Affichage des articles dont le libellé est Aphorismes. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Aphorismes. Afficher tous les articles

vendredi 27 avril 2018

Histoire sans paroles (27)


L'antique serre, le vivant potager et le château de La Bussière, dans le Loiret. 
Pour lire l’heure sur le clocher de la tour d’entrée, ou tenter de déchiffrer l’aphorisme (de comptoir) attribué à un pape et certainement apocryphe, sur l’ardoise devant la serre, cliquez sur l’image panoramique en grand format (9000 x 3045 pixels) et zoomez...

samedi 18 mars 2017

Monuments singuliers (5)



Le monument aux morts pacifiste de Saint-Appolinaire

Saint-Appolinaire est un petit village sans histoire du département du Rhône dont la courbe démographique a bien du mal à atteindre la barre des 300 habitants. Elle la passait encore en 1911 avant que la « Grande Guerre » de 1914-1918 et la grippe espagnole de 1918-1919 ne réduisent la population de 25%.
On qualifiait cette guerre de Grande sans doute pour le nombre de morts, près de 20 millions, et on qualifiait la grippe d’espagnole car c’était le seul pays dont l’information sur la pandémie n’était pas censurée et dont les chiffres étaient connus. Avec ses 60 millions de morts (jusqu'à 100 millions d'après certains) on aurait pu l’appeler la Grande Grippe.

Un jour de 1977 le nouveau maire fit ériger à Saint-Appolinaire un modeste monument aux morts, une stèle de granit rose sur laquelle on égrena le nom des 25 « victimes de la guerre » conservés jusqu'alors sur une plaque commémorative. Et il y avait seulement 15 noms de famille. Les frères avaient été enlevés l’un après l’autre.
On grava en bas un aphorisme extrait des Cahiers de Paul Valéry qui exprimait clairement la réprobation amère et pacifiste des commanditaires du monument « La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui eux se connaissent, mais ne se massacrent pas ».

La citation est habituellement masquée par un bac de géraniums ou pélargoniums, parfois de pensées, mais le maire accepte sans hésitation qu’on le déplace momentanément pour la photographier, si on parle de sa commune.


samedi 9 juillet 2016

Monuments singuliers (3)



Le monument aux morts pacifiste de Gy-l'Évêque

L’église de Gy-l’Évêque, dans l’Yonne en Bourgogne, s’est effondrée deux fois et penche encore nettement.

En face, sur la petite place de l’ancien cimetière, l’association républicaine des anciens combattants de 1914-1918 a fait ériger un obélisque sobre, inauguré officiellement en 1923. Une plaque y énumère les enfants de Gy-l’Évêque morts pour la France. Les noms sont à peine déchiffrables.

Peu après l’association faisait ajouter deux plaques sur deux faces opposées qui disaient « Guerre à la guerre » et « Paix entre tous les peuples ». Contrarié, le préfet faisait alors comparaitre le maire devant le tribunal cantonal qui le condamnait à les enlever sans délai, ce qui fut fait.

Quelques temps plus tard, les deux aphorismes étaient gravés directement dans le socle de marbre de l’obélisque.

samedi 30 avril 2016

Monuments singuliers (1)



Le monument aux morts pacifiste de Saint-Martin-d'Estréaux

Au lendemain de la Grande Guerre, la grande boucherie de 1914-1918, il fallut dénombrer les morts et, afin qu’ils ne soient pas morts pour rien, en graver la liste sur des monuments célébrant leur présence au mauvais endroit et au mauvais moment.
Et ils se comptaient par millions. Un marché du monument aux morts, subventionné par l’État, fleurit alors dans toutes les communes de France.

En dépit des particularités dues aux talents des artisans locaux, les motifs, les symboles et les slogans qui ornaient les ouvrages étaient relativement standardisés.
En principe on exaltait l’héroïsme de tous et la fiction patriotique. Il aurait été indélicat de graver sur un monument municipal fréquenté par les restes de familles endeuillées que leurs morts avaient servi le délire expansionniste d'une poignée de souverains susceptibles et de ministres médiocres, ou encore qu’ils avaient été choisis au hasard et fusillés pour l’exemple parce que leur Compagnie avait hésité au moment d’aller mourir pour des chimères.

Cependant l’addition du nombre de victimes était si douloureuse que parfois, dans quelque village décimé, s’élevaient tant de protestations que le coq glorieux et belliqueux était remplacé sur le monument par un soldat agonisant ou une scène de lamentation plus convenables.
Quelquefois un aphorisme pacifiste marquait discrètement sa réprobation. Plus rarement le monument se couvrait d’épigraphes hostiles et radicales. Dans ce cas, le Préfet n’honorait pas de son auguste présence la cérémonie d’inauguration.

Le monument aux morts de Saint-Martin-d’Estréaux, dans le département de la Loire, sculpté par Jean-Baptiste Picaud en 1922, avec les portraits photographiques sur émail de chaque défunt, est de ces édifices motivés par la révolte.
En 1928, le maire Pierre Monot y faisait graver de longues citations pacifistes. La population lui fut longtemps hostile. Dégradé en 1930 et 1932, il n’a été officiellement inauguré qu’après la deuxième grande boucherie, en 1947.




samedi 14 juillet 2012

Nuages (29)

Celui qui observe le vent ne sème pas,
Et celui qui considère les nuages ne moissonnera jamais.
La Bible, l'Ecclésiaste, 11-4 (1)


(1) L'interprétation chrétienne de ce verset dit qu'à trop fixer son attention sur les obstacles potentiels, on inhibe toute action. L'Ecclésiaste est plein de ces aphorismes de comptoir, morales de bistro à deux drachmes.
La Société Biblique Française en a édité en 1997 une version en français courant. Sans le charme mystérieux des archaïsmes, les versets retrouvent toute leur banalité, leur conformisme :
3-1 Tout ce qui se produit dans le monde arrive en son temps.
5-11 Le travailleur dort d'un bon sommeil, qu'il ait peu ou beaucoup à manger. Mais le riche a tant de biens qu'il n'arrive pas à dormir.
7-3 La douleur est préférable au rire. Elle attriste le visage, mais elle rend le cœur meilleur.
10-20 Cependant ne critique pas le roi, même intérieurement, ne dis rien contre le puissant, même en privé. Un oiseau pourrait répandre tes paroles et répéter ce que tu as dit.

On y trouve aussi parfois de sombres fulgurances : 
12-5 On a peur de gravir une pente, on a des frayeurs en chemin, les cheveux blanchissent comme l'aubépine en fleur, l'agilité de la sauterelle fait défaut, les épices perdent leur saveur. Ainsi chacun s'en va vers sa dernière demeure. Et dans la rue, les pleureurs rôdent en attendant.

samedi 9 octobre 2010

Propos d'apéritif


Un jour, le voisin de palier, petit homme chétif et taciturne, vous annonce « Il n'y a pas d'autre monde, il n'y a pas d'âme ». Vous allez objecter « Qu'en savez-vous, en avez-vous la preuve ? », mais vous vous abstenez. Il pourrait, à bon droit, vous retourner la question, puisque c'est vous qui affirmez l'existence de quelque chose que vous ne pouvez pas démontrer. Vous pensez « Pourquoi ai-je invité ce voisin minable ? Je suis trop charitable. »

Puis vous l'entendez déclarer à la gentille dame légèrement handicapée qui s'occupe habituellement de votre ménage « En l'état actuel des connaissances, c'est la seule solution plausible, et elle se confirme de jour en jour ». Cette fois, vous n'allez pas le laisser noircir votre petite réception, et vous allez lui rétorquer « Et vous pensez avoir raison, presque seul contre 99 pour-cent de l'humanité qui affirment l'existence de l'au-delà ? » Mais vous vous ravisez. Il lui serait trop facile de vous répliquer qu'aucun des 99 ne s'accorde sur la description de cet au-delà, et que leur seul point de convergence, c'est qu'ils aimeraient volontiers y envoyer leurs contradicteurs.

Enfin, quand vous le surprenez à dire à votre petite filleule, si candide dans sa robe de deuil « Il n'y a pas d'autre monde, il n'y a pas d'âme », vous sentez monter le flot de vos remontrances.
Et vous vous entendez lui dire courtoisement « Vous reprendrez bien une saucisse cocktail ? »

vendredi 2 avril 2010

L'écrivain qui s'effaçait

La tortue assiste sans y prêter grande attention au passage de l’homme sur la Terre.
Éric Chevillard, L'autofictif, Samedi 26 décembre 2009, 760-3
Éric Chevillard était un écrivain. Et remarquable probablement. Un styliste drôle, ironique souvent, cynique même, aux phrases belles parfois comme d'un moraliste du 17ème siècle. Hier encore, dans la nuit, il publiait sur son blog monacal les trois aphorismes quotidiens.
Tout écrivain dialogue avec les grandes figures de la littérature et se prend inévitablement pour un de leurs pairs, cela même si le pilon seul dévore ses pages à peine imprimées. Et sans doute, à l’instar de ces immortels génies, ne sera-t-il jamais oublié, puisqu’il y faut cette condition d’avoir un jour été connu.
Éric Chevillard, L'autofictif, Jeudi 15 octobre 2009, 693-2
On est obligé d'en parler au passé, parce que chaque année, alors que paraissent sur papier, en librairie, les aphorismes de l'année qui s'achève, Chevillard les efface définitivement de son blog. Il pense que l'internet est une sorte de palimpseste perpétuel, un vaste tableau noir dont chaque jour nouveau efface le précédent, qui ne peut être qu'une vitrine de passage, mais pas un héritage pour la postérité.
Ainsi, afin de citer une pensée de Chevillard, on ne pourra jamais créer le moindre lien sur internet. On sait qu'il désignerait inéluctablement le vide après quelques mois seulement.
Être recherché sans succès par un admirateur boutonneux, entre Cheval et Chèvre sur les étagères poussiéreuses d'une librairie localisée au 3, impasse de l'avenir, est certainement gratifiant. Mais pas au point de refuser d'éparpiller quelques souvenirs désordonnés sur le réseau, des empreintes également volatiles, certes, mais qu'un farfouilleur aurait toutes les chances d'apercevoir un jour, dans cet immense cabinet des curiosités qu'héberge le deuxième monde, le monde virtuel.
MOI – Je vais quand même changer les assiettes.
LE MONDE ENTIER (d’une seule voix) – Mais non voyons ! C’est bien inutile ! T’embête pas avec ça ! Regarde, elles ne sont pas si sales.
MOI – Bon.
Éric Chevillard, L'autofictif, Samedi 17 octobre 2009, 695-3
Du coup, l'amateur de littérature (pas de livres) n'a plus très envie d'aller voir dans le premier monde les œuvres sur papier, pourtant attirantes à la lecture par exemple des premières pages de Préhistoire. Il redoute de se méprendre, d'oublier de vérifier la date de péremption du livre au risque de voir s'effacer les pages l'une après l'autre, avant qu'il n'ait pu en connaitre le dénouement.
Alors il recueille pieusement, chaque jour, un florilège des pensées de Chevillard, qu'il classe soigneusement dans un petit fichier numérique pour les années de pénurie qui viendront fatalement.

Les archives désertées de l'Autofictif, le blog d'Éric Chevillard
Une autre preuve de notre solitude ? [...] Par extraordinaire, l’homme ou la femme de notre vie fréquente la même université ou travaille dans la même boîte que nous ! Quelle prodigieuse coïncidence ! Quel miracle ! Et comme nous avons les bras courts ! Et que tout cela est contingent ! Nous sommes seuls parce que les autres, ceux qui peuplent notre existence, ne seront jamais que ces autres-là, qui font l’affaire aussi bien que ces autres-ci (auraient pu la faire), indifféremment. Un agrégat fortuit de solitudes, né de la seule circonstance.
Éric Chevillard, L'autofictif, Jeudi 25 mars 2010, 847-1