S'il n'en avait qu'un, accordons au moins à l'illustre Pablo Picasso le génie du commerce. De l'assiette creuse en céramique au gribouillis sur un coin de nappe en papier, il aura, de son vivant, signé plus de 20 000 œuvres. Et ce talent pour monnayer sa signature est certainement héréditaire (comme dirait le
premier savant de France) puisque depuis sa mort en 1973 le nombre d'objets signés Picasso n'a cessé de proliférer.

Aujourd'hui un million de voitures de la gamme Citroën Picasso arborent l'énergique paraphe, dont on peut également acheter sur internet pour moins de 5 euros un
fac-similé autocollant. Ainsi, de nos jours, toute maison accueillante qui ne possèderait pas au moins un objet signé Picasso serait inexcusable.
Et si un Picasso signé ne coûte que quelques euros, que valent 271 Picasso non signés ?
Car c'est le nombre de croquis, papiers collés et autres esquisses, inconnus des spécialistes, qu'un
électricien septuagénaire vient d'exhumer. Il les aurait reçus en don alors qu'il installait des alarmes dans les dernières propriétés des Picasso, entre 1970 et 1980. Aucun n'est signé, mais les héritiers
ayants droit (
la Picasso Administration, prononcez
«administreïcheune»), les croient authentiques. Et comme ils doutent du
récit de l'électricien et aimeraient récupérer le magot, ils ont porté plainte pour recel. Les œuvres ont été saisies illico par la police de l'art.
La Picasso Administration devra prouver qu'il y a eu vol. Faisons lui confiance, elle y mettra les ressources nécessaires, et attendons la suite qui pourrait être palpitante. À moins que l'histoire ne finisse par la traditionnelle et plate négociation où les plaignants perdent une bouchée de pain et gagnent 271 Picasso (qu'ils estiment entre 50 et 100 millions d'euros).
Ceci confirme que la signature de Picasso n'a plus aucune valeur.
C.Q.F.D.