Affichage des articles dont le libellé est Tour Eiffel. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Tour Eiffel. Afficher tous les articles

mardi 11 décembre 2018

Nuages (45)


Nous savions que des petits nuages tels que ceux de l’illustration pèsent comme quelques centaines à quelques milliers de tours Eiffel, si l’on en croit même la seconde édition du livre de M. Chalon « Combien pèse un nuage et pourquoi les nuages ne tombent pas ». Mais nous n’avions pas risqué la conversion en vaches bien portantes, et le résultat du calcul est hallucinant.
Note au lecteur tatillon : en arrondissant un peu chaque nombre, le moindre petit cumulus pèse un million de tonnes, et un cumulonimbus d’une dizaine de kilomètres de base qui n’aurait pas surveillé son embonpoint peut approcher le milliard de tonnes. Soit de cent à cent mille tours Eiffel (qui pèse quant à elle dix mille tonnes, ou dix mille vaches bien gavées).
Ainsi le poids de tels nuages se mesure en millions, voire dizaines de millions de vaches.
Ce qui devient proprement astronomique, quand on sait qu’un cumulonimbus moyen, en nombre de vaches mises bout à bout dans une file indienne, atteindrait directement la Lune ! Et les Américains l’auraient conquise à dos de vache et économisé ainsi des années de calculs fastidieux, tout en exaltant l’industrie du hamburger.

Ces choses ne sont pas suffisamment sues.

mardi 20 septembre 2016

La vie des cimetières (72)


Par un beau jour de l'été 20.., l’auteur de ce blog se faisait expulser par le gardien du cimetière de Puteaux au motif que la photographie des sépultures y était interdite.
N’écoutant que son courage l’auteur s’était alors retiré dignement, non sans un imperceptible rictus de mépris.
Rappelons que Puteaux n’est pas un village perdu sur un plateau désolé du Massif central mais une ville dynamique de la banlieue parisienne au cimetière imposant de 4,3 hectares et qui jouxte le quartier d’affaires de La Défense.

Quelle circonstance a pu embrouiller ainsi l'entendement de l’employé municipal ?
On ne dira jamais assez les troubles nerveux occasionnés par la sensation de pouvoir que procurent certaines responsabilités sur des esprits fragiles, comme de régner en petit maitre sur un peuple sans nombre, fut-il trépassé. Le brave fonctionnaire tentait-il d’exercer une autorité contrariée par l’absence de réaction sensible de ses administrés habituels ?

Quelques années plus tard, l’auteur, armé d’un appareil photo astucieusement camouflé dans un téléphone de poche, déambulait discrètement dans les allées convoitées.

Et finalement il y a trouvé les tombes décevantes, pas de monuments vraiment monumentaux, pas de statuaire kitsch ni de mausolée présomptueux, peu de sculptures au gout douteux, et peu d’ombre.
En revanche le cimetière et ses occupants jouissent d’une localisation qu’envieraient tous les promoteurs immobiliers de la planète. Une déclivité générale du plan du cimetière offre à tous une vue dégagée sur Paris et sur son centre de gravité, ce clou de métal géant planté par Gustave Eiffel.

Ce jour-là le cerbère du cimetière ne s’est pas manifesté. Il aura peut-être déjà rejoint ses ouailles.


dimanche 27 mars 2016

Domaine public à vendre






La reproduction de cette photo sur laquelle flotte la menace des droits d'auteur du chef électricien est généralement interdite, sauf royalties.

C’est un fait établi depuis l'antiquité, une des fonctions du pouvoir est de permettre le détournement des biens publics pour la satisfaction privée de celui qui le détient.
Personne ne s’étonne de nos jours, une fois son représentant (démocratiquement élu) installé dans ses fonctions, qu’il puise généreusement dans les biens communs au bénéfice de sa fratrie et de ses amis. La survie de l’espèce s’arrête aux limites du village, voire sur le palier de la maison de famille.
Les plus malins inscrivent même cette coutume dans la loi, car un autre avantage du pouvoir est de faire les lois à sa convenance.

Et l’Assemblée nationale française vient justement d’adopter un amendement qui crée un nouveau droit patrimonial pesant sur le domaine public, dans le cadre de la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ».
Il prévoit que toute utilisation commerciale d’images des immeubles des domaines nationaux, qui était jusqu’ici libre puisque relevant du domaine public, devra faire l’objet d’une autorisation préalable et d’une redevance. Ce qui interdit la libre reproduction des châteaux de la Loire, de Versailles, et de tant d’autres dans les livres d’art et les cartes postales, dans les encyclopédies participatives en ligne (comme Wikipedia dont le principe est la libre utilisation, y compris lucrative, de son contenu), et même sur les réseaux sociaux comme Facebook (les publicités et les réutilisations commerciales y sont consenties).

Dans le même esprit la loi « République numérique » qui aurait pu libérer « l’exception de panorama » n’en fera rien tout en faisant croire qu'elle le fait.

En effet le droit français interdisait jusqu’à présent toute reproduction, même non commerciale, d’images représentant le domaine public si elles contenaient des œuvres protégées par des droits d’auteur encore actifs.
Ne vous méprenez pas, ce n’est pas à la bonté de la nature humaine que vous deviez de ne pas avoir été poursuivi en justice quand vous avez publié sur votre blog des clichés de la tour Eiffel illuminée, du viaduc de Millau ou de la pyramide de Leo Ming Paye dans la cour Napoléon du Louvre. Vous le deviez à votre nombre incalculable à publier ces photos illicites et parce que les ayants droit n’actionnent la justice que si l’opération est rentable.

Et bien la loi Numérique, magnanime, vous autorisera désormais à faire ce que vous faisiez déjà (c’est l’exception de panorama), mais en interdisant l’utilisation commerciale de ces images (donc sur Wikipedia ou Facebook par exemple), ce qui constitue dans les faits un autre recul du domaine public.

Ces deux lois, soutenues par le Gouvernement, seront certainement votées en l’état. Deux verres d’eau dans l’océan de la « copyfraud », le détournement légalisé du domaine public au profit d’intérêts privés ou d’institutions publiques.

L’abus de pouvoir est un acte naturel. Il est normal de le consacrer dans la loi.
 

samedi 9 janvier 2016

Le monument des monuments (1 de 2)

Musée des monuments français, Paris palais de Chaillot.

Aux pieds de la tour Eiffel, au cœur du décor le plus prestigieux de Paris piétiné chaque jour par une vingtaine de milliers de touristes et quelques militaires surarmés justifiés par « l’état d’urgence », il existe un lieu absolument désert et silencieux, vaste comme plusieurs cathédrales, où l’on n'entend que l’écho de ses propres pas et le chuchotement des gardiens qui passent la journée, tant ils s’y ennuient, à téléphoner à voix basse dans des langues lointaines.

Imaginée par Viollet-le-Duc en 1879 comme une arche de Noë de l’architecture, l’immense nef s’est emplie en une vingtaine d’années de moulages de plâtre grandeur nature des plus beaux portails, tympans, linteaux, piliers, chapiteaux, et statues des monuments de France, Moissac, Vézelay, Autun, Strasbourg

Au fil des années le Musée des monuments français s’est enrichi d’un dédale de fausses voutes romanes décorées par des vestiges de peintures murales.
Il a vécu un incendie le 22 juillet 1997, une fermeture pour travaux qui menaçait d’être définitive vu le taux de fréquentation du public, enfin une réouverture en 2007, augmenté d’une galerie consacrée à l’architecture moderne, et honoré du titre de « Cité de l’architecture et du patrimoine ».

Mais sous la douce lumière zénithale du Paris d’aujourd’hui on y déambule toujours comme dans un autre siècle. Le brouhaha s’est tu. Les diables et les saints sont si vieux que la patine a fini par les faire ressembler aux œuvres qu’ils imitent, et paradoxalement, protégées des intempéries, les copies sont devenues plus authentiques que les originaux rongés par l’humidité, la pollution et les aléas.

Touriste, continue d'éviter soigneusement l’endroit, pour que soit possible longtemps encore cette promenade intemporelle.

 


vendredi 6 février 2015

Copyfraud, un piratage légalisé


Le premier janvier de chaque année, des hordes d'artistes morts depuis 70 ans (en règle générale) émergent de leur sépulcre glacé et rejoignent le Domaine public, un vaste espace de lumière où leurs œuvres appartiendront désormais à toute l'Humanité et deviendront gratuites et libres de droits. Quiconque pourra les reproduire, les diffuser, même en tirer des bénéfices (1).
Un vieux ministre bavant et grimaçant déclame alors sa pompeuse harangue « Entre ici, Saint-Exupéry (par exemple), avec ton terrible cortège, avec ceux qui sont morts depuis longtemps déjà... » Et un orchestre symphonique tonitruant joue l'hymne à la joie.

Pour fêter cette merveille de la nature, cet évènement d'une régularité quasi astronomique, il manquait un festival. C'est chose faite aujourd'hui.
Le premier festival du Domaine public vient de fermer ses portes. Et comme tout festival qui souhaite être visible et prospérer il a décerné des récompenses.
Mais, comme ils ont le gout de la plaisanterie et un budget insignifiant, les créateurs se sont arrangés pour que les lauréats de ces prix (qu'ils ont appelés Copyfraud awards) ne viennent jamais réclamer leur humiliant trophée, à l'instar des gagnants des Darwin awards. Rappelons que ces derniers sont décernés à des personnes qui sont mortes suite à leur comportement stupide et ont ainsi amélioré le patrimoine génétique de l'Humanité. Elles sont le plus souvent dans l'incapacité de venir chercher leur prix.
Dans le cas des Copyfraud awards c'est la honte qui devrait normalement empêcher les lauréats, car c'est toujours par cupidité et dans l'illégalité qu'on se commet dans une affaire de copyfraud.

« Copyfrauder » c’est prétendre avoir un droit sur quelque chose qui appartient en réalité au domaine public, c’est à dire à tous. C'est une activité qui s'épanouit autour des droits d’auteurs et des droits de reproduction. Et on frôle l’abus de pouvoir quand elle profite à une institution publique, ou à une entreprise privée qui aura soudoyé un personnage public. Les exemples sont légion, Ce Glob est Plat en a souvent parlé (2) et rappelons que le site Numerama publie chaque samedi un florilège des plus beaux abus de la propriété intellectuelle (Copyright Madness).
La copyfraud est beaucoup plus qu'un simple piratage puisqu’elle à le pouvoir de priver les autres des biens qu’elle s'approprie. Il est donc absolument moral, juste et salutaire de pirater ce qui a été copyfraudé. Vous suivez ?

Prenons des exemples. Saviez-vous qu’il est interdit, sans avoir payé des droits, de photographier la Tour Eiffel de nuit (exclusivement) et d’en faire l’usage que vous souhaiteriez ? Car des brevets et des marques ont été déposés sur tout le bazar du système d’éclairage. C’est l’archétype ; on détourne le domaine public (l’image de la Tour Eiffel) au bénéfice d’intérêts privés.
Même infortune pour les peintures de Lascaux, la pyramide du Louvre, la Grande bibliothèque de France, l’orgue restauré de Notre-Dame de Paris.

Vous trouverez une trentaine de ces cas savamment commentés dans la présentation des nominés (involontaires) aux Copyfraud awards par les organisateurs du festival.
La Bibliothèque nationale de France vend le fonds du domaine public à des entreprises privées, les musées interdisent la photographie des collections publiques, Tarzan est transformé en marque pour ne plus jamais rejoindre le domaine public, Saint-Exupéry est libre depuis quelques jours dans tous les pays de la planète sauf le sien, la France, jusqu’en 2032, la chanson « Happy birthday to you » appartiendrait à Warner Music, géant de l’industrie du disque qui réclame des droits chaque fois que cet air imbécile est chanté en public…
Devant l’exubérance, la profusion, la surenchère de bassesse, tous mériteraient d’être lauréat.

Cette année, parmi une douzaine de Smith et quelques milliers d’inconnus comme Jakob von Uexküll ou Onésiphore Turgeon, arrivent dans le Domaine public des ombres mémorables, Edward Munch, Sanford Gifford, Mondrian, Kandinsky, Félix Fénéon, Max Jacob, Romain Rolland, et le génial illustrateur William Heath Robinson (dont voici deux illustrations, plus haut pour Kipling et ci-dessus pour Perrault).

***
1. Attention, s'agissant de l'interprétation de la loi, les choses ne sont pas toujours si simples. Lisez à ce propos le récit d’une désillusion vécue cette année par les organisateurs du festival du Domaine public à propos de Fantômas.

2. Principales chroniques du blog consacrées au thème des abus et détournements de la propriété intellectuelle : Une victoire de la nécrophagie (2009), le musée de l'extrême (2009), guide de la Venise secrète (2010), le visiteur à l'état fluide (2010), le tableau interdit (2011), respectons les imbéciles (2011), un sacrilège (2012), les valeurs orthopédiques (2012), le monde leur appartient (2013). pauvre Gaston (2013), David et son gros pétard (2013), mitraillez (2014).