jeudi 24 décembre 2020

Sites des musées : rien de neuf

Le Maurithuis est un petit musée de peintures de La Haye, célèbre par le nombre d’œuvres célèbres - en proportion - qu’il expose, surtout du 17ème siècle hollandais, comme la Leçon d’anatomie de Rembrandt, la Vue de Delft, et la Jeune fille à la perle, de Vermeer. 
 
Il y a fort longtemps que le musée partage sur internet les 900 œuvres de sa collection (dont environ 650 non exposées - le musée n’a que 16 petites pièces d’exposition), le tout en très haute qualité et téléchargeable libre de droits.
Pensant qu’il pouvait encore repousser les limites de la solidarité et faire vivre au visiteur confiné l’impression d’une déambulation dans ses salons luxueux, le musée vient d’inaugurer un visite virtuelle, en haute définition pour la première fois, parait-il.    
 
Mais, bien qu’impressionnante, l’observation reste limitée à une vingtaine de points de vue, et à une position unique de l’appareil photo au centre de chaque pièce. Pas vraiment une révolution. L’amateur seulement de peinture, à l’esprit étroit, ne changera pas ses habitudes et visitera toujours les 900 reproductions de bien plus haute qualité dans le catalogue, mais l’amateur de cadres dorés surchargés, d’antiques lustres de collection, de glands de rideaux et d’appareils photo de marque reflétés dans les miroirs, le tout certainement authentique, sera en joie.

 
Du côté du tiers-monde des sites de musée, des nouvelles encourageantes nous apprennent que celui du Centre Pompidou de Paris (ou Beaubourg) vient de vivre une véritable révolution, et que le Louvre de Paris en prépare une pour le printemps 2021.

Pour le centre Pompidou, la révolution n’était pas difficile, l’ancien site était inutilisable. On laissera les médias passe-plats chanter les bienfaits de ce nouveau site. Télérama y a trouvé 80% des œuvres reproduites en haute définition ! Il oublie de préciser qu’elles ne sont disponibles dans cette qualité qu’en payant des droits de reproduction, image par image, y compris pour les œuvres du domaine public, qui sont toujours soumises au copyfraud organisé de la Réunion des musées nationaux de France.

Il est vrai que le site, maintenant beaucoup mieux rangé, est facile à manipuler, mais le centre Pompidou a pris trop à la lettre le mot révolution, et il est donc revenu à son point de départ : pour le peuple (qui est le propriétaire des œuvres), les reproductions sont toujours petites et de qualité moyenne.
Côté pratique néanmoins, la nouvelle présentation propose certaines œuvres en plusieurs coloris, fonctionnalité bien commode pour accorder la décoration d’une pièce au papier peint. Par exemple ce tableau de Mark Rothko en illustration, « numéro 14 Bruns sur noir » de 1963, existe en trois teintes.
 

Quant au Louvre, dans un entretien avec France-Inter, un conservateur du musée venu justifier l’acquisition controversée d’une grande fresque plutôt pourrie de Tiepolo, en a profité pour faire l’annonce d’une révolution en 2021.
L’achat du Tiepolo, évènement qui ne passionne pas le grand public et aurait pu passer inaperçu, a curieusement fait l’objet de nombre d’articles consensuels dans les médias (à l’exception du seul critique d’art qui ne passe pas les plats sans les avoir goutés, Vincent Noce).
Le boniment se conclut par une déclaration hors sujet qui attirera l’attention du public confiné vers un avenir radieux :

« Nous sommes occupés à préparer une grande base de données sur l'ensemble de nos collections qui sera rendue accessible sur Internet au printemps prochain. Et ça va être une révolution puisque cette base de données fournira les images, et un grand nombre de données historiques et bibliographiques sur plusieurs centaines de milliers d'œuvres qui sont conservées au musée du Louvre. »

Le Louvre a souvent fait ce type d’annonce d’un nouveau catalogue numérique de ses collections, mais toujours pour des bases de données innavigables dans lesquelles la recherche, poussive et malaisée, quand elle aboutit, affiche des reproductions minables grevées de droits d’usage.  

Évidemment, le conservateur prometteur ne dit pas dans l’article si l’accès à cette future base de données révolutionnaire sera autorisé pour tous, ni si les images seront de bonne qualité et libres de droits.
Mais c’est l’époque des cadeaux et des rêves de bonheur, l’époque où le bon évêque saint Nicolas offrait des friandises aux enfants dociles. Espérons.
 

4 commentaires :

Anonyme a dit…

Un petit coup de croc dans les mollets du Louvre... Rien de tel pour se mettre en appétit avant le réveillon, n'est-ce pas ?
Merci, Costar, ne changez rien. Et bon Noël à vous !


pi

Costar a dit…

On ne sait jamais, de déception en déception, il y aura bien un jour une bonne surprise, c'est statistique :-)

Bonnes fêtes !

Anonyme a dit…

Les Shadoks se dépêchaient de rater 999.999 lancements de fusée, puisqu’ils avaient 1 chance sur 1.000.000 de réussir...

Costar a dit…

Exactement. "Plus ça rate, plus ça a de chances de marcher" disait jacques Rouxel, grand philosophe. Je note avec satisfaction que les vraies valeurs ne se perdent pas.