets du British Museum reproduits en haute définition sur le site, la statuette est introuvable, ou alors sous un critère de recherche trop exotique.
Allons donc visiter virtuellement le musée. Mais on verra que la chose n’est pas vraiment au point et que la visite ressemble plutôt à l’exploration d’un jeu vidéo à énigmes.

Connaitrait-on le numéro de la salle d’exposition (ici G22/dc7) que l’information serait inutile car le plan pour s’y rendre (sur la gauche de l’écran) n’affiche pas les numéros des salles, cependant le G signifie probablement Ground floor. On progresse. En cliquant au hasard, dans le plan, sur une des salles du rez-de-chaussée, on verra peut-être s’afficher une enfilade d’antiquités manifestement égyptiennes ou encore des vitrines de tablettes couvertes d’inscriptions cunéiformes. Mais on cherche les salles consacrées à la culture hellénistique.

Vous vous exclamerez alors « Qu’est-ce qu’ils nous compliquent la vie, au lieu de nous donner le lien direct qui afficherait l’endroit exact, comme dans Street view ! » C’est que la fonction n’existe pas. D’ailleurs, vous devriez également éviter de cliquer sur le bouton de retour arrière du navigateur car il ne vous ramènerait pas à l’étape précédente mais toujours au milieu du hall d’entrée du musée. Et tout serait à refaire.
Google propose tout de même sur un rail en bas de page une centaine d’objets choisis accessibles directement, comme par magie. Et par chance la vitrine recherchée se trouve dans la même salle qu’un de ces objets, une couronne de feuilles d’or.
Vous êtes rassurés. Vous brulez.

Et si persévérant vous parvenez à la vitrine convoitée, vous serez cependant un peu déçus du seul point de vue disponible, de la médiocrité de l’image, et de ne pas pouvoir lire les cartels trop petits.
On aura toutefois échappé à pire, Google aurait pu appliquer ici les algorithmes utilisés dans la rue pour Street view et flouter les visages des statues pour respecter l’anonymat de leur vie privée ou masquer toutes les parties des corps jugées sexuellement explicites.

Finalement la visite n’est pas agréable et pourrait être largement améliorée.
En attendant, on trouvera de belles photos de la statuette, sous des angles variés, sous le numéro 2000,0522.1 dans le catalogue en ligne du site du British Museum.
 

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