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samedi 1 juin 2024

C’est le printemps, allons tous à Giverny

Monet, Matinée près de Giverny, 1888, 80 x 74cm, Cat.W1205, Vente Christie’s 2015, 4,5M$. Cette prairie au sud de la propriété de Monet dans la plaine des Essarts est le sujet d’une douzaine de tableaux de 1888 (Cat.W1194-1208). Elle ferait un beau terrain pour le parking géant d’un parc d’attraction Monet-Land.



Y a-t-il chose plus agréable que la perspective d’une suite de jours sans aller au travail, que de partir flâner dans des jardins parfumés par la venue du printemps, s’asseoir à l’ombre et se faire lire Le droit à la paresse de Paul Lafargue, ou l’Éloge de l’oisiveté de Bertrand Russell, et à la question de savoir s’il y aurait une quelconque noblesse dans le travail, s’assoupir ?

Pour cela le créateur de toutes choses nous a offert le mois de mai. Il l’a généreusement fleuri de jours fériés parfois agrémentés de ponts (japonais) et n’a pas manqué d’en avertir les poètes et les peintres, puis la presse et les médias, qui se sont empressés de monter tout cela en mayonnaise et de fabriquer chaque année pour l'occasion un nouvel évènement impressionniste.
Cette année c’était le 150ème anniversaire de l’exposition à Paris, chez le photographe Nadar, parmi 200 tableaux refusés au Salon officiel, du célèbre Impression, soleil levant de Monet, qui deviendra le fanion de l’école impressionniste.

Forcément les gens lisent les journaux, regardent la télévision, et se disent "Si nous allions voir ce jardin de Claude Monet ? Il l’aurait conçu pour avoir quelque chose à peindre sans se déplacer, entre deux apéros, le petit malin". Alors par curiosité ils prennent l’automobile et la route de Giverny.

C’est à Giverny, en effet, entre Paris et Rouen, que Monet a passé les deux tiers de sa vie de peintre, de 1883 à 1926, sur 1,7 hectare, et que l’Académie a soigneusement reconstitué, depuis les années 1980, la grande maison et le vaste jardin - on dit désormais "les jardins" - afin qu’ils ressemblent aux tableaux qui y furent peints. Pour mémoire la maison et les jardins de Monet, avec 70 hectares acquis alentour, appartiennent à l’une des 5 académies de l’Institut de France, celle des beaux-arts, constituée de personnalités importantes qu’on dit immortelles, quoique souvent un peu oubliées déjà de leur vivant. 

Hélas les voies du Créateur sont impénétrables, particulièrement l’autoroute A13 qui relie Rouen et Paris à l’occasion des weekends providentiels de mai.
Et ça n’a pas raté cette année encore, entre le 8 et le 12 mai. Présage évident, les réservations en ligne pour Giverny avaient été closes bien avant. 
On parle de 3000 visiteurs dès le premier jour, dont une partie n’aura vu de Monet que le nom sur la plaque de la rue où ils patientèrent, pour certains pendant 3 à 4 heures, pour acheter un billet, et parfois pour rien, la caisse fermant à 17h30.

Sans connaitre la jauge de visiteurs admis dans l’enceinte du musée, on n’essaiera même pas d’imaginer combien peuvent se tenir simultanément sur les quelques centaines de mètres des étroites allées qui sillonnent le jardin.

Le musée de la fondation Claude Monet en quelques chiffres

0 (zéro) : c’est le nombre de peintres ou même de dessinateurs que vous verrez dans les allées du jardin. Ils sont interdits. Comme les photographes dans un musée moderne, ce sont des grumeaux dans le flux de touristes.
500 : c’est le nombre d’habitants de la commune de Giverny (en réalité de moins en moins).
1000 : c’est le nombre de places des trois grands parkings actuels consacrés à Claude Monet dans Giverny.
1840 : c’est en mètres la longueur de la rue Claude Monet qui traverse le village et où se trouve l'entrée du musée, ce qui permet d’envisager sereinement des files d’attente d’un bon millier de visiteurs sans billet.
700 000 : c’est en mètres carrés la surface de terrain devenue propriété de l’Académie des beaux-arts dans le but de préserver l’environnement qui a fait le cadre de vie du peintre. En respectant les normes actuelles on pourrait y ranger 20 000 voitures et il resterait 20 hectares, 10 fois le jardin actuel, pour un parc d’attraction horticole qu’on appellerait Monet-Land.

*** Nécrologie *** 
Le directeur de la Maison et des jardins Claude Monet, académicien qui avait beaucoup fait pour la reconstitution et l’essor du musée, vient de mourir le 25 mai 2024.

dimanche 9 novembre 2014

Émile Claus, peintre flamand

Comme la plupart des peintres de son époque qui inventeront plus tard l’impressionnisme ou ses courants succédanés, Émile Claus (1849-1924) apprend d’abord à peindre des sujets académiques et sombres, réalistes et sociaux.
Dans les années 1880, quelques voyages, en Espagne, en Afrique, et à Paris où il découvre Monet et les courants impressionnistes, orienteront sa peinture vers le soleil et ses effets.

Émile Claus, Le pique-nique, 1887, collection du Palais royal, Bruxelles.

Après sa mort il sera presque oublié, malgré un succès notable en Belgique où il vivait au bord de la Lys, à Astène-Deinze non loin de Gand.

Émile Claus, Les patineurs, 1891, musée des beaux-arts, Gand.

Rarement exposé ou reproduit, il connait cependant depuis quelques temps un renouveau, comme son ami Le Sidaner. Le musée d’Orsay présente une ou deux toiles qu’il recelait depuis longtemps, et le musée des impressionnismes de Giverny a exposé récemment une belle série d’une dizaine de tableaux, dont voici trois.

Émile Claus, La levée des nasses, 1893, musée des beaux-arts, Ixelles.

vendredi 24 octobre 2014

Miracle à l'italienne

L’indispensable Monsieur Rykner, toujours au fait des informations réellement importantes, signale dans sa Tribune de l’art qu’une loi italienne sur le développement de la culture et la relance du tourisme, promulguée le 30 juillet 2014, autorise désormais la photographie dans tous les établissements culturels du pays.
Parmi beaucoup d’autres mesures, le texte déclare la photographie libre si elle est destinée à l’étude, la recherche, la libre expression, la création artistique ou la promotion non lucrative du patrimoine culturel.

Rappelons que la France venait quelques jours auparavant de faire le même geste (en plus timoré) par une directive ministérielle (Charte Tous Photographes).
Et il est bien possible que nombre de musées en Italie pratiqueront encore quelque temps l’insubordination, par habitude, ou cupidité comme en France le musée d’Orsay.

D’ailleurs, le Musée des impressionnismes de Giverny qui pratique aujourd’hui le harcèlement intensif du visiteur photographe, prétend ne pas connaitre la directive mais affirme tout de même qu’elle ne lui est pas applicable.
Au sens strict, la Charte ne lui est pas imposée, mais seulement conseillée, puisqu'il est un établissement public culturel régional (et non national). Notons cependant que son vice président se trouve être l’inévitable et constant baron G.C., actuel président récalcitrant de l'établissement public culturel national du musée d’Orsay.
 
Disons que ça ne serait pas très malin de laisser les régions de France à la traine d'un mouvement qui est de toute façon inéluctable. Cela avantagerait les 34 musées nationaux qui sont principalement parisiens.

Morren George, le verger, 1890 (collection particulière - Galerie Lancz, Bruxelles), lors de son exposition au musée des impressionnismes en octobre 2014. La photo était interdite, ce qui est une excellente précaution si on souhaite qu'un peintre inconnu ou méconnu le soit pour toujours.

mercredi 4 mars 2009

Le musée des mots en «-isme»

On apprend avec émotion, sur les autobus parisiens, qu'il y aurait plusieurs impressionnismes, au point qu'il est devenu urgent de leur ouvrir un musée, à Giverny (*).
Certes, la manière impressionniste est très populaire. Parce qu'elle représente la réalité comme un éternel printemps, qui serait vu par un astigmate. Elle enchante les femmes par son univers constamment fleuri et vivement coloré, et rassure les hommes parce qu'il est peuplé de femmes en robes flottantes humblement occupées, dans l'ombre, à des tâches quotidiennes. Et quand elle peint les réalités plus brutales de la ville, elle les noie dans des scintillements de lumière ou des brumes et des fumées qui les voilent avec délicatesse.

C'est un peu le monde merveilleux de Walt Disney.
Alors imaginez plusieurs impressionnismes... Chacun pourrait choisir l'impressionnisme qui lui convient, comme on choisit la couleur d'un papier peint : un impressionnisme à fleurs jaunes pour l'été, un impressionnisme parme à l'automne, vert pomme pour le printemps.

En haut, 4 vues (parmi 28) de la cathédrale de Rouen peintes par Monet autour de 1890. En bas 4 vues (parmi des centaines photographiées par vous et moi et partagées sur Panoramio) du Château de Cendrillon, à Disney World en Floride. Impressionnisme chez Monet, «impressionnantisme» chez Disney, la différence saute aux yeux.

Le musée ouvrira le 15 mai sur un coup d'éclat, une exposition «Le jardin de Monet à Giverny» (hélas pauvre en tableaux, à peine une vingtaine), suivi d'une rétrospective Joan Mitchell, peintre américaine rangée sous l'étiquette «expressionnisme abstrait» et qui a peu à voir avec l'impressionnisme sinon qu'elle a longtemps vécu à Vétheuil dans la maison que Monet avait habitée.
Mais après tout, Monet fut un des précurseurs, derrière Turner, de l'abstraction en peinture. Et puis, tout le monde aura sa place au musée des mots en «-isme».

***
(*) Le Musée des Impressionnismes s'installera dans les locaux du Musée Américain de la fondation Terra à Giverny, qui lui abandonne la place (par défaut de rentabilité ?). Ainsi disparaît un musée qui n'aura pas vécu vingt ans. Où verra-t-on désormais les tableaux de Georges Inness, Guy Orlando Rose, Martin Johnson heade, Edward Hopper, John Singer Sargent ?

jeudi 28 décembre 2006

Chose passée : Winslow Homer

À quand remonte la première fois où j'ai vu une peinture de Homer?
Peut-être à la fin des années 1970, au Louvre. "Un soir d'été". Deux femmes dansent devant la mer, les silhouettes des spectateurs se mélangent aux vagues. Peut-on imaginer un tableau plus magique?

Puis j'oubliais Homer. Internet n'existait pas, il était difficile de trouver de bonnes reproductions.

Au printemps 1984, les États-Unis exposaient à Paris, au Grand Palais, 110 chefs-d'œuvre de la peinture américaine. On savait que des peintres américains avaient réalisé quelques belles toiles, reproduites à l'infini dans d'édifiantes histoires de l'art, mais on n'avait jamais pensé que Heade, Lane, Sargent, Eakins étaient aussi "grands" que les plus "grands" européens (Ce Glob Est Plat consacrera un jour une chronique à chacun d'eux).
Parmi ces merveilles, quelques Homer, le "soir d'été", et un grand tableau, bouleversant, peut-être par la pureté plastique de ses lignes, par je ne sais quoi... un renard dans la neige.

À l'automne dernier, le musée américain de Giverny exposait une cinquantaine d'œuvres sur le thème "Homer poète des flots". On connaît mieux Homer qu'en 1984, abondamment reproduit depuis sur la Toile (omniprésence américaine oblige). Mais les représentations de la mer agitée sur la côte Est des États-Unis sont parmi les plus belles œuvres de la fin de sa vie.
Après de nombreux atermoiements, un vendredi pluvieux d'octobre, je suis à Giverny, deux jours avant la fin de l'exposition.

Et de loin, parmi les huiles et les aquarelles marines, je l'aperçois. Il est là, comme il y a plus de 20 ans, dans la neige, menacé par les mêmes corbeaux.
À quoi tient la magie d'une image?
À la magie d'un instant?

Au fond de la scène, une tâche bleue. Ça doit être la mer, le thème de l'exposition. Sinon, le musée de Philadelphie se serait-il privé cinq mois d'une tel enchantement?
Il est maintenant en Amérique ; le "soir d'été" est toujours à Paris, au musée d'Orsay.