Affichage des articles dont le libellé est Sarcophages. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Sarcophages. Afficher tous les articles

dimanche 20 octobre 2019

La vie des cimetières (89)


Du temps de l’empereur Auguste, quand ils durent achever l’entreprise de civilisation des tribus de la Gaule, les Romains établirent un imposant camp militaire à Aunedonnacum, aujourd’hui Aulnay-de-Saintonge, en Charente-Maritime. Les Gaulois mirent cependant un certain temps à acquérir les bonnes manières, et éliminèrent encore quelques soldats, qu’on enterra à la manière romaine, en dehors des limites du camp.
Puis les colonisateurs partirent.


Le lieu, au carrefour de deux anciennes routes impériales, devint une agglomération gallo-romaine. Près des tombes romaines (trois stèles funéraires ont été retrouvées) grandit alors une nécropole autour d’un édifice religieux, probablement un temple païen, puis un sanctuaire chrétien.

Des siècles plus tard, l’endroit était devenu une étape obligée du plus long des pèlerinages vers Compostelle, celui qui partait de Paris et passait par Poitiers. Et le sanctuaire d’Aulnay dépendant des moines bénédictins de Poitiers, ils jugèrent au début du 12ème siècle qu’il était temps d’ériger une église digne d'accueillir et d'impressionner la multitude des pèlerins de passage.


AltAlt Ce fut Saint-Pierre de la Tour, une merveille par la pureté romane de ses formes, de ses lignes, et des ornementations sculptées, préservées depuis 900 ans par la qualité du calcaire employé.

De nos jours, dans l’enclos qui entoure l’église, la vieille nécropole vivote, tant bien que mal, en une sorte de cimetière hétéroclite. Au long du 19ème siècle, les antiques éléments de sarcophage avaient été recyclés en pierres tombales, et couverts d’épitaphes gravées pour les défunts du temps, et ainsi datées 1840, 1860, 1880...

Et on dirait le lieu abandonné depuis cette époque, et soigneusement négligé pour son cachet immémorial et pittoresque. 
Cependant vous pourriez encore, errant parmi les tombes, distinguer des dates de décès contemporaines, des années 1950 et 1960, jusqu’à 1999, et même 2014.
C’est sans doute le privilège de certaines lignées ancestrales qui ont un caveau ici, car le site est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, et Aulnay dispose, 100 mètres plus loin, d’un cimetière moderne, fonctionnel et spacieux.

À suivre… 



samedi 28 juillet 2018

La vie des cimetières (81)

Au centre d’un village qui perd, depuis un siècle, bon an, mal an, une douzaine d'administrés, l’église saint-Georges de Quarré-les-Tombes, en Bourgogne, dans le Morvan, n’est pas vraiment intéressante. 

Cependant elle est remarquablement encerclée de 114 sarcophages, orientés à peu près concentriquement comme les pétales d’une pâquerette mortuaire. Mais ce n'est pas un vrai cimetière. Les pétales sont des cuves ou des couvercles de sarcophages vides, faits de calcaires voisins.

Il y a la légende, que se racontent les Quarréens.

Renaud, fils du roi mérovingien des Ardennes, entouré de milliers d’hommes armés, venait d’avoir un coup de fatigue alors qu’il repoussait, près de Quarrée, les méchants Sarrasins qui venaient déjà de piller tous les crus de bourgogne. Alors désorientés, sans chef, ses soldats trépassaient sans retenue.
Saint Georges (celui qui avait été décapité 4 siècles plus tôt), qui passait dans le coin, devant une telle hécatombe, eut l’idée toute bête de réveiller Renaud, et par-là l’ardeur belliqueuse de son armée.
Les arabes, un peu penauds il faut bien le dire, rebroussèrent alors chemin. Saint Georges, méthodique, s’occupa de la sépulture des centaines de morts mérovingiens en fournissant de luxueux cercueils de pierre.

Il y a les rumeurs, les potins. 

Ainsi, on lit dans l’encyclopédie Wikipedia qu’entre les 7ème et 10ème siècles, 2000 sarcophages entouraient l’église, jusqu’à son embellissement et au transfert du cimetière hors du village en 1869.
On ne sait pas ce qu'ils sont devenus et on n’aurait jamais trouvé, auprès des reliques, la moindre trace d’objets personnels ou d’ossements, ni relevé sur la pierre aucune marque gravée, textes ou symboles religieux.
La rumeur fait alors de Quarré un entrepôt commercial de sarcophages en gros.

Pour garder quelques fidèles et attirer deux ou trois curieux, l’Association des Amis de l’Église affirme sur une plaque posée sur l’édifice, qu’en dépit des investigations des historiens, « le mystère reste entier ».

Et puis il y a l’étude typologique et pétrographique.

En 2009, Büttner et Henrion, archéologues, étudient méthodiquement les sarcophages et les sources documentaires, récits et notes des abbés érudits qui se sont succédé dans l’administration du village et de la paroisse. Leur analyse balaie les principaux doutes.

Les décorations gravées sur la pierre, en réalité, existent. Elles ont été relevées, déjà très atténuées, par l’abbé Guignot en 1895, mais ont été depuis presque totalement rongées par les intempéries.
Ajoutées au techniques de taille employées, à la morphologie des sarcophages, et aux différentes natures de calcaire, elles démontrent la production d’un petit nombre d’ateliers mérovingiens autour de carrières de la région.
Les archéologues en concluent à l’existence, à Quarrée, d’une nécropole mérovingienne, à cheval entre les 6ème et 7ème siècles, ravitaillée en cercueils par des ateliers locaux, et dont l’église aurait disparu, sous les remaniements incessants du cœur du village.

Mais si c’était une nécropole, où sont passés les restes humains ?

Des témoignages écrits font état de 500 sépultures au 16ème siècle, puis de 225 un siècle plus tard.
Vers 1780-90 l’abbé Bégon, maire progressiste de Quarré, pour agrandir l’église et remanier le village, se débarrassait des sarcophages en autorisant leur récupération par les habitants, qui en firent en général des auges. L’opération s’est probablement poursuivie avec l’abbé Henry, également progressiste, pour les mêmes motifs d’embellissement, dans les années 1840 à 1870.

Les restes humains, s’il en subsistait, auront sans doute été versés quelque part dans une fosse commune. La rumeur de leur totale absence serait alors à attribuer au malaise un peu coupable, malgré la bénédiction d’un abbé, d’avoir à avouer qu’on a vidé des cercueils de leurs occupants pour y faire manger les cochons.