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vendredi 24 mars 2023

Tableaux singuliers (18)

Mongin Antoine Pierre, Le curieux, 1823 (Cleveland Museum of art)
 
Déambulant récemment dans les réserves des collections du Musée d'art de Cleveland, peut-être avez-vous découvert ce singulier tableau de Mongin (Antoine Pierre).

Mongin était peintre en France à la fin du 18ème siècle et au début du suivant. Il aimait comme son collègue Hubert Robert les pierres et les statues que la mode gréco-romaine avait sorties du placard et que le romantisme naissant cherchait à dissimuler sous la végétation. Il y ajoutait des nymphes dénudées, des soldats de Napoléon, beaucoup d’arbres, et peu de talent.
On connait peu de peintures à l’huile de sa main, mais des gouaches, des lithographies et des cartons de papier peint. Il fallait vivre.

"Le curieux", exposé au Salon de l’Académie de Paris en 1824 comme une "étude d’après nature", donné en 1977 au musée de Cleveland qui ne l’expose pas, représente la vue de toits (à Paris) et d’un homme en haut d’une échelle posée contre le mur d’une institution de jeunes demoiselles. Nonobstant le titre du tableau, la position dynamique de sa jambe droite semble indiquer que l'homme n’est pas un simple voyeur et qu’il pourrait bien franchir le mur. 

Fin 2020, une donation également faisait entrer dans la collection de la fondation Custodia une vue des toits de Paris près du Louvre par Mongin, semblable au tableau de Cleveland mais sans le curieux et son échelle, et que le site de la fondation qualifie d’esquisse. 
Esquisse ? En tout cas les deux sont des huiles sur papier collées sur toile, de mêmes dimensions, et l’effet de contrejour sur l’esquisse est plus subtil que l’éclairage direct assez plat de l'autre.  
Ces esquisses ou études, parfois très abouties comme ici, étaient faites sur place, devant le motif, puis servaient de modèle pour des tableaux plus ambitieux réalisés dans le confort de l’atelier. Elles étaient considérées comme des croquis qu'on n'exposait pas dans les salons (il n’y a pas si longtemps que le Louvre expose une série d’études de paysages que Pierre de Valenciennes peignait à la même époque)
Elles se pratiquent beaucoup moins depuis l’invention de la photographie.

Pour attirer l’attention du bourgeois au Salon avec un paysage, il était alors conseillé d’y situer une anecdote avec des personnages, si possible moralisante, ou à la rigueur grivoise. C'est ce que fit Mongin.
On remarque nettement en zoomant sur le personnage (les lignes horizontales sur le pantalon noir), qu’il a été ajouté après coup, avec quelques plantes, sur un mur déjà peint et sec, et on peut aisément en déduire que Mongin avait réalisé deux études (au moins) de ce point de vue à des heures très différentes et qu’il a choisi plus tard celle de Cleveland, y a greffé l’anecdote et amélioré certains détails, pour l’exposer au Salon.

Notre époque a tendance à préférer la vue naturelle, le paysage pur, à le trouver plus artistique, plus essentiel, et à se rire de l’anecdote. Peut-être se trompe-t-elle, en se privant inutilement d’une dimension. Les ruines d’Hubert Robert deviendraient sans doute démonstratives et ennuyeuses si ne s’y affairaient ces nuées de lavandières indifférentes.

mercredi 20 septembre 2017

La Bible d'Amiens (2 de 2)

Illustrations : portails ouest (et sud) de la cathédrale d'Amiens, le populaire (suite de la chronique précédente qui montrait les aristocrates).

Anges et ressuscités (cathédrale d'Amiens, portail ouest-central)

Ange, démon et ressuscités (cathédrale d'Amiens, portail ouest-central)

Ressuscités (cathédrale d'Amiens, portail ouest-central)

Ressuscités (cathédrale d'Amiens, portail ouest-central)

Démons et victimes (cathédrale d'Amiens, portail ouest-central)

Scène curieuse (cathédrale d'Amiens, portail sud)

Peut-être l'architecte (cathédrale d'Amiens, portail ouest-méridional)

mercredi 15 mai 2013

HEY! 2, la suite


« Quoi qu'on dise...
Les oiseaux ont eux aussi le vertige. »
Camille (Chanteuse, 1978-)

Vous aimez les oiseaux, les lapins, peut-être même les anges, alors l'exposition « HEY! part.2 » est faite pour vous. Elle se tient, comme la première exposition de 2011, dans la Halle Saint Pierre de Paris, 2 rue Ronsard, depuis le 24 janvier 2013 pour sept mois.
L'exposition HEY! c'est le cabinet des curiosités, la sous-culture, celle qu'on ne montre pas aux enfants. C'est l'art brut, compulsif, pathologique. On y trouve effectivement des oiseaux, mais ils sont pendus par le col aux branches des arbres, sur les tableaux minutieux d'Heather Nevay, et aussi des lapins, crucifiés, et des anges, qui régurgitent, dans les sculptures grandeur nature de Paul Toupet.

On y franchit parfois le seuil de la normalité, voire de la perversité, surtout dans la pénombre du rez-de-chaussée. On croise les céramiques écorchées de Carolein Smit (notre illustration, Skinned ram's head 2008), les obsessions de Giger, les montages photographiques goyesques et parfois malsains de Joel-Peter Witkin, et des choses pires encore que la morale réprouverait certainement.
Et puis une pièce isolée est consacrée à une dizaine de grands panneaux peints à l'acrylique et méticuleusement fouillés de Joe Coleman. Chaque panneau est un livre. Il faut des heures pour examiner les détails obsessionnels et les textes microscopiques qui les couvrent. On s'en fera une bonne idée sur son site où on peut détailler à loisir certains tableaux, notamment Coleman et ses maladies.

À l'étage on se détendra un peu avec des réalisations plus légères, comme les parodies désopilantes de Mariel Clayton, mises en scène miniatures et sanguinaires de la poupée Barbie qui se venge enfin sur son partenaire Ken, ou les détournements humoristiques des grands thèmes iconographiques par Tod Schorr, entre Tex Avery et Jérôme Bosch. Et on notera au passage, parmi des dizaines d'autres artistes, quelques pages originales de la bande dessinée Little Nemo in Slumberland de Winsor Mac Cay, incongrues, et des instantanés au lavis d'encre noire d'Angelo Di marco, étonnant illustrateur des faits divers.

Enfin, un légitime réflexe d'autodéfense viendrait-il effacer de notre esprit toutes les images de cette exposition qu'on ne pourrait certainement pas oublier les quatre gigantesques dessins minutieux au crayon noir du croate Davor Vrankić (Heaven, Hell 2001, la grande collectionneuse 2009, Silent dancer 2010). Vrankic dessine depuis vingt ans à Paris, exclusivement à la mine de graphite de 0,9 millimètres de diamètre et de dureté 2B, une profusion irrépressible de formes, un jaillissement qui n'a pas d'autre raison que son existence propre. La création pure.

Nulle part ailleurs qu'à HEY! vous ne ressentirez aussi clairement cette obsession de la création qui déchire les êtres de l'intérieur, après quoi les belles expositions à la mode que Paris prodigue habituellement vous sembleront tristes et insipides et vous retournerez souvent vers la Halle Saint Pierre, jusqu'au 23 aout 2013, pour y éprouver la vie même, surgissant comme d'une source, grouillante, cruelle et fatale.

dimanche 12 février 2012

La ruine des ruines


Soyons précis.
« Pompéi, derniers jours » ne signifie pas forcément que ce sont les « Les derniers jours de Pompéi », mais que c'est aujourd’hui le dernier jour de l'exposition Pompéi au musée Maillol, à Paris. Quoique les nouvelles qui parviennent depuis quelque temps du site original près de Naples, après l’effondrement de plusieurs maisons, puis la fermeture récente de treize autres faute de moyens pour les entretenir, inquiètent. À Herculanum, des zones découvertes de la maison des Papyrus ont été de nouveau emmurées, pour les protéger dit-on des intempéries et des déprédations. Paradoxe de la conservation des vestiges exhumés.
La curiosité humaine est un besoin irréductible. À propos de la souffrance de Sisyphe, condamné à rouler au sommet d'une colline un rocher qui en redescendra sans cesse, et dont il fait une métaphore de l'existence que l'être conscient supporte jour après jour, Albert Camus conclut ainsi son essai sur l'absurde :
« Je laisse Sisyphe au bas de la montagne« ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme.
Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
Mise à jour du 12.09.2012 : une poutre de la Villa des Mystères, ramollie par les intempéries, a emporté avec elle une partie du toit du péristyle qu'elle soutenait. Cependant la visite de la villa continue.