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mercredi 8 décembre 2021

Petit guide pour la perpétuité


Doubovskoï Nicolaï, berges d’une rivière en forêt, c.1900 (huile/toile 106x69cm).

Devant la profusion des reproductions d’œuvres du peintre Ilya Répine présentées dans notre dernière chronique, et à la perspective d’une nouvelle vague annoncée du coronavirus qui nous retiendra encore un long moment à voyager sans bouger de chez nous, peut-être avez-vous entrepris de visiter les autres pages de ce site prometteur et manifestement russe.

Vous avez alors dû braver ses méandres labyrinthiens, ses hiéroglyphes cyrilliques intempestifs, ses classements alphabétiques déroutants, et ses pages entières de tableaux qu’on n’oserait afficher même au-dessus de la chasse d’eau.
On vous avait dit le site monumental. Vous l’avez découvert colossal. Près de 11 000 peintres du passé, des centaines de milliers - peut-être des millions - de reproductions généralement correctes ou bonnes, et quelquefois monumentales, comme dans cette catégorie des Musées du monde où 2400 œuvres de la National Gallery de Londres sont reproduites dans des dimensions allant de 4000 à 8000 pixels. 

Créé voilà 10 ans, le site Gallerix existe en trois versions, russe, chinoise et anglaise, est libre d'accès, déclare être agréé auprès des instances de régulation les plus officielles de Russie, dit ne pas faire de bénéfices, est envahi de publicités, et reçoit en moyenne 1.000.000 de visites par mois.

Gallerix, semble avoir recueilli tout ce qui est ou a été disponible un jour en matière de peinture sur internet. Les peintres rares ou les musées pingres n’y sont donc pas représentés, ni les peintres contemporains ou à la dépouille encore fumante, peu reproduits pour des raisons de droits d’auteur. On y trouvera néanmoins, classées par période, 3600 images des productions du fameux Pablo Picasso
Peut-être êtes-vous à l’heure qu’il est encore à errer sur ses pages bariolées, complètement désorientés ?

Alors voici quelques conseils pratiques :

• D'abord, optez impérativement pour un navigateur sur internet qui traduit automatiquement les pages en les chargeant, ou traduit de manière interactive les textes que vous sélectionnerez (Chrome fait les deux). Pensez à sélectionner le drapeau français, en haut à droite, mais avec parcimonie, il vous enverra parfois vers des pages hiéroglyphiques.
• Ensuite, ne croyez pas que si le site présente une liste de peintres d’une catégorie, par exemple la page des peintres russes et soviétiques, celle-ci est nécessairement complète. Dans cet exemple, un grand nombre de peintres russes sont absents, parmi les plus importants (c’était le cas de Répine, mais aussi de Verechtchaguine, Aivazovski, Shishkine, Lagorio…), que vous ne trouverez qu’en les cherchant par leur nom ou parfois, un peu par hasard, dans les listes analphabétiques.  
• Quand, en mode recherche, il vous arrivera de tomber sur des pages en cyrillique, pensez à regarder les liens internet (en alphabet latin bleu). Leur destination est souvent explicite.
• Et si une publicité intempestive envahit l’écran, elle disparait en rechargeant la page.

Enfin, avant de vous égarer, pensez à noter ces 4 repères :

➤ Page d’ACCUEIL du site Gallerix en français :
➤ Page de RECHERCHE de peintres (partiellement en français) :
https://fr.gallerix.ru/roster/
➤ Page des peintres commençant par la LETTRE A, classés par le nombre de reproductions (choisir une lettre en haut de page) :
➤ Page d’index des visites par MUSÉE :
https://gallerix.org/album/Museums#fr

Ainsi équipés de ces instruments de navigation, vous pourrez entreprendre une odyssée qui durera des jours, des mois…
Ha ! Il peut bien venir nous submerger, ce virus de l’apocalypse et sa cinquième, sixième, ou septième vague avant le jugement dernier ! Nous sommes fin prêts pour un confinement perpétuel.

Verechtchaguine Vassilii, le Taj Mahal à Agra c.1875 (huile/toile 55x40cm)

samedi 27 novembre 2021

Répine l'inattendu

Cette chronique sera courte. On a déjà parlé ici-même du peintre russe Ilya Répine, en 2013, et ça suffisait bien.
Mais voilà que la Russie, qui prête rarement les tableaux des peintres russes (*), qui sont donc pour cette raison quasiment inconnus à l’ouest, vient de faire traverser les vestiges du rideau de fer à une centaine de toiles de Répine.

Répine Ilya, L’inattendu, retour inespéré d’un activiste politique dans sa famille, 1888, Galerie Tretyakov, Moscou (détail). Wikipedia raconte en détail l’histoire anecdotique de ce tableau qui est à paris jusqu’à la fin de l’année 2021.

Répine était un peintre naturaliste, vériste disent certains, bref un peu sinistre. Pas question d’arrangements avec la réalité, rien ne devait paraitre fabriqué, pas de poses affectées, ou alors il ratait, comme quand il s’essayait à peindre des fééries. Somme toute une sorte de Courbet en moins pâteux, mais avec des dispositions pour le portrait. On l’a dit, Lénine l’estimait « fondateur du réalisme soviétique ».

Ainsi la Russie le prête jusqu’à la fin de l’année au musée du Petit palais de Paris, qui est une institution sérieuse. D’ailleurs l’annonce de l’exposition (on ne peut pas vraiment parler de promotion) est lugubre, notamment cette vidéo de 40 secondes, chef-d’œuvre de dissuasion. 

Peut-être serez-vous découragés par cette chronique déprimée, alors avant de vous jeter du premier pont venu, promenez-vous dans cette galerie monumentale, gratuite et sans laissez-passer, où vous verrez non pas 100 comme au Petit palais, non pas 200, pas le double, mais 518 œuvres de Répine, téléchargeables et de qualité convenable (n'oubliez pas la suite en bas de la page des vignettes)

À vous de voir...


(*) C'est la malédiction des peintres russes. L’étranger qui visite la Russie préfère aller voir les peintres italiens ou français qu’il connait déjà, à l’Ermitage ou au musée Pouchkine, plutôt que de découvrir la peinture russe au Musée Russe ou la galerie Tretyakov. Et dans l’autre sens, les Russes prêtent facilement à l'étranger, mais seulement leurs tableaux européens, à des vendeurs de sacs à main, les mêmes qui, acoquinés avec le pouvoir, privatisent des lieux publics pour y construire des musées extravagants à coups d’avantages fiscaux, puis rameutent la presse, et font payer, pour la deuxième fois, le brave contribuable qui fait la queue pendant des heures pour revoir des tableaux figurant des lieux familiers, par des peintres qu’il connait par cœur.

samedi 24 août 2013

Il y a réalisme et réalisme

En réaction contre la peinture imaginaire, religieuse, morale, historique de leur pères prescrite par les académies, de nombreux courants picturaux réalistes, naturalistes, véristes, impressionnistes traversèrent l'Europe dans la seconde moitié du 19ème siècle.
C'est le prix même de la vie que de devoir se séparer du passé. De grandes théories furent imaginées à l'appui de cette réaction naturelle. Il fallait alors montrer le monde comme on le voyait, comme on le ressentait, sans l'idéaliser.

Telemaco Signorini (1835-1901) est un intellectuel florentin, légèrement excentrique et dandy. Il fréquente un cercle de peintres à la recherche de thèmes réalistes et de changements formels, les Macchiaioli, s'engage quelques temps comme nombre d'autres peintres auprès de Garibaldi, côtoie certains peintres français, Corot, Degas, théorise un peu et fonde une revue artistique éphèmère.

Au milieu des années 60 Signorini peint quelques tableaux au thème social, comme la célèbre Salle des agitées à l'asile San Bonifazio de Florence, en 1865, admirée par Degas, exposée aujourd'hui au musée Ca' Pesaro de Venise, ou comme l'Alzaia en 1864.


L'Alzaia (le chemin de halage) représente une scène de halage dans le parc Cascine à Florence, sur les rives de l'Arno, en fin de journée. La scène est reconstituée en atelier d'après des poses photographiées par Cristiano Banti, un collègue.
Cinq hommes peinent, tirant au bout d'une corde une charge qu'on ne voit pas. Le point de vue au ras du sol découpe sur le ciel leurs silhouettes sombres et leur donne un aspect menaçant, pour le petit chien qui aboie, et la fillette inquiète qui se protège dans la redingote de son père indifférent, le dos tourné.
L'étrangeté de la situation, la monumentalité du tableau (1,73 mètre), la pose sculpturale des personnages comme sur la frise d'un temple, donnent à cette scène un aspect irréel, symbolique (voire moralisateur). Récemment redécouvert et exposé au musée de l'Orangerie de Paris, le tableau est actuellement sur le marché de l'art.

Ilia Répine (1844-1930) est un peintre russe très réaliste, d'un réalisme cru, brutal, qui ne se pose pas vraiment de questions stylistiques. Et un réalisme littéral devient inévitablement une critique sociale quand il s'intéresse aux gens modestes.
Un temps membre du groupe des Peredvijniki (peintres ambulants) qui fuient l'académisme, Répine devient très vite renommé pour ses représentations fidèles de la réalité et un portraitiste recherché. Comme Rembrandt qu'il admire, il n'y met aucune manière et ne recherche que le naturel des modèles.
Très courtisé par Lénine qui le juge fondateur du réalisme soviétique il reste néanmoins jusqu'à sa mort dans sa propriété du golfe de Finlande sur les bords de la mer Baltique (aujourd'hui Répino, en Russie).


Entre 1870 et 1873, jeune médaillé de l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, Répine passe des mois sur les bords du fleuve Volga, auprès des travailleurs de force qui remorquent les bateaux. Il y réalise son premier chef-d'œuvre, Bourlaki na Volguié (haleurs sur la Volga), aujourd'hui au Musée russe de Saint-Pétersbourg. 3,7 mètres carrés de réalisme vériste à la force du pinceau.
Depuis, le tableau est devenu le symbole de l'oppression dans la Russie tsariste. On le trouve reproduit dans les manuels d'histoire du monde entier.