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samedi 27 février 2021

La vie des cimetières (99)


Hellesylt en Norvège, son cimetière, son église, et au fond la maison à la webcam (d'après une belle vidéo de Arvid Hjelm filmée d'un drone en 2018).

Partout dans le monde fleurissent les pétitions implorant l’ouverture des salles de spectacle et des musées. La culture et l'art seraient nécessaires à la santé des populations guettées par la neurasthénie. En réalité n’importe quelle motif de rencontre ferait l’affaire. Mais ces retrouvailles sont encore interdites un peu partout, et les frontières fermées.
En attendant que le bonheur d’aller voir ailleurs et de s'y agglutiner nous soit accordé par nos maitres, il reste un moyen d’épier ce que deviennent nos congénères en temps réel : les webcams, ces caméras installées dans des sites pittoresques et connectées en permanence à l'internet.   

Nous parlerons prochainement du métier cruel de chercheur de webcams qui fonctionnent. Décevant, il réserve cependant parfois de belles trouvailles. Le site d’Hellesylt, petit village situé au bout d’un fiord (ou fjord) en Norvège est l’une de ces pépites.

La caméra est placée en surplomb (sur la maison au fond de l’image plus haut). Elle observe en vue d'oiseau le centre du village, le port, le débarcadère pour bateaux de croisière touristique, la conserverie de poissons, le pont qui regarde passer les eaux tumultueuses et glacées de la cascade, et l’église, ceinturée de tombes.
Il n’y passe que de microscopiques insectes et de gros nuages lents et sombres. Quand le soleil parait, les ombres démesurées des hautes latitudes donnent au spectacle sa troisième dimension, et quand la neige arrive le site se transforme en décor d’un film de Walt Disney.


Février 2021, vue plongeante sur le village d'Hellesylt diffusée par la webcam (cliquer pour agrandir le diaporama de 13 vues).
 
À quoi bon rester des heures à regarder le temps qui passe à peine sur ce cimetière de carte postale, direz-vous ?
Mais parce qu’il disparaitra bientôt sous la vague d’un tsunami, avec le village de poupée, les bateaux et tout le décor, et que la scène sera filmée en haute définition. Les sites qui hébergent les données de la caméra (WebcamTaxi et Youtube) conservent en permanence les 12 dernières heures enregistrées. Et la séquence peut être rejouée en manipulant la ligne rouge en bas de l’image.

Les scientifiques norvégiens, qui surveillent en permanence depuis plus de 20 ans l’écartement d’une faille sur la rive ouest du fiord, 15 kilomètres en aval, sont certains que le lourd pan de roche qu’elle sépare lentement du flanc de la montagne Åkerneset s’effondrera soudainement dans les eaux, et que la vague générée rebondira sur la rive opposée jusqu’à 100 mètres au dessus du niveau actuel, et se propagera en quelques minutes à travers le fiord, submergeant le village entier, port, pont, cascade, église et cimetière sous une vague de 85 mètres, ou peut-être de 35 mètres, c’est selon.
Cette imprécision dans la prévision du débit d’eau ne fera pas vraiment de différence pour les habitants de la vallée. Et elle est fournie avec un pronostic temporel aussi vague. Inévitablement, la catastrophe surviendra, dans 30 ans ou peut-être 100 ans, dit la science.

Le cinéaste norvégien Roar Uthaug en a fait en 2015 un film catastrophe, plutôt catastrophique, truffé de tous les clichés américains du genre, « La vague (Bølgen) », afin que les Norvégiens n’oublient pas la menace. Elle s’était déjà concrétisée, dramatiquement, en 1905 et en 1936, dans un autre fiord, plus au nord.

Hellesylt comptait 600 habitants en 2007, et 257 en 2017. Si la fuite de la population conserve cette allure, il ne restera au village en 2025 que les occupants du cimetière.
La vague pourra alors pulvériser et emporter tout ce qu’elle voudra dans la vallée, mais faute de maintenance la webcam ne fonctionnera vraisemblablement plus pour enregistrer l’évènement.

lundi 22 juin 2020

Il n’y a pas d’H à Ermitage (1 de 3)


Saint-Pétersbourg, la place du Palais et la façade du Palais d’hiver, jadis résidence des empereurs de Russie et aujourd’hui musée de l’Ermitage, théâtre de notre quête. Ici l’histoire se fait à chaque instant. Le 20 juin à 1h, c’était la féerie d’un soir de printemps, et 6 heures plus tard une tentative de putsch militaire sans doute, infructueux si on en croit le silence des médias sur le sujet.

On raconte que le virus à couronne, devenu mondialement célèbre en mars dernier, souhaiterait refaire un tournée planétaire, qu’il réapparait en Chine et qu’il sera peut-être en Europe dans quelques mois. Préparons-nous, par précaution, pour un long voyage immobile.

D’abord, déçu par d’anciennes excursions, on pense qu’il est inutile de retourner à Pétrograd, enfin Léningrad, disons Saint-Pétersbourg, sur le site du Государственный Эрмитаж (musée d’État de l’Ermitage). La randonnée a toujours été épuisante. On le dit le musée le plus copieux du monde en nombre d’objets, en réserves ou exposés, mais les recherches y étaient trop laborieuses, en cyrillique, et les reproductions épouvantables.

Et puis un jour au gré d’une dérive distraite, on voit passer une page, en anglais. On constate en fouillant que ce ne sont pas seulement 3 ou 4 pages clairsemées, comme souvent, mais que le site du musée de l’Ermitage au complet, avec le catalogue détaillé des collections, existe désormais en deux langues, russe et anglais, et que les reproductions y sont maintenant d’une qualité suffisante pour une déambulation agréable et instructive, pour qui sait déchiffrer un peu la langue de Disney.
On va finalement pouvoir errer dans ce mystérieux musée inaccessible pendant près d’un siècle, dont on disait qu’il regorgeait de Rembrandt, de hollandais, de français, d’italiens, de Léonard de Vinci, de millions de choses merveilleuses que personne n’avait jamais vues.

Cette « ouverture » du musée n’est pas si soudaine, c’est en fait un long travail depuis la fin du siècle dernier, couronné et soutenu en 2011 par la création de la « Fondation pour le développement de l’Ermitage ». Et comme en France, où les véritables spécialistes de l’art sont les fournisseurs d’énergie, de béton ou de produits de luxe, dans la Russie moderne, les grands musées sont encore contrôlés par les représentants de l’État, mais à travers sa participation majoritaire dans de grandes firmes.
Ici, la fondation est pilotée par la banque Gazprom, une des plus grosses entreprises stratégiques russes, principale émettrice des gaz qui détruisent l’atmosphère terrestre, assistée par Coca-Cola, Vuitton, Samsung, et autres bienfaiteurs de l’humanité.

Et les effets s’en font sentir. Nombreux projets de succursales, à l’image de celle d’Amsterdam, à Las Vegas, Barcelone, Moscou, Vladivostok, ambitieuses opérations de restauration d’œuvres, expéditions archéologiques, traduction totale du site en anglais (Comment, vous ne maitrisez pas la langue des affaires ?), et création d’une visite virtuelle du musée sur internet.

Si beaucoup de ces opérations de prestige semblent s’être évaporées comme de la buée dans les nuits froides de Saint-Pétersbourg, la visite virtuelle de l’Ermitage est bien concrète, si on ose dire. C’est même la plus exceptionnelle expérience de promenade électronique dans un grand musée.
Dans ce monde vaste et silencieux, vous aurez à votre disposition les outils simples et traditionnels des jeux vidéos, pour vous repérer, vous déplacer et interagir.

Les webcams

Elles sont au nombre de trois et montrent le monde réel. Trois caméras en haute définition qui fonctionnent en permanence, placées sur la grande place du Palais face au musée, dans la cour centrale du Palais d’hiver, et dans le hall Raphaël (retenez qu’actuellement l’heure de Saint-Pétersbourg est celle de la France plus une). Vous ne verrez presque personne passer sur l’image des deux dernières, au cœur de l’Ermitage, tant qu’il sera fermé pour raison sanitaire, ou parce que c’est lundi.
Ces caméras vous serviront peu, mais il sera parfois reposant, comme devant le spectacle de la mer, d’afficher en plein écran l’immense place du Palais, aux heures animées, et de scruter les occupations de ces innombrables fourmis (notre illustration plus haut).

Le catalogue des objets à chercher

C’est le cœur de notre quête.
Comme le Louvre, l’Ermitage présente des artefacts de toutes les civilisations, dans un espace de temps plus vaste encore, de la préhistoire à l’art moderne, avec une préférence pour l’époque contemporaine de la création du musée, c’est à dire les arts et artisanats du 18ème siècle, ou très appréciés alors.

Dans le catalogue vous trouverez l'image, les caractéristiques détaillées, et l’historique des 3 millions d’objets conservés par l’Ermitage, ou au moins d’une bonne partie. Notez que 60 000 seulement sont exposées au public.
Nous reviendrons sur ce catalogue dans un prochain épisode. Il ne nous servira pas pour l’instant, car s’il indique la localisation des objets exposés (le numéro de la salle et l’emplacement de la salle dans le musée), il ne nous emmène pas sur place dans la visite virtuelle, ou parfois seulement, et par des détours subtils qui feront le plaisir des esprits fureteurs mais l’exaspération des flâneurs.


L’Ermitage expose deux tableaux de Joseph Wright of Derby, achetés à peine secs pour Catherine 2 de Russie dans les années 1770. Mais comment les atteindre dans la visite virtuelle ?


La visite virtuelle

C’est une fonction exceptionnelle, sans doute unique sur internet, à cette échelle.
Les 66 000 mètres carrés d’exposition du musée, boiseries, marbres, ors et somptuosités sont à la portée de votre main. Vous vous déplacez de salle en salle, zoomez pour détailler les vues panoramiques, vous arrêter sur chaque objet, en lire la notice, et voir l’œuvre de plus près.

Pour ne pas vous perdre, ou vous repérer si vous êtes déjà égaré, vous disposez d’un plan général interactif. Il affiche, sur 3 étages, la liste de toutes les salles (il y en a des centaines), le thème et la période exposés, et vous y emmène directement. Si vous connaissez le numéro de la salle recherchée, vous disposez sur la même page du plan où elle peut être sélectionnée, ce qui vous y téléporte également.

Trucs et astuces

• Il vous faudra quelquefois choisir un autre point de vue dans la même salle (elles sont vastes) pour accéder aux informations sur des objets de la pièce qui, d’où vous êtes, ne semblent pas documentés (signalés par un i cerclé).

• Certaines pièces ont peu d’objets documentés, mais n’oubliez pas de lire, en haut de page, les informations sur la salle, qui en disent parfois long.

• Pris d’un vertige naturel devant tant de luxe, vous ne vous souviendrez pas toujours de quelle salle vous veniez. L’Ermitage l’a prévu et vous indique sur une vignette, quand vous pointez la pièce suivante, si vous l’avez déjà visitée lors de la session.

• Quand vous vous arrêtez devant une glace, ne vous étonnez pas de ne pas voir votre reflet. Pour que l’expérience soit impressionnante, le musée est totalement désert, les visiteurs sont effacés. Mais peut-être réussirez-vous à apercevoir quelques silhouettes floues, au rez-de-chaussée par exemple, vers les vestiaires. Un témoin peu fiable dit les avoir vues, une fois.

• Dans son ensemble, le jeu est savamment développé, mais comme dans toute création humaine un peu complexe, il vous arrivera, pensant entrer dans une pièce, de vous matérialiser dans une autre, très éloignée. Ça ne sera pas un raccourci, mais une anomalie du logiciel.
 
Enfin, souhaitant atteindre un numéro de salle vu dans le catalogue des objets, vous pourriez ne pas le trouver sur le plan, ou tourner autour de la salle sans réussir à l’atteindre.
Ainsi, vous entreverrez peut-être des peintures impressionnistes, des tableaux de Caspar Friedrich, de Matisse, les plus fameux Gérôme, un carré noir de Malevitch, ou 43 Picasso, mais le plan refusera de vous y mener.
Peut-être faut-il, comme dans tout jeu vidéo, avoir acquis un niveau d’expertise suffisant pour que ces salles s'ouvrent, comme une récompense.

Nous verrons, dans le prochain épisode, comment atteindre ces mystérieuses pièces inaccessibles, et tenterons même de résoudre l’énigme de la salle 308.


Où se trouve le plus beau tableau du musée de l’Ermitage ?

lundi 5 septembre 2011

C'est beau, la nature


Le morpho, papillon bleu iridescent qui batifole imprudemment dans les forêts d'Amérique du sud n'a décidément pas de chance. La nature l'a doté, dans sa dernière métamorphose, de couleurs si précieuses, comme un métal enchanté dans un film de Walt Disney, que collectionneurs et naturalistes n'ont jamais pu se retenir d'en décorer à profusion vitrines et musées.
Et tandis qu'un brave papillon commun flanqué de couleurs vulgaires prend tous les matins le chemin du bureau, vit paisiblement ses quelques mois d'existence, butine au passage et se reproduit comme tout le monde en dizaines de petits papillons également communs, l'éblouissant morpho quant à lui finit généralement jeune, épinglé dans une boite poussiéreuse, au dessus d'une étiquette qui précise, d'une écriture cursive et appliquée, le petit nom de l'animal et le paradis où il a été chassé, agrémentés d'un commentaire affligé sur la disparition de l'espèce.

Moralité : il n'y en a pas.



mercredi 4 mars 2009

Le musée des mots en «-isme»

On apprend avec émotion, sur les autobus parisiens, qu'il y aurait plusieurs impressionnismes, au point qu'il est devenu urgent de leur ouvrir un musée, à Giverny (*).
Certes, la manière impressionniste est très populaire. Parce qu'elle représente la réalité comme un éternel printemps, qui serait vu par un astigmate. Elle enchante les femmes par son univers constamment fleuri et vivement coloré, et rassure les hommes parce qu'il est peuplé de femmes en robes flottantes humblement occupées, dans l'ombre, à des tâches quotidiennes. Et quand elle peint les réalités plus brutales de la ville, elle les noie dans des scintillements de lumière ou des brumes et des fumées qui les voilent avec délicatesse.

C'est un peu le monde merveilleux de Walt Disney.
Alors imaginez plusieurs impressionnismes... Chacun pourrait choisir l'impressionnisme qui lui convient, comme on choisit la couleur d'un papier peint : un impressionnisme à fleurs jaunes pour l'été, un impressionnisme parme à l'automne, vert pomme pour le printemps.

En haut, 4 vues (parmi 28) de la cathédrale de Rouen peintes par Monet autour de 1890. En bas 4 vues (parmi des centaines photographiées par vous et moi et partagées sur Panoramio) du Château de Cendrillon, à Disney World en Floride. Impressionnisme chez Monet, «impressionnantisme» chez Disney, la différence saute aux yeux.

Le musée ouvrira le 15 mai sur un coup d'éclat, une exposition «Le jardin de Monet à Giverny» (hélas pauvre en tableaux, à peine une vingtaine), suivi d'une rétrospective Joan Mitchell, peintre américaine rangée sous l'étiquette «expressionnisme abstrait» et qui a peu à voir avec l'impressionnisme sinon qu'elle a longtemps vécu à Vétheuil dans la maison que Monet avait habitée.
Mais après tout, Monet fut un des précurseurs, derrière Turner, de l'abstraction en peinture. Et puis, tout le monde aura sa place au musée des mots en «-isme».

***
(*) Le Musée des Impressionnismes s'installera dans les locaux du Musée Américain de la fondation Terra à Giverny, qui lui abandonne la place (par défaut de rentabilité ?). Ainsi disparaît un musée qui n'aura pas vécu vingt ans. Où verra-t-on désormais les tableaux de Georges Inness, Guy Orlando Rose, Martin Johnson heade, Edward Hopper, John Singer Sargent ?