Affichage des articles dont le libellé est Khayyam (Omar). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Khayyam (Omar). Afficher tous les articles

jeudi 20 juillet 2017

Monuments singuliers (7)



Le hêtre pleureur de Bayeux

Au milieu de la prairie verte, l’ombre de cet arbre ressemble à une ile. Passant, reste où tu es, là-bas !
Entre la route que tu suis et cette ombre qui tourne lentement, il y a peut-être un abime infranchissable.

Omar Khayyam - Quatrain 142
(Robaiyat CXLII pour les conservateurs impénitents)

Y a-t-il plus vénérable qu’un très vieil arbre monumental, un arbre qui a abrité de son ombre des générations d’humains, pendant des siècles, parfois 1000 ans, sans dire un mot ?

Partout ces arbres sont respectés, on les protège, on les soigne, on leur colle un label « arbre remarquable de France », on installe un panonceau explicatif pour prévenir le passant qu’il côtoie un fragment d’Histoire, et enfin on les classe dans la catégorie convoitée et paradoxale des « monuments naturels ». Un monument étant par définition une construction humaine, une production de la nature ne mérite le statut de monument que si elle attire le touriste par des particularités extraordinaires, des qualités dignes du génie incomparable du « roi de la Création ».

Et ces arbres vénérables font évidemment l’objet de sites amateurs également remarquables par la quantité des informations soigneusement classées par emplacement géographique, ou par espèce, et la profusion de photographies, comme « Arbres monumentaux », « Krapo arboricole » et son héritier, « les têtards arboricoles ».




Et puisque la saison incline au tourisme, arrêtons-nous quelques instants au jardin public de Bayeux, dans le Calvados.
C’est un jardin botanique modeste par ses dimensions mais riche d’un grand nombre d’arbres monumentaux, séquoia, tulipiers, marronniers et surtout du célèbre « hêtre dit pleureur » planté là vers 1860.

Dès le départ, en tant que chose naturelle, il était mal parti, car les spécialistes disent que c’est une sorte de chimère, une greffe, un croisement entre un hêtre commun pour le tronc et un fau ou tortillard de Verzy pour les branches.
Et il eut certainement quelques années de gloire, mais ses branches désordonnées devenues trop pesantes se mirent à tomber et ramper autour du tronc.
À 78 ans, en 1938, on lui imposa une armature métallique, un exosquelette pour le forcer à contenter les promeneurs qui souhaitaient s’abriter du soleil ou de la pluie sous son feuillage.

En 2001, à 141 ans, voyant qu’il souffrait et risquait de mourir de l’armature rouillée qu’il commençait à absorber dans sa chair, on le libéra de son squelette artificiel pour le remplacer par des fils de marionnettiste, des dizaines de câbles qui descendent de quatre grands pylônes. Lourde opération qui a été filmée pour la postérité.
Les caoutchoucs qui ceignent ses branches ont été changés en 2009.

Le vieil arbre est porté ainsi par une toile d'araignée d'acier, jusqu’au périmètre de la petite place qu’il ombrage, à 20 mètres du tronc, après quoi il est laissé à son penchant naturel, la gravité, qui lui donne une apparence pleureuse.

jeudi 30 janvier 2014

Nuages (31)

Regarde ! Écoute ! Une rose tremble dans la brise. 
Un rossignol lui chante un hymne passionné.
Un nuage s’est arrêté. 
Buvons du vin ! 
Oublions que cette brise effeuillera la rose, 
Emportera le chant du rossignol
Et le nuage qui nous donne une ombre si précieuse.
Omar Khayyam (1048-1131), Quatrain 114 (Robaiyat)

Dinard, 26 mai 2012.

dimanche 29 juillet 2012

Nul n'est prophète...

Au delà de la Terre, au delà de l’infini,
Je cherchais à voir le paradis et l’enfer.
Une voix solennelle m’a dit :
Le paradis et l’enfer sont en toi.
Referme ton Coran. Pense librement,
Et regarde librement le ciel et la terre.
Omar Khayyam (1048-1131), extraits des Quatrains (Robaiyat)

La Turquie est bienheureuse.
Elle a depuis bientôt 20 ans Fazil Say, impressionnant virtuose qui fait la renommée de l'art du piano et de son pays dans le monde entier. Comme György Cziffra ou Alexis Weissenberg en leur temps, sa technique est éblouissante, son style fantasque, et son succès considérable.
Il compose également, quantité d'oratorios et de symphonies qui réclament une exubérance d'instruments et beaucoup de résignation de la part de l'auditeur, qui a l'impression d'écouter l'accompagnement musical des pesants films de science fiction américains, comme avec les symphonies d'Anton Bruckner ou de Gustave Mahler.

Mais la Turquie est déchirée.
Car elle organise le 18 octobre une sorte de procès galiléen en miniature, contre son idole Fazil Say pour avoir insulté les valeurs de l'Islam. Trouvant en effet amusante une évocation du poète perse Khayyam, reçue par le réseau Twitter, qui comparait le paradis des musulmans à un rade pour ivrognes garni de prostituées, Fazil a commis le blasphème irréparable de retweeter le tweet. C'est à dire qu'il a transmis le court texte, d'une légère pression sur le bouton idoine de son téléphone, à ses milliers de fans suiveurs. Erreur fatale qui pourrait bien l'enfermer 18 mois dans les prisons turques, dit la loi « pénale ».

Fazil Say n'a jamais caché son athéisme.
La Turquie n'a jamais caché sa laïcité, depuis la révolution de Mustafa Kemal en 1922. Jusqu'à l'inscrire dans sa Constitution.
Mais elle la pratique de moins en moins.

Mise à jour du 21.11.2012 : le tribunal étudie le dossier de la défense. Prochaine audience le 18.02.2013 15.04.2013.
Mise à jour du 16.04.2013 : le verdict clément, 10 mois de prison, ne sera exécuté qu'en cas de récidive dans les 5 ans. Encore un petit effort vers la civilisation...
Mise à jour du 14.11.2018 : l'affaire traine. Le jugement, confirmé en appel en 2013, annulé en 2015 par la Cour suprême, est renvoyé devant un autre tribunal et annulé définitivement en septembre 2016 alors que la presse, les instances européennes et le public éclairé réclament que le pianiste ait le droit de s'exprimer. Pendant ce temps, le pays s'enfonce doucement dans une autocratie réactionnaire, comme bon nombre d'autres pays dans le monde.



Le palais de l'Alhambra à Grenade, en Espagne. L'intérieur du palais (ici la tour de Comares) est totalement recouvert de grouillantes arabesques et d'innombrables inscriptions affirmant qu'Allah est le seul vainqueur. Fazil Say qui est musicien aurait pu se douter qu'en matière d'opinions les murs ont aussi des oreilles.