La vie des cimetières (91)
Toutefois il ne faisait pas inscrire la date prémonitoire correspondante, comme on le voit parfois, au moins pour le millénaire et le siècle, suivis de deux espaces blanches pour signifier que la décennie et l’année ne sont pas encore connues.
Il faisait bien. Né en 1908 et mort en 2010, il aurait alors commis une erreur sur le siècle et sur le millénaire, impair délicat à corriger sur du marbre ou du granite, et hors de prix.
Mais il s’est éteint à Nogent-sur-Marne ; il s’était trompé sur le lieu.
Pourquoi graver ces informations incertaines quand la mort n’a pas encore fait son office ?
Pour claironner qu’on n’est pas naïf, qu’on sait bien que tout a une fin ? Pour être sûr de ne pas se faire chaparder la place ? Certains prétendent que c’est par mesure d’économie, pour bénéficier d’un effet d’échelle. Mais les prix se calculent à la lettre, et à raison de 5 à 15 euros l’unité, la cagnotte serait maigre.
Invoquons des sentiments plus nobles, et supposons que c’est plutôt pour se persuader, au plus fort de la douleur, qu’on rejoindra bientôt l’être disparu. Une forme d'autosuggestion.
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En 2018 à 106 ans, n’ayant plus les moyens de payer ses aides médicales (malgré les droits d’auteur des millions d’exemplaires vendus ?), elle cédait en viager leur maison décrépite de Meudon.
Lucie Almansor est morte le 8 novembre 2019.
Ainsi les deux chiffres présumés sur la pierre tombale étaient les bons, mais pas à la bonne position. Une simulation (notre illustration), montre qu’il serait possible, pour limiter les frais de gravure, sans avoir à refaire la dalle, d’inscrire le millénaire et le siècle à la gauche du 19 providentiel. Le résultat serait légèrement déséquilibré mais parfaitement lisible.