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vendredi 14 juillet 2017

Monuments singuliers (6)



Le monument aux fusillés pour l'exemple de Vingré

Le 27 novembre 1914, dans le nord-est de la France près de la localité de Vingré, dont l’article est vide dans l’encyclopédie Wikipedia, un sous-lieutenant quelconque dans un régiment d’infanterie qui avait perdu en trois mois plus de 60% de ses effectifs, donne l’ordre de repli à 24 fantassins pris sous la pluie d’un bombardement allemand.
Le commandant de la compagnie, contrarié, lui demande alors de ramener les hommes en première ligne.

Informé, le général de corps d’armée décide de fusiller les 24 fantassins, histoire de faire un exemple. Le sous-lieutenant oublie de mentionner son ordre de repli à ses supérieurs. Pour mémoire le mot fantassin a la même origine latine que les mots infanterie, enfant ou fantoche, « infans, celui qui ne parle pas ».

Le 3 décembre, le Conseil de Guerre désigne finalement 6 hommes au hasard parmi les 24, et les condamne à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l’ennemi.
Le lendemain se déroule dans un champ la parade d’exécution. Un millier de fantassins atterrés défilent devant six cadavres encore chauds et lestés de treize balles (12 fusils par condamné et le coup de grâce du sous-officier).
Le journal des opérations du régiment fait état ce jour-là de 6 morts et 2 blessés.

Il y aurait eu quelques centaines de ces exécutions pour l’exemple pendant la Grande guerre. 600 ou 700 soldats. 42 seulement ont été reconnus innocents, entre 1920 et 1930. Parmi eux figurent les fusillés de Vingré, dont le « jugement » est annulé par la cour de Cassation, qui déclare en 1921 « décharger leur mémoire de cette condamnation » (Jugement pp. 54-57).

Le monument de l’absolution est inauguré le 5 avril 1925.
Depuis, leur souvenir est commémoré, ils sont devenus citoyens d’honneur du département en 2004, visités régulièrement par les officiels les plus éminents, et désormais flotte en permanence sur leur mémoire, dans le champ d’orge de leur calvaire, en haut d’un mât, immaculé, l’emblème altier de la Patrie.



jeudi 28 février 2013

J'écris ton nom...

« Les Pères Pélerins (colons anglais partis en Amérique sur le Mayflower) croyaient à la liberté de pensée, pour eux-mêmes, et pour tous les gens qui pensaient exactement comme eux. »
Will Cuppy, Grandeur et décadence d'un peu tout le monde (Éditions Wombat 2011 p.241)

La Liberté guidant le Peuple sur les barricades est une toile de plus de 8 mètres carrés, allégorique et informe, d'un certain Ferdinand Delacroix, ou Eugène. Dans ce tableau énormément inspiré, Delacroix qui aimait tant la Liberté l'a personnifiée dans une femme dépoitraillée dont le visage de profil évoque une odalisque de harem.
Le musée du Louvre lui accordait si peu d'intérêt touristique qu'il l'avait relégué sur un mur d'une filiale de province fraichement inaugurée à Lens, et à grand bruit.

Par malheur, le 7 février, une jeune femme illuminée prenait à la lettre l'illustre poème incantatoire de Paul Éluard, dans lequel l'auteur cochonne tout ce qui se trouve à sa portée en y gribouillant le mot « Liberté ». Plus modestement elle a écrit dans un petit coin (1) de l'immense tartine, au feutre noir, le mystérieux code AE911.
Savait-elle qu'en France on ne s'en prend pas impunément à la Liberté ? Par bonheur, un visiteur également épris de liberté l'a dénoncée à un gardien de la liberté. Imaginez l'escalade, la surenchère de libertés que tout cela occasionna.
Ça n'est pas parce qu'un tableau est laid, grand, et plein d'endroits qui ne servent à rien, qu'on peut autoriser tout le monde à s'en servir comme pense-bête. Seuls le peintre et les restaurateurs du Louvre ont ce droit. La loi est ainsi faite.

Par chance une experte lilloise libre ce soir-là accourut, somnolente encore, avec chiffons et décapant. Elle fut alors envahie par l'horreur devant le spectacle de la dégradation du chef d'œuvre.
Il faut ici en aparté faire un constat. Aucune image du délit n'est jamais parue dans la presse, qui respecte certainement par-là un code de déontologie. Le public ne supporterait pas ces images insoutenables.
Très vite néanmoins, les réflexes professionnels de l'experte dominaient son émotion. Elle inspectait le lieu du crime et déclarait finalement qu'elle aurait bien nettoyé ça vite fait, mais que la décision ne pouvait être prise que par le conservateur en chef des peintures du Louvre de Paris.
L'affaire est sérieuse.

Le lendemain, le musée est exceptionnellement fermé. Débarqué de Paris, le grand Vincent Pomarède, directeur des peintures, prend à peine le temps de déjeuner, brioches, croissants, tartines beurrées, confiture, et après d'animés conciliabules avec 37 experts locaux et internationaux, prend la responsabilité de risquer l'opération de sauvetage.
Dehors la presse est aux abois. La tension est palpable.

Moins d'une heure plus tard l'experte lilloise sort du musée avec ses chiffons sales. L'épais vernis jaunâtre qui recouvre le symbole de la République l'aura bien protégé. Comme l’annonçait finement la veille le site de la première chaine de télévision française « L'inscription au feutre indélébile... devrait pouvoir être facilement effacée ».
On a quand même eu très peur pour la Liberté.

Pendant ce temps, la Justice avançait à grandes enjambées. Le magistrat de Béthune a trouvé la jeune déséquilibrée tout de même bien fatiguée et incohérente, après seulement 24 heures de privation de liberté. L'expert psychiatre l'a jugée pénalement irresponsable (rappelons qu'il n'y a quasiment pas de préjudice matériel).
Devant le danger cependant, il est décidé de prolonger la garde à vue de 24 heures (2) car un arrêté d'hospitalisation psychiatrique d'office doit être signé le lendemain, samedi 9 février, par le Maire de Lens, ou le Préfet, qui sont en France les gardiens de l'ordre public et certainement experts en matière d'atteinte aux libertés.
Vous étiez prévenues, âmes sensibles, c'est la fête de la liberté !

Mais depuis lors, plus rien. Toute la presse a encensé le sang-froid et la virtuosité des autorités, et immédiatement oublié la jeune folle présumée, certainement enfermée aujourd'hui dans un asile d'aliénés. Personne n'a vu le délit. Personne ne saura le sort de son auteure.
Pauvre jeune femme qui s'en est prise à une valeur vénérée (3) comme les trois couleurs du drapeau. Pauvre jeune femme qui ignorait qu'on pratique en France la loi du talion. Liberté pour liberté.

Un périmètre de sécurité d'un mètre et demi a été mis en place autour du tableau, et un gardien dédié le veille désormais.

Mise à jour du 29 mars 2013 : voir la chronique « Rebondissements »

Mise à jour du 14 mars 2014 : la jeune femme vient d'être jugée. Après deux mois d'internement psychiatrique, elle écope aujourd'hui de 8 mois de prison avec sursis, 6000 euros d'indemnisation, une obligation de suivi psychiatrique, une interdiction de retourner dans les musées et l'opprobre général de tous les commentateurs grégaires et stupides qui jugent ce verdict bien clément.

***
(1) Un 563ème de la surface du tableau. La plupart des témoins disent que c'était sur la chemise blanchâtre du cadavre en bas à gauche, mais certains prétendent que c'était aux pieds du garçon qui inspira à Victor Hugo son Gavroche.
(2) C'est autorisé par la loi si la peine encourue dépasse un an de prison.
(3) On se souviendra peut-être de l'épisode très similaire de la tasse volante en 2008 au Louvre.


Pauvre nature humaine qui se croit libre parce qu'elle ignore les causes qui la déterminent, disait Baruch Spinoza.


jeudi 14 juillet 2011

Commémorons l'hiver

Rappelant la fête nationale française, Guy Sorman vient d'écrire aujourd'hui un court billet (14 juillet, Fête de l'amnésie) excellent, comme souvent. Il n'y a pas grand chose à y ajouter, sinon l'illustrer d'images qui n'ont surtout rien à voir avec un sujet aussi faisandé.


lundi 5 juillet 2010

De l'exactitude de la Loi

« Faire taire ceux qui ne pensent pas comme les autres par respect pour ceux qui ne pensent pas comme eux ». C'est la saine logique des commentaires outragés qui ont fleuri les forums des grands journaux depuis l'affaire du drapeau français utilisé comme torchecul. Pour mémoire, une grande surface de la culture à Nice, relayée par un journal gratuit, avait exposé, dans le cadre d'un concours sur le thème « politiquement incorrect », la photographie, lauréate, d'un homme se nettoyant soigneusement le postérieur avec l'emblème de la Nation.

Devant les réactions ulcérées, et n'écoutant que son courage, le pédégé de la grande surface à licencié illico deux des responsables de la diffusion sacrilège, qui n'avaient fait que respecter la décision du jury. Et dans leur grande sagesse, la Garde des sots et le ministre de l'Inférieur, étonnés que la loi ne châtie pas encore ce genre de profanation, ont présenté en urgence un décret punissant sévèrement toute « dégradation ou utilisation indécente du drapeau français ».

Ainsi, quand le décret sera entériné par le Conseil d'état, on n'aura plus le droit, en France, de photographier un cul derrière le drapeau sacré de la République, mais on pourra évidemment, comme toujours, le photographier devant, et afficher le résultat dans les mairies, les écoles, les ministères et les lieux publics. La justice française est d'une étonnante précision.

Jougne dans le Doubs, le monument aux morts, ou comment inculquer aux enfants le respect des morts, de l'armée, des obus phalloïdes, de l'éclairage urbain, en bref des valeurs de la Nation.