dimanche 18 octobre 2020

La vie des cimetières (97)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 3ème partie (de 3)
Arbres et saisons

Ifs, pins, thuyas, cyprès, cèdres, évoquent peut-être la persistance de la mémoire, ou tout autre valeur de permanence bien venue dans un cimetière, en tout cas leurs silhouettes majestueuses font toujours très décoratif, en toute saison, sur une lande un peu désolée, notamment quand l’âge leur a donné la forme d’immenses brocolis exotiques.
 

Difficile de trouver plus typique que le vieux cimetière de Tullybuck, pas tout à fait abandonné, au cœur du pays. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Kilbannivane à Castleisland. On prévient le visiteur que le sol est accidenté et que les objets de valeur laissés dans les voitures en stationnement devraient être soigneusement dissimulés. À propos de brocolis géants, s’il y a un botaniste dans la salle, quels sont ces arbres ? des cyprès ? (Copyright Google Maps)

Ahenny, autre vieux cimetière pittoresque, avec, en bonus, deux antiques hautes croix celtiques superbement ouvragées. (Copyright Google Maps)

Un cimetière généreusement arboré, agrémenté de quelques croix celtiques, même orné d’une ruine murée et placardée d’avertissements, fait tout de suite plus animé, comme ici le vieux cimetière de Glencullen. (Copyright Google Maps)

Il a bien fallu, en 10 ans, 3 ou 4 passages de Google Street view au long du cimetière d’Aghadoe, aux portes du  parc national de Killarney, pour noter que la cathédrale en ruine, réduite à quelques pans de mur sans toiture, était « fermée temporairement ». (Copyright Google Maps)

Il y a des cimetières où on aimerait enterrer une âme sœur, pour s'y rendre souvent en pèlerinage, en toute saison. Google Street view le sait, qui y retourne régulièrement, comme à Kildownet (ou Kildavnet), en 2009, 2011 au printemps et 2019 en automne. Ne manquez pas, sur la route du détroit (vous êtes sur Achill island), à 200 mètres vers le sud, la tour solitaire du clan O’Malley. (Copyright Google Maps)

Au style typique des films de genre, mais pimpant au printemps (ici en juin 2011), le vieux cimetière de Glenties est certainement à découvrir par une nuit de pleine lune. Spacieux et bien agencé, il permet de nombreux angles télégéniques. Une petite échelle de 3 marches près du pilier d’entrée à gauche évite l’escalade du mur si la grille est fermée. (Copyright Google Maps)

Record mérité, Google Street view est passé 7 fois en 10 ans par le cimetière de Drumcliffe, le Drumcliffe du nord, le plus célèbre, où est enterré le grand poète et prix Nobel irlandais, W.B. Yeats, avec son parking dédié et sa cafeteria. 
En réalité - ne le dites pas aux touristes - s’il y a des restes humains dans sa tombe, ce ne sont pas ceux de Yeats, ou alors, par un pur hasard, un ou deux extraits, pas plus. Enterré un peu négligemment en 1939 à Roquebrune en France, dans une fosse commune, il a fallu en inventer les morceaux au moment de son rapatriement en 1948…   
Néanmoins on notera à l’horizon, le plateau enneigé en haut des falaises de la magnifique montagne Ben Bulben. (Copyright Google Maps)


Enfin, on ne pouvait pas terminer cette tournée des cimetières irlandais sans tenter d’y entrer. Or Google a visité en détail le très populaire Glasnevin cemetary de Dublin. On peut le survoler en 3 dimensions, et en parcourir les principales allées. On dit que c’est un « véritable musée en plein air » comme le Père-Lachaise à Paris, ou le cimetière monumental de Milan. N’exagérons pas, la statuaire visible y semble remarquablement fade et mièvre.  

 

mercredi 14 octobre 2020

Investir dans l'art ?

Amis millionnaires qui lisez régulièrement Ce Glob, ne dilapidez pas votre fortune à acheter des iles désertes qui seront bientôt dévastées par la montée des eaux, et où vous n’éviterez pas le virus, qui n’a que faire des frontières et de votre position sociale, investissez plutôt dans un marché culturel en plein essor, les collections des musées. 
 
Parmi les valeurs que l’Europe aura héritées sans hésiter de l’indépassable exemple américain, il n’y a pas que la nourriture poubelle, la politique spectacle et le cinéma puéril, il y a surtout un modèle économique et social d’une simplicité biblique : toute entreprise humaine doit être pécuniairement rentable. 
Or les musées américains, presque tous privés (maintenant privés de visiteurs par les restrictions sanitaires), tombent comme des mouches. Après avoir licencié une bonne part des employés et remercié les sociétés de services, que pensez-vous qu’il leur reste à négocier ? 
 
Jusqu’à présent l’Association américaine des directeurs de musée (AAMD), qui fait la loi outre-Atlantique, n’autorisait la vente d’œuvres des musées, sauf exceptions notables, que pour les remplacer et améliorer la collection, pratique qui ouvrait déjà la porte aux engouements passagers, modes et groupes de pression. 
Mais pandémie oblige, l'AAMD vient d’autoriser pour 2 ans, jusqu’au 10 avril 2022 - lisez « tant que ce sera nécessaire » - la vente d’œuvres des collections dans le but de secourir la trésorerie et la gestion courante des musées. On suppose qu’ils vendront en priorité les œuvres dont les donateurs ne sont plus là pour exprimer leur indignation (aux USA, domaine public signifie seulement qu’il n’y a plus de droits d’auteur sur les œuvres, mais elles restent en général la propriété d'institutions ou de fondations soumises au droit privé. En Europe les collections sont principalement administrées par des institutions publiques et soumises - pour l’instant - à des règles d’inaliénabilité).


Alors le musée de Brooklyn, à New York, se lance le premier, un peu timidement, avec une douzaine d’œuvres (sur une collection de 20 à 30 000), à vendre chez Christie’s le 15 octobre.
Les noms des artistes sont alléchants, mais les estimations modestes parce que les œuvres sont médiocres : un mauvais Corot douteux, un paysage de Courbet pour salle d’attente de dentiste, mais sans la biche, un Mesdag et un Daubigny insipides, et tout de même une Lucrèce de Cranach l’ancien, réchauffée mais de qualité (le vendeur en attend 1 à 2 millions de dollars)
 
Enhardi et mieux organisé, le Musée d’art de Baltimore (BMA), qui rouvre ses portes humblement à 25% de ses capacités, vient d’annoncer fièrement un « plan de dotation pour l’avenir », qui contient tous les clichés bien-pensants qui doivent le transformer en musée américain citoyen, responsable et respectueux des minorités (on se débarrasse d’un passé encombrant en l’effaçant des collections), et tout en ne licenciant personne.
Pour atteindre cet idéal, le musée ne vend que 3 tableaux modernes (Still, Marden, et Warhol) chez Sotheby's le 29 octobre, dont il estime, très optimiste, le bénéfice à 65 millions de dollars précisément, qu’il a déjà ventilés avec force détails sur les différents postes de dépenses.
 
Alors, le conseil à nos amis millionnaires sera d'aborder ce marché prometteur sans trop se précipiter, et en se méfiant des estimations gonflées par un reste de fierté des conservateurs aux abois. La catastrophe sanitaire semble s'installer, les prix devraient baisser. Naturellement, le conseil ne s’adresse pas aux heureux actionnaires des laboratoires pharmaceutiques, qui peuvent dépenser sans retenue, les yeux fermés.
 
Mise à jour le 15.10.2020 : Premiers résultats chez Christie's, Corot n'a pas démérité, il est parti à la moitié de son estimation moyenne, soit 125.000$, Mesdag presque à l'estimation haute, 175.000$, Courbet nettement au-dessus de l'estimation haute, soit 798.000$ (il y avait sans doute des dentistes dans la salle), et Cranach a ridiculisé les prévisions, en faisant presque 3 fois l'estimation haute, soit 5.070.000$.
 
***
En illustration, un détail de la Lucrèce de Lucas Cranach mis en vente chez Christie's par le musée de Brooklyn.

mercredi 7 octobre 2020

La vie des cimetières (96)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 2ème partie (de 3) 
Églises et embruns

Tout cimetière irlandais convenable devrait entourer une église. Mais la considération pour la religion semble moins durable que le respect pour les défunts. On trouvera donc beaucoup d’églises en ruine, ou en bonne voie, environnées de sépultures fraiches et fleuries. Parfois l’ensemble sera situé en bord de lac ou de mer. Plaisance, détente, repos.
 

Lough Gur graveyard, le cimetière irlandais idéal, du gris et du vert au bord d’un lac, dans un site immémorial, touristique et mégalithique, accessible par une voie goudronnée. Que demander de plus ? (Copyright Google Maps)

Un autre cimetière bien sympathique, celui de Kilronan, dans un site magnifique, au bord du Lough Meelagh, lac poissonneux, qui fait cohabiter avec bonheur tombes récentes et ruine romantique, et équipé d’un petit parking fort pratique. (Copyright Google Maps)

Cimetière d’Ahamlish. En 2010 l’accès à l’église était muré et déconseillé, aussi bien que la décharge de détritus, punissable d’une amende de 3000 euros. (Copyright Google Maps)

Le cimetière d’Aughaval est très vaste, la partie en ruine ne constituant que le nord que longe la route R335. Vers le sud, le cimetière devient plus vivant, si l’on peut dire. Les chiens y sont interdits, sous peine d’une amende de 150 euros, à l’exception des chiens errants, qui sont insolvables. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Canice à Eglinton. L’endroit, près de Londonderry en Irlande du nord, semble très fréquenté, Google Street view y est passé 6 fois (ici en avril 2011). L’église, très soignée, n’est pas du tout en ruine, mais on pressent comme une ombre sournoise… (Copyright Google Maps)

Dans la banlieue de Dublin, à deux pas de la plage, du port de plaisance, du golf et d'un centre de loisirs, sur la presqu’ile d’Howth, le cimetière de l'abbaye Sainte Mary est vanté par tous les guides touristiques. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Cloughor vaut évidemment par sa situation en face d’une grande plage abritée du vent atlantique, au sud de l’ile d’Arranmore, au nord de l’Irlande. L’ile, vaste mais qui se dépeuple rapidement, a récemment supplié Australiens et Américains de venir s’y installer. Pour mémoire, les locataires du cimetière ne sont pas comptés dans les statistiques de population. (Copyright Google Maps)

Le vieux cimetière d’Inver entoure une église en ruine difficilement accessible. La notice du site de généalogie du comté de Donegal dit qu'il a été fondé après 1460 et abandonné vers 1900 (pourtant il présente des photos de tombes récentes). Il précise que le sol en est accidenté et les noms effacés par les quantités de sable apportées par le vent. (Copyright Google Maps)

À suivre... 

 

vendredi 2 octobre 2020

Quelques actualités provisoires

Au fil des ans, certaines des 719 chroniques de Ce Glob ont reçu une ou plusieurs mises à jour pour correctif ou information actualisée, sous la forme d’un petit codicille daté, à la fin de la chronique. Et en dépit de beaucoup de temps perdu dans des forums spécialisés dans la langue de Walt Disney, la recherche d’un moyen, sur l’éditeur du blog, d’alerter le lectorat sur une mise à jour est restée infructueuse.
Alors pour savoir s’il y a des actualisations, et où elles se trouvent, il est nécessaire de rechercher « mise à jour » dans le blog au moyen du dialogue dans l’en-tête, ce qui n’est pas réellement convivial.

Aussi, malgré une actualité culturelle très indécise, voici, pour égayer le trimestre prochain, quelques mises à jour notables et relativement stabilisées...

Mad meg à Nancy au Musée des beaux-arts

Il n’est pas si facile de voir réellement des dessins de mad meg, parce qu’ils sont immenses, et parce qu’elle n’a pas encore la notoriété de ses ainés, Bosch, Brueghel et consorts. Mais c’est en bonne voie, le musée des beaux-arts de Nancy, judicieux comme souvent, vient de lui acheter son immense Cène « Feast of fools », et lui a demandé de fouiller dans les collections de gravures et dessins du musée et de concevoir une exposition autour de certaines de ses propres œuvres.
Ça se passe au musée, place Stanislas, du 10 octobre au 31 janvier, c’est ouvert à toute personne de tout âge et de tout genre, dont la température corporelle est comprise entre 35° et 38°C. Allez-y, ne serait-ce que pour faire un bilan de santé.

L’âge d’or de la peinture danoise à Paris au Petit palais

C’est l’exposition parisienne à ne pas manquer cette année, un peu comme la comète de Halley en plus modeste, elle ne passe au même endroit que tous les 35 ans ! 
Jusqu’au 3 janvier, vous y verrez 200 parmi les plus beaux tableaux de la peinture occidentale, mais vous ne le savez pas encore, les médias sont discrets. On en a suffisamment parlé ici en février dernier. Il ne devrait pas y avoir plus de monde qu’au Grand palais en 1985, mais ne vous étonnez pas si aujourd’hui tous sont masqués.
 
Josef Koudelka à Paris à la Bibliothèque nationale de France


S’il vous reste un peu de temps à Paris jusqu’au 16 décembre, mettez-le à profit pour traverser la Seine jusqu’au quai François Mauriac, vous y verrez un certain nombre, peut-être une centaine, des 170 grands panoramas de ruines méditerranéennes photographiées par Koudelka et offertes à la BnF.
En page 5 du dossier de presse vous en trouverez 12 petites reproductions. Surtout lisez bien les « Conditions d'utilisation des photographies » car il vous sera demandé de les effacer de votre mémoire, par tous les moyens pharmaceutiques appropriés. 
 
Ces paysages vides d’humains ne sont pas seulement les ruines d’une civilisation lointaine, il est bien possible qu’ils soient celles de l’Humanité. C’est ce que précise l’exergue de Koudelka « Les ruines ne sont pas le passé, mais le futur. Un jour, autour de nous, tout sera en ruine ». 
 
***
En illustration, détail d’une photo prise par Josef Koudelka en 1971 en Andalousie, à Grenade, publiée ici sans aucune autorisation.

vendredi 25 septembre 2020

La vie des cimetières (95)

Débute aujourd'hui, après l'Angleterre, une deuxième série des « cimetières vus de la rue », observés par Google Street view, cette fois dans la campagne irlandaise (dans les grandes villes, sauf exception comme ici à Dublin, les tombes sont le plus souvent cachées par de hauts murs).

Vous n'y verrez que des cimetières pittoresques, parfois abandonnés, souvent autour d’un édifice délabré. L’Irlande semble mettre un certain soin à les entretenir à l’état de ruine romantique, ou de décor de films de série à bon marché, ceux avec des zombies.

Chaque image sera suivie d’un lien vers la promenade virtuelle en trois dimensions du site de Google. Les dénominations des sites ne seront pas toujours exactes, en l'absence d'information c’est parfois le nom du hameau ou lieu-dit le plus proche.

Nonobstant plusieurs épisodes à venir, le sujet ne sera qu’effleuré. Il a fallu en écarter beaucoup pour ne pas ennuyer trop longtemps le lecteur et il en restera quantité à découvrir sur internet (en cherchant « cemetery, graveyard, ou burial ground » à différents niveaux de la cartographie), sans compter nombre de cimetières inaccessibles par la route, mais pourtant encore « actifs ».  

Bonne promenade. Et n’oubliez pas, une fois « sur place », de vérifier la présence de la petite horloge en haut à gauche. Si elle s’affiche, vous pourrez vous déplacer dans le temps (relativisons, dans le passé uniquement - Einstein nous surveille).

Les cimetières irlandais vus de la rue, Partie 1 (de 3)
l’intégration du cimetière dans le paysage irlandais
 

Addergoole cemetery, panoramique de 6000 pixels, le ciel est de 2009, les vaches de 2019 (Copyright Google Maps)

Glenndalough, Cimetière romantique très populaire, dans les montagnes de Wicklow au sud de Dublin. Google a même envoyé un reporteur pédestre le visiter. (Copyright Google Maps)

Rock of Cashel, comme Glenndalough, est un haut lieu historique et touristique, dans un site majestueux. Google a fait le tour à pied du vaste cimetière où les tombes ne se bousculent pas. (Copyright Google Maps)

Drumcliffe, beau et vaste cimetière dont on pourrait imaginer, vu d'avion, qu'il héberge tous les Irlandais passés. Ne pas le confondre avec l'autre Drumcliffe cemetery, à Sligo, 200 km au nord, plus modeste mais qui héberge le poète W.B. Yeats, vénéré par les irlandais dit-on. (Copyright Google Maps)

Castlequin, beau cimetière de plain-pied, fonctionnel, avec vue imprenable. (Copyright Google Maps)

Kill Mountain, cimetière perdu sur une ile du Connemara couverte d'une lande peuplée de cailloux. (Copyright Google Maps)

Kinard burial grounds, il faut quelquefois envisager l'avenir avec optimisme. (Copyright Google Maps)

Mooncoin old cemetery. Ne jugez pas, il y a un joli cimetière aéré et bien entretenu plus haut, en centre ville face à l'église. Il ne reste peut-être ici que des inconnus. (Copyright Google Maps)

Templecarne graveyard. Ses habitants se seraient installés ici entre les années 1600 et 1900. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Colman sur l'ile d'Inishbofin, dans l'Océan Atlantique nord, à 10 ou 15 kilomètres de la côte irlandaise. Des tombes qui disparaissent dans le sol, recouvertes par la couche des suivantes, un étang, des ruines, la mer, les vacances. (Copyright Google Maps)


À suivre... 

 

samedi 19 septembre 2020

Un peu de pub

M. Rykner, journaliste éminent et combattif dévoué aux choses de l'art (de certaines époques seulement), laissait libres d'accès, sur son site « La Tribune de l'Art », les articles généralistes importants. Les plus spécialisés étant réservés à ses abonnés payants. Connaisseur pertinent, il a souvent été référencé ici-même (7 fois en 10 ans).
 
Hélas le virus ayant fait fuir de son site, annulation après annulation, dit-il, les publicités lucratives, il en profita, dès le début du confinement, pour rendre tous les articles payants, sur abonnement donc.

Il s’en explique dans un article promotionnel où il sollicite des abonnements. On croit comprendre, à la lecture des premières lignes, qu'il se félicite de cette suppression totale de la gratuité (sauf de rares articles polémiques qu'il veut universels) puisqu'il estime que son chiffre d'affaire en 2020 sera supérieur à 2019, ce qui est bien la légitime aspiration de tout bon père de famille.


Peut-être est-il allé un peu loin dans la mise en œuvre de ce raisonnement gagnant puisque l’article, où l'on devine qu'il va justifier et promouvoir les avantages d'un abonnement, est hélas limité à quelques lignes, le reste étant réservé aux abonnés, ce qui est cocasse.

On dira que c'est une erreur due à l'empressement pour faire face à une recrudescence d'activité. Soulignons que cet accroissement n’est pas vraiment sensible pour l’utilisateur qui a plutôt noté dans le pays, à l’inverse, une importante régression et une grande complication d’accès aux évènements artistiques.
 
Ce petit incident met en lumière une question plus générale, l’angoisse devenue quotidienne de l’usager de la Culture. Car il est de bonne composition, l’usager, il aimerait bien s’abonner à tous ces sites passionnants, à tous ces services qui enrichiraient son esprit, mais son banquier l’observe, bienveillant.
 
Et ce modèle économique de prolifération des abonnements, s’il tranquillise les bienheureux bénéficiaires, ne fait qu’embrouiller la vie de l’usager de base. 
C’est l’exemple des logiciels de la société Adobe (Photoshop, etc), et de tant d’autres maintenant. Quand en 2014 elle cessa de vendre ses logiciels qu’elle transmua en « droit d’utilisation par abonnement », le cout et les désagréments pour bon nombre d’usagers furent multipliés par 2 ou 3.
Pour que d’aucuns prospèrent, il faut bien que d’autres y perdent, auraient dit Lavoisier ou carnot, même si d’incurables utopistes pensent que tout le monde pourrait y gagner, les lois de la thermodynamique ne sont plus si optimistes.

Naturellement M. Rykner n’y est pour rien. Il essaie de vivre dans ces circonstances hostiles, comme tous. Et son offre est alléchante, à 5 euros par mois pour les 10 ans à venir, au lieu de bientôt 8 euros. 10 ans ! Quelle curieuse promesse, romanesque.
 
Enfin, l’essentiel est que M. Rykner soit satisfait, visible par moins de lecteurs, certainement, mais content.
Nous suivrons désormais avec intérêt son humeur à la lecture des titres de ses chroniques.
 
***
L'illustration, copyright La Tribune de l'Art, est l'extrait lisible de l'article réservé aux abonnés.

dimanche 13 septembre 2020

Situation stationnaire

Depuis 6 mois, les considérables restrictions de déplacement des humains sur la planète, et ainsi la diminution de 75% du tourisme mondial, ont nécessairement ravivé la croisière stationnaire, la promenade virtuelle sur internet. D'autant que le voyageur immobile dispose depuis quelques années d'une dimension supplémentaire, il peut voyager dans le temps.  

On en avait parlé ici-même, il y a longtemps, quand l'application de bureau, Google Earth, puis le site internet Google Maps, après avoir intégré à leur cartographie la fonction Street View (la terre vue depuis la rue), y avaient ajouté entre 2009 et 2014 la chronologie, les saisons, les années.

Pour les amateurs de vues par satellite, qui souhaitent par exemple s'extasier devant la croissance régulière dans le Xinjiang des camps de vacances pour Ouïgours et Kazakhs, où la seule chose à être exterminée, au dire du chef de camp M. Xi Jinping, c'est la mauvaise humeur, pour ces amateurs d'évolutions à grande échelle, les instantanés chronologiques ne sont plus disponibles que dans l'application Google Earth pour ordinateur, et n'ont pas été intégrés dans les versions pour mobile ou ou internet. Cherchez un bouton bleu en forme d'horloge coiffée d'une flèche verte. 

Quant à la fonction Street View, sur le site de Google Maps (vous savez, dans les outils, en faisant tomber le petit personnage jaune d'une altitude létale), une illustration étant plus évidente qu'une phrase alambiquée, voyez ci-dessous comment on voyage dans le temps, quand l'horloge apparait en haut à gauche (après quelques secondes), en déplaçant le curseur temporel et sélectionnant la vignette.
Ici, à Aberdeen, Google est passée 4 fois en 9 ans.

 
Et comme Ce Glob est Plat n'avait pas fait de tournée des cimetières « vus de la rue » depuis celle d'Angleterre et d'Écosse en 2014, vous découvrirez bientôt ici un tour des cimetières pittoresques d'Irlande.
 

dimanche 6 septembre 2020

De Baschenis et des poussières


Evaristo Baschenis ou suiveur, instruments de musique remisés dans un intérieur (Vente aux enchères Christie's juin 2019).

 
Depuis le premier livre de la Bible des juifs et des chrétiens (1), tous les philosophes, les poètes, les sourates du Coran (2), les scientifiques les plus rigoureux, n'ont cessé de nous seriner que nous venons de la poussière, que nous ne sommes que poussière, et que nous retournerons à la poussière. C’est un point de vue propre à décourager les plus enthousiastes.
« C'est dire l'importance du plumeau » ajoutait Alexandre Vialatte dans une chronique de La montagne (3).

Les peintres ont échappé à cette métaphore, parce que la poussière est difficile à représenter en peinture, mais ils se sont rattrapés en multipliant, dans des allégories souvent surchargées qu'ils ont appelées vanités, les symboles bien visibles de notre insignifiance, crânes, sabliers, fleurs fanées, choses avariées.  
Certains, comme Pieter Elinga Janssens, ont bien figuré des femmes balayant la poussière dans des intérieurs du 17ème siècle, mais sans doute plutôt dans l'intention de vanter la propreté de la maison bourgeoise hollandaise. 
D'autres, astucieux, comme Tapiès ou Dubuffet, ont intégré la poussière comme pigment dans leurs œuvres, mais c'est un procédé un peu hypocrite, et le message reste brouillé.

Il existe pourtant un peintre qui s'est dévoué à la représentation de la poussière. On a peut-être rencontré ses tableaux, souvent de très grandes et élégantes natures mortes d'instruments de musique délaissés, aux marquèteries raffinées, luths, violons, violes, mandores, sans avoir forcément fait attention à la poussière et aux traces de doigts représentées sur le bois vernissé.
 

6 détails extraits de tableaux poussiéreux :
1ère colonne : Accademia Carrara à Bergame - Vente aux enchères juin 2019 (Baschenis ou imitateur) - Pinacothèque de Brera à Milan.
2ème colonne : Musée national de l'art occidental à Tokyo, - Vente aux enchères mars 2020 - Barber institute à Birmingham
.
 
 
Ce peintre, prêtre et musicien, s'appelait Evaristo Baschenis, né et mort à Bergame, en Lombardie (1617-1677). Élevé dans un milieu culturel propice (4) il inventa un style dont il devint virtuose, et eut beaucoup de succès et d'imitateurs qui ne l'ont jamais égalé.

On le rencontre dans de grands musées, évidemment en Italie du nord, à Bergame et Milan, mais aussi à Boston, Rotterdam, Birmingham, Tokyo, et dans beaucoup de collections privées, donc de temps en temps sur le marché de l'art où les plus beaux sont très disputés (presque 1,5 million de dollars à New York en avril 2006).

En mai 2016, à Bergame, était exposé un tableau exceptionnel, d'une collection privée, très grand pour une nature morte (1,63 mètre de large), sans date et couvert de poussière. Baschenis avait eu la main un peu lourde en saupoudrant cette fois tous les instruments de son modèle, peut-être de cendre. Est-ce pour mitiger cette impression décidément funèbre que le peintre a ajouté à droite une poire, une coupe de pommes mures et un œillet fraichement cueilli ? 
 

Evaristo Baschenis, instruments de musique extrêmement poussiéreux et coupe de pommes, sans date (Bergame, collection privée)
 
***
(1) Genèse 2-7, 3-14, 3-19, 13-16
(2) Sourates 13, 17, 22, 23, 27, 35, 37, 40, 56
(3) La montagne du 14 aout 1962, Chronique des plumeaux et des lions
(4) Ce lien et le précédent mènent vers des traductions automatiques par Gougueule, respectivement de l'italien et de l'anglais, qui ne sont donc pas totalement respectueuses de la grammaire française mais sans contresens majeur à 95%.

mardi 25 août 2020

En vrac, mais en haute définition


Mad meg détaille son immense dessin Feast of fools.

D’abord, mad meg.
Il y a toujours un intérêt à retourner sur le site fabuleux de mad meg. Parce qu’elle l’enrichit de ses grouillants dessins à la plume, notamment ses Patriarches, et parce qu’elle a mis en ligne une vidéo de 50 minutes où elle présente à sa manière affranchie, drôle et instructive, son immense dessin « Feast of fools », version inouïe et entomologique de la Cène de Léonard de Vinci (l'image de la vidéo est insuffisante, aussi est-il conseillé d'ouvrir simultanément une autre fenêtre du navigateur avec le dessin, pour y suivre ses commentaires).
 
Puis Van Eyck.
Après 6 siècles, son polyptyque de l’Agneau mystique n’est toujours pas sec et sent le vernis frais. Depuis 2012, il est entre les mains des restauratrices du musée de Gand, pour 5 ans, disait-on. Elles ont un peu débordé, mais ne les harcelons pas, c’est une œuvre gigantesque de près de 25 mètres carrés de surface peinte (loi Carrez).
Le site surnaturel CloserToVanEyck a changé d’adresse. Il montre désormais l’avancement des travaux, et ainsi, à peine sec, le panneau central, avec, entre autres, la reconstruction du paysage urbain, à l’horizon sous la colombe (illustration ci-dessous), et l’agneau qui a retrouvé son regard humain et perdu 2 de ses 4 oreilles.
Remarquons, sur le même panneau, que les petits prophètes de l’Ancien testament agenouillés à gauche, qu’on pensait, à leur mine attentive, captivés par la cérémonie, sont en fait de sacrés simulateurs. Pas un n’a sa bible ouverte à la même page.

Les mauvais esprits adeptes de la règle de trois auront noté qu’après 8 ans il reste à nettoyer 7 panneaux sur 24, et escompteront donc un retable remis à neuf vers la fin de 2023.
Gardons-nous de tout optimisme et pronostiquons plutôt 2025, car les derniers panneaux sont sans doute les plus périlleux, Ève, Marie, Adam, les magnifiques musiciens, et puis le Patron. Rappelons que le Louvre n’a jamais osé nettoyer son Van Eyck majeur, la Vierge et Rolin, qui ne couvre qu’à peine un demi-mètre carré (et c’est pourquoi il semble aujourd’hui sorti tout droit d’une vespasienne).

Détail du panneau central du retable de l'Agneau mystique de Van Eyck. 
À gauche, avant le retrait de la crasse et des repeints accumulés depuis des siècles. À droite, après débarbouillage.

Et, si vous n’aviez jamais vu un pastel virtuose de très près (leur fragilité fait qu’on les expose peu), la National Gallery de Londres vient d’hériter un « Petit déjeuner » de l’excentrique Liotard, suite à la mort d’un banquier collectionneur dont les héritiers n’avaient pas en poche les 8,7 millions de livres sterling des droits de succession. 
Jean-Étienne Liotard (1702-1789) était un grand voyageur. Il avait gardé d’un séjour à Constantinople des habitudes vestimentaires orientales qu’il exhiba à travers toute l’Europe, car le pastel est une technique très portable, qui ne demande pas de temps de séchage (comme les crayons de couleur). Les plus privilégiés de l’époque, reines, papes, artistes, aristocrates, en furent ainsi portraiturés, à grands frais.

La National Gallery permet la consultation du Petit déjeuner de la famille Lavergne en haute définition (6000 x 4500 pixels) mais pas le téléchargement.
Remarquez les gestes concentrés sur le café au lait sur le point de déborder de la tasse de l’enfant, et la signature du peintre, qui dépasse du tiroir « Liotard, à Lyon [a Lion], 1754 ».
 
Enfin Rembrandt, encore.
Le Rijksmuseum d’Amsterdam, qui vient de clore en 2019 les festivités du 350ème anniversaire de la mort de Rembrandt n’a pas osé lancer en 2020 le 414ème de sa naissance, mais il a lancé dès 2019 la restauration de son plus grand tableau, la « Ronde de nuit », 16 mètres carrés.
Le musée en fait des kilos sur l’opération qui prendra plusieurs années et se déroulera en public, dans une grande vitrine, comme dans les rues chaudes de la ville. À l’entendre, il serait le tableau majeur du Rijksmuseum, sans lequel, s’il était décroché, les 2 millions de visiteurs annuels ne sortiraient même pas de chez eux.
Et de fournir des anecdotes croustillantes sur les attentats à l’acide et au couteau qu’il a dû subir, et d’en rajouter sur les mystères les plus profonds qui seront nécessairement dévoilés par ce récurage. 
Est-ce que l’œil du spectateur au béret, au fond du tableau, est un autoportrait de Rembrandt ?
 
Il faut bien excuser les millions d’euros de l’opération.
Il parait qu’une webcam doit témoigner en permanence de la restauration...

Dans cette parade de la compagnie de gardes civils du maire d'Amsterdam, Frans Banning Cocq, peint par Rembrandt en 1642, il n'y aurait, à part la jeune femme au poulet dont le rôle est incertain, que des membres de la garde civile et un seul spectateur, dont on n'entrevoit que le béret et un œil indiscret.

lundi 17 août 2020

Des méfaits de la crédulité

On prétend que Léonard de Vinci a inventé le parachute (Appuyez page 1058 sur le mot VERSO). C’est une fiction. En vérité le parachute ascensionnel avait été inventé 15 siècles auparavant comme le prouve cette reconstitution de l’invention, dans la basilique de la Sagrada Família à Barcelone.

Avertissement : la plupart des liens de cette chronique sont dans la langue de Walt Disney. C'était inévitable. Notez que les traductions par Gougueule de l'anglais vers le français, proposées automatiquement par les principaux navigateurs internet, sont devenues très fréquentables.
 
Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu (Jean 20,29)
 
Aux États-Unis d’Amérique, pour entretenir la croyance dans les fééries les plus populaires, endiguer la fuite de la crédulité sous l’effet du confort matériel et de l’instruction publique, et en tirer des bénéfices, on trouve toujours des bienfaiteurs philanthropes pour créer des fondations scientifiques avec distribution de bourses et récompenses, des musées, voire des parcs d’attraction fantaisistes, histoire d’endoctriner dès le plus jeune âge. (1)
 
Monsieur Green est milliardaire, fils de prédicateur évangéliste, propriétaire d’une chaine de 932 magasins d’art et d’artisanat américains. Très croyant, il donne beaucoup d’argent aux fondations fondamentalistes ultra-réactionnaires, et un peu moins à ses employés. Il les aurait, à l'occasion de la pandémie, quasiment tous licenciés sans indemnités (2). C’est parce qu’il veut consacrer sa fortune à sa foi.
 
Ainsi il vient d’ouvrir en novembre 2017, avec son fils M. Green, un monumental musée de la Bible, au centre de Washington, qui a été béni par le pape François.
Il ne pouvait mieux choisir. La Bible est le livre sacré, le guide moral et intellectuel des juifs, des chrétiens et de quelques autres sectes et il aurait été vendu, toutes versions confondues, en plus de 5 milliards d’exemplaires. (3)

Pour décorer son musée, M. Green avait acheté depuis 2009 des milliers d’artefacts, pillés en Irak quand son pays s’y est installé de force en 2003, ou volés dans d’autres pays.
M. Green, qui croit que l’humain est bon naturellement, n’imaginait pas que ces objets avaient pu être subtilisés ou produits de fouilles illégales, bien qu’il en ait été averti par ses employés, ses avocats et enfin par le ministère de la Justice américain.

En 2014, M. Green achetait aux enchères contre 1,6 million de dollars une rarissime tablette mésopotamienne d’un épisode de l’épopée de Gilgamesh, gravée en caractères cunéiformes. La société de vente, réputée, en garantissait l’irréprochabilité.
M. Green, qui croit que l’humain est honnête naturellement, ne pouvait pas se douter que cette merveille appartenait au trésor national d’un peuple que son propre pays avait « civilisé ».

Plus récemment, M. Green achetait une bible microfilmée montée en médaillon. C’était la première Bible revenue de la lune en 1971 avec l’astronaute E. Mitchell. Il l’exposait fièrement dans son musée.
M. Green, qui croit que l’humain est fraternel naturellement, ne pouvait pas savoir qu’à l’instar du saint prépuce de Jésus ou de la plupart des reliques de son culte, il existait des dizaines de bibles miniatures descendues de la lune et de sévères querelles d’experts à leur sujet.

En 2002 apparaissaient sur le marché 70 confettis gribouillés qu’un certain nombre de spécialistes identifièrent comme des fragments des manuscrits de la mer Morte (4). Les prix s’envolèrent. Au début des années 2010, M. Green dépensait une fortune pour 16 de ces lambeaux qu’il exposera dans une sorte de sanctuaire aux lumières chaleureuses au sein du musée, aux dires du National Geographic.
M. Green, qui croit que l’humain est intègre et rigoureux naturellement, n'aurait pas pu imaginer que des spécialistes avaient, dès leur apparition, émis des doutes sur l’authenticité de ces fragments.

Alors il faut imaginer les ébahissements successifs de l’infortuné M. Green quand toutes ces acquisitions furent remises en cause l’une après l’autre, entre 2017 et 2020, d’abord par la justice et les douanes qui saisirent 3800 objets, ordonnèrent le retour en Irak et en Égypte de 11 500 autres, et lui infligèrent une amende de 3 millions de dollars. (5)

Il eut plus de chance avec l'experte qui remit publiquement en doute la Bible lunaire miniature, au motif qu’elle était numérotée sur 3 chiffres alors que les authentiques (dont elle-même possédait une dizaine) le sont sur 5 chiffres. Magnanime (et astucieuse) l’experte en a offert un exemplaire à M. Green qui l’expose désormais à la place de l’autre. Elle y gagne un pédigrée flatteur et certainement une cote rehaussée pour cette dizaine d’exemplaires.

Puis M. Green dut restituer en 2019 quelques objets volés (mais acquis de bonne foi), et subir en 2020 la saisie de la tablette de Gilgamesh par les autorités fédérales.

Devant tant de coups du sort, M. Green jugea approprié de lancer une opération d’absolution, qui passerait nécessairement par l’expertise de toute sa collection (ce qu’il en restait), et informa les médias de son innocence naïve et de sa confiance abusée.

Les 16 manuscrits de la mer Morte, déjà contestés, étaient les premiers à faire les frais de cette pénitence. Si certains se révélaient forgés, le musée pensait exposer côte à côte un authentique et un contrefait, pour démontrer au public, qui n’y verrait pas de différence, qu’il est si facile d’être trompé. Mais les experts ont conclu en mars 2020 qu’il n’y avait pas de fragment authentique. Les 16 étaient des faux modernes.

Un expert, qui les avait authentifiés dans un catalogue en 2016, explique au National Geographic « Je ne dirai pas qu'il n'y a aucun fragment inauthentique parmi les fragments du musée de la Bible mais, de mon point de vue, leur inauthenticité en tant qu'ensemble n'a pas encore été prouvée hors de tout doute. Ce doute est dû au fait que des tests similaires n'ont pas été conduits sur les manuscrits incontestés de la mer Morte afin de fournir une référence de comparaison… »
Quel style ! Quelle phrase ! Elle décolle avec une étourdissante triple négation, puis se maintient à un niveau où manque l’oxygène, si bien qu’il faut la relire deux ou trois fois avant de comprendre que le brave homme pédale en réalité dans la semoule.

Malgré cette collection de rebuffades, abondamment contées dans la presse, le musée dit avoir accueilli un million de visiteurs en 2019. Doit-on le croire ?
Certainement. La visite d’un musée est une récréation. Nous y allons en général pour nous divertir en flattant nos croyances, pas pour mettre en doute nos certitudes. Quel visiteur adulte et raisonnable de l’exposition sur les météorites, au Muséum d’histoire naturelle de Paris en 2017, n’a pas été tenté de toucher les supposés morceaux de la Lune et de Mars qui étaient exposés ?

*** 
(1) Soyons juste, la science, qui est une autre croyance, agit pareillement. La seule différence est qu'elle change régulièrement de croyance, dès qu’elle en trouve une nouvelle plus efficace que la précédente, et qu'elle aime ça, alors que la non-science considère qu’elle possède déjà la vérité définitive et se défend, souvent violemment, contre tout changement de vérité.
(2) Humaniste également, il a obtenu en 2014 une décision de la Cour suprême des États-Unis autorisant que certaines entreprises, en raison de préférences religieuses, soient exemptées de l’obligation de fournir à leurs employés une assurance maladie couvrant des moyens de contraception
(3) On notera que les records de vente de livres sont monopolisés par les sectes (au sens large), et que l’addition de leurs ventes, avec les 3 milliards de Corans et le milliard de Petits livres rouges du président Mao, dépasse largement la population mondiale, et qu’il est donc bien possible que certains possèdent plusieurs de ces livres sacrés, si vous voyez le sacrilège que cela représente, mais nous ne dénoncerons personne. Et il va sans dire que ces chiffres sont totalement hypothétiques, voire absolument faux mais il faut bien écrire quelque chose pour exprimer l’inimaginable
(4) Les manuscrits de la mer Morte sont un célèbre puzzle d’une centaine de milliers de pièces de parchemins, trouvées dans les années 1940-50 dans des grottes de Qumran en Palestine, et qui se révèleront, une fois reconstitués, être des extraits vieux de 1900 à 2300 ans de la Bible des Hébreux.
(5) En Amérique, la loi permet parfois de récupérer in extremis un bénéfice qu’on aurait laissé passer par étourderie. En 2003, trop occupées à mettre en place en urgence les moyens de s’approprier les ressources irakiennes en pétrole, les forces armées étatsuniennes avaient bêtement laissé piller le musée des antiquités de Bagdad par d’autres, sans y prêter attention. Finalement, une application vertueuse de la loi sur la contrebande d’objets d’art et la fraude fiscale autorise un tardif mais juste retour sur investissement.