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mercredi 25 décembre 2024

La vie des cimetières (116)

 
Comme prévu dans La vie des cimetières (115), voici quelques beaux échantillons de la végétation renaissante au cimetière du Crêt-de-Roc à Saint-Étienne, le 11 mai 2024.


dimanche 28 avril 2024

Histoire sans paroles (51)


On reprochera peut-être au photographe de s’être préoccupé d’une plaque d’égout et des traces d’une sortie de garage, alors qu’il avait à 50 mètres un point de vue sur la façade occidentale de la cathédrale Saint-Maurice, à Angers.
C’était peut-être volontaire, elle est à moitié dans les cartons depuis si longtemps - ici en octobre 2022.

Pour résumer la situation - n’oublions pas qu’on est dans une Histoire sans paroles - il y avait dans le temps un porche, une vaste galerie qui prolongeait la nef de la cathédrale, un narthex, un caquetoire, voire une galilée disent les vrais spécialistes en désaccord avec Monsieur Larousse sur le genre de la chose. De style vaguement gothique construite à la Renaissance elle protégeait un épisode de l’Apocalypse de Jean, sculpté autour du tympan du portail et peint de diverses couleurs dont certaines du 12ème siècle. Très dégradée la galerie avait été détruite en 1806, offrant l’Apocalypse aux intempéries. Cependant les sculptures avaient été recouvertes d’un badigeon de chaux protecteur, qui s’encrassait depuis deux siècles.
Un jour quelque décideur s’intéressa au portail. C’était, voilà une quinzaine d’années, le début d’une longue période d’analyses et d’expertises. Il fut décidé de restaurer le portail et ses sculptures et de les protéger temporairement dans un coffre de planches en attendant l’édification d’une solution architecturale moderne, œuvre d’un célèbre architecte japonais choisi par le ministère de la Culture. 
L’ambitieux projet a pris naturellement un retard pour l’instant modeste. L’inauguration de la nouvelle galerie envisagée vers l'été 2024 se ferait plutôt vers la fin 2025. 

Le photographe pourra alors immortaliser cette façade occidentale occultée depuis 15 ans, embellie par un geste architectural contemporain, où l’artiste japonais dit avoir respecté les proportions du nombre d’or, ce qui, comme tout placebo, ne peut pas faire de mal, et où il affirme, contredisant avec bonne humeur un architecte inquiet et un peu trop minutieux assistant à sa conférence, que la lumière du soleil des soirs d’été ne touchera jamais de ses néfastes rayons directs les sculptures aux couleurs ressuscitées.

samedi 2 janvier 2021

Histoire sans paroles (38)

Plus qu’une rumeur, un fantôme rôde toujours dans les rues de cette petite ville du centre de la France, qu’il aura fréquentée de son vivant. C’était Jean Calvin, grand penseur, qui non content d’être un des idéologues et ministres d’une religion dissidente, jouissait de compétences en astronomie certaines pour son époque, celle de Copernic, comme on peut le lire dans son commentaire du livre des Psaumes (93,1)  « Comment serait-il possible que la terre demeurât pendante en l’air, si elle n’était soutenue de la main de Dieu ? »
 

mercredi 19 février 2020

Dans les coulisses de Machu Picchu

Emanuel de Witte, intérieur de la vieille église (Oude kerk) de Delft vers 1650, détail (Metropolitan museum of art, New York).


Par son incongruité, la question aura peut-être retenu un instant votre attention dans le flux quotidien des informations délébiles : que s’est-il réellement passé ce 11 janvier 2020 sur le site sacré de Machu Picchu ?

Tentons de reconstituer les faits éparpillés dans les médias, mais balayons d’abord un point topologique et grammatical.
On a pu lire en effet, que des touristes désobligeants auraient « déféqué sur le Machu Picchu », ou « déféqué sur le Temple du soleil ». L’information, de l’Agence France Presse, a été reproduite par nombre de journaux sérieux, ici, ou . Et il ne s’agissait pas d’effets de style, ni de métaphores.

Alors précisons qu’une telle action n’est techniquement et grammaticalement réalisable que si on parle de la montagne, le Machu Picchu, qui a donné son nom à la ville en ruine, et qu’on ne voit jamais sur la plupart des photos du site archéologique puisqu’elles sont précisément prises du Machu Picchu même (le pic si pittoresque et systématiquement reproduit derrière les ruines est le Huayna Picchu).
On ne peut donc pas vraiment, dans l’enceinte de la ville, « faire » sur le Machu Picchu, encore moins sur le Temple du soleil, sans d’impensables acrobaties.

Le Temple du soleil est un bâtiment flanqué d’une tour dont le dernier étage était peut-être un observatoire astronomique, et au pied de laquelle une grotte naturelle est aménagée et sculptée en lieu de culte, mausolée où étaient peut-être entreposés les restes des officiels incas, avec éclairement astucieux par le soleil levant autour du solstice d’été, comme il se doit désormais sur tout monument antique.
Pour le protéger, l’accès en est interdit, par une simple ficelle.
Comme illustration de son article, LCI affiche une photo fournie par l’AFP qu’elle sous-titre « Le Temple du soleil… », et qui n’a rien à voir avec ce temple, mais qui est très belle tout de même.

Tout cela est bien approximatif.
On lit aussi que les contrevenants risquent jusqu’à 4 ans de prison, ou au moins 4 ans, selon les sources. Il est vrai que montrer seulement un postérieur déculotté sur le site du Machu Picchu est déjà un blasphème, et l’anecdote est fréquente comme en 2015, ou en 2018, de plaisantins expulsés par la police. « C’est un lieu sacré comme l’église de Lima » disent les autorités. N’en rions pas, on a en France des simagrées plus indignées encore à propos d’un bout de chiffon tricolore.

Alors en croisant les multiples paraphrases du communiqué de l’AFP, et les détails lus sur certains médias étrangers plus rigoureux, on pourrait résumer ainsi ce qu’il s’est passé le soir du 11 janvier 2020 au Machu Picchu : 5 jeunes touristes venant de divers pays d’Amérique du sud, et une de France, ont été surpris peu après la fermeture du site, vers 18h, dans la partie interdite du Temple du soleil. Des traces de souillures ont alors été constatées sur place. Une pierre tombée de 6 mètres était ébréchée sur le sol. L’un des touristes a reconnu l’avoir fait tomber et attend son procès pour atteinte au patrimoine culturel. Les 5 autres ont été expulsés et bannis du pays.

Au Pérou, Machu Picchu, site inca oublié plus de 3 siècles et redécouvert en 1911, est sacré surtout depuis qu’il a été consacré patrimoine mondial par l’UNESCO, en 1983, et qu’il fait l’objet d’efforts remarquables et constants pour augmenter le nombre de visites, mais pas nécessairement le bien-être des visiteurs.

Car ce qu’oublient de dire ces articles psittacistes, c’est qu’on aborde le site en montant déjà un dénivelé de 400 mètres, à pied, ou dans un bus surchargé, qu’arrivé à 2500 mètres d’altitude entre les deux sommets, la visite s’étend sur une surface accidentée et couverte d’escaliers de plus de 100 000 mètres carrés (10 hectares) d’un terrain habituellement humide et glissant, qu’une visite dure en moyenne 4 ou 5 heures, et qu’il est donc conseillé de s’hydrater généreusement (sans parler des désordres dans les habitudes alimentaires et digestives qu’occasionnent souvent ces transhumances de touristes avides de cultiver leur esprit).

Or il n’y a pas de toilettes sur le site de Machu Picchu. Il faut sortir de l’enceinte pour en trouver, et toute sortie est définitive (l’entrée se réserve des mois à l’avance).

On comprend, dans ces conditions, qu’un petit mausolée ombragé au cœur des ruines, à l’abri des regards, protégé par une interdiction d’entrer et garni de sièges accueillants sculptés et polis dans la pierre, a dû attirer plus d’une fois la convoitise de touristes pris d’un émoi impérieux.

Alors avant de punir le sacrilège, peut-être conviendrait-il de s’interroger sur les commodités minimales à mettre en place quand on espère accueillir bientôt 5000 visiteurs par jour et devenir la première des 7 merveilles du monde.
On éludera les balivernes sur les canalisations qu’il faudrait nécessairement installer et qui endommageraient les fondations du site ; les toilettes sèches ou à litière bio-maitrisée fonctionnent sans eau et sans odeur.
Il serait d’ailleurs temps d’installer cette variété de cabinet de soulagement dans tous les sites sacrés, en particulier dans les églises, traditionnels lieux d’asile où ont longtemps divagué même les chiens errants, s’il faut croire les peintres hollandais.

dimanche 24 février 2019

Tableaux singuliers (11)


Ippolito Caffi, védutiste italien au 19ème siècle, fasciné par les phénomènes météorologiques et lumineux, peignit Venise dans tous ses états, submergée par l’acqua alta, sous la neige, dans le brouillard, illuminée de feux de Bengale... Ce Glob parlait de lui en 2011.

En 2016 et 2017, au moment d’une copieuse et longue rétrospective Caffi au musée Correr, place Saint-Marc à Venise (157 œuvres pendant 8 mois), réapparaissait un tableau étrange, d’une collection privée, une « Éclipse de soleil à Venise vue des Fondamente nuove ».
C’est un grand tableau, 152 cm sur 84. Au dos serait inscrit, en italien, « 8h du matin, à Venise le 8 juillet 1842, CAFFI ».

Cette représentation de la fin de la phase de totalité de l'éclipse solaire, dont l'ombre enténébra Venise ce matin-là, est fausse. Jamais une éclipse ne diffuse pareille tranche de lumière, comme projetée par un phare, comme si le Soleil et la Lune flottaient à l’intérieur de l’atmosphère terrestre. En réalité le ciel passe, à la fin d’une éclipse totale, de nocturne (à part l’horizon crépusculaire) à diurne, dans sa totalité, et la lumière baigne l’atmosphère en quelques secondes, sans balayer de manière perceptible l’espace comme un rideau qui s’ouvrirait. Le phénomène est le même, inversé, au début de la phase de totalité.

Or Caffi, reporter fidèle des évènements atmosphériques, s’il les exaltait souvent, ne les transformait pas. Comment expliquer cette image erronée ?

Essayons une explication.

Caffi n’a pas assisté à l’éclipse totale du 8 juillet 1842 et l’a peinte d’après des témoignages. Peut-être était-il à Rome ce jour-là. C’est une malchance, car on connait le détail de tous ses voyages, et en 1841 et 1842, il pérégrinait entre Padoue, où il réalisait une série de fresques, Milan, Belluno sa ville natale, Venise et Rome. Or les quatre premières sont dans la zone d’ombre de l’éclipse, mais pas Rome (voir illustration ci-dessous).
Caffi n’a d’ailleurs jamais pu voir d’autre éclipse totale, puisqu’aucune éclipse n’a jamais traversé les lieux de ses voyages quand il y était.

Il est cependant évident que de retour dans sa région en 1842, il a interrogé des témoins pour réaliser son tableau. Et leur description, à un détail près, a été précise et fiable.

En consultant l’exceptionnel et légendaire site de Xavier Jubier, qui permet de rechercher et tracer toutes les éclipses solaires sur cinq millénaires, on constate que l’éclipse du 8 juillet 1842 a duré environ une minute à Venise, précisément à 7h06 (heure d’aujourd’hui), et que le soleil était orienté vers l’Est-Nord-Est à une altitude de 20°.
Or on vérifie, en superposant le tableau à une vue récente des mêmes Fondamente Nuove (quais du nord de la ville) par Google street view, que le décor a peu changé en 170 ans, et que l’orientation et la hauteur des astres sur le tableau correspondent parfaitement aux conditions de l’éclipse.
De plus, bien que les couleurs d’ensemble en soient assez fausses, la teinte crépusculaire de l’horizon et, en dessous, l’illumination de l’eau de la lagune au retour du soleil sont des notations justes des effets lumineux de la fin de la phase de totalité.

Mais, détail que Caffi témoin n’aurait pas oublié, l’orientation du soleil reparaissant derrière la lune est fausse. Le peintre place le croissant en bas à droite, qu'il prolonge d'un quartier de lumière imaginé en simulant mentalement le phénomène, alors qu'en réalité le soleil qui se levait quittait le trajet de la lune vers le haut à droite, ce que montrerait la simulation de l'éclipse sur un logiciel d’astronomie.

Ainsi, Caffi a scrupuleusement reproduit ce qui lui a été dit par les témoins, mais certains effets sont difficiles à décrire, et il a probablement réalisé le tableau un peu vite, sans leur soumettre des esquisses préparatoires.
Quelques mois plus tard, il partait de Naples pour un voyage de deux ans, plein d’étapes ensoleillées, vers Constantinople, Athènes, Le Caire, jusqu’au désert de Nubie.
 
Trajet de l'éclipse solaire totale du 8 juillet 1842 (calculs par X. Jubier)

lundi 21 janvier 2019

Quoi de neuf sur Terre ?


Se rire des nuits sans sommeil, de la morsure des températures négatives, des malveillances de l’adversité, pour épier et rapporter au lecteur les informations les plus actuelles et les plus véridiques, c’est l’apostolat d’un blog véritablement scientifique.
Or cette nuit, entre 5 et 7 heures, pendant que ledit lecteur emmitouflé ronflait innocemment, le Soleil, la Terre et la Lune se sont alignés, parfaitement, comme cela arrive une à deux fois par an.

Et notre envoyé spécial sur terre était prêt. En réalité il dormait encore quand l’ombre de la terre commençait à se projeter sur la lune, mais il s’est éveillé comme la lune émergeait du cône d’ombre. Juste à temps, et c’est heureux pour son contrat de travail (voir les illustrations jointes).

Le flou relatif des images n’est pas dû à son demi-sommeil mais à la brume d’hiver, et la courbure du bord de l’ombre de la terre sur la surface de la lune vient probablement du fait que la terre est un peu sphérique. Enfin, c’est une hypothèse, affirmée par le philosophe Aristote (1) voici environ 2350 ans, et qui sera vérifiée dès que nous aurons recueilli les moyens d’envoyer notre reporter sur la lune.

***
(1) On peut encore démontrer la sphéricité de la terre par les phénomènes qui frappent nos sens. Ainsi, si l'on supposait que la terre n'est pas sphérique, les éclipses de lune ne présenteraient par les sections qu'elles présentent, dans l'état actuel des choses ; car la lune, dans ses transformations mensuelles, affecte toutes les divisions possibles, tantôt demi-pleine [sous-entendu, séparée par une ligne droite], tantôt en croissant, tantôt pleine aux trois-quarts ; mais dans les éclipses, la ligne qui la termine est toujours courbe. Par conséquent, comme la lune ne s'éclipse que par l'interposition de la terre, il faut bien que ce soit la circonférence de la terre, qui, étant sphérique, soit cause de cette forme et de cette apparence.
Aristote, Traité du ciel, livre 2 chapitre 14 §13.

Montage, fait de 3 lunes à la fin de la phase de totalité de l'éclipse vers 6h50, et d'une 4ème, 20 minutes plus tard.

lundi 4 décembre 2017

Tripoter des extraterrestres (2 de 3)

Les météorites remontent, comme l’affirmait régulièrement Vialatte à propos de tout et de rien, à la plus haute antiquité. Depuis ces temps lointains, les humains (ceux qui n’avaient pas l’entendement embrumé par des à priori) ont observé et constaté que des pierres, parfois nettement métalliques, tombaient du ciel.

Le plus antique récit, gravé sur l’argile, l’Épopée de Gilgamesh, décrit ainsi le premier songe du roi, sur la tablette 1 (illustration 1), « Alors que m’entouraient les étoiles célestes, une sorte de bloc venu du ciel est lourdement tombé près de moi, j’ai voulu le soulever, il était trop lourd, j’ai voulu le déplacer, je ne pouvais le bouger  ».

Plus tard, il y a plus de 3000 ans, apparait dans la langue égyptienne le mot « fer venu du ciel », et la lame d’un poignard finement ouvragé découvert auprès de la momie du pharaon Toutankhamon est faite d’un fer météoritique (il ne contient pas les mêmes proportions d’éléments, notamment de nickel, que le fer terrien).

Le philosophe grec Anaxagore, cité par Laërce, affirme que le ciel tout entier est fait de pierres en rotation qui tombent lorsque leur mouvement cesse. Le romain Pline les croit soulevées et emportées par le vent, et les chroniques chinoises les consignent avec minutie, mais il faut attendre le 19ème siècle et les météorites d’Alès, de Chassigny et d’Orgueil, pour que la chose soit prise au sérieux, étudiée scientifiquement, et finalement acceptée par l’opinion comme une phénomène naturel.

Les météorites tombées à Alès (Alais) le 15 mars 1806 (ill.2, un reste de quelques grammes sur 6kg) et à Orgueil le 14 mai 1864 (ill.3, une part des 14kg) sont parmi les très rares reliques connues de la nébuleuse primitive qui a formé le système solaire. Ce sont comme des morceaux de soleil avant qu’il ne se contracte et s’échauffe. Elles contiennent des traces d’hydrocarbures, de Xénon, de diamant, et de temps en temps un savant américain en mal de financement, mollement démenti par la communauté de ses collègues, découvre dans un éclat les marques du passage d’une forme de vie extraterrestre.

Découverte en Patagonie en 1951, la « pierre » d'Esquel (ill.4) est devenue un mythe, la Marilyn Monroe des météorites. Sa beauté vient de son alliage de fer et de nickel constellé de grains d’Olivine qui s'est forgé dans la région frontière d’un astéroïde où les couches de silicates flottaient dans le fer liquide. Ses 750 kilos ont été débités en tranches fines translucides comme le cerveau d’Einstein, et les éclats, de plus en plus petits, se vendent actuellement au prix de l’or au kilogramme (35 euros le gramme).

Le Muséum d'histoire naturelle prétend que la météorite de Tiberrhamine (ill.5) a été découverte au cœur du désert algérien en 1967. Laissons le croire à cette légende. Il est évident que c’est un pavé extrait d’une rue du Quartier latin tout proche du musée, reliquat des soulèvements populaires du printemps 1968 dont le joyeux désordre a certainement perturbé la rigueur de ses travaux de classification et de nomenclature.

À suivre dans un troisième et dernier épisode...

dimanche 9 juillet 2017

De quelques méandres d'été

Tous les jours de l’été en témoignent, ce sont eux, le soleil et la chaleur, les responsables de notre nonchalance.
Tout se met à paresser, à tendre vers sa nature profonde qui est de divaguer. L’épicier du coin griffonne à la hâte un mot d’excuse avec une date de reprise sur sa porte close, l’auteur de blog peu inspiré expose ses photos de vacances et les fleuves les plus indolents renoncent aux efforts qu’impliquerait la ligne droite.

Dans le département de la Manche, la Vire fainéante autour du Grand val de Viré, et le photographe averti s’installe sur un des rochers de Ham pour tourner le dos au soleil de midi.



Dans le Puy-de-Dôme, à Queuille, il choisit la même orientation et emprunte le petit chemin derrière l’église qui mène à un vaste belvédère artificiel. Là il contemple la Sioule, alanguie, opulente, engourdie par la présence du barrage voisin.



Dans la Somme, le fleuve a poussé la paresse jusqu’à porter le même nom que le département. Il ne s’efforce pas même de suivre un quelconque lit et se répand en étangs et marais au pied de la Montagne de Vaux. Bien malin qui verra ses méandres.
Le photographe, philosophe, attendra la chute des feuilles pour se faire une opinion. En juin et juillet, il patientera en grappillant dans les groseilliers plantés en nombre à l'entrée du belvédère par une municipalité prévoyante.


dimanche 5 avril 2015

Histoire sans paroles (15)

Puteaux, rue Anatole France, 1er janvier 2002.

vendredi 13 février 2015

Tableaux singuliers (1)

Patrick William Adam fut un peintre écossais charmant du tournant du 20ème siècle.
Comme tous ses collègues de l’époque il fut séduit par l'aisance et la légèreté du style impressionniste, sans jamais y tomber complètement, et se consacra particulièrement aux scènes d’intérieur, quand la lumière du soleil traverse doucement des rideaux et se pose sur une table dressée décorée de fruits et de fleurs ou sur un coin de parquet ciré.
Adam exploitera ce thème à succès jusqu’à sa mort en 1929.

Il fera une exception curieuse un jour de 1915.
Au printemps de cette année, les zeppelins allemands bombardent aveuglément les grandes villes anglaises, dont Edinburgh en Écosse. Les populations sont terrorisées, dans les journaux on parle d’apocalypse.
À 61 ans, voyant son univers menacé, Adam peint comme il l'avait toujours fait un intérieur bourgeois avec son vase de roses et son parquet luisant, mais cette fois bouleversé par un bombardement qui a fait éclater la fenêtre et semé désordre, débris et fumée dans le salon. Il le nomme « War » (Guerre).

Néanmoins dès 1916, alors que les zeppelins continuent à harceler la région, que l’année devient une boucherie plus terrible encore que la précédente et que l’Europe dénombre des millions de morts, Adam peint une de ses scènes les plus apaisées, « The morning room ».

De nos jours les sites qui font commerce de reproductions de tableaux et de clichés en tous genres sont les seuls à ne pas avoir oublié Adam, ses intérieurs paisibles, intimes et ensoleillés, comme son tableau singulier de 1915, exposé aujourd'hui au musée de Dundee.

dimanche 9 novembre 2014

Émile Claus, peintre flamand

Comme la plupart des peintres de son époque qui inventeront plus tard l’impressionnisme ou ses courants succédanés, Émile Claus (1849-1924) apprend d’abord à peindre des sujets académiques et sombres, réalistes et sociaux.
Dans les années 1880, quelques voyages, en Espagne, en Afrique, et à Paris où il découvre Monet et les courants impressionnistes, orienteront sa peinture vers le soleil et ses effets.

Émile Claus, Le pique-nique, 1887, collection du Palais royal, Bruxelles.

Après sa mort il sera presque oublié, malgré un succès notable en Belgique où il vivait au bord de la Lys, à Astène-Deinze non loin de Gand.

Émile Claus, Les patineurs, 1891, musée des beaux-arts, Gand.

Rarement exposé ou reproduit, il connait cependant depuis quelques temps un renouveau, comme son ami Le Sidaner. Le musée d’Orsay présente une ou deux toiles qu’il recelait depuis longtemps, et le musée des impressionnismes de Giverny a exposé récemment une belle série d’une dizaine de tableaux, dont voici trois.

Émile Claus, La levée des nasses, 1893, musée des beaux-arts, Ixelles.

samedi 19 avril 2014

La vie des cimetières (54)


Quand on monte les douze marches qui conduisent au cimetière de Louannec, devant l'église Saint Erwan (Saint Yves), on a l'impression de surprendre un rituel, un congrès de christs, tous exposés exactement vers le sud, vers le soleil.

dimanche 23 mars 2014

Friedrich à Dresde

Friedrich, Caspar David (1774-1840), La grande Réserve près de Dresde.

Après des années d'attente, une reproduction acceptable du sublime tableau de Caspar David Friedrich, « La grande Réserve près de Dresde » est enfin apparue sur Internet. On peut la détailler sur le site Cultural Institute (anciennement Google Art Project).

Le tableau représente la réserve d'Ostra sur la rive sud de l'Elbe à l'ouest de Dresde, en Allemagne. Le site est aujourd'hui occupé par le parc des expositions de Dresde (Messe Dresden).
On peut encore se faire une idée du paysage de l'époque en se plaçant un peu à l'ouest de l'autre côté du fleuve, sur la rive nord et regardant la rive sud vers l'est où Friedrich s'est assis au soleil couchant et à probablement réalisé quelques esquisses préparatoires à la sépia ou à l'aquarelle en 1831 ou 1832.

Sa santé avait commencé à décliner. Le tableau sera un de ses derniers chefs-d’œuvre. Acheté en 1832 par ses amis de l'Association d'Art de Saxe, il est depuis 1909 au musée de Dresde, aujourd'hui sur un mur de la Galerie des nouveaux maitres de l'Albertinum, avec une quinzaine d'autres œuvres de Friedrich. Seuls les musées de Leipzig et de Berlin hébergent une collection de ses tableaux de cette importance.

mercredi 29 février 2012

Chronique astronomique du 29 février


N'allez pas penser, lecteur incrédule, que les évènements d'aujourd'hui 29 février seraient fatalement advenus le 1er mars si l'année n'avait pas été bissextile. La preuve, la présente chronique n'aurait pas vu le jour.

On ne compte plus les poètes qui ont chanté l'harmonie des sphères, la beauté de la mécanique céleste et la perfection de ses rouages. Perfection ? Parlons-en. De loin, peut-être, mais en y regardant de près l'horlogerie universelle est assez approximative. Elle n'a pas été capable de faire coïncider un nombre entier de rotations de la Terre (sur elle même) et une révolution autour du soleil. En clair, à la même heure l'année suivante, la Terre n'a pas terminé un tour complet du Soleil. Évidemment les retards s'accumulent. Résultat, au bout de 700 ans, on récolte le blé en plein mois de janvier. Ce qui perturbe un peu l'agriculteur.
Il était temps de prendre une décision, et c'est le grand Jules (César bien sûr) qui s'y frotta vers 45 avant l'ère actuelle. Mais alors que la solution la plus simple eut été de légèrement rapprocher la Terre du soleil par une petite pichenette bien ajustée (une impulsion créée par l'effet de réaction d'une puissante catapulte, par exemple), il choisit la solution de facilité. L'esprit procédurier l'emporta et on décida de modifier le calendrier en lui ajoutant un jour tous les 4 ans. Cette année-là devenait bissextile et comptait 366 jours. Ce fut le calendrier julien.
Évidemment, comme pour tout ce qui est fait à la hâte, les effets néfastes se firent bientôt sentir, et après 1500 ans de ce laisser-aller, la Terre avait, cette fois, pris de l'avance sur le calendrier. Une dizaine de jours. L'équinoxe de printemps s'approchait inexorablement de l'hiver. Ce qui énervait le pape Grégoire 13 qui n'appréciait rien plus que les guerres de religion, les chasses aux sorcières et la ponctualité. Il décida en 1582 de modifier astucieusement le calendrier dans l'autre sens, en rendant non bissextiles les années multiples de 100 (mais pas de 400, ultime raffinement). Ce fut le calendrier grégorien.

Le calcul n'est cependant pas absolument parfait, mais l'espèce humaine et son calendrier auront disparu depuis belle lurette lorsque l'insuffisance de la règle se fera sentir. Et ce ne sont pas les bigorneaux qui infesteront alors la planète qui s'en formaliseront.



À droite, la montre à quartz du pape Grégoire, le 4 octobre 1582, quelques dizaines de minutes avant le passage au calendrier grégorien. C'est dans cette nuit du 4 au 15 octobre qu'est morte Thérèse d'Avila, sainte notoire. La France adopta le calendrier un peu plus tard, dans la nuit du 9 au 20 décembre.
À gauche, la maquette du projet astucieux d'un conseiller du pape Grégoire pour rétablir équinoxes et solstices à leurs justes places par le moyen d'un système de pivots et d'engrenages (Florence, musée d'histoire de la science Galileo). Mais l'époque n'était pas prête, Giordano Bruno n'avait pas encore été brûlé vif ni Galilée déshonoré, la Terre ne tournait pas encore autour du Soleil. On fit une croix sur le projet et sur l'infortuné conseiller.

***
Et comme il n'y a pas de date plus astronomique que le 29 février, n'oubliez pas d'aller en kiosque acheter La bougie du sapeur, le seul journal qui a le point de vue de Sirius pour traiter l'actualité puisqu'il ne parait que les 29 février. Il porte aujourd'hui le numéro 9 et coûte 4 euros. Il y a 4 ans, l'abonnement pour un siècle était proposé à 100 euros (ce qui peut sembler cher pour 24 numéros, mais on spéculera sur l'inéluctable inflation).


dimanche 22 août 2010

Mars, ou la blague du 27 aout

Ce mois-ci, le 27 à minuit-trente, dans le ciel nocturne s'il est bienveillant, au lieu d'une, vous verrez deux lunes. La deuxième sera la planète Mars, exceptionnellement proche de la Terre par une rarissime concordance des effets de la gravitation. C'est ce que prédit un courrier électronique que vous avez nécessairement reçu ou que vous recevrez bientôt (1), car on a toujours autour de soi des amis sympathiques et peu rigoureux.

Cette histoire est une blague, un bobard, une sottise. Elle se répand sur l'internet dès que l'été arrive, régulièrement depuis 2003. La petite histoire dit que l'origine en est un texte d'astronomie spécialisé, érudit, qui décrivait un fait absolument authentique : le 27 aout 2003 Mars était effectivement au plus près de la Terre, comme elle ne l'avait pas été depuis des milliers d'années et comme elle ne le sera plus avant longtemps. Le texte aurait été tronqué, par erreur peut-être, puis interprété par une personne prévenante, probablement sympathique et peu rigoureuse.

Image très légèrement arrangée, mais entièrement de bonne foi.Une vérification sommaire (par exemple avec le logiciel Stellarium encensé ici) suffisait à démontrer que la Lune serait cette nuit-là totalement invisible, trop proche du soleil sous l'horizon, et que Mars brillerait seule, du crépuscule à l'aube, minuscule point rougeoyant, comme une étoile, un peu plus brillante qu'à l'habitude.
Et si un jour l'Humanité voyait Mars aussi grosse que la Lune, c'est qu'elle contemplerait sa propre fin. Mars ne serait alors qu'à deux fois la distance actuelle de la Lune, le système solaire aurait subi de telles perturbations gravitationnelles que Mars percuterait bientôt la Terre. Déjà, raz-de-marée et déformations de l'écorce terrestres auraient certainement anéanti toute espèce vivante évoluée.

Vous vous exclamerez certainement, outré, « Cuistre ! Pédant ! Tout le monde n'a pas la chance de savoir. Et puis, c'est aimer bien peu l'espèce humaine que de mettre en doute systématiquement les choses merveilleuses que nous annoncent les gens bienveillants, qui n'en retirent ni intérêt ni prestige, et qui ne nous informent que par altruisme ! »
Sur la question de la connaissance, c'est juste, et Ce Glob Est Plat, trop incompétent lui-même, ne s'amusera jamais de l'ignorance d'autrui (sauf négligence). L'innocent, le candide, l'ingénu, le crédule ne peuvent pas se douter que la Terre tourne autour du Soleil, quand l'évidence leur montre l'inverse. D'ailleurs 56% du public invité sur la première chaine de télévision française ne s'y sont pas trompés et l'ont affirmé en chœur lors d'une émission mémorable.

Mais il faut cependant se demander quel est ce besoin vital de merveilleux qui empêche l'humain de se satisfaire d'un monde avec une seule Lune. Serait-il contenté avec une deuxième que le besoin d'une troisième surgirait. Puis il réclamerait des anneaux autour, quelques comètes à heures fixes, des éclipses tous les jours. Il convoite tant ce qu'il n'a pas, qu'il désire même ce qui n'existe pas. Trop d'imagination, trop peu de discernement. En fait il ne désire que désirer. Une question d'hormones sans doute.
Méfions-nous donc des informations amicales. Remettons-les en question, et dès lors fâchons nos amis à l'esprit critique engourdi.


***
1. Voici un des modèles du message qui envahit les boites électroniques de la planète : «Le 27 août prochain, à 0:30 minutes, regardez dans le ciel. La planète Mars sera la plus brillante dans le ciel étoilé. Elle sera aussi grosse que la pleine Lune. Mars sera à 34,65 millions de miles de la Terre. Cela nous apparaîtra aux yeux nus, comme si la Terre possédait 2 Lunes. La prochaine fois cet événement se reproduira l’année 2287, puis l'année 25695. Partagez cette information avec tous vos amis car PERSONNE en vie aujourd'hui ne pourra voir cela, une seconde fois.»

dimanche 8 août 2010

Le culte du soleil

L'hélianthe (hélianthus annuus!), appelée tournesol ou soleil par le vulgaire, est décidément une merveille de technologie et de haute précision. Comme toutes les inventions majeures dans l'histoire de l'humanité, du bas nylon à la fermeture éclair, elle nous vient évidemment d'Amérique du nord.

Cette superbe plante ne s'épanouit que dans les régions correctement ensoleillées. Et le génie de la chose est qu'elle héberge, pendant sa période de croissance rapide, avant la floraison, une hormone (l'auxine) qui favorise l'allongement des cellules, mais déteste le soleil. Fuyant opiniâtrement la lumière, l'auxine s'ingénie à migrer dans les endroits ombragés de la tige et des feuilles, et partout où elle passe la plante croît. Ainsi, comme les cellules situées à l'ombre s'allongent plus rapidement, la tige se courbe et la tête penche humblement vers l'autre côté et pivote d'est en ouest au long de la journée, donnant l'impression hypocrite de rendre un hommage quotidien au soleil (l'héliotropisme).

Ce paradoxe d'un peuple végétal qui se prosterne unanimement vers le soleil sans réellement y croire ne dure que jusqu'à la floraison. Alors, les lourdes têtes fécondées, chargées de graines, s'immobilisent, définitivement inclinées vers le levant.

Horde de tournesols adultes résignés, courbés vers l'est, sous un ciel de plomb fondu, en Toscane.

Les croyants ont développé une formule savante bourrée d'arctangentes et de cosinus pour diriger, sans erreur de navigation, leurs implorations quotidiennes vers la maison de leur dieu, la Mosquée sacrée. Il est vrai qu'en tant que boussole le champ de tournesol est peu fiable. Versatile au printemps, il n'indiquera la divine direction qu'en été, et seulement en Europe. Pour les tournesols incroyants de l'extrême-orient, qui s'obstinent, à la floraison, à tourner le dos au Prophète, il conviendra de leur trancher la tête. Il parait justement que les meilleurs cierges sont fabriqués avec l'huile des graines de tournesol.

Pour terminer, voici un conseil pratique pour tirer avantage d'une autre propriété du tournesol, sa puissante capacité d'absorption des déchets minéraux. En cas d'apocalypse nucléaire, ou simplement de grave excès de plomb et de radioactivité dans l'eau et la terre, plantez-le en quantités dans les zones contaminées ou irradiées. À la fin de l'été, quand ses profondes racines auront pompé et retenu tous les éléments toxiques, fauchez, arrachez, et vous retrouverez en-dessous un sol purifié et fertile. Et surtout, pour ne pas contaminer l'air, n'incinérez pas les plantes mortes, enterrez-les plutôt discrètement chez un voisin qui vous est déplaisant.

Mise à jour du 01.04.2015 : Finalement, d'après des tests effectués en réel à Fukushima, les racines de tournesol n'absorberaient pas les matières radioactives, comme on l'a cru, en tous cas pas le césium.


Face à un champ de tournesols déterminés, on se sent réellement observé, épié. On comprend que des artistes fragiles comme Vincent van Gogh y aient perdu l'esprit jusqu'à se découper une oreille.

mercredi 14 juillet 2010

Nuages clairsemés, en fin de compte

Le 30 mars 591 une éclipse totale de soleil balayait d'ombre pendant deux minutes et demi une petite ile déserte et sans nom, couverte d'arbres et de végétation, au milieu de l'océan Pacifique.

Au 7ème ou 8ème siècle vraisemblablement, les premiers aventuriers polynésiens s'y installaient et créaient une étrange société dont l'unique occupation semble avoir été, pendant des siècles d'isolement, d'entourer leur minuscule royaume de centaines de statues stylisées portant d'énormes têtes, le regard tourné vers le centre de l'ile. Ils épuisèrent ainsi tous les arbres, jusqu'au dernier, pour faire rouler leurs gigantesques sculptures de pierre volcanique de la carrière vers la côte.
Au 18ème siècle débarquaient les européens, armés de poudre, de fusils, du christianisme et de la syphilis. Le nombre d'indigènes décrut. Au 19ème siècle, 1000 habitants (presque toute la population active) étaient déportés vers le Pérou, en esclavage. En peu de temps il n'en restait qu'une quinzaine de survivants. Ils retournèrent dans l'ile, avec la variole. Au 20ème siècle, de départs d'iliens en arrivées de chiliens, peu de familles d'origine indigène subsistent.

Beaucoup voient dans cette destinée de l'ile de Pâques une parabole sur l'avenir de l'espèce humaine et des ressources de la Terre. C'est évident. Plus qu'une parabole, c'est même un test, une répétition générale en modèle réduit avant la grande représentation.
Vialatte conseillait de faire confiance aux évènements, ils finissent toujours par arriver, disait-il. Il sous-entendait bien sûr les bons comme les mauvais. Les habitants de l'ile de Pâques, les Rapanui, auront eu leur lot d'évènements funestes. Dimanche, pour la première fois dans leur histoire, ils ont admiré une éclipse totale de soleil. 4000 touristes privilégiés ont partagé leur fortune. Les probabilités statistiques avaient prédit un ciel couvert. Après 36 heures de pluies incessantes, les nuages étaient clairsemés quand l'évènement se réalisa.

Les photos sont de Joaquin Souyris (haut gauche, bas gauche), Juan carlos Casado (haut droite) et Stéphane Guisard (bas droite).

samedi 10 juillet 2010

Nuageux avec risques de pluie

Se trouver précisément sur la fine bande de quelques dizaines de kilomètres que parcourt sur Terre l'ombre de la Lune au moment d'une éclipse totale du Soleil est certainement un des spectacles les plus impressionnants pour un être vivant, même dépourvu d'imagination.
En plein jour, au cœur d'une soudaine pénombre apparait dans un ciel étoilé un gigantesque trou noir cerclé d'un anneau de lumière, toute vie est suspendue pendant plusieurs minutes comme si les astres s'arrêtaient. Le spectateur se sent impliqué dans quelque chose d'immense, de cosmique, comme l'écolier devant la baleine du muséum d'histoire naturelle, ou l'usager qui voit arriver l'autobus.

Et le véritable chasseur d'éclipses ne peut pas le rater quand l'évènement, déjà rare, se produit de surcroit sur un des lieux les plus mythiques de la planète, sur l'ilot le plus isolé de l'océan Pacifique où d'immenses têtes de pierre alignées regardent passer les nébulosités subtropicales et les touristes égarés, aux antipodes.
D'ailleurs vous êtes peut-être déjà en route, rampant épuisé et déshydraté sur les graviers du désert d'Atacama, maudissant le voyagiste qui vous a fait croire qu'une expédition si exceptionnelle se méritait et se rentabilisait en vous faisant crapahuter dix jours durant dans les endroits les plus inhospitaliers des alentours, pour justifier les 7500 euros qui endetteront vos prochaines années. Mais vous résistez à toutes ces humiliations, parce que vous savez que le miracle systématique se produira demain, 11 juillet 2010, entre 20h08'48" et 20h13'35" en temps universel (1). Soyez ponctuel, la mécanique céleste n'attend pas (2).

Au cas où la petite note en bas de page vous aurait échappé, sur le contrat du voyagiste, rappelons que les conditions météorologiques en cette période de l'année sur l'ile de Pâques ne sont pas vraiment propices, et qu'il y a près de deux malchances sur trois pour que les nuages et la pluie fassent chavirer votre rendez-vous astronomique et solaire (3). La météo annonce pour demain des risques de pluie.
Déjà, une masse nuageuse se profile (4).

Ceci n'est pas une éclipse, bien que les couleurs en soient très proches. Ceci n'est pas une baleine non plus. Peut-être un autobus.


***

1. 14h08 en heure locale, 22h08 en heure française.
2. Il faudra attendre sept ans, le 21 aout 2017, la prochaine éclipse qui ne passera pas en plein milieu des océans. Elle dessinera son pinceau d'ombre sur toute la longueur des États-unis, d'ouest en est. Et la suivante la croisera du sud au nord-est, le 8 avril 2024 seulement.
3. Pour mémoire, vivre une éclipse totale sous les nuages c'est un peu comme écouter des commentaires radiophoniques sur un spectacle qu'on ne verra pas.
4.
Le deux liens conduisent, le premier vers une vue par satellite actualisée du Pacifique centrée sur l'ile de Pâques et le second vers le bulletin météo actuel de l'ile, au moment de votre consultation.

vendredi 24 octobre 2008

Pythagore, une romance

Pour se persuader qu'il maîtrisait une réalité qui pourtant lui échappe toujours et ne le satisfera jamais (car l'insatisfaction est sa nature, son moteur), l'homme a inventé les mathématiques.

Pythagore (*), élève de Thalès et d'Anaximandre eut l'idée de faire des nombres et du raisonnement mathématique une vraie religion, avec ses secrets, ses incantations, et sa hiérarchie dont il était le pape. Il pensait être la réincarnation de quelques héros grecs renommés. Dans sa doctrine, les lois qui régissent le monde ne sont que des relations entre des nombres. Son époque vit une éclosion d'avancées en mathématiques, géométrie, astronomie, logique. Elles lui ont souvent été attribuées, plutôt qu'à ses disciples, sans preuves réellement sérieuses. C'était le début de la légende qui s'est amplifiée jusqu'à nos jours où les plus célèbres numérologues, les loges maçonniques les plus secrètes, et les astrologues les plus en vue vouent à Pythagore un culte définitif. Quelques scientifiques également.
Il ne manquait que le feuilleton sentimental pour midinettes. C'est chose faite. Sa biographie a été romancée par Henriette Chardak. On trouve son roman dans toutes les gares et quelques pharmacies.

Pendant ce temps, la nature qui se fout bien de ces calembredaines se débrouillait pour aller au plus court, au plus simple. Elle inventait le soleil, et la sphère qui est une chose très économique car elle demande peu de calculs. Puis, pour montrer que ça n'était pas qu'une abstraction, elle faisait passer devant quelques oiseaux, qu'elle rangeait ensuite sur un fil, à intervalles ostensiblement réguliers, pour faire croire qu'elle respectait des règles et ainsi faire plaisir aux pythagoriciens. Car elle est tout de même généreuse, même si elle ne donne jamais et prête seulement.

Étourneaux soigneusement rangés sur un émetteur téléphonique(*) Cliquez dans la colonne de gauche sur «Pythagore de Samos», la courte biographie est captivante, et elle console de la romance pondue par Mme Chardak. Dans la même colonne, cherchez également les biographies de Thalès et d'Anaximandre. Et si vous avez un peu de temps, remontez au sommaire de ce site simple et passionnant, fait par le collège Jules Ferry de Montluçon dans le cadre du projet européen SOCRATES COMENIUS. Il semble malheureusement inactif depuis de nombreuses années.

samedi 19 avril 2008

On finira dans un trou noir

Éclipse totale de soleil, Guadeloupe, 26 février 1998

Les centaines de milliers d'infirmes qui survivent avec peine à l'exposition aux déchets (toujours) toxiques de Bhopal ou aux infinies conséquences radioactives de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, auront beau objecter. La grandeur d'âme des scientifiques du monde entier n'a d'égale que la pureté de leurs intentions. C'est un fait.

Et pourtant deux américains, L. Wagner et L. Sancho, ont assigné le Centre Européen de Recheche Nucléaire (CERN) devant la cour de justice de Hawaï, pour tenter d'empêcher la mise en route imminente du plus grand accélérateur de particules jamais construit sur terre, le LHC (Large Hadron Collider). Ils insinuent que les expériences qu'on y ferait risquent de générer un trou noir et d'y engloutir la terre entière.
Le CERN n'aura pas de difficultés à produire, si nécessaire, les rapports des plus éminentes autorités scientifiques garantissant la sécurité des expériences et ridiculisant les prétentions des deux hurluberlus hawaïens.

Pourquoi détester d'une telle ardeur un petit tube circulaire de 27 kilomètres enfoui à 100 mètres sous terre dans lequel on ne fera déambuler que des particules élémentaires, c'est à dire des choses dont les physiciens discutent encore la réalité ?
Il est vrai qu'ils n'affichent pas une réelle assurance dans le numéro d'avril du magazine Ciel & Espace, où on peut lire qu'ils «espèrent élucider quelques unes des plus grandes énigmes de l'univers» mais qu'il est «impossible de savoir ce qu'on découvrira» et «qu'on pourrait être amenés à remettre en cause notre conception de l'univers».

Ils y énumèrent les missions du LHC : créer un gelée de quarks et de gluons, un nouvel état de la matière, découvrir peut-être le mythique boson de Higgs qui aurait donné son existence massive à notre univers, atteindre une énergie telle que les 4 forces de l'univers n'en feront plus qu'une, traquer les particules de l'énergie du vide, la matière et l'énergie noires, fignoler des micro-trous noirs, trouver peut-être une quatrième dimension de l'espace et y faire passer la gravité, hésiter entre matière et antimatière...

Ça ressemble plutôt à un inventaire de Jacques Prévert ou à une liste de courses de Darth Vader (alias Dark Vador). Et les deux hawaïens n'ont pas rêvé. Les trous noirs sont dans la liste. Cependant leur cause échouera évidemment ; allez démontrer à un brave juge un peu constipé les conséquences de ce que les scientifiques même avouent ne pas bien comprendre, tout en pensant le contrôler parfaitement !

Il n'empêche que si les deux plaignants ont un jour raison...
Un simple trou entre la France et la Suisse qui sucerait en quelques instants la terre entière, en émettant le sifflement d'un ballon qui se dégonfle, serait une fin assez brutale. On la préférerait plus tranquille ; une fin qui accorderait à l'humanité le temps de se retourner sur ses réalisations, de s'attendrir sur son passé et prononcer de graves sentences poétiques, avant de disparaître.
Pour cela, Ce Glob Est Plat a décidé d'investir ses bénéfices dans des domaines d'activité réputés pour leur effet certain dans le lent dérèglement du climat de la terre, et de soutenir la cause de Wagner et Sancho.

Éclipse totale de soleil, Sidé - Turquie, 29 mars 2006

Mise à jour du 25 juin : les scientifiques, par la voix du Groupe d'étude sur la sécurité du LHC, viennent de réaffirmer dans un rapport récent leur confiance dans l'innocuité du LHC. On en trouve le résumé dans un article du site Techno-Science qui affirme qu'à la lumière des connaissances théoriques actuelles «Et bien non, le LHC n'engloutira pas l'Univers dans un trou noir...». Rappelons que Wagner et Sancho n'ont jamais eu la prétention de mêler l'Univers à cette histoire, mais seulement la terre. Les premiers essais de collisions sont toujours prévus pour le mois d'août.