jeudi 30 avril 2015

Made in China, la suite

L’imposteur chinois du musée de Dulwich a été démasqué.

Doug Fishbone, organisateur et artiste totalement conceptuel, expérimentait depuis le 10 février la substitution d'un tableau original par une copie fabriquée en chine et exposée au milieu des œuvres du musée.
Il en avait fait un jeu de devinette et en attendait un approfondissement du regard du visiteur, une plus grande circonspection du touriste, et des réponses aux questions fondamentales sur l'Art « Qu'arrive-t-il quand un objet est accroché dans un musée ? Qu'est-ce qui définit l'authenticité d'une œuvre ? Qu'est-ce qui lui donne sa valeur ? »

Fishbone vient de dévoiler la vérité dans une émission de télévision people sur BBC one (1). Le faux était un portrait de jeune femme, assez honnêtement imité d'une esquisse brossée un peu vite par Honoré Fragonard vers 1769.

Portrait de jeune femme, par Fragonard, et sa copie par un atelier chinois, exposés actuellement côte à côte au musée de Dulwich. Ah zut, le commentaire du musée qui précisait lequel était l'original et lequel la copie a été égaré. C'est trop bête.

Bilan de l'opération, la fréquentation du musée a été multipliée par 4 pendant ces deux mois et demi. 3000 visiteurs ont tenté d'identifier l'imposteur chinois. Plus de 12% ont réussi. Il était de loin le tableau le plus cité.
Financièrement encourageante, l'expérience n'a cependant pas résolu les grandes interrogations existentielles de l'artiste. Il pense sans doute les éclaircir lors d'un débat public qu'il programme le 16 mai à 10h30, avec quelques éminents experts (2). Le tarif d'entrée sera de 26 euros et le petit déjeuner offert.

Pour conclure, Fishbone a déclaré « Si cela peut avoir laissé dans l'esprit des gens le soupçon que ce qui leur est présenté n'est peut-être pas tout à fait ce qu'il semble, et que nos expériences peuvent être manipulées à notre insu, l'opération aura été bénéfique. »

D'ailleurs, le tableau copié, l'original, est-il réellement de Fragonard ? On y lit nettement à droite la signature de Grimou, bon portraitiste français du début du 18ème siècle, et les lettres « FRago » moins nettes légèrement au dessus. Les experts et les conservateurs du musée, prompts à l'attribuer au plus coté des deux, y voient une facétie de Fragonard pour taquiner les connaisseurs, disent-ils.

Doit-on les croire ?

***
(1) The One Show le 27.04.2015 à 19h20 (autorisée en territoire anglais seulement il vous faudra utiliser un VPN pour voir cette émission en France). 
(2) Notons qu'un des experts invités est Adam Lowe, directeur de Factum Arte, responsable du facsimilé imprimé des Noces de Cana de Véronèse tant admiré à Venise. « Tout se tient » dirait le voisin de palier.  

samedi 25 avril 2015

La vie des cimetières (62)

Paris, promenade dans le cimetière du Père-Lachaise...

L’humanité n’est pas sacrée... Les lois de la physique, de la chimie et de la biologie s’exercent dans un autre champ que celui de la foi, de la morale ou de la politique. La nature n’est ni gaie, ni triste ; ni remplie d’espérance, ni désespérée. Elle anéantira notre espèce en toute innocence.
Yves Paccalet (L’humanité disparaîtra, bon débarras ! 2006) 




Sur le billet au centre est écrit « Ne touche plus aux chapelles ou je ramasse plus les bouteilles des paralysés de France. » 



samedi 18 avril 2015

Le Louvre, un boum de 25% !

Le Louvre, musée superlatif qu’on a toujours chanté sans réserves, arrive encore à nous surprendre.
Près de 10 millions de visiteurs parcourant tous les ans 14 kilomètres de galeries où sont entassées 40 000 œuvres d’art, que pouvait-il inventer de plus pour nous émerveiller ?
Une filiale décentralisée à Livarot ou Saint-Nectaire, une nouvelle aile consacrée à un art délaissé, un kilomètre de vitrines de chefs d’œuvre en canevas ou en bouchons de plastique… Enfin, des prodiges qui le placeraient définitivement au pinacle des institutions de l’Univers.

Eh bien non. Rien de tout cela. Car ce qui va changer c’est le cœur même de l’établissement, son moteur, qui fait les deux tiers de ses ressources propres, en bref, sa billetterie. En effet, le 1er juillet prochain, le billet d’entrée au musée du Louvre augmente de 25% (vingt-cinq pour cent) en passant de 12 à 15 euros et devient un billet unique comprenant l’accès aux collections permanentes et aux expositions temporaires.
L’annonce par l’Agence France Presse, reproduite partout à l'identique, noie soigneusement le poisson en l’entourant de mesurettes insignifiantes, en le comparant à des choses non comparables, et en lui assignant une mission ronflante, la synergie entre les expositions et la collection.
La vente de billets jumelés (collection plus expositions) étant très limitée, de mauvais esprits appelleront cela de la vente forcée plutôt que de la synergie.

De la vente forcée, est-ce possible ?

Pour répondre munissons-nous du dernier rapport d’activités disponible de l’établissement public, celui de l’année 2013. La billetterie y a récolté 61 millions d’euros, 60% des ressources propres du musée. La répartition des 9,2 millions de visiteurs entre collection et expositions y est très lourdement à l’avantage de la première, presque 95%. Une telle distribution rend illusoire (voire hypocrite) le réarrangement des prix des différentes formules de billets.


Résultat, le Louvre haussera donc à compter de juillet le prix du principal billet de 25%, et par conséquent sa recette de billetterie de 24% et ses ressources propres de 15%, pour une grande part au préjudice des touristes étrangers, qui constituent 70% de la totalité des visiteurs et fréquentent très peu les expositions temporaires.

Une bien belle opération, artistique et patriotique (2).

***
(1) En prenant comme valeurs 82% de visites payantes pour les expositions et 62% pour les collections (qui sont les chiffres du rapport p.98), le calcul de la recette présente un écart de 8 millions d’euros probablement dû aux billets à tarif réduit et à l’achat des billets jumelés qui ne sont pas chiffrés dans le rapport. On a donc baissé les taux respectivement à 73% et 54% pour obtenir la recette en billetterie du rapport 2013 (on notera d’ailleurs un écart de 1 million d’euros entre le tableau p.152 et le graphe censé l’illustrer p.151). Puis on a appliqué le même taux aux prévisions pour 2015, sans tenir compte des mesurettes, qui ne peuvent pas influencer sensiblement le résultat.

(2) Quelques chiffres amusants :
Sur 8 visiteurs, le Louvre reçoit 2 français, 1 américain et 1 quart de japonais (ça n’est pas une faute d’orthographe).
D’après le site Louvre pour tous, depuis 2011 le billet est passé de 10 euros à 15, soit une hausse de 50%, et dans le même temps la fréquentation du musée doublait quasiment.

lundi 13 avril 2015

L'art de la reproduction

Véronèse, Noces de Cana, détail.

Tandis que les adorateurs de la vérité attendent dans l'anxiété les conclusions de l'expérimentation de la « copie chinoise de Dulwich », on apprend aujourd'hui, par la revue Télérama, qu'une reproduction imprimée des Noces de Cana a été inaugurée avec force pompe et cérémonial il y a déjà sept ans, au réfectoire du couvent de San Giorgio Maggiore à Venise, et qu’à l’instar des facsimilés des grottes préhistoriques et leurs peintures rupestres, elle y est admirée avec la dévotion qu’on réserve d’habitude aux œuvres originales.

L’histoire remonte au 6 octobre 1653 quand le peintre Paolo Caliari, dit Véronèse, reçoit des moines bénédictins de San Giorgio le paiement d’une immense toile qu’il vient de terminer en 16 mois. Elle couvre le mur du fond du réfectoire, sur 9.90 mètres par 6.66.
Elle représente un repas de noce à Cana où l’un des invités nommé Jésus a fait livrer six jarres de vin qu’on commence à servir aux convives. À 35 ans Véronèse est déjà célèbre pour ses immenses scènes bibliques et architecturales débordant de personnages puissants et colorés.

Puis en 1797, le jeune Bonaparte vainqueur de l’Italie, déjà obsédé par tout ce qui est grand, fait découper la toile en sept morceaux pour la transporter jusqu’au Louvre à Paris où elle est reconstituée.
Elle y est toujours exposée, et les tentatives diplomatiques de restitution à Venise échouent régulièrement.

C’est alors qu’en 2006 une entreprise madrilène spécialisée dans la « conservation des héritages culturels », Factum Arte, armée d’appareillages photographiques et d’imprimantes sophistiqués, de colle, de ficelle, et assistée de beaucoup de main d’œuvre et des autorisations et finances requises, se lança dans la création d’un facsimilé (1) des Noces de Cana.

Et le 11 septembre 2007, l’objet était dévoilé devant les yeux embués d’un parterre d’aristocrates et d’ecclésiastiques. Tous étaient certainement conscients de ne regarder qu’une photographie de luxe, mais la reproduction pharaonique de cette toile gigantesque les émut fort, dit-on.

Comme on le voit, la fausse caverne de Pont d’Arc en Ardèche, la copie chinoise de Dulwich, la réplique espagnole de Venise, sont les indices d’une évolution des mentalités. La valeur émotionnelle souveraine, idolâtre, fétichiste, accordée à l'œuvre originale n’a peut-être plus longtemps à vivre.

***
(1) On distingue généralement copie et facsimilé. Un facsimilé est une reproduction exécutée avec les moyens les plus modernes dans le but d'obtenir un résultat extérieurement identique à l'original. Une copie est fabriquée avec les mêmes moyens que l'original. 
Le facsimilé démontre les capacités de la technologie employée. La copie, parce qu'elle est réalisée à la main, fait la preuve de la virtuosité d'un copieur, et c'est certainement pourquoi elle est mieux placée dans l'échelle des valeurs. Une copie acquiert parfois le statut d'œuvre originale quand les dates de sa réalisation et de celle de son modèle commencent à se confondre dans le temps, comme pour les copies romaines de la statuaire grecque.

dimanche 5 avril 2015

Histoire sans paroles (15)

Puteaux, rue Anatole France, 1er janvier 2002.

dimanche 29 mars 2015

Nuages (35)




Pic escarpé sur les flancs de l'Aiguille Rousse
Alpes savoyardes, près de Peisey.

lundi 23 mars 2015

Ubu président d'établissement public

Il n’y a que le théâtre d’Alfred Jarry et ses frasques ubuesques pour illustrer la bouffonnerie qui vient d’agiter un peu la vase de la culture officielle en France.

Acte 1

L’histoire commence en l’an 2010 dans une petite baronnie près de la Pologne, quand le morbide baron C. qui dirige le musée d’Or-C, constatant que la pompe à Phynance ne suffit plus à la satisfaction de ses besoins démesurés, ordonne l’interdiction absolue de toute photographie dans l’enceinte de son domaine (qui est aussi le Domaine public), histoire de vendre plus de catalogues et de cartes postales.
Insensible aux protestations scandalisées, il est soutenu par le vicomte F. de M.... alors Baudruche de la Culture.

Acte 2

Le brave baron se pavane depuis 4 ans dans son hall de gare, important parmi les touristes soumis, quand tombe l’information scélérate : la nouvelle Fantoche de la Culture vient de publier une directive « Tous photographes » demandant gentiment aux nobles dirigeants des établissements publics culturels de laisser la multitude s’amuser un peu avec ses petits appareils photo médiocres, dans tous ces lieux chargés d’histoire et de dignité.
Mais le baron C. qui s’est accoutumé aux plaisirs et aux douceurs de la domination refuse tout bonnement d’appliquer la directive dans son fief.

Acte 3

Un an plus tard.

La scène 1 se passe le 16 mars 2015 au musée d’Or-C où la gentille Potiche de la Culture inaugure une petite exposition consacrée au peintre Bonnard (1867-1947).
À 22h52 elle arrose les réseaux sociaux de quelques photos de tableaux prises sur place.

Dans la scène 2, la plus intense du mélodrame, le 17 mars à 9h30, Bernard Hasquenoph, pourfendeur des abus muséaux, s’offusque sur le même réseau social « France des privilèges @fleurpellerin fait une photo au @MuseeDOrsay où on l'interdit au peuple. »
Le coup est vilain. La Victime de la Culture s’en relèvera-t-elle ?
Après 18 minutes d’une insoutenable tension, la réponse arrive cinglante, inattendue, « Aucun privilège ! Je ne fais qu'appliquer la charte Tous photographes du @MinistereCC ».
Quelle réplique ! Rappelez-vous l’acte 2, l’instruction aux établissements publics.

Scène 3, la tension s'apaise. L’acte se termine par la procession plaintive des réclamants sur le réseau « Qu’attendez-vous alors pour faire respecter la charte dans ce musée ? »

Épilogue

Le rideau tombe.

Un récitant entre en scène et annonce, comme un faire-part funèbre « le lendemain, 18 mars, au musée d’Or-C, une note interne déclarait tristement qu’à la demande de la Figurante de la Culture, le baron C. avait pris la décision de lever l’interdiction de photographier dans le musée, applicable immédiatement. »
Le récitant est acclamé par une explosion d’applaudissements, de sifflets, de cris de joie, de larmes.

Note du metteur en scène : on remarquera que l’acte 3, par ses péripéties invraisemblables, détonne dans l’harmonie d’ensemble du récit. On accusera l’auteur de prendre beaucoup de libertés avec la réalité. Il est par exemple impensable qu’une Marionnette de la Culture en exercice diffuse vers plus de 200 000 suiveurs des images de tableaux dont la reproduction est interdite par la loi sans autorisation des ayants droit (le peintre Bonnard en effet n’entrera dans le Domaine public qu’en 2018).

Mais enfin, on est au théâtre, alors profitons sans arrière-pensée de ces courts moments de fantaisie.


Verrière de la grande galerie dans le musée du baron C. Le populaire décervelé peut désormais en emporter l'image, pour agrémenter son souvenir.

jeudi 19 mars 2015

Comprendre l'art moderne

Cambrai, Musée des beaux-arts, 28 mai 2014.

Depuis le 20ème siècle et la floraison de l’art brut, de l’art minimaliste et de tous les arts conceptuels, il est certes devenu malaisé de distinguer, même dans un musée, une œuvre d’art d’une pure incongruité
Il y a pourtant un truc infaillible : les œuvres d’art sont toujours flanquées d’un petit cartel explicatif précisant en caractères minuscules le nom de l’artiste et les dates inévitables de son existence. 

dimanche 15 mars 2015

L’ange corrompu de Gaetano Zumbo

Le touriste qui a l'idée saugrenue de visiter à Florence le musée d'histoire naturelle « La Specola », près du palais Pitti, y découvre parmi les araignées les scorpions et les scolopendres méthodiquement alignées dans des boites de carton, après des vitrines bondées d’oiseaux absolument identiques et empaillés, quelques salles lugubres consacrées à la somptueuse collection de cires anatomiques humaines.
Cercueils transparents où reposent alanguies des Vénus éventrées qui présentent fièrement les détails de leur anatomie interne, profusion d’organes sains ou malades, de membres écorchés, de têtes dépecées, tous modelés dans la cire colorée à l’imitation de la réalité, par Gaetano Zumbo notamment, à la fin du 17ème siècle ou Clemente Susini un siècle plus tard.

Parmi ces cires sont quatre scènes de fléaux naturels, sortes de dioramas mis en scène comme des petits théâtres baroques sous verre où sont représentés des personnages dans toutes les phases de la décomposition. Ces scènes édifiantes, pathétiques et scientifiques sont de Zumbo. Elles illustrent la mort (sepolcro), la peste, le temps et la syphilis (il morbo gallico).

La dernière est une reconstitution imaginée à partir de fragments retrouvés dans un réserve du palazzo Mozzi, qui avait souffert des inondations de Florence en 1966. Et les restaurateurs ont placé, parmi les corps et les morceaux illustrant les divers états de la maladie, à droite de la scène, un chérubin qui trainait, un angelot qui semble endormi.
Dans l’iconographie occidentale, les angelots servent à tout et à n’importe quoi. Messagers de Dieu, contrepoint moralisateur, point de vue du peintre, remplissage d’une zone délaissée de la toile, ils envahiront l’art pendant des siècles, ribambelles de chérubins mièvres virevoltant en nuées grassouillettes, riant ou pleurnichant niaisement.

Mais ici l’ange de Zumbo est mort. Sa peau est verdâtre, dans un état avancé de putréfaction, son ventre est ouvert. Le bandeau qui couvre ses yeux symbolise traditionnellement l’aveuglement du destin, qui détruit tous indifféremment, jusqu’aux êtres imaginaires.



samedi 7 mars 2015

La vie des cimetières (61)

La Lycie était dans l’antiquité une région montagneuse du sud de la Turquie, avancée sur la Méditerranée, qui correspond aujourd’hui à l’ouest de la province d’Antalya.
Tour à tour envahis par les Hittites, les Perses, les Grecs, les Romains, les habitants du coin ont absorbé au long des siècles un peu de toutes les civilisations, au point qu’il ne reste d’eux qu’une image livresque, spectrale.

Toutefois une particularité les distingue encore, l'architecture de leurs sépultures.
C’étaient des superpositions de tombes rupestres creusées comme de petits temples dans la roche à flanc de falaise (comme à Telmessos, Myra, Tlos, Kaunos) qui rappellent un peu les temples de Petra en Jordanie, et des sarcophages isolés au couvercle en forme de coque de navire retourné, disséminés sur les collines et le long de la côte (comme à Xanthos, Fethiye, Ucagiz).

Depuis longtemps sarcophages et tombeaux ont été éventrés et pillés.

Tombeau lycien sur la route de Demre à Ucagiz (Üçağız).

Tombeau lycien sur la route de Demre à Ucagiz.

Ucagiz, tombeaux lyciens de la nécropole de Teimussa.

Ile de Kekova, ruines de la cité d'Apollonia partiellement engloutie dans l'antiquité.

Ilot près de Kekova, ruines de la cité antique d'Apollonia.

dimanche 22 février 2015

Made in China

Tout conservateur de musée soucieux de la protection du patrimoine qu'il administre a certainement un jour eu cette idée iconoclaste, qu'il aura aussitôt refoulée : remplacer tous les tableaux en exposition par des copies.

Et bien c’est ce qu’expérimente depuis le 10 février et jusqu’au 26 avril le musée de Dulwich (Dulwich Picture Gallery) dans le sud de Londres, sous l'impulsion de l'artiste conceptuel Doug Fishbone (un artiste conceptuel est un être humain qui a des idées - au moins une - et au moins un talent, celui de savoir faire réaliser ses idées par d'autres).

En fait, un seul des tableaux exposés à Dulwich est une copie, réalisée sur commande par un atelier chinois (il en existe des centaines), contre 160 euros. Reçue par la poste elle est aujourd'hui exposée à la place du tableau original et dans son cadre ancien.
Le public et les experts sont invités à l'identifier parmi les 270 tableaux du musée, et gagner, pour ceux qui le découvriront, une reproduction (imprimée cette fois) d’une œuvre de la collection.

L’idée est de mettre en question les ingrédients qui constituent la valeur qu’on attribue aux choses, le décorum de la visite, l’autorité du musée, le fétichisme attaché au nom de l’artiste…
Elle rappelle l’expérience récente où des musiciens professionnels devaient juger à l’aveugle, au jeu et à l’écoute, des violons modernes et des Stradivarius mythiques. Les résultats étaient édifiants.

Et la collection de Dulwich est prédisposée à ce type de jeu de devinettes. Assemblés au 18ème siècle pour le roi de Pologne, ses tableaux achetés un peu vite se sont révélés en majorité des copies, des pastiches, des « atelier de », ou « dans le style de ».
Ainsi, il est bien possible que le penchant de Fishbone pour la plaisanterie l’ait conduit, pour le plaisir de la mise en abyme, à commander aux chinois la copie d’une copie, ou au moins d’une toile à l’authenticité douteuse.

Enfin, les deux tableaux seront juxtaposés le 28 avril prochain et exposés ainsi durant trois mois.
Que pourra-t-on en déduire si l’expérience « réussit », c’est-à-dire si d'ici là personne n’a trouvé la réplique chinoise ?


Han van Meegeren, portrait de femme à l’éventail à la manière de Gerard Ter Borch, vers 1930-40. Il trompa les plus grands experts et musées en peignant notamment des pastiches de Vermeer. Il dut avouer sa supercherie en 1945 afin de sauver sa tête, en prouvant qu’un tableau de Vermeer qu’il avait vendu au nazi Hermann Goering était en réalité de sa main.

vendredi 13 février 2015

Tableaux singuliers (1)

Patrick William Adam fut un peintre écossais charmant du tournant du 20ème siècle.
Comme tous ses collègues de l’époque il fut séduit par l'aisance et la légèreté du style impressionniste, sans jamais y tomber complètement, et se consacra particulièrement aux scènes d’intérieur, quand la lumière du soleil traverse doucement des rideaux et se pose sur une table dressée décorée de fruits et de fleurs ou sur un coin de parquet ciré.
Adam exploitera ce thème à succès jusqu’à sa mort en 1929.

Il fera une exception curieuse un jour de 1915.
Au printemps de cette année, les zeppelins allemands bombardent aveuglément les grandes villes anglaises, dont Edinburgh en Écosse. Les populations sont terrorisées, dans les journaux on parle d’apocalypse.
À 61 ans, voyant son univers menacé, Adam peint comme il l'avait toujours fait un intérieur bourgeois avec son vase de roses et son parquet luisant, mais cette fois bouleversé par un bombardement qui a fait éclater la fenêtre et semé désordre, débris et fumée dans le salon. Il le nomme « War » (Guerre).

Néanmoins dès 1916, alors que les zeppelins continuent à harceler la région, que l’année devient une boucherie plus terrible encore que la précédente et que l’Europe dénombre des millions de morts, Adam peint une de ses scènes les plus apaisées, « The morning room ».

De nos jours les sites qui font commerce de reproductions de tableaux et de clichés en tous genres sont les seuls à ne pas avoir oublié Adam, ses intérieurs paisibles, intimes et ensoleillés, comme son tableau singulier de 1915, exposé aujourd'hui au musée de Dundee.

vendredi 6 février 2015

Copyfraud, un piratage légalisé


Le premier janvier de chaque année, des hordes d'artistes morts depuis 70 ans (en règle générale) émergent de leur sépulcre glacé et rejoignent le Domaine public, un vaste espace de lumière où leurs œuvres appartiendront désormais à toute l'Humanité et deviendront gratuites et libres de droits. Quiconque pourra les reproduire, les diffuser, même en tirer des bénéfices (1).
Un vieux ministre bavant et grimaçant déclame alors sa pompeuse harangue « Entre ici, Saint-Exupéry (par exemple), avec ton terrible cortège, avec ceux qui sont morts depuis longtemps déjà... » Et un orchestre symphonique tonitruant joue l'hymne à la joie.

Pour fêter cette merveille de la nature, cet évènement d'une régularité quasi astronomique, il manquait un festival. C'est chose faite aujourd'hui.
Le premier festival du Domaine public vient de fermer ses portes. Et comme tout festival qui souhaite être visible et prospérer il a décerné des récompenses.
Mais, comme ils ont le gout de la plaisanterie et un budget insignifiant, les créateurs se sont arrangés pour que les lauréats de ces prix (qu'ils ont appelés Copyfraud awards) ne viennent jamais réclamer leur humiliant trophée, à l'instar des gagnants des Darwin awards. Rappelons que ces derniers sont décernés à des personnes qui sont mortes suite à leur comportement stupide et ont ainsi amélioré le patrimoine génétique de l'Humanité. Elles sont le plus souvent dans l'incapacité de venir chercher leur prix.
Dans le cas des Copyfraud awards c'est la honte qui devrait normalement empêcher les lauréats, car c'est toujours par cupidité et dans l'illégalité qu'on se commet dans une affaire de copyfraud.

« Copyfrauder » c’est prétendre avoir un droit sur quelque chose qui appartient en réalité au domaine public, c’est à dire à tous. C'est une activité qui s'épanouit autour des droits d’auteurs et des droits de reproduction. Et on frôle l’abus de pouvoir quand elle profite à une institution publique, ou à une entreprise privée qui aura soudoyé un personnage public. Les exemples sont légion, Ce Glob est Plat en a souvent parlé (2) et rappelons que le site Numerama publie chaque samedi un florilège des plus beaux abus de la propriété intellectuelle (Copyright Madness).
La copyfraud est beaucoup plus qu'un simple piratage puisqu’elle à le pouvoir de priver les autres des biens qu’elle s'approprie. Il est donc absolument moral, juste et salutaire de pirater ce qui a été copyfraudé. Vous suivez ?

Prenons des exemples. Saviez-vous qu’il est interdit, sans avoir payé des droits, de photographier la Tour Eiffel de nuit (exclusivement) et d’en faire l’usage que vous souhaiteriez ? Car des brevets et des marques ont été déposés sur tout le bazar du système d’éclairage. C’est l’archétype ; on détourne le domaine public (l’image de la Tour Eiffel) au bénéfice d’intérêts privés.
Même infortune pour les peintures de Lascaux, la pyramide du Louvre, la Grande bibliothèque de France, l’orgue restauré de Notre-Dame de Paris.

Vous trouverez une trentaine de ces cas savamment commentés dans la présentation des nominés (involontaires) aux Copyfraud awards par les organisateurs du festival.
La Bibliothèque nationale de France vend le fonds du domaine public à des entreprises privées, les musées interdisent la photographie des collections publiques, Tarzan est transformé en marque pour ne plus jamais rejoindre le domaine public, Saint-Exupéry est libre depuis quelques jours dans tous les pays de la planète sauf le sien, la France, jusqu’en 2032, la chanson « Happy birthday to you » appartiendrait à Warner Music, géant de l’industrie du disque qui réclame des droits chaque fois que cet air imbécile est chanté en public…
Devant l’exubérance, la profusion, la surenchère de bassesse, tous mériteraient d’être lauréat.

Cette année, parmi une douzaine de Smith et quelques milliers d’inconnus comme Jakob von Uexküll ou Onésiphore Turgeon, arrivent dans le Domaine public des ombres mémorables, Edward Munch, Sanford Gifford, Mondrian, Kandinsky, Félix Fénéon, Max Jacob, Romain Rolland, et le génial illustrateur William Heath Robinson (dont voici deux illustrations, plus haut pour Kipling et ci-dessus pour Perrault).

***
1. Attention, s'agissant de l'interprétation de la loi, les choses ne sont pas toujours si simples. Lisez à ce propos le récit d’une désillusion vécue cette année par les organisateurs du festival du Domaine public à propos de Fantômas.

2. Principales chroniques du blog consacrées au thème des abus et détournements de la propriété intellectuelle : Une victoire de la nécrophagie (2009), le musée de l'extrême (2009), guide de la Venise secrète (2010), le visiteur à l'état fluide (2010), le tableau interdit (2011), respectons les imbéciles (2011), un sacrilège (2012), les valeurs orthopédiques (2012), le monde leur appartient (2013). pauvre Gaston (2013), David et son gros pétard (2013), mitraillez (2014).

vendredi 30 janvier 2015

La vie des cimetières (60)


Les belles dames du cimetière Staglieno à Gênes

Dans la Ballade des dames du temps jadis François Villon regrettait les belles dames du passé, dans un vers devenu immortel,
« Mais où sont les neiges d’antan ? »

On dit qu’il faisait allusion à une tradition répandue au 15ème siècle dans le nord de l'Europe, les fêtes annuelles de la glace et de la neige où des personnages historiques ou mythiques étaient sculptés aux grands froids et fondaient avec la pluie et les redoux.

Les grands cimetières monumentaux ont aussi leurs dames du temps jadis. Elles se couvrent lentement de mousse et de poussière, mais de mémoire d'homme elles ne disparaissent jamais.












dimanche 25 janvier 2015

Pourquoi les tortues ne sont pas cubiques

Au commencement, Dieu a créé les tortues cubiques.
Mais c’était l'hécatombe, dès qu’une tortue faisait un faux pas et se retrouvait sur le dos elle était incapable de se redresser sur ses pattes, se desséchait sur place et mourait.
Après une période de réglages, qui dut être amusante à observer, puisqu'on y voyait gambader des tortues aux formes les plus expérimentales, Dieu finit par trouver la courbure idéale de la carapace qui permit à la tortue, une fois renversée, de se retourner et de retrouver le plus souvent une position décente.

C'est le journal scientifique américain Discover Magazine qui vient de le dire, d’après des mathématiciens terriblement compétents, aidés de calculs horriblement compliqués qui affirment que les tortues terrestres dont les pattes et le cou sont trop courts pour servir de points d’appui ne peuvent se redresser que parce que la courbure du dôme de leur carapace est calculée pour un mouvement de basculement quasi optimal.
Pourquoi quasi ? L’article ne le dit pas, mais on peut imaginer que c’est pour justifier la série de gesticulations éperdues qui agite un temps la tortue avant qu’elle ne recouvre sa dignité.
Suggérons à ces fervents mathématiciens que les tortues dont la courbure était défavorable et qui ne se seront pas retournées n’ont probablement pas pu se reproduire (malgré une position avantageuse pour la chose), entrainant ainsi petit à petit l’extinction de ces lignées à la géométrie inadaptée.

Ce genre de déduction à l’envers fleurit depuis quelques années dans les revues scientifiques. Par exemple, la Lune aurait-elle été un peu déplacée que l’instabilité de l’axe de la Terre n’y aurait pas permis l’éclosion de la vie (ni la formulation d’un tel truisme).
Il en ressort généralement l’impression que tout cela a été calculé et ajusté par une intelligence supérieure dans l’intention narcissique d’être admirée par ses propres créatures.

Tortue expérimentale dans son ascension vers le paradis des tortues ratées (Gênes, musée d’histoire naturelle).

Ces articles sur le réglage « miraculeux » des paramètres de l’Univers rappellent irrésistiblement la célèbre vidéo d’une sorte de prédicateur américain, au début des années 2000, « la banane, cauchemar des athées ».
Cette vidéo fut souvent prise pour une parodie des dogmes théistes tant son argumentaire était dérisoire, alors qu’elle voulait être à l’origine une démonstration de l’existence d’un dieu.
Le pauvre illuminé y constatait que la banane possède le même nombre de faces que l’intérieur de la main humaine a de replis, assurant ainsi une parfaite préhension, que la banane est dotée d’un code de couleurs permettant de la consommer sans erreur, vert pour bientôt mangeable, jaune pour consommable, noir pour gâtée, qu’elle est munie d’une excroissance en haut exactement conçue pour l’ouvrir et en déployer la peau aisément autour des doigts sans se salir, et ainsi de suite. Il en concluait que seul un être supérieurement intelligent pouvait l’avoir conçue ainsi.

La réfutation de ces inepties sur Wikipedia est savoureuse (malheureusement en anglais). Elle montre une banane à l’état naturel avant qu’elle n’ait été domestiquée et métamorphosée par quelques millénaires de culture humaine ; et cette banane sauvage ne possède aucune des propriétés qui en font, d’après le brave catéchiste, la création d’un dieu suprêmement intelligent.

À l’évidence les propriétés de notre monde font qu’il peut exister. En logique cela s’appelle une tautologie. Et l’ajustement des valeurs de ses paramètres ne prouve rien de plus. Réglé différemment, il existerait différemment et les tortues seraient peut-être cubiques avec des pattes sur tous les côtés.

Ou peut-être n’existerait-il pas, ni la question de son existence.

dimanche 11 janvier 2015

Améliorons les chefs-d'œuvre (5)


Il ne reste que peu de jours pour aller admirer à Paris, au musée Marmottan, un tableau rare de Turner « Rockets and blue lights - Fusées et lumières bleues pour avertir les bateaux à vapeur des hauts fonds », peint en 1840.
Il illustre, dans le cadre d’une exposition sur le tableau « Impression soleil levant » de Monet, les œuvres qui ont marqué les séjours de ce dernier à Londres.

Le tableau de Turner appartient depuis 1932 au Clark Art Institute de Williamstown aux États-Unis et a été restauré (énergiquement) en 2003 par les spécialistes de la National gallery de Washington. Il parait qu’avant même leur intervention, de rafistolages en ravalements, 75% du tableau n’étaient déjà plus de la main de Turner.
Alors justifiant leur nettoyage par la mystérieuse photographie d’une reproduction gravée vers 1850, les restaurateurs ont carrément effacé un des deux bateaux à vapeur du tableau, celui de droite avec sa lourde colonne de fumée et son groupe de passagers, et épargné l'autre vapeur, au centre.

Ce débarbouillage a fait l’objet d’une polémique, à l’époque, mais qui semble avoir été discrètement enfumée par les responsables officiels.
Pourtant, les éléments supprimés étaient déjà nettement visibles sur une reproduction lithographiée par Carrick en 1852 et conservée à la Tate gallery de Londres.
Et surtout - et personne ne semble l’avoir relevé - un personnage sur le rivage à gauche (présent sur toutes les versions et jamais remis en question) pointe une longue-vue très précisément sur l’endroit où les passagers ont été effacés, alors qu’il devrait, si Turner n’avait peint qu’un seul vapeur, la diriger sur lui, au fond de la scène, au centre du tableau.

Allez pourtant voir ce qu’il en reste, qui est éblouissant, avant que la prochaine restauration n’enlève un autre élément, certainement les spectateurs, sur la grève.
   

dimanche 28 décembre 2014

Améliorons les chefs-d'œuvre (4)

Tandis que tout décline, que la Turquie s’embourbe doucement dans une dictature autocratique vaguement islamique et qu’on n’écoutera bientôt plus la musique qu’au milieu des craquements et des sauts aléatoires sur des grandes galettes noires malcommodes et fragiles, la rubrique « Améliorons les chefs-d’œuvre » s’enrichit régulièrement.

Le fait remonte à juin 2012.

Déjà abondamment condamné pour des larcins d’antiquités, un citoyen irlandais d’âge mûr frappait d’un violent coup de poing une jolie toile fraiche et automnale de Claude Monet exposée à la National Gallery de Dublin (le bassin d'Argenteuil et un bateau, 1874).
Ce qui sembla alors choquer la presse était surtout l’ancienneté du tableau, on insistait sur ses 140 ans, et l’estimation de sa valeur, 10 millions d’euros, insinuant que la destruction d’un tableau plus récent ou moins estimé aurait certainement été moins choquante, moins sensationnelle.

S’il est malaisé de comprendre les raisons du pugiliste, on parle comme toujours d’un ressentiment contre les institutions, les motivations de nombre de commentaires sur Internet sont limpides et pourraient être résumées ainsi « c’est un malade mental, un dégénéré qui devrait, au lieu d’être emprisonné et nourri avec nos impôts pendant les six ans de sa sanction, être éliminé d’une balle dans la tête. Tout cela pour un tableau sans valeur peint par un enfant. »
On ne s’étonnera pas, à leur lecture, de l’accablante apothéose des droits de l’homme sur toute la planète.

L’anecdote aurait eu peu de raisons de paraitre dans la rubrique « Améliorons les chefs-d'œuvre » si la Galerie nationale d’Irlande n’avait profité de la funeste occasion pour nettoyer la toile (sans toutefois ôter le vernis un peu gris), ce qui l’a éclaircie, et pour la renforcer d’une deuxième toile, puis d’un panneau solide et enfin la protéger d’une vitre, sans reflet dit la description détaillée des opérations de restauration sur le site du musée.

Et le Monet assisté, bionique en quelque manière, est à nouveau exposé à Dublin depuis juillet 2014.

dimanche 21 décembre 2014

Le règne des verts


Albert Kahn, banquier immensément riche par l’or et le diamant africains, s’offrait entre 1895 et 1910 quatre hectares (200 mètres sur 200) au cœur de Boulogne-sur-Seine et y installait un vaste paradis constitué d’un assemblage harmonieux de jardins typiques, japonais, anglais, français, vosgien, bleu…

En 1909 il lançait ce qui constituera le fonds photographique des Archives de la Planète, photographies en couleurs (autochromes) et reportages sur les cultures du monde, qu’il financera jusqu’en 1931. Philanthrope, il croyait à l’entente entre les peuples et pensait que le partage des cultures limiterait les conflits entre nations, les massacres de populations et les tueries homicides.

C’était un peu avant le premier conflit mondial.
Puis ruiné par la crise financière de 1929, il mourra pendant le deuxième conflit mondial, en novembre 1940, dans la maison dont il n’avait plus que l’usufruit, entourée des jardins qu’il avait conçus à « l’image d’un monde réconcilié ».

Depuis 1937 on visite ce jardin exceptionnel (et le musée des Archives) presque toute l’année, entre 11 heures et 18 ou 19 heures selon la saison.
   

dimanche 14 décembre 2014

Melzi

Du belvédère de la villa Balbianello, lorsqu’on regarde vers le nord-est la rive opposée du lac de Côme, on distingue, à un peu plus de 4 kilomètres, un palais blanc entouré de verdure. C’est la villa Melzi et son splendide jardin presque botanique.
Elle fut construite au temps où Napoléon Bonaparte s’était fait président puis roi d’une brève république d’Italie cisalpine, vers 1810, pour y loger son vice-président Francesco Melzi et accessoirement s’inviter à y fainéanter à la belle saison.

Depuis, tout ce que la civilisation occidentale a engendré de grands couples romantiques, de pianistes de génie échevelés et itinérants, romanciers diplomates et complexés, idoles pour films populaires ou vedettes de publicités pour cafés encapsulés gaspilleurs et nocifs, bref tout ce qui procure un peu de joie aujourd’hui à notre terne existence a longtemps séjourné ou séjourne encore dans ce paradis terrestre.

Il faut dire, pour parler comme les guides touristiques, que vous n’oublierez jamais le vaste jardin aux centaines d’essences, les monumentaux massifs d’azalées, notamment le jaune rhododendron ponticum au parfum printanier si obsédant, la silhouette épurée et funèbre des cyprès, les beaux marbres inexpressifs, l’air doux exhalé par le lac…