jeudi 15 juin 2017

Antoine Chintreuil (1814-1873)

S’il n’est jamais tombé dans l’oubli, le peintre Antoine Chintreuil se tient toujours en équilibre près du bord.

Bien sûr, le musée d’Orsay qui possède beaucoup de ses tableaux, et de très beaux, en expose un ou deux en permanence, mais quel amateur met encore les pieds dans ce musée du 19ème siècle français surpeuplé, avec ce baron féodal à sa direction, ses expositions obsessives, pathologiques, et où la photographie est peut-être encore interdite ?

En fait, on se souvient de Chintreuil parce qu’en visitant un jour un musée de province, peut-être Pont-de-Vaux, Reims, Dijon, Mâcon, Rouen, Arras, Lille, Bourg-en-Bresse ou Montpellier, on a remarqué dans un couloir obscur un petit paysage crépusculaire où les silhouettes des arbres se découpaient en formes fantastiques sur un ciel aux nuances si délicates qu’on pouvait deviner l’heure précise de sa réalisation.
Dans un coin, en minuscules cursives proprement calligraphiées, était écrit « chintreuil ».

Antoine Chintreuil était un solitaire. Avant de partir peindre à la campagne, sur le motif, il avait écouté les conseils de Corot, et à travers lui d’Henri de Valenciennes, mais là où ces derniers figeaient leurs paysages dans une intemporalité minérale, la touche fluide de Chintreuil évitait la monumentalité et s’attachait à représenter l’air, l’atmosphère volatile, fugitive. L’impressionnisme n’existait pas encore, mais il n’était pas loin.

Le musée d’Art et d’Histoire de Meudon consacre aujourd’hui à Chintreuil une petite (mais rare) exposition d’œuvres appartenant pour la plupart à des collections privées, jamais exposées jusqu’à présent.
L’entreprise est modeste, les 40 tableaux et dessins sont réunis dans quatre petites pièces dont l’exposition ne semble pas être la véritable destination. Ajoutée au dénuement de la vente de billet et de catalogues, elle fait penser à la tenue d’une œuvre de bienfaisance par un comité impécunieux.

C’est pourquoi il faut encourager cette initiative, avant le 3 juillet, au moins pour la douceur de boire un sirop de menthe à l’ombre des statues du jardin en fleurs du musée, et pour éviter peut-être à Chintreuil la chute fatale dans l’oubli. 










Légende des illustrations dans l’ordre de présentation : 
1. Chintreuil, Soir d’automne (salon 1853 - collection particulière, expo Meudon 2017) 
2. Chintreuil, Peintre au repos (collection particulière, expo Meudon 2017) 
3. Chintreuil, Rivière dans les près, Igny (c.1854 - collection particulière, expo Meudon 2017) 
4. Chintreuil, Travaux d’aiguille au soleil à Igny (collection particulière, expo Meudon 2017). On remarquera le fauteuil mal proportionné qui semble atterrir délicatement auprès de la couturière, comme dans une histoire de Lewis Carroll.

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