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lundi 17 août 2020

Des méfaits de la crédulité

On prétend que Léonard de Vinci a inventé le parachute (Appuyez page 1058 sur le mot VERSO). C’est une fiction. En vérité le parachute ascensionnel avait été inventé 15 siècles auparavant comme le prouve cette reconstitution de l’invention, dans la basilique de la Sagrada Família à Barcelone.

Avertissement : la plupart des liens de cette chronique sont dans la langue de Walt Disney. C'était inévitable. Notez que les traductions par Gougueule de l'anglais vers le français, proposées automatiquement par les principaux navigateurs internet, sont devenues très fréquentables.
 
Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu (Jean 20,29)
 
Aux États-Unis d’Amérique, pour entretenir la croyance dans les fééries les plus populaires, endiguer la fuite de la crédulité sous l’effet du confort matériel et de l’instruction publique, et en tirer des bénéfices, on trouve toujours des bienfaiteurs philanthropes pour créer des fondations scientifiques avec distribution de bourses et récompenses, des musées, voire des parcs d’attraction fantaisistes, histoire d’endoctriner dès le plus jeune âge. (1)
 
Monsieur Green est milliardaire, fils de prédicateur évangéliste, propriétaire d’une chaine de 932 magasins d’art et d’artisanat américains. Très croyant, il donne beaucoup d’argent aux fondations fondamentalistes ultra-réactionnaires, et un peu moins à ses employés. Il les aurait, à l'occasion de la pandémie, quasiment tous licenciés sans indemnités (2). C’est parce qu’il veut consacrer sa fortune à sa foi.
 
Ainsi il vient d’ouvrir en novembre 2017, avec son fils M. Green, un monumental musée de la Bible, au centre de Washington, qui a été béni par le pape François.
Il ne pouvait mieux choisir. La Bible est le livre sacré, le guide moral et intellectuel des juifs, des chrétiens et de quelques autres sectes et il aurait été vendu, toutes versions confondues, en plus de 5 milliards d’exemplaires. (3)

Pour décorer son musée, M. Green avait acheté depuis 2009 des milliers d’artefacts, pillés en Irak quand son pays s’y est installé de force en 2003, ou volés dans d’autres pays.
M. Green, qui croit que l’humain est bon naturellement, n’imaginait pas que ces objets avaient pu être subtilisés ou produits de fouilles illégales, bien qu’il en ait été averti par ses employés, ses avocats et enfin par le ministère de la Justice américain.

En 2014, M. Green achetait aux enchères contre 1,6 million de dollars une rarissime tablette mésopotamienne d’un épisode de l’épopée de Gilgamesh, gravée en caractères cunéiformes. La société de vente, réputée, en garantissait l’irréprochabilité.
M. Green, qui croit que l’humain est honnête naturellement, ne pouvait pas se douter que cette merveille appartenait au trésor national d’un peuple que son propre pays avait « civilisé ».

Plus récemment, M. Green achetait une bible microfilmée montée en médaillon. C’était la première Bible revenue de la lune en 1971 avec l’astronaute E. Mitchell. Il l’exposait fièrement dans son musée.
M. Green, qui croit que l’humain est fraternel naturellement, ne pouvait pas savoir qu’à l’instar du saint prépuce de Jésus ou de la plupart des reliques de son culte, il existait des dizaines de bibles miniatures descendues de la lune et de sévères querelles d’experts à leur sujet.

En 2002 apparaissaient sur le marché 70 confettis gribouillés qu’un certain nombre de spécialistes identifièrent comme des fragments des manuscrits de la mer Morte (4). Les prix s’envolèrent. Au début des années 2010, M. Green dépensait une fortune pour 16 de ces lambeaux qu’il exposera dans une sorte de sanctuaire aux lumières chaleureuses au sein du musée, aux dires du National Geographic.
M. Green, qui croit que l’humain est intègre et rigoureux naturellement, n'aurait pas pu imaginer que des spécialistes avaient, dès leur apparition, émis des doutes sur l’authenticité de ces fragments.

Alors il faut imaginer les ébahissements successifs de l’infortuné M. Green quand toutes ces acquisitions furent remises en cause l’une après l’autre, entre 2017 et 2020, d’abord par la justice et les douanes qui saisirent 3800 objets, ordonnèrent le retour en Irak et en Égypte de 11 500 autres, et lui infligèrent une amende de 3 millions de dollars. (5)

Il eut plus de chance avec l'experte qui remit publiquement en doute la Bible lunaire miniature, au motif qu’elle était numérotée sur 3 chiffres alors que les authentiques (dont elle-même possédait une dizaine) le sont sur 5 chiffres. Magnanime (et astucieuse) l’experte en a offert un exemplaire à M. Green qui l’expose désormais à la place de l’autre. Elle y gagne un pédigrée flatteur et certainement une cote rehaussée pour cette dizaine d’exemplaires.

Puis M. Green dut restituer en 2019 quelques objets volés (mais acquis de bonne foi), et subir en 2020 la saisie de la tablette de Gilgamesh par les autorités fédérales.

Devant tant de coups du sort, M. Green jugea approprié de lancer une opération d’absolution, qui passerait nécessairement par l’expertise de toute sa collection (ce qu’il en restait), et informa les médias de son innocence naïve et de sa confiance abusée.

Les 16 manuscrits de la mer Morte, déjà contestés, étaient les premiers à faire les frais de cette pénitence. Si certains se révélaient forgés, le musée pensait exposer côte à côte un authentique et un contrefait, pour démontrer au public, qui n’y verrait pas de différence, qu’il est si facile d’être trompé. Mais les experts ont conclu en mars 2020 qu’il n’y avait pas de fragment authentique. Les 16 étaient des faux modernes.

Un expert, qui les avait authentifiés dans un catalogue en 2016, explique au National Geographic « Je ne dirai pas qu'il n'y a aucun fragment inauthentique parmi les fragments du musée de la Bible mais, de mon point de vue, leur inauthenticité en tant qu'ensemble n'a pas encore été prouvée hors de tout doute. Ce doute est dû au fait que des tests similaires n'ont pas été conduits sur les manuscrits incontestés de la mer Morte afin de fournir une référence de comparaison… »
Quel style ! Quelle phrase ! Elle décolle avec une étourdissante triple négation, puis se maintient à un niveau où manque l’oxygène, si bien qu’il faut la relire deux ou trois fois avant de comprendre que le brave homme pédale en réalité dans la semoule.

Malgré cette collection de rebuffades, abondamment contées dans la presse, le musée dit avoir accueilli un million de visiteurs en 2019. Doit-on le croire ?
Certainement. La visite d’un musée est une récréation. Nous y allons en général pour nous divertir en flattant nos croyances, pas pour mettre en doute nos certitudes. Quel visiteur adulte et raisonnable de l’exposition sur les météorites, au Muséum d’histoire naturelle de Paris en 2017, n’a pas été tenté de toucher les supposés morceaux de la Lune et de Mars qui étaient exposés ?

*** 
(1) Soyons juste, la science, qui est une autre croyance, agit pareillement. La seule différence est qu'elle change régulièrement de croyance, dès qu’elle en trouve une nouvelle plus efficace que la précédente, et qu'elle aime ça, alors que la non-science considère qu’elle possède déjà la vérité définitive et se défend, souvent violemment, contre tout changement de vérité.
(2) Humaniste également, il a obtenu en 2014 une décision de la Cour suprême des États-Unis autorisant que certaines entreprises, en raison de préférences religieuses, soient exemptées de l’obligation de fournir à leurs employés une assurance maladie couvrant des moyens de contraception
(3) On notera que les records de vente de livres sont monopolisés par les sectes (au sens large), et que l’addition de leurs ventes, avec les 3 milliards de Corans et le milliard de Petits livres rouges du président Mao, dépasse largement la population mondiale, et qu’il est donc bien possible que certains possèdent plusieurs de ces livres sacrés, si vous voyez le sacrilège que cela représente, mais nous ne dénoncerons personne. Et il va sans dire que ces chiffres sont totalement hypothétiques, voire absolument faux mais il faut bien écrire quelque chose pour exprimer l’inimaginable
(4) Les manuscrits de la mer Morte sont un célèbre puzzle d’une centaine de milliers de pièces de parchemins, trouvées dans les années 1940-50 dans des grottes de Qumran en Palestine, et qui se révèleront, une fois reconstitués, être des extraits vieux de 1900 à 2300 ans de la Bible des Hébreux.
(5) En Amérique, la loi permet parfois de récupérer in extremis un bénéfice qu’on aurait laissé passer par étourderie. En 2003, trop occupées à mettre en place en urgence les moyens de s’approprier les ressources irakiennes en pétrole, les forces armées étatsuniennes avaient bêtement laissé piller le musée des antiquités de Bagdad par d’autres, sans y prêter attention. Finalement, une application vertueuse de la loi sur la contrebande d’objets d’art et la fraude fiscale autorise un tardif mais juste retour sur investissement.


samedi 8 septembre 2018

Améliorons les chefs-d'œuvre (13)

Quand l’indignation des réseaux sociaux aura changé de pâture, quand les médias auront levé le siège de l’église San Miguel d’Estella, dans le nord de l’Espagne (à 140km de Borja), quand le prêtre, commanditaire de la restauration, le maire de la ville et les experts du ministère auront refermé leur parapluie à responsabilité et leur feinte surprise, l’Église rouvrira peut-être la chapelle latérale et dévoilera au public l’objet de tant d’emportements (moyennant une petite obole, comme pour la visite du Christ massacré de Borja).

C’était une sculpture sur bois du 15ème siècle figurant saint Georges à cheval, grandeur nature, renversant un dragon. On en parlait dans les guides sur la Navarre, on la disait de style gothico-flamand.
Restaurée par l’école d’artisanat Karmacolor à la demande du curé de la paroisse, la vieille statue a été soigneusement arasée, poncée et plâtrée, puis recouverte d’une peinture résistante, tentant d’approcher les couleurs d’origine dont les traces étaient encore bien visibles, et en modifiant certaines pour faire joli. L’expression hébétée du saint original n’a pas été dénaturée.

Les experts, réveillés depuis, disent l’amélioration irréversible. Ils l’ajoutent à leur musée des horreurs de la restauration rapide et déplorent une perte irrémédiable pour l’héritage culturel Navarrais. Admettons. Mais chaque jour détruit une part du passé, et plus définitivement.
Hier encore, l’incendie du musée national du Brésil à Rio de Janeiro, largement prédit, a détruit une des plus grandes collections historiques et archéologiques du continent américain, avec sa bibliothèque.
Et il ne reste que les larmes, et l’énorme météorite de fer de Bendego, intacte, qui en a vu d’autres et survivra même à la fin de l’Humanité.

Dans le cas du Saint Georges d’Estella, c’est une sorte de renaissance. Et s’il n’est pas étonnant que tous les notables esquivent, il est curieux que les médias et réseaux sociaux s’indignent et reprochent à la statue son aspect désormais disneyen, son air de figurine de personnage de bande dessinée qu’ils comparent à Tintin ou Wallace et Gromit, comme à une infamie.
Car ce sont les mêmes qui encensent la modernité et l’espièglerie juvénile de chaque réalisation des ateliers de Murakami ou Koons, qui louent la force expressive des détournements, par les frères Chapman, des tirages originaux des gravures de Goya, qui admirent les couleurs clinquantes des fresques de la chapelle Sixtine depuis leur lessivage immodéré des années 1980, et que ne surprend pas la trivialité des couleurs appliquées, sous contrôle d’experts, aux « reconstitutions » des antiquités grecques ou des sculptures du moyen-âge.

Alors il n’y a aucune raison que ce saint Georges rajeuni ne devienne pas, avec le temps, comme le Christ outragé de Borja ou les boudins de Koons, un emblème lucratif, une incarnation de l’art le plus contemporain, décomplexé, goguenard, populaire enfin.


« Reconstitution des couleurs originales » par projection de lumières sur la façade de la cathédrale d'Amiens en 2017.

lundi 11 décembre 2017

Tripoter des extraterrestres (3 de 3)

Abordons, il le faut bien, le sujet délicat du sexe des extraterrestres.
En français le mot météorite, issu de « météore », apparait en 1822 et commence sa carrière au féminin, au moins jusqu’en 1880, car c’est le genre que Camille Flammarion lui attribue dans son Astronomie populaire pp. 629, 653… À la fin du siècle, son genre devient plus incertain. Le Nouveau Dictionnaire encyclopédique de Jules Trousset en 1891, par exemple, l’affirme masculin.
Cependant Larousse l'a toujours dit exclusivement féminin, comme le Bescherelle des synonymes et le TLFI (Trésor de la langue française), indispensable référence de l’internaute.
Mais d'autres dictionnaires décisifs préfèrent ne pas afficher de position nette. La 9ème édition inachevée de celui de l’Académie française dit paresseusement « n.f. ou m. », le Robert écrit clairement « nom masculin ou féminin » comme son cousin le Robert historique de la langue française, mais qui ne fournit que des exemples au féminin, à l’instar du grand dictionnaire électronique de la francophonie, Antidote, qui le dit « n. m. f. » mais dont les nombreuses citations restent rigoureusement au féminin.
Tranchons cette épineuse question en concluant que le genre des météorites, malgré une dominante féminine à 75%, reste incertain.

Après avoir disséqué quantité de météorites, les experts constatèrent, à leur composition, qu’une ou deux sur mille venaient de la planète Mars, ou de la Lune, conclusions attestées dans ce cas par la comparaison avec les pierres rapportées des expéditions lunaires.

Et c’est une idée originale de l'exposition au Muséum que d'offrir aux fétichistes de toute obédience de caresser la Lune ou de poser un doigt ou deux sur Mars. Cependant le procédé est étrange (illustration 1) puisqu'on touche les pierres par dessous, sans voir où se posent les doigts, sur une petite surface invisible dont on suppose que ça n'est pas un canular, ce qui demande un certain degré de crédulité.

Les météorites de fer (ill.2 et 3) viennent du cœur des astéroïdes. Résistant assez bien à l’enfer de l’entrée dans l’atmosphère terrestre, elles conservent souvent une taille imposante. Celle d’Hoba en Namibie pèse encore 60 tonnes. Avant la naissance de l’industrie du fer, elles servaient de source unique de fer, souvent d’enclume, parfois de siège inusable. Ainsi celle de l’oasis de Tamentit (détail ill.2) dans le désert algérien, était le support d’un culte de la fertilité sur lequel les femmes s’asseyaient, depuis plus de 500 ans jusqu’en 1927, quand la France civilisatrice emporta ses 500kg pour le Muséum de Paris, où se trouve également la météorite d’Hassi-Jekna (ill.3), tombée en 1890 dans le même désert à 200km au nord-est.

L’œil désormais exercé du lecteur notera sans doute que les météorites de l’illustration 4 présentent quelque excentricité. En effet, elles sont factices, forgées par des artistes contemporains sollicités pour l’exposition. Ainsi aux yeux de Martin Mc Nulty, les pierres extraterrestres ne seraient pas assez colorées et pailletées (en haut, Meteorites shower), et pour Simon Boudvin (en bas, Octahédrite, Tempo del Cielo, météorite fondue et moulée), elles seraient plus pratiques à ranger si elles respectaient de simples principes d’orthogonalité. Éternelle insatisfaction de l’artiste.

Terminons par une superbe tranche aux veines de fer et nickel (ill.5), extraite d’une météorite tombée le 13 juin 1998 à Portales valley, au Nouveau Mexique (53 morceaux trouvés pour 71kg), et rappelons que le mot « météorisme » ne désigne pas la croyance dans l’existence des météorites, ni même des extraterrestres, mais dénomme une affection commune qui consiste en un gonflement de l’abdomen sous l’action de gaz intestinaux.

lundi 4 décembre 2017

Tripoter des extraterrestres (2 de 3)

Les météorites remontent, comme l’affirmait régulièrement Vialatte à propos de tout et de rien, à la plus haute antiquité. Depuis ces temps lointains, les humains (ceux qui n’avaient pas l’entendement embrumé par des à priori) ont observé et constaté que des pierres, parfois nettement métalliques, tombaient du ciel.

Le plus antique récit, gravé sur l’argile, l’Épopée de Gilgamesh, décrit ainsi le premier songe du roi, sur la tablette 1 (illustration 1), « Alors que m’entouraient les étoiles célestes, une sorte de bloc venu du ciel est lourdement tombé près de moi, j’ai voulu le soulever, il était trop lourd, j’ai voulu le déplacer, je ne pouvais le bouger  ».

Plus tard, il y a plus de 3000 ans, apparait dans la langue égyptienne le mot « fer venu du ciel », et la lame d’un poignard finement ouvragé découvert auprès de la momie du pharaon Toutankhamon est faite d’un fer météoritique (il ne contient pas les mêmes proportions d’éléments, notamment de nickel, que le fer terrien).

Le philosophe grec Anaxagore, cité par Laërce, affirme que le ciel tout entier est fait de pierres en rotation qui tombent lorsque leur mouvement cesse. Le romain Pline les croit soulevées et emportées par le vent, et les chroniques chinoises les consignent avec minutie, mais il faut attendre le 19ème siècle et les météorites d’Alès, de Chassigny et d’Orgueil, pour que la chose soit prise au sérieux, étudiée scientifiquement, et finalement acceptée par l’opinion comme une phénomène naturel.

Les météorites tombées à Alès (Alais) le 15 mars 1806 (ill.2, un reste de quelques grammes sur 6kg) et à Orgueil le 14 mai 1864 (ill.3, une part des 14kg) sont parmi les très rares reliques connues de la nébuleuse primitive qui a formé le système solaire. Ce sont comme des morceaux de soleil avant qu’il ne se contracte et s’échauffe. Elles contiennent des traces d’hydrocarbures, de Xénon, de diamant, et de temps en temps un savant américain en mal de financement, mollement démenti par la communauté de ses collègues, découvre dans un éclat les marques du passage d’une forme de vie extraterrestre.

Découverte en Patagonie en 1951, la « pierre » d'Esquel (ill.4) est devenue un mythe, la Marilyn Monroe des météorites. Sa beauté vient de son alliage de fer et de nickel constellé de grains d’Olivine qui s'est forgé dans la région frontière d’un astéroïde où les couches de silicates flottaient dans le fer liquide. Ses 750 kilos ont été débités en tranches fines translucides comme le cerveau d’Einstein, et les éclats, de plus en plus petits, se vendent actuellement au prix de l’or au kilogramme (35 euros le gramme).

Le Muséum d'histoire naturelle prétend que la météorite de Tiberrhamine (ill.5) a été découverte au cœur du désert algérien en 1967. Laissons le croire à cette légende. Il est évident que c’est un pavé extrait d’une rue du Quartier latin tout proche du musée, reliquat des soulèvements populaires du printemps 1968 dont le joyeux désordre a certainement perturbé la rigueur de ses travaux de classification et de nomenclature.

À suivre dans un troisième et dernier épisode...

samedi 25 novembre 2017

Tripoter des extraterrestres (1 de 3)

Ce blog ne parlant jamais que des réalités démontrées de notre monde, les monuments, l’orthographe, les cimetières, les musées, les épaves, les cathédrales et les vélos, il fallait bien qu’il aborde un jour le sujet des extraterrestres.
Et l’actualité en donne aujourd’hui l’occasion, car 350 d’entre eux sont réunis à Paris, jusqu’à juin 2018, et exposés au public.
Les lecteurrices se récrieront avec véhémence : comment, à une époque de bouleversement de la grammaire, quand on s’efforce d’établir une identité entre le genre des mots et ce qu’ils désignent, peut-on encore traiter des êtres en les exhibant de la sorte parce qu’ils ne nous ressemblent pas ?
Et on imagine leur indignation quand ils apprendront qu’il est permis de les palper, les caresser, les soupeser.

En fait, ces extraterrestres ne sont pas regroupés à Paris au titre d’une quelconque discrimination, mais au contraire pour leur offrir, dans un milieu scientifique contrôlé, des conditions idéales et des moyens modernes d’exprimer leur particularité, de faire comprendre leur présence parmi nous. N’oublions pas que certains ont fait le trajet depuis la Lune, Mars, et même Vesta ou des planétoïdes plus éloignés encore, voire des comètes.

Et pourtant, ils débarquent sur terre à des vitesses dépassant de 50 à 100 fois les vitesses autorisées par la règlementation aérienne, atterrissent - il faut bien le reconnaitre - un peu n’importe comment, parfois sur une vache comme à Valera, sur un être humain à Sylacauga, généralement en pleine mer, ils se cachent le plus souvent des autorités, en souvenir de l’époque traumatisante où leur existence était niée. Bref, ils se comportent en résistants ou en conquérants.



Un bolide extraterrestre en provenance d’Alkaid, dans la Grande ourse, lors d'un atterrissage démonstratif et tonitruant (installation dans les sous-sols de la grande galerie du Muséum d'histoire naturelle).  

Mais il est loin ce temps où les autorités religieuses, séculières et même scientifiques, leur refusaient jusqu’au droit d’exister, prétendant que rien d’impur ne pouvait venir du ciel et qu’ils n’étaient que les hallucinations ou les affabulations de paysans incultes (surtout parce qu’ils ne se présentaient pas avec une jolie robe blanche, des ailes pleines de plumes et une incandescente auréole au néon).

Aujourd’hui, les mentalités se sont ouvertes à l’altérité, à la marginalité, et presque tous les groupes sociaux admettent que les météorites sont des morceaux extraterrestres détachés d’autres corps du système solaire, que leur errance et les lois de l’attraction ont amenés à croiser l’orbite de la Terre.

Au point que le Muséum d’histoire naturelle de Paris leur consacre pendant 8 mois une riche et réjouissante exposition ludique. L’objectif est nettement pédagogique. Il s’agit de faire ressentir aux plus jeunes que ces morceaux de caillou et de fer, gris anthracite et rouille, d’une apparence si banale, sont en réalité des aventuriers venus du plus lointain des temps, d’une époque où les seuls êtres vivants sur terre étaient des choses informes et flasques, et qu’ils ont traversé des étendues où l’espèce humaine n’ira certainement jamais.

On y apprendra qu’après les avoir un peu éventrées, décortiquées puis irradiées, les météorites nous ont enseigné l’humilité, en nous prouvant que les premières poussières qui se sont formées autour de notre étoile, et de quoi nous sommes tous nés, on commencé à s’agréger voici 4 567 000 000 d’années précisément, à quelques minutes près.

C’est pourquoi les deux prochaines chroniques rendront hommage à quelques-unes de ces valeureuses navigatrices à la triste mine.

dimanche 14 avril 2013

Le scandale des météores tueurs

La fin pourrait bien commencer ainsi...

Depuis toujours les sociétés humaines ont géré leurs risques en attendant tranquillement qu'un accident ou un scandale surviennent et effarouchent la population. Alors la presse s'indigne et on exige des informations, le pédigrée détaillé des coupables, et enfin des mesures, voire des sanctions. Et les politiques d'affirmer en pleurnichant « Nous ne savions pas ».

Le 15 février 2013, un météore frappait la Terre. L'onde de choc (essentiellement les bris de vitres) blessait des centaines de terriens. Des voix s'élevèrent alors. Ne fait-on rien contre cette menace ?
C’était l'occasion pour la téméraire revue Ciel et Espace de consacrer dans son numéro d'avril un dossier documenté sur ces monstres venus de l'espace, les astéroïdes géocroiseurs, et sur les moyens de s'en protéger.
Et le constat n'est pas reluisant. Les scientifiques ne font pas de sentiment.

Il y a d'abord les météores de la fin du Monde, ceux qui éradiqueraient quasiment toute vie. Leur dimension dépasse le kilomètre. Ils sont une horde d'un petit millier qui rôdent dans notre système solaire, sans que leurs trajectoires soient une menace, au moins pour le siècle qui vient. Exception faite d'une bonne centaine, perdus de vue et qui pourraient bien se précipiter sur nous quand la Terre a le dos tourné. Les dinosaures leur durent leur funeste destinée, parait-il.

Puis, vers les dimensions plus modestes, il y a ceux qui ne détruiraient qu'un continent mais qui sont plus nombreux (peut-être 5000) et difficiles à repérer et à pister. On n'en connaitrait que 30%. Et ceux qui n'anéantiraient qu'une agglomération urbaine, peut-être 500 000, dont on ne connait que 3%, et ainsi de suite jusqu'au caillou qui tua une vache au Venezuela en 1972 (bien que dans ce dernier cas un voisin irascible ait été soupçonné).
Ainsi les astronomes estiment ignorer 99% des bolides de moins de 50 mètres, comme celui du 15 février.

Et si les moyens de détection ne sont pas très performants, on apprendra que les moyens de protection sont inexistants. Les méthodes préventives qui chercheraient à dérouter l'astéroïde de sa trajectoire (ou à le pulvériser) relèvent de la science-fiction. Elles exigeraient dix à vingt ans de préparation. C'est impensable quand on sait, par exemple, que le 15 février, pendant que tous les télescopes de la Terre étaient pointés vers un astéroïde de 30 mètres qui frôlait la planète (2012-DA14, découvert l'an dernier), c'est un petit morveux inconnu de 15 mètres, caché par l'éclat du Soleil, qui profita de cette distraction pour terroriser les populations de l'Oural.

Au dire des experts, la lutte contre les météores géocroiseurs est donc sans espoir actuellement, d'autant que les nombres cités ne sont que des probabilités. Le caillou fatal peut nous pulvériser dans l'heure. L'humain n'est finalement pas mieux protégé contre cette menace que ne le furent les dinosaures.

Il est bon de le savoir.

vendredi 15 février 2013

L'Apocalypse ouralienne

La Russie est grande, la Russie est vaste et généreuse. Après la météorite de la Toungouska en 1908, elle était préparée pour recevoir l'astéroïde 2012-DA14 (voir notre prévision d'apocalypse dans la précédente chronique).

Et la fin du monde est arrivée au jour annoncé, ce matin 15 février 2013, à Tcheliabinsk en Russie. Moins destructrice que prévu, c'est entendu, mais avec toutes les images et les sons authentiques.
Ce n'était pas 2012-DA14, qui a dédaigné la Terre, mais c'était tout de même un météore de belles dimensions, qui s'est émietté dans un flamboiement cinématographique en déchirant l’atmosphère.

L'histoire commence dans un plan-séquence à rendre incolore de jalousie les Spielberg et autres cinéastes méticuleux, tant il est parfait. Un mouvement de caméra gracieux et inexorable, minuté au millimètre, avec le sujet toujours exactement centré.
Il fallait être sur le bon échangeur de l'autoroute à la sortie de Yekaterinbourg et quitter, d'une élégante queue de poisson, la route orientale de Tioumen pour se diriger au sud vers Tcheliabinsk, au moment exact où la fin du Monde se précipitait de l'horizon est, pour finir, après 15 secondes, par se désagréger prématurément à 25 kilomètres d'altitude.

Un peu plus d'une minute plus tard, en dessous, à Tcheliabinsk, l'onde de choc soufflait des milliers de vitres et des pans de murs en ruines. Les débris projetés ont blessé 500 à 1000 personnes.

Pendant plusieurs mois, nombre de chercheurs d'aérolites (et quelques chercheurs de débris de vaisseau extraterrestre) braveront la boue et le froid ouraliens et hanteront cette région marécageuse qui aura eu la chance d'accueillir la fin du Monde et le loisir d'en réparer les dommages.

Mise à jour du 17.02.2013 : la Russie explose depuis 2 jours sur Internet. Personnellement visée par cette médiocre fin du Monde, elle en profite pour se parodier avec esprit, comme sur ces fascinantes photos de Tcheliabinsk avant et après la « pluie de météorites ».












Par ailleurs les savants on fourni quelques précisions sur l'évènement. La météorite mesurait 15 à 20 mètres de diamètre, pesait 10 000 tonnes, et a explosé à une altitude de 20 à 30 kilomètres à la vitesse de 20 kilomètres par seconde, avec une puissance de 30 fois Hiroshima.
Pour mémoire, l'Hiroshima est une unité de mesure polyvalente très pratique qui correspond à 15 000 tonnes de TNT, mais aussi à 100 000 innocents civils pulvérisés.  

Aperçu en basse qualité de la vidéo


dimanche 10 février 2013

L'apocalypse de vendredi prochain

À prédire sans arrêt, à la moindre contrariété pécuniaire de la Presse, les plus abracadabrantes fins du Monde, on finit par oublier qu'avant l'évaporation définitive de l'Univers, avant même l'explosion dévastatrice du Soleil, avant le décrochement de la Lune de son orbite, avant toutes ces calamités variées, l'Homme finira certainement écrasé par un astéroïde.
Les plus doctes savants l'admettent avec modestie ; si l'Homme ne réussit pas dans les décennies proches à se faire cuire dans sa propre marmite au moyen d'émanations de dioxyde de carbone, de césium, ou de toute autre inavouable molécule en -ium, il sera anéanti par un gros caillou distrait venu de l'espace.
Car la chose arrive relativement fréquemment.

D'indécrottables optimistes vous diront que les objets d'une taille susceptible de détruire la planète sont rares, tous les 50 millions d'années, voire plus. Les statistiques ne trompent pas. Ou rarement.
Ils ajouteront que le dernier caillou de cette taille, qui a éliminé les dinosaures et une grande part des espèces animales, a été plutôt salutaire puisqu'il a laissé ainsi le champ libre à quelques petits mammifères qui ont survécu, profité, et sont devenus de beaux animaux grands et nobles avec costume, cravate, téléphone sans fil et le pouce préhenseur.
C'était il y a 65 millions d'années, et c'était un très gros caillou de plusieurs kilomètres sans doute.

Les autres météorites sont moins grosses mais plus fréquentes. Celle du
Meteor Crater, il y a 50 000 ans, ne mesurait que 50 mètres. Le choc a détruit une zone d'une cinquantaine de kilomètres. Celle de la Toungouska, le 30 juin 1908, du même ordre de grandeur, anéantissait près de 100 kilomètres de forêt, en Sibérie. On ne sait rien de plus. Tout s'est volatilisé.

Et puis il y a Apophis (ou 2004-MN4), astéroïde de fer de 300 mètres, qui joue avec le feu. Le 30 avril 2029 il frôlera la terre, à 30 000 kilomètres dit-on, dix fois plus près que la Lune, et plus près même que les satellites géostationnaires. S'il nous rate, il repassera certainement en 2036, mais les spécialistes ne sont pas bien convaincus de sa trajectoire, elle peut encore être légèrement détournée en cours de route.
Ils sont cependant rassurants. En cas d'impact, le choc ne pulvériserait qu'une région, même pas un pays (sauf s'il est petit, bien sûr, ces apocalypses ambulantes déploient tout de même une puissance de l'ordre de 1000 à 50 000 bombes d'Hiroshima, c'est à dire potentiellement 100 millions de morts pour la plus petite).
Restent les aléas de la chute, les impondérables. Deux chances sur dix de tomber sur une zone inhabitée, les autres ne constituant pas vraiment des chances ; sept sur dix de générer un gigantesque tsunami en tombant dans l'eau, une sur dix d'annihiler directement les habitants malchanceux.
Notez bien Apophis dans vos agendas électroniques, pour ne pas vous trouver surpris par une fin du monde inopportune.

Enfin il y a
2012-DA14, un petit rocher de 50 mètres de diamètre. On a fait sa connaissance le 23 février 2012 quand il passait à quelques millions de kilomètres. Il s'est enhardi depuis et revient vendredi prochain 15 février à seulement 27 000 kilomètres. En Asie on le verra alors avec des jumelles.
Il faut espérer que l'estimation de sa trajectoire est à peu près juste, ou le baptiser d'un nom plus poétique, pour faire des gros titres séduisants en cas de funérailles nationales.


Matin calme en Toscane, juillet 2010