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vendredi 6 février 2015

Copyfraud, un piratage légalisé


Le premier janvier de chaque année, des hordes d'artistes morts depuis 70 ans (en règle générale) émergent de leur sépulcre glacé et rejoignent le Domaine public, un vaste espace de lumière où leurs œuvres appartiendront désormais à toute l'Humanité et deviendront gratuites et libres de droits. Quiconque pourra les reproduire, les diffuser, même en tirer des bénéfices (1).
Un vieux ministre bavant et grimaçant déclame alors sa pompeuse harangue « Entre ici, Saint-Exupéry (par exemple), avec ton terrible cortège, avec ceux qui sont morts depuis longtemps déjà... » Et un orchestre symphonique tonitruant joue l'hymne à la joie.

Pour fêter cette merveille de la nature, cet évènement d'une régularité quasi astronomique, il manquait un festival. C'est chose faite aujourd'hui.
Le premier festival du Domaine public vient de fermer ses portes. Et comme tout festival qui souhaite être visible et prospérer il a décerné des récompenses.
Mais, comme ils ont le gout de la plaisanterie et un budget insignifiant, les créateurs se sont arrangés pour que les lauréats de ces prix (qu'ils ont appelés Copyfraud awards) ne viennent jamais réclamer leur humiliant trophée, à l'instar des gagnants des Darwin awards. Rappelons que ces derniers sont décernés à des personnes qui sont mortes suite à leur comportement stupide et ont ainsi amélioré le patrimoine génétique de l'Humanité. Elles sont le plus souvent dans l'incapacité de venir chercher leur prix.
Dans le cas des Copyfraud awards c'est la honte qui devrait normalement empêcher les lauréats, car c'est toujours par cupidité et dans l'illégalité qu'on se commet dans une affaire de copyfraud.

« Copyfrauder » c’est prétendre avoir un droit sur quelque chose qui appartient en réalité au domaine public, c’est à dire à tous. C'est une activité qui s'épanouit autour des droits d’auteurs et des droits de reproduction. Et on frôle l’abus de pouvoir quand elle profite à une institution publique, ou à une entreprise privée qui aura soudoyé un personnage public. Les exemples sont légion, Ce Glob est Plat en a souvent parlé (2) et rappelons que le site Numerama publie chaque samedi un florilège des plus beaux abus de la propriété intellectuelle (Copyright Madness).
La copyfraud est beaucoup plus qu'un simple piratage puisqu’elle à le pouvoir de priver les autres des biens qu’elle s'approprie. Il est donc absolument moral, juste et salutaire de pirater ce qui a été copyfraudé. Vous suivez ?

Prenons des exemples. Saviez-vous qu’il est interdit, sans avoir payé des droits, de photographier la Tour Eiffel de nuit (exclusivement) et d’en faire l’usage que vous souhaiteriez ? Car des brevets et des marques ont été déposés sur tout le bazar du système d’éclairage. C’est l’archétype ; on détourne le domaine public (l’image de la Tour Eiffel) au bénéfice d’intérêts privés.
Même infortune pour les peintures de Lascaux, la pyramide du Louvre, la Grande bibliothèque de France, l’orgue restauré de Notre-Dame de Paris.

Vous trouverez une trentaine de ces cas savamment commentés dans la présentation des nominés (involontaires) aux Copyfraud awards par les organisateurs du festival.
La Bibliothèque nationale de France vend le fonds du domaine public à des entreprises privées, les musées interdisent la photographie des collections publiques, Tarzan est transformé en marque pour ne plus jamais rejoindre le domaine public, Saint-Exupéry est libre depuis quelques jours dans tous les pays de la planète sauf le sien, la France, jusqu’en 2032, la chanson « Happy birthday to you » appartiendrait à Warner Music, géant de l’industrie du disque qui réclame des droits chaque fois que cet air imbécile est chanté en public…
Devant l’exubérance, la profusion, la surenchère de bassesse, tous mériteraient d’être lauréat.

Cette année, parmi une douzaine de Smith et quelques milliers d’inconnus comme Jakob von Uexküll ou Onésiphore Turgeon, arrivent dans le Domaine public des ombres mémorables, Edward Munch, Sanford Gifford, Mondrian, Kandinsky, Félix Fénéon, Max Jacob, Romain Rolland, et le génial illustrateur William Heath Robinson (dont voici deux illustrations, plus haut pour Kipling et ci-dessus pour Perrault).

***
1. Attention, s'agissant de l'interprétation de la loi, les choses ne sont pas toujours si simples. Lisez à ce propos le récit d’une désillusion vécue cette année par les organisateurs du festival du Domaine public à propos de Fantômas.

2. Principales chroniques du blog consacrées au thème des abus et détournements de la propriété intellectuelle : Une victoire de la nécrophagie (2009), le musée de l'extrême (2009), guide de la Venise secrète (2010), le visiteur à l'état fluide (2010), le tableau interdit (2011), respectons les imbéciles (2011), un sacrilège (2012), les valeurs orthopédiques (2012), le monde leur appartient (2013). pauvre Gaston (2013), David et son gros pétard (2013), mitraillez (2014).

dimanche 10 juin 2012

La platitude de l'Univers


Les dernières mesures de la savante Shirley Ho, relatées par la revue Ciel & Espace dans son récent numéro 505, le démontrent : dans l'Univers l'énergie noire est trois fois plus puissante que les forces d'attraction de la matière. C'est certainement irrévocable.

Ne demandez pas aux savants ce qu'est l'énergie noire (ou sombre). Ils n'en savent rien pour l'instant et s'en sortent en invoquant une énergie du vide. Cependant elle est là, et domine les forces de l'Univers, de sorte que les galaxies s'éloignent globalement les unes des autres, et de manière accélérée. Ainsi un jour la matière n'aura plus assez d'énergie et se délitera, les électrons quitteront les atomes, le vide deviendra encore plus vide, le froid plus définitif.

On avait quelques temps espéré que le grand gâchis thermodynamique de l'Univers ralentirait un jour, passerait par une phase de stabilité, puis s'inverserait dans une grande implosion, pour recommencer un nouveau cycle avec de la matière fraiche, ce qui était, au moins intellectuellement, assez satisfaisant. Mais les conclusions de Shirley Ho sont sans appel, car elle les obtient par l'observation minutieuse des oscillations acoustiques de la matière ordinaire. C'est dire.
On a beau savoir, la Lune s'éloignant puis le soleil explosant bientôt, que la vie sur Terre n'en a pas pour très longtemps, disons un à deux milliards d'années ce qui n'est déjà pas terrible pour certains projets personnels, il est tout de même vexant d'apprendre que tout cela n'aura servi à rien, puisque tout s’éteindra irrémédiablement.

Et puis, une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule (axiome hautement scientifique), les calculs de Shirley Ho ont également confirmé la topologie de l'Univers, sa forme globale. Il est plat.
Les lignes parallèles ne s'y rencontreront jamais. Pythagore et Euclide en seraient ravis. Et toutes les autorités de l'antiquité et du moyen-âge qui affirmaient que le Monde était plat, raillées quand il a été prouvé que la Terre - qui n'est qu'un accident local - était ronde, tous ces penseurs avaient donc raison.
Ajoutons qu'il suffisait de constater la banalité des résultats du concours de la chanson de l'Eurovision, des prix littéraires ou de l'élection présidentielle, et de tant d'autres jalons de notre civilisation, pour se convaincre de la platitude, de l'ennui de cet univers.

samedi 10 décembre 2011

Le jeu des 7 erreurs

Des méfaits dus à l'âge. 

Pour ne pas lui causer d'embarras appelons-le Robert. C'est un petit américain désœuvré. Dans les années 1960, il écrit quelques chansonnettes qu'il marmonne d'une voix plaintive en grattouillant sa guitare. Par chance, les deux décennies qui suivent seront contestataires. Et toute génération révoltée a besoin de porte-paroles, d'hymnes, de slogans, de rengaines rudimentaires. Les textes protestataires de Robert, volontairement sibyllins façon Arthur Rimbaud, se prêtent aux plus vastes ralliements.
Sa musique également a toutes les qualités requises. Sans originalité et tellement inspirée des folklores américains, avec ses trois sempiternels accords, on la connait avant de l'avoir entendue. Robert devient alors pour quelques temps le guide spirituel d'une génération.

Mais tout s'émousse. Dans les années 1980 il tente un renouveau biblique, avec prophéties apocalyptiques et relents de bondieuserie. Sans succès.

Et récemment, à 70 ans, c'est le dérapage, la régression infantile. Sous d'amicales pressions il consent à exposer ses coloriages. Il faut dire que Robert est atteint d'un trouble compulsif. Il récupère des photos dans des archives d'images sur internet (parfois de photographes connus comme Cartier-Bresson) et il les décalque avec application et les colorie du mieux qu'il peut, sur de grandes toiles qu'il signe «Bob Dylan». 
Eh bien on peut désormais voir ces jolis coloriages au Musée national de Copenhague ou sur les murs de la célèbre galerie Gagosian à New York. Ne les ratez pas. Le gentil Robert aura beau tenter un peu naïvement d'effacer l'ombre de l'auteur de la photo originale (voir la 2ème image du diaporama), il pourrait hélas être rattrapé par le vilain spectre du droit d'auteur. 

Sources : Le Guardian (en anglais), Artinfo (en anglais mais avec un instructif diaporama comparatif), Arrêt sur images (en français et très illustré).


Si tu trouves les 7 erreurs commises par Robert (en bas) en recopiant une photo trouvée sur internet (en haut) tu gagneras une splendide compilation de ses plus belles chansons réunies sur une mini-K7 et rehaussées par l'accordéon d'Yvette Horner.