vendredi 31 août 2012

Améliorons les chefs-d'œuvre (3)

Décidément, le mot d'ordre libertaire de Ce Glob est Plat, « Améliorons les chefs-d'œuvre », a fait en quelques mois beaucoup d'émules. Pour preuve cette mésaventure qui fait actuellement scandale à Borja près de Saragosse, dans le nord de l'Espagne, et dans le monde entier.

Vous connaissez certainement l'histoire. Accoutumée aux petits travaux que nécessite régulièrement l'église du Sanctuaire de Notre-Dame de la Miséricorde dans les faubourgs de Borja, une très vieille femme dévote avait décidé de sauver le Christ d'une dégradation déjà bien avancée. C'était un portrait médiocre peint à la fresque par Elias Garcia Martinez, obscur décorateur et professeur à Saragosse, mort en 1934. La vieille dame avait déjà repeint la tunique pourpre du Christ en faisant au passage une grossière erreur de perspective, avec la bénédiction du prêtre de la paroisse.

Forte de cette approbation, elle s'est donc attaquée au visage qui se décomposait. Emportée par une indéfectible foi chrétienne et des limites techniques incontestables, elle transforma la mauvaise croute en un étrange pâté, dans le style d'un Georges Rouault ou Modigliani terminé au chiffon par Francis Bacon.
Plus de 20 000 internautes déjà ont néanmoins trouvé du charme à ce Christ zombi au point de signer une pétition pour sa préservation.


Soyons modestes, Ce Glob est Plat n'est pas l'inventeur de ce concept prometteur d'amélioration des chefs-d'œuvre du passé. L'archétype, le modèle indépassable, c'est le Spéléo-Club albigeois qui le 5 mars 1992, aidé d'un groupe d'Éclaireurs de France adolescents et filmé par la télévision régionale, effaçait soigneusement, à la lessive et la brosse dure, deux bisons maladroitement dessinés par un peintre inconnu il y a au moins 20 000 ans dans la grotte de Mayrière à Bruniquel.
C'était une méprise, l'intention était bonne, la grotte était aussi couverte de graffitis récents. Ils en obtinrent le prix igNobel d'archéologie en 1992.
Ironie, la peinture rupestre avait été découverte par le même club de spéléologie 40 ans plus tôt. Ce qui prouve bien qu'en matière d'art le progrès n'existe pas.

Mise à jour du 20.09.2012 : la suite devient lamentable, naturellement. La Fondation propriétaire de l'église prélève un euro par visiteur. La vieille dame va demander à la Justice sa part des milliers d'euros, en droits d'auteur. 

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