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dimanche 29 septembre 2013

La lumière est à gauche


C'étaient les dernières années du 16ème siècle à Rome. Un peintre de 25 ans venu de la région de Milan, Michelangelo Merisi, connaissait un succès considérable en bouleversant les codes de la peinture de son temps. On le surnommait Le Caravage.

Avant lui la peinture était faite de douceur, d'onctueuses et multicolores délicatesses. La lumière qui illuminait les sujets était d'une source idéale, celle de l'esprit. C'était la Renaissance. L'Homme était redevenu la mesure de toutes choses. Son avenir était rayonnant. Le Maniérisme qui lui succédait, en déformant l'espace et les mouvements, avait seulement un peu amolli le tout.
Caravage ne voyait pas la vie ainsi. Il la montra crue, brutale, violente avec du sang et de la saleté. Il plongea la peinture dans un réalisme radical. La lumière ne venait plus de l'humain, elle tombait de l'extérieur de la toile, comme une fatalité, un éblouissement. Et les ombres se transformèrent en ténèbres.

Pour copier ainsi exactement la nature et les effets de la lumière crue sur les corps, sans interpréter ni corriger, il fallait faire poser les modèles sous l'éclairage intense et ponctuel d'une source très localisée, sans réflexion parasite. Et pour représenter des figures en grandeur nature, la toile devait nécessairement être éclairée par la même source, en se débrouillant pour que la main du peintre ne produise pas d'ombre sur le travail en cours.
Toute personne qui a dessiné à la lueur d'une lampe sait cela. Un peintre droitier qui ne veut pas peindre sur l'ombre de sa main choisit la source de la lumière à gauche. Inversement pour un gaucher.
Ce n'est donc pas un effet du hasard si, parmi les 80 à 90 tableaux connus du peintre, seulement cinq ou six sont éclairés par la droite, comme l'Enterrement de Santa Lucia de 1608, actuellement dans l'église homonyme de Syracuse en Sicile (voir l'illustration). Tous les autres sont éclairés par la gauche. Le plus souvent en haut à gauche.

On peut en dire autant de la plupart des suiveurs de Caravage, Valentin de Boulogne, Georges de La Tour dans ses tableaux diurnes, Vermeer dont la fenêtre est toujours placée à gauche... Et ainsi de suite, pour 85% des peintres avant la découverte de l’éclairage électrique, probablement, puisque les sites consacrés aux gauchers estiment qu'ils représentent 15% de la population.

Caravage était donc droitier. Cela n'a bien sûr aucun intérêt. D'autant que cela ne répond pas à la question des circonstances pratiques de création de ses rares toiles « gauchères ».

Le 28 mai 1606, il tuait un milicien en duel à l'épée, qu'il portait sans doute à gauche. Condamné à mort, il fuyait Rome.

samedi 14 janvier 2012

Nuages (28)


Au large des côtes italiennes de Calabre et de Sicile, le Stromboli est le volcan le plus régulier d'Europe. Depuis au moins 2500 ans (les premiers témoignages écrits) il émet consciencieusement des fontaines de lave et de cendres à quelques dizaines, voire centaines de mètres, en moyenne toutes les trente minutes. C'est un spectacle nocturne que les touristes embarqués applaudissent avec enthousiasme, et plus timidement ceux qui ont gravi le flanc du volcan. Quelquefois il éternue un peu plus fort. Les visites sont alors interdites.
À 1600 mètres au nord-est, les reliques d'une cheminée depuis longtemps éteinte forment un ilot rocheux, le Strombolicchio, équipé d'un phare automatique.

vendredi 29 octobre 2010

Nuages (23)

« Le sang qui irrigue le cœur est la pensée des hommes »
(Empédocle d'Agrigente, - 490 à - 430.)



Nuées et vapeurs sur l'Etna, vues de la Tour du Philosophe
(
Torre del filosofo).


Le lieu est appelé « Tour du philosophe » parce qu'ici, au 5ème siècle avant notre ère, le philosophe Empédocle, parmi les nombreuses morts qui lui sont attribuées, se serait jeté dans le cratère du volcan, laissant sur place une sandale pour prouver son geste.
Dans la lignée de Pythagore, Empédocle était à la fois un observateur de la nature aux intuitions clairvoyantes et un personnage public légendaire, entre le politicien, le prédicateur, l'ingénieur et le guérisseur.

Il disait que la lumière est un corps émis par un corps lumineux, qu'elle naît d'abord dans un lieu intermédiaire et que son mouvement nous est caché à cause de sa vitesse.
Il disait que le soleil est une grande masse de feu, qu’il est plus grand que la lune, que la lune ressemble à un disque plat qui projette son ombre sur la terre quand le soleil passe derrière, et que c'est la Terre qui fait la nuit en passant devant la lumière.
Il disait que la vie ou la mort ne sont qu'un agencement différent des mêmes éléments qui forment indifféremment des hommes, des animaux ou des plantes, comme le peintre qui utilise les mêmes couleurs pour créer des formes semblables à toutes les choses.
Il disait qu'au début, quand ces éléments commencèrent à se mélanger, naquirent beaucoup de têtes sans cou, des bras erraient nus et privés d'épaule, des yeux vagabondaient dépourvus de front, des membres solitaires cherchaient à s'unir, des pieds trainaient avec des mains en quantités, des faces et des poitrines regardaient dans des directions opposées, et des bovins à face d'homme côtoyaient des hommes à tête de bovin.


dimanche 18 avril 2010

Décervelage, friperie et fuite du cosmos

« Comment va le monde ?
- Il s'use Monsieur, à mesure qu'il devient. »
William Shakespeare, Timon d'Athènes, Acte 1, scène 1.

Au nord de l'Europe, le plan machiavélique du Père Ubu vient d'échouer. Afin de prendre le pouvoir en Pologne et y mener force décervelages et manger constamment de l'andouille, on se souvient que le Père Ubu avait, la semaine dernière, envoyé par avion les plus hauts dignitaires de l'État polonais, président, gouvernement, armées et banque, rendre hommage aux milliers de compatriotes massacrés par son copain Staline en 1940. On se souvient en outre qu'ayant instauré un impôt sur le décès (15 francs), le Père Ubu avait saboté l'avion présidentiel, ce qui lui rapporta presque 1500 francs.
Son but était d'organiser de colossales obsèques à Cracovie, d'y attirer les dirigeants éplorés de tous les états du monde et de les supprimer sur place. Malheureusement, l'espace aérien européen est vide, interdit depuis quelques jours, et les chefs d'état, américain, anglais, allemand, espagnol, français ont tous annulé ce déplacement funéraire. Le grand décervelage n'aura pas lieu. Et le Père Ubu ne peut s'en prendre qu'à lui-même, car désireux d'être seul au pouvoir, il avait expédié la Mère Ubu dans l'espace à l'aide d'une catapulte de son invention. Mais l'horrible femme et son énorme postérieur, par gravité, sont retombés précisément dans le cratère ressuscité d'un volcan islandais célèbre depuis, faisant ainsi fondre un glacier millénaire et libérant une vapeur pestilentielle (des années d'alimentation à base d'andouilles) qui couvre maintenant toute l'Europe et paralyse la circulation aérienne.

Les restes calcinés de la Mère Ubu.

Pendant ce temps, entre le 10 avril et le 23 mai, des millions de personnes apparemment saines d'esprit et un Pape se rendront à Turin, et adoreront une pièce de toile, datée d'à peine 6 siècles d'après la méthode du carbone 14, et qui aurait enveloppé le corps de leur dieu crucifié voici 2000 ans. Ils appellent cet événement rare une «ostension extraordinaire du Saint-Suaire».
La croyance est invulnérable ; elle ne fait appel ni à la raison ni au doute. «Heureux ceux qui croient sans avoir vu» dit le Christ à Thomas (Jean 20-29). Ces foules qui s'entassent pour adorer une relique effraient, comme les festivités wagnérienne de Bayreuth, les fêtes de la bière, les matchs au stade de France, les pèlerinages rituels dans les pas des prophètes. On y entend comme le beuglement angoissé de l'espèce humaine.

Et on apprend en couverture du numéro de mai de la revue Ciel & Espace que le cosmos s'enfuit ! Comprenez par là que tout s'éloigne définitivement, et de plus en plus rapidement, ça vient d'être prouvé. C'est à cause de l'énergie du vide. Parce que le vide n'est pas réellement vide, en fait. Alors les galaxies se séparent des galaxies, les étoiles des étoiles, et un jour les atomes s'éloigneront des atomes.
On s'en doutait un peu. Il suffisait de compter les amis qu'il nous reste, de regarder l'état du plafond, de dénombrer la récolte quotidienne de la brosse à cheveux ou de rechercher un nom ou un mot connus sans jamais y parvenir, pour constater que tout s'enfuit, sans avoir à invoquer ces hypothétiques forces de l'univers. La véritable question est combien de temps cela s'éternisera. Et bien la science répond qu'on en aura pour 100 milliards d'années, pas plus. C'est embêtant.

Pour finir, le président de la République vient de nommer, le 15 avril, le nouveau président de l'Agence France Presse (AFP), agence «indépendante» de toute pression et influence, source principale de l'information en France. Dans ces conditions, Ce Glob Est Plat pourra difficilement garantir les informations qu'il diffuse.

Enfin n'oubliez pas de régler vos 25 euros de cotisation à l'AAAV (Association des Amis d'Alexandre Vialatte). Le blog est mourant, mais l'association active. Elle vient de publier son 35ème cahier annuel, une constellation de correspondances, critiques et manuscrits autour des Fruits du Congo, le grand roman mélancolique de Vialatte, hanté par Monsieur Panado, qui est un peu le rejeton du Père Ubu.

dimanche 6 septembre 2009

Musique libertaire (la suite)

Voilà presqu'un an, Ce Glob Est Plat prédisait la mort certaine de l'extraordinaire site MusicMe, dispensateur de musique libre.
Depuis, il n'a pas cessé de s'améliorer et de s'étoffer. La flânerie musicale y est encore plus agréable, la recherche à la fois simplifiée et enrichie, et le tout pendant que l'écoute se poursuit.
Il est même devenu envisageable pour un mélomane exigeant d'y acheter de la musique. Une offre d'achat de musique non protégée contre la copie et dans la meilleure qualité possible (MP3 320Kbps) est maintenant proposée.

Musiciens folkloriques de rue à Taormine, en Sicile. Le CD est à 12 euros.Par exemple, l'extraordinaire double album de Keith Jarrett jouant les 24 préludes et fugues pour piano de Shostakovich est téléchargeable (300 Mégaoctets pour 135 minutes de musique) au prix de 14,99 euros. En fait, il faudra prévoir un peu plus car le paiement se fait par un système de portemonnaie dont la formule la plus proche est à 19,90 euros. Il vous restera un avoir dont vous aurez du mal à vous dépêtrer (le but inavoué étant de vous obliger à alimenter sans cesse le portemonnaie ou à abandonner le reliquat qui n'est expressément pas remboursé).

Le catalogue de musique téléchargeable sans protection n'est pas encore très riche mais la collection libre d'écoute a considérablement cru (de 3,5 millions de morceaux à 5 millions en un an). Par exemple, une des plus belles pièces religieuses de la renaissance, chef d'œuvre d'un musicien quasiment inconnu sinon des amateurs éclairés, «Versa est in luctum» d'Alonso Lobo, est maintenant disponible à l'écoute en quatre versions (pour mémoire, cliquez sur le petit triangle cerclé pour écouter un morceau).

Souhaitons longue vie à la musique libre.

samedi 20 juin 2009

La vie des cimetières (21)


Faut-il respecter les morts ?

Les moines capucins de Palerme, en Sicile, l'affirment. Et comment les respecter ? En ne les photographiant pas, répondent les moines, par le moyen d'affichettes libellées «Pas de films, pas de photos, les catacombes sont un lieu sacré à respecter».

NO FILM, NO FOTO, Le catacombe luogo sacro da rispettareParce qu'ils les exposent, les morts. Par centaines, grimaçants et difformes, habillés de tenues folkloriques rapiécées ou de sacs de toile, en cage ou dans des niches, le long des galeries des catacombes du monastère qui régurgite par jour des légions de touristes horrifiés, un peu dégoutés, mais rafraichis par l'air ambiant et les plaisanteries égrillardes des pères de famille rassurants.

De tout cela, les morts se contrefichent, naturellement. Ils sont dans le pays de l'immobilité où les cellules, désorganisées, inconscientes, ne produisent plus que de la poussière.

Alors pourquoi leur prodiguer ces égards révérencieux, proches du fétichisme ? Parce que le culte des morts est une immense entreprise d'autosuggestion qui affirme qu'on n'aura pas vécu pour rien, qu'il y a une continuité de l'espèce, un héritage, mais qui admet implicitement que la seule survie de l'individu est dans la mémoire des survivants.

Résumons-nous :
On devra respecter les morts afin qu'ils survivent un peu.
NE CLIQUEZ PAS sur cette image si vous aimez les enfants !Pour cela on les exposera aux visiteurs, sous forme desséchée, comme des grenouilles dans les vitrines poussiéreuses d'un vieux museum d'histoire naturelle, si possible sous une lumière sinistre dans des caveaux glacés.

Et on ne s'étonnera plus alors de découvrir parfois, dans une campagne proprette du sud de Londres, une grand-mère racornie clouée avec tous ses chats, depuis des mois, sur le mur du salon d'un pavillon quelconque. Le petit-fils aura certainement, jeune, visité en famille les momies de Palerme.

mardi 27 février 2007

Les banyans de Garibaldi

En pénétrant dans le jardin Garibaldi, au cœur de Palerme, le flâneur ne s'attend pas à faire soudain quelques pas dans la préhistoire. Il se trouve entouré d'une famille de gigantesques végétaux dinosauriens. Ce sont d'énormes banyans (Ficus magnolias) plantés là vers 1860. Le promeneur se rappelle alors que les frères de ces pachydermes immobiles cherchent depuis des siècles à engloutir les temples d'Angkor dans une jungle minérale.

 
La rédaction de Ce Glob Est Plat, consciente de la confusion faite dans cette chronique entre le minéral, le végétal et l'animal, n'en garantit pas la rigueur scientifique. Elle a néanmoins rappelé à son reporter de ne pas fumer systématiquement tout ce qui se trouve dans les jardins publics.