Améliorons les chefs-d’œuvre (15)
Examinons ces deux tableaux de Vermeer.
À gauche, Femme debout au virginal, une scène disparate, sans unité. Chaque élément est isolé, comme sur un collage où auraient été réunies les marottes du peintre, le virginal, la chaise à la perspective douteuse, les deux tableaux collés au fond, si mal intégrés qu’on ne voit plus qu’eux, surtout le cupidon boudiné qui en devient la figure centrale, accentuée par la légère contreplongée sur le portrait de femme éteint par un contrejour fade et sans relief.
La vraie réussite du tableau est le mur de gauche, et ses subtiles nuances de lumière. Bref, un Vermeer inachevé (ou un pastiche), exposé aujourd’hui à l’infortunée National Gallery de Londres, dont les deux Vermeer sont aussi insipides.
Notons que le tableau du cupidon est reproduit à l’identique sur un autre tableau de Vermeer, mais dans ce cas fondu dans la pénombre, la Scène de musique interrompue de la collection Frick à New York.
À droite, la mauvaise reproduction du tableau d’une Femme lisant une lettre, habituellement exposé à la Gemäldegalerie de Dresde, en Allemagne, aujourd'hui en cours de restauration. Le délicat profil et son reflet sur la vitre se fondent dans une atmosphère lumineuse cohérente. Tout concourt à isoler le personnage dans cet instant suspendu, notamment le rideau jaune un peu démonstratif du premier plan, et le mur du fond, vide, et qui a été blanc.
Dans ses 25 tableaux d’intérieur figurant des personnages dans un coin de pièce, Vermeer a toujours comblé cette surface vide au fond de la pièce, par des tableaux (16 fois sur 25), ou par des cartes géographiques (5 sur 25). À l’exception de 4 scènes dont le mur reste vide : la célèbre Laitière d'Amsterdam, la Dentelière du Louvre, la Femme au collier de Berlin, et cette Liseuse de Dresde.
Dans les deux premières, l’absence de décoration murale s’explique par la modestie des activités ménagères décrites et des lieux où elles s’exercent, cuisine, buanderie ou office.
Restent les deux inexplicables murs vides de la Femme au collier et de la Liseuse. Inexplicables parce que l’époque n’était pas aux effets graphiques expressifs, et qu’il fallait, pour vendre au bourgeois, faire réaliste et cossu, remplir l’espace en représentant avec exactitude, ou embelli, ce que le client voyait chez lui.
Et si ces murs restés vides sont pour les amateurs d'aujourd’hui les plus purs dans la peinture de Vermeer, parce qu’ils suspendent si parfaitement l’instantané quand un fouillis d’objets aurait dispersé l’attention, il n’en allait pas de même pour le peintre.
On peut l’affirmer, parce que ces deux uniques murs vides ne le sont pas, en réalité.
Les experts savent, depuis qu’ils les ont examinés aux rayons X, que la Femme au collier était encadrée d’une carte de géographie, et la Liseuse d’un tableau représentant un cupidon (on distingue encore la bande sombre du cadre).
Tous pensaient que le blanchiment tardif des murs était dû à des repentirs du peintre. Or la restauration de la Liseuse a révélé que le mur aurait été repeint des années, voire des décennies, après la mort du peintre. Admirons la précision. Alors après consultation de dizaines d’experts internationaux, le musée a choisi de ressusciter le cupidon. Illusion de l’authenticité !
Imbu de sa vérité, il l’expose temporairement au public de Dresde dans un état intermédiaire (illustration infra), et on y reconnait déjà le même cupidon que sur les tableaux de Londres et de New York.
Ainsi ce tableau que peu ont vu parce que Dresde ne l’a presque jamais prêté (notamment pas à la grande rétrospective Vermeer de La Haye en 1997), et dont aucune bonne reproduction ne circule, sera bientôt affublé d’un gros cupidon rose gonflé comme un Jeff Koons. On ne verra plus que lui. Une raison de moins d’aller à Dresde, déjà mal desservie.
Et craignons que ce respect intransigeant de la volonté présumée du peintre, ce vent d’intégrisme puritain, n’atteigne rapidement Berlin, qui n’est après tout qu’à 165 kilomètres de Dresde. Qui sait ce qui arriverait alors à la Femme au collier de perles ?
Et craignons que ce respect intransigeant de la volonté présumée du peintre, ce vent d’intégrisme puritain, n’atteigne rapidement Berlin, qui n’est après tout qu’à 165 kilomètres de Dresde. Qui sait ce qui arriverait alors à la Femme au collier de perles ?
5 commentaires :
Bonjour,
Ces quelques lignes pour vous dire toute mon admiration et vous demander un renseignement, je suis une fervente lectrice de votre blog.
Me feriez vous la bonté de m'accorder un peu de votre temps - quelques minutes seulement ? je pense que vous pourriez m'apporter une aide précieuse dans mes recherches iconographiques par quelques renseignements que vous pourriez me fournir.
Bien sûr, n’hésitez pas. Je ferai de mon mieux.
Comment puis-je vous contacter en priver ? Auriez-vous une adresse mail à me proposer ou vous serait-il possible de me contacter par celle indiquée sur cette messagerie ?
Merci infiniment
Hélas Unknown, vous comprendrez aisément que pour de triviales raisons de confidentialité et de sécurité il est impossible d'échanger ce genre d'information en public.
Mais si je comprends qu'il s'agit de vous aider à trouver des outils ou méthodes de recherche iconographique, rien de tout cela n'a de raison de rester privé et il vous suffit de ne pas révéler ici l'objet précis de votre recherche.
Enfin, si la suite de cet échange doit rester néanmoins confidentiel pour des motifs que je ne comprendrais pas présentement, vous pouvez, par l'intermédiaire de l'application Twitter qui permet les messages personnels, m'écrire en utilisant cette identité : @Ostarc.
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