Affichage des articles dont le libellé est Chroniques. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Chroniques. Afficher tous les articles

samedi 2 mars 2024

Rectificatif optimiste

À l’attention du lectorat le plus fidèle et le plus rapide de Ce Glob (à la louche une quinzaine - oui, tout fout le camp), la conclusion dramatique de notre dernière chronique, le 29 février, a été bouleversée par des informations parues quelques heures après sa publication et qui la contredisent. Or Gougueule ne fournit pas (à notre connaissance) de fonction d’alerte des mises à jour, sauf à modifier la date de publication des chroniques concernées, ce qui mettrait un désordre irréparable dans la belle régularité des publications de Ce Glob.
Un copieux paragraphe de mise à jour a donc été inséré en fin d’article. Pour éviter de laborieuses manipulations, nous le reproduisons plus bas ici-même. 

À l’adresse encore de ce lectorat loyal, vous trouverez en haut de la colonne de droite du Glob, dans une petite liste de fonctions élémentaires intitulée "QUE FAIRE", le choix "LIRE les mises à jour". N’hésitez pas à le solliciter de temps en temps, il affiche, classées de la plus récente à la plus ancienne, les seules chroniques qui ont fait l’objet d’une mise à jour. Les mises à jour après publication sont relativement rares, le plus souvent elles commentent le résultat d’une vente aux enchères annoncée dans la chronique. 


Rectificatif à la chronique du 29.02.2024 : Quelques heures après la publication de cette chronique, et une semaine après l'accident, l'entreprise qui a créé l'engin vient de diffuser 3 photos du moment de l'alunissage. On y distingue nettement le pied cassé dont la rupture a mis l'appareil sur le flanc. Un article de l'AFP dans Le Monde relate que malgré l'échec d'un certain nombre (non précisé) des expériences et analyses prévues et d'après un responsable de l'organisme public "[la mission] est un succès du point de vue de la NASA". 
Aucun média n'en parle pour l'instant, mais il y a de fortes probabilités pour que la boite de billes de Koons - dans une position désagréable mais espérons-le pas trop humiliante - ait conservé son intégrité et soit encore présentable à l'œil des visiteurs extraterrestres du futur. 

Ainsi, tout est bien qui finit bien, la civilisation en déroute peut poursuivre sa tentative désespérée de fuite d'une planète qu'elle a ruinée. Le moraliste Jacques Rouxel ne faisait-il pas dire à ses Shadoks "Plus ça rate, plus on a de chance que ça marche" ?

samedi 19 septembre 2020

Un peu de pub

M. Rykner, journaliste éminent et combattif dévoué aux choses de l'art (de certaines époques seulement), laissait libres d'accès, sur son site « La Tribune de l'Art », les articles généralistes importants. Les plus spécialisés étant réservés à ses abonnés payants. Connaisseur pertinent, il a souvent été référencé ici-même (7 fois en 10 ans).
 
Hélas le virus ayant fait fuir de son site, annulation après annulation, dit-il, les publicités lucratives, il en profita, dès le début du confinement, pour rendre tous les articles payants, sur abonnement donc.

Il s’en explique dans un article promotionnel où il sollicite des abonnements. On croit comprendre, à la lecture des premières lignes, qu'il se félicite de cette suppression totale de la gratuité (sauf de rares articles polémiques qu'il veut universels) puisqu'il estime que son chiffre d'affaire en 2020 sera supérieur à 2019, ce qui est bien la légitime aspiration de tout bon père de famille.


Peut-être est-il allé un peu loin dans la mise en œuvre de ce raisonnement gagnant puisque l’article, où l'on devine qu'il va justifier et promouvoir les avantages d'un abonnement, est hélas limité à quelques lignes, le reste étant réservé aux abonnés, ce qui est cocasse.

On dira que c'est une erreur due à l'empressement pour faire face à une recrudescence d'activité. Soulignons que cet accroissement n’est pas vraiment sensible pour l’utilisateur qui a plutôt noté dans le pays, à l’inverse, une importante régression et une grande complication d’accès aux évènements artistiques.
 
Ce petit incident met en lumière une question plus générale, l’angoisse devenue quotidienne de l’usager de la Culture. Car il est de bonne composition, l’usager, il aimerait bien s’abonner à tous ces sites passionnants, à tous ces services qui enrichiraient son esprit, mais son banquier l’observe, bienveillant.
 
Et ce modèle économique de prolifération des abonnements, s’il tranquillise les bienheureux bénéficiaires, ne fait qu’embrouiller la vie de l’usager de base. 
C’est l’exemple des logiciels de la société Adobe (Photoshop, etc), et de tant d’autres maintenant. Quand en 2014 elle cessa de vendre ses logiciels qu’elle transmua en « droit d’utilisation par abonnement », le cout et les désagréments pour bon nombre d’usagers furent multipliés par 2 ou 3.
Pour que d’aucuns prospèrent, il faut bien que d’autres y perdent, auraient dit Lavoisier ou carnot, même si d’incurables utopistes pensent que tout le monde pourrait y gagner, les lois de la thermodynamique ne sont plus si optimistes.

Naturellement M. Rykner n’y est pour rien. Il essaie de vivre dans ces circonstances hostiles, comme tous. Et son offre est alléchante, à 5 euros par mois pour les 10 ans à venir, au lieu de bientôt 8 euros. 10 ans ! Quelle curieuse promesse, romanesque.
 
Enfin, l’essentiel est que M. Rykner soit satisfait, visible par moins de lecteurs, certainement, mais content.
Nous suivrons désormais avec intérêt son humeur à la lecture des titres de ses chroniques.
 
***
L'illustration, copyright La Tribune de l'Art, est l'extrait lisible de l'article réservé aux abonnés.

vendredi 13 novembre 2015

La vie des cimetières (67)

Quelques cimetières croisés sur les routes d’Auvergne...

Au sujet de l'Auvergne, Alexandre Vialatte disait qu’elle est pleine « de proverbes et de grand-mères qui enseignent dès la tendre enfance à faire du quelque chose avec du je ne sais quoi, en l'économisant sans cesse. Il n'est pas rare - poursuivait-il - d’y voir des gens partis de rien qui arrivent au même endroit au bout de leur existence. D'autres qui arrivent à du je ne sais quoi avec beaucoup de persévérance. D'autres qui partent de tout et qui n'arrivent à rien. Mais, plus généralement, avec du presque rien ils arrivent à du quelque chose. »

C’est dire sa profonde connaissance de l’être humain, et de l’Auvergne. C’était dans « Chronique du rien et même du presque rien » le 20 mars 1962 dans le journal La Montagne de Clermont-Ferrand.

Ça commence bien, Saint-Bonnet-de-Montauroux dont voici le cimetière n'est pas vraiment en Auvergne, mais dans le département de la Lozère, à 3 kilomètres de la frontière de la Haute-Loire.

Cimetière de Polignac, dans le département de la Haute-Loire (tout de même !).

Minuscule cimetière de La Godivelle, dans le Puy-de-Dôme.

Entrée du cimetière de La Godivelle.

dimanche 3 novembre 2013

Vialatte ou l'art du rahat-loukoum

Il y a des écrivains dont chaque phrase est une friandise. On revient en arrière, on la relit plusieurs fois comme on suçote une confiserie, avec le même plaisir que l'auteur eut à la ciseler. On s'émerveille du sens, des résonances inattendues.
C'est le cas de La Bruyère, de Céline, Cioran, Flaubert parfois, et sans doute d'Alexandre Vialatte.
On peut aussi bien les dire ou les réciter, au théâtre par exemple. On y perd peut-être la faculté de s'arrêter pour les déguster, mais quelque chose de fulgurant se produit à les entendre, comme une musique amplifiée. Le petit plaisir solitaire s'en trouve multiplié.

Charles Tordjman a demandé à trois grands acteurs d'interpréter un florilège des chroniques de Vialatte sur la petite scène de la Grande salle du théâtre de la Commune, à Aubervilliers. Et pendant trois semaines, en 18 représentations, près de 3000 chanceux ont savouré ce miel durant 90 minutes, en octobre.
Le spectacle s'appelle « Résumons-nous, la semaine a été désastreuse ». On le verra encore le 3 décembre à Clamart, les 6 et 7 à Clermont-Ferrand, puis quatre jours à Nancy, un jour à Sète, deux à Luxembourg en 2014, enfin quatre à Amiens en février.

Alexandre Vialatte a écrit plus de 1100 chroniques entre 1950 et 1971, publiées dans divers journaux, principalement La montagne de Clermont-Ferrand et Le spectacle du monde. Elles parlaient de tout et de rien. Surtout de riens de l'actualité qu'il élevait, en moraliste, au rang de presque riens, mais avec lyrisme. Et aussi de grandes choses qu'il exaltait avec dérision. Il en naissait une profonde mélancolie.


mercredi 8 juin 2011

Écriteaux et écrivains

Un panneau ne se trompe jamais. Pendant que les plus grands philosophes ergotent sur l'origine de l'Univers, on sait depuis des lustres dans l'Administration de l'Équipement et de la Voirie qu'un lieu n'existe pas tant qu'il n'est pas nommé sur une plaque d'aluminium convenablement galvanisé et laqué (voire électro-zingué).
Y, Yz, Fa, Bû, Eu, Oö, Py, Ur, improbables villages français, existeraient-ils si le touriste égaré n'y était guidé par une route d'asphalte et reçu par un glorieux panneau indicateur ? Et on ne dira jamais assez le rôle bienfaiteur pour la littérature de ces panneaux de signalisation routière. Qui lirait encore Marcel Proust si le décor de son enfance, le village d'Illiers, devenu en hommage Illiers-Combray en 1971, ne lui faisait une publicité permanente ? (voir l'illustration ci-dessous)


Mais il y a une douloureuse contrepartie. Serait-il génial, un artiste restera méconnu si les cartes et les guides l'ignorent. Et c'est le sort d'Alexandre Vialatte. Le panneau d'entrée de Magnac-Laval, son village natal (voir l'illustration plus bas), est muet sur celui qui fut le plus jubilatoire des écrivains de son siècle (1).
Est-ce afin de palier les lacunes de la signalétique et de la cartographie, et peut-être de rentabiliser un placement, que le quotidien La Montagne, dans lequel Vialatte avait publié une grande part de son œuvre de 1952 à 1971 (900 chroniques sur 1128), a décidé de faire de 2011 l'année Vialatte et d'y employer quelques moyens ?
Ainsi, 110 ans après sa naissance et 40 après sa mort, le créateur du sinistre Monsieur Panado et de la plupart des proverbes bantous se trouve affublé localement d'une année Vialatte, d'un Prix littéraire Alexandre Vialatte annuel, et d'un site internet temporaire farci d'hommages insipides, de quelques rares chroniques en version intégrale, et de courtes citations mal documentées (3).
Et pour couronner l'ensemble, alors que la discrète Association des Amis d'Alexandre Vialatte vient de publier son 36ème cahier annuel (2), se créé le très médiatique Club des Vialattiens, garni de petits fours et de gens célèbres et bruyants.

Le véritable amateur de mots choisis et rangés dans un ordre agréable et significatif voit ces débordements d'un œil amusé. Il imagine ce que Vialatte en aurait dit.


***
1. Avec Vladimir Nabokov, peut-être.
2. 230 pages d'articles de Vialatte journaliste parus dans Le Petit Dauphinois de 1932 à 1944.
3. Par exemple celle où Alain Rey (le dictionnaire Le Robert, c'est lui), amoureux de Vialatte, est cité dans une citation qu'il fait de Vialatte dans son «Dictionnaire des amoureux des dictionnaires» (c'est clair ?). La citation manque de précision : deux lignes de Vialatte, suivies des mots «Alexandre Vialatte, chronique à La Montagne». C'est un peu court. Quelle chronique parmi les 900 ?
Alors faisons un peu de taxinomie chronique. Ladite chronique s'intitule « Des mots et des choses » et se trouve être la 70ème de Vialatte, publiée originellement dans La Montagne du 22 décembre 1953, reprise en recueil par Julliard en 1979 dans «Et c'est ainsi qu'Allah est grand», et rééditée en 2000 chez Laffont dans la collection Bouquins, numérotée 54.
Et citons-en quelques extraits moins parcimonieux :

«L'actualité nous écrase d'écrits. Je recommanderai plus spécialement les dictionnaires. Les dictionnaires sont de bien belles choses. Ils contiennent tout. C'est l'univers en pièces détachées. Dieu lui-même, qu'est-ce, au fond, qu'un Larousse plus complet ?
(...)
C'est ainsi que Jules Vallès faisait du dictionnaire. Comme c'est une chose très peu payée, il faut aller très vite pour s'y retrouver un peu. On n'a pas le temps d'aller chercher des références dans les sous-sols de lointaines bibliothèques qui ruinent leur homme en autobus. Ce martyr du vocabulaire signait donc Aristote ou même Napoléon des exemples adroitement choisis pour expliquer l'emploi des mots : «Il pleut», ou «Les raisins sont mûrs». Généralement, Vallès signait de Marmontel des exemples forgés tant que le fer était chaud qui autorisaient les opinions les plus hardies. Cet homme obscur lui permettait de trancher plus vite. Son éditeur en était enchanté. «Ce que j'aime surtout avec vous, disait-il, c'est la richesse de vos échantillons, la pertinence, l'érudition de vos références. On ne lit plus assez les classiques. On devrait relire ce Marmontel.»
«Il contient tout». répondait Vallès modestement.
(...)
On est effrayé du désordre qui régnerait dans la nature sans les planches en couleurs du Larousse illustré et le Catalogue de la Manufacture d'armes et cycles de Saint-Etienne à couverture de faux marbre ornée de chiens. Elle s'abandonnerait à elle-même. Elle se répandrait au hasard.
(...)
Relisons donc les dictionnaires qui endiguent les fureurs brutales de la nature et ses illogiques luxuriances pour la ranger, au grand complet, dans leur écrin comme un service de petites cuillères. Et ne demandons pas aux choses de ressembler servilement à leur portrait.
Il y a les mots, il y a les choses.»
Alexandre Vialatte, 1953.