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mercredi 19 mars 2025

Dublin l'inaccessible (2 de 3)


BALADE DANS LA GALERIE NATIONALE D'IRLANDE


Chapitre 2 : Les peintres qui méritent mieux

À voir chapitre 1 : Avant-propos & Les peintres fameux.

À voir chapitre 3 : Les curiosités.



James Arthur O'connor : Les braconniers (1835, 71cm)L’effet de clair de lune à la limite des nuages est assez réussi. Le musée héberge une série d’autres paysages d’O’connor, entre romantisme et sobriété. Ont peut aimer.


Mattia Preti : La décollation de Jean-Baptiste (vers 1640, 135cm). Tableau exceptionnel par la force expressive de la scène comparée au peu de moyens utilisés. Un fond brun uni et quelques coups de pinceau noir dessinent le portrait à gauche et le soldat. Héritier de Caravage, le ténébrisme de Preti est souvent trop ténébreux, mais il lui arrive de dépasser son maitre souvent trop emphatique, comme ici dans cette scène dépouillée qui décrit l’instant d’avant l’évènement. Il se rattrapera dans un beau festin d’Hérode et Salomé moins original, cette fois après l’évènement, aujourd'hui au musée de Toledo USA.


Adam de Coster : Homme chantant à la bougie (vers 1630, 124cm). Étonnant peintre anversois de scènes à la bougie, plutôt traditionnelles au 17ème siècle, mais dont les portraits sont toujours finement expressifs et les visages raffinés (ici, ici et ). Il y a longtemps que Ce Blog aurait dû lui consacrer une chronique.


Jan de Bray : Portrait de deux garçons (vers 1652, 36cm). Portraitiste remarquable. Qu'ajouter ? Rien, sinon que certains de ses portraits sont exceptionnels, comme celui-ci.


Raeburn, Henry : Portrait of Sir John and Lady Clerk of Penicuik (1791, 206cm). Très grand portraitiste, parfois très original, Raeburn n’est pas méconnu, c’est même un des plus renommés des grands portraitistes anglais, mais ce tableau de Dublin, peut-être le plus touchant de ses portraits, n’est quasiment jamais proposé par les moteurs de recherche.


Gale, Martin : Over and above © Martin Gale (2017, 110cm). Peintre contemporain né en 1949, consacré essentiellement au paysage qui l'entoure, irlandais donc.

samedi 5 décembre 2009

L'âge d'or de l'épicerie parisienne


Alice - qu'est-ce qu'un cadeau de non-anniversaire ?
L'œuf Humpty Dumpty - C'est un cadeau offert quand ça n'est pas votre anniversaire, évidemment.
Alice réfléchit, pour déclarer
- Je préfère les cadeaux d'anniversaire.
Humpty Dumpty s'écria - Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Combien de jours y a-t-il dans une année ?
Lewis Carroll, À travers le miroir, chapitre 6.
Depuis longtemps déjà, l'amateur de peinture aura remarqué (peut-être à la raréfaction de ses propres visites), que les «grandes expositions» médiatisées, souvent parisiennes, sont en général des non-évènements, forgés sur presque rien, avec beaucoup de propagande autour. On y regroupe des œuvres mineures éparpillées dans les musées français, on dépoussière des brouillons, des esquisses préparatoires, on négocie, de l'étranger, le prêt d'un tableau illustre sur lequel on concentre la communication, et le public se précipite, les yeux fermés.

La Madeleine, à Paris, quartier de l'élégance, de l'épicerie et du bon goût.Dans cet esprit, la Pinacothèque de Paris a inventé le non-évènement de luxe, l'alliance de l'épicerie fine et du raffinement du 17ème siècle hollandais. Cet espace d'exposition privé, appartenant à une grande banque agraire, situé dans le 8ème arrondissement de Paris, place de la Madeleine (entre un magasin Fauchon, l'illustre épicier, et un magasin Fauchon, le traiteur haut-de-gamme) présente pour deux mois encore, dans ce décor opulent, une exposition alléchante, «L'âge d'or hollandais, de Rembrandt à Vermeer, avec les trésors du Rijksmuseum».

Situation scandaleuse aux Pays-Bas, le musée d'art d'Amsterdam, le mythique Rijksmuseum, est fermé pour travaux depuis 6 ans et pour 5 ans encore. Les principaux joyaux sont alors exposés dans une aile annexe. Le reste est éparpillé, entre quelques prêts, un entrepôt, et des expositions itinérantes, comme celle de la Pinacothèque de Paris. N'y cherchez donc pas les plus profonds Rembrandt ni les Vermeer les plus délicats. Seules ont été prêtées des œuvres dont l'absence ne dépareillera pas la collection, quelques tableaux mineurs de (ou attribués à) Rembrandt, un des plus laids des tableaux de Vermeer (1), surchargé, aux couleurs mal accordées, inachevé ou trop nettoyé, plat et sans vie, et une quantité de tableaux, plutôt mineurs (ou mal exposés), de grands peintres hollandais.

En effet, on ne louera jamais assez les compétences de la Pinacothèque en matière d'exposition : des tableaux accrochés dans un angle, face à face, inaccessibles en cas d'affluence ; un respect discutable de l'amateur exigeant, qui achète un billet pour la première heure, arrive à la première heure, et se retrouve inexplicablement incapable d'approcher le moindre tableau, empêché par des ribambelles d'étudiantes gribouillant sans inspiration et de riches retraités presbytes apparus d'on ne sait où ; et surtout, un éclairage indigent (2) au point, même pour les petits tableaux, de n'en distinguer qu'une partie sous les faveurs d'un spot jaunâtre, laissant le reste dans la pénombre.

Mais qu'importe, le public nyctalope accourt. On ne lui a pas dit que c'était un non-évènement. S'en rendra-t-il compte, il ira alors, pour se consoler, à deux pas, chez Fauchon, déguster quelques éclairs au caramel au beurre salé, et oubliera là ses déconvenues d'esthète.

Pieter de Hooch, Intérieur avec une femme épouillant un enfant (c.1660, huile sur toile, 61 x 52 cm., Rijksmuseum)

Post-scriptum : le mordu tenace prêt à surmonter tous ces obstacles sera cependant récompensé, amèrement. Il y découvrira, peut-être, un tableau radieux de jan de Bray, portrait de l'imprimeur Casteleyn et de sa femme, vivant moment d'un bonheur naïf et bourgeois, et l'incroyable gamme d'oranges et de jaunes ensoleillés d'un des plus éblouissants tableaux de Pieter de Hooch, où une femme épouille un enfant tandis qu'un petit chien regarde, dans l'enfilade des pièces, la lumière ruisselant doucement, comme un miel.

Mise à jour : Le 22 novembre 2015, la Pinacothèque (la société Art Héritage France) est en redressement judiciaire.

***
(1) Quand on voit ces tableaux attribués à la fin de la vie de Vermeer, comme les femmes à la guitare ou à l'épinette, dans lesquels on retrouve si peu de finesse, d'équilibre des tons et de profondeur, et qui sont comme des Vermeer inachevés (comparés au miracle de lumière qu'est la Laitière, également au Rijksmuseum), on imagine leur ajouter les glacis colorés qui manquent pour leur restituer relief et vie.
(2) Par exemple la splendide lumière du tableau d'Adam Pynacker, dont la reproduction, sur le site du Rijksmuseum, est plus belle que le vague ectoplasme rencontré au bout d'un couloir de l'exposition ou que l'image amputée du catalogue.