mercredi 19 juin 2019

L’arme du crime

Que reste-t-il d’une existence ?

Jules Romains dit que c’est à la prise de conscience de la disparition de ceux qui nous précèdent, de l’empreinte en négatif de leur existence, fut-elle anonyme et insignifiante, que nous accordons un prix à notre propre vie.

Ajoutons que parfois, ne sachant rien de ces vies qu’on n’a même pas remarquées, on les rehausse rétrospectivement, on les embellit, on les dramatise, puis on commémore le résultat. On s’en trouve grandis.


Aujourd’hui dès 14h30, dans la salle 6, rue Drouot, sera mis aux enchères, en vedette devant des tableaux de Renoir, Pissarro, Signac, et caillebotte, un vieux morceau de ferraille rouillée en forme de révolver.
Il parait que c’est un « système Lefaucheux à broche de calibre 7 mm », et qu’il a été découvert dans un champ de blé près d'Auvers-sur-Oise, vers 1965, après y avoir moisi environ 75 ans d’après « une analyse » providentielle.

Exhibée dans l’exposition « Au bord de la folie » en été 2016 par le Musée van Gogh de Copenhague, cette chose est en train de devenir une sainte relique. On en attend au moins 40 000 euros.

Déjà, un courant dissident soutient que ce n’est pas l’instrument d’un suicide mais d’un crime. Le peintre aurait été abattu par inadvertance par un adolescent compagnon de beuverie.

Quant aux icônes de la foi, elles ont depuis longtemps envahi les portes des réfrigérateurs, la vaisselle et le linge de maison, mouchoirs, coussins, torchons, serviettes.

« La famille, les fleurs, les croque-morts, que d'histoires. On n'en a jamais tant fait pour vous quand vous étiez vivant. C'est dommage qu'on ne soit plus là. »
Jules Romains - Mort de quelqu'un

Mise à jour du 19.06.2019 à 19h19 : le marteau est tombé sur une enchère (anonyme sur internet) de 162 500 euros frais compris.

Aucun commentaire :