lundi 24 janvier 2011

Carthago reficienda est *

Lorsque vous êtes un petit despote médiocre, que vous avez, de votre passé de ministre de l'intérieur, créé un réseau policier aussi dense et servile que corrompu, et que vous avez confisqué beaucoup des ressources du pays au profit de votre famille et de vos amis, c'est évidemment une erreur que de verser le sang du peuple, à qui il reste bien peu à perdre.
Le président à vie (jusqu'à présent) de la Tunisie vient de l'expérimenter. Au lieu de prendre conseil auprès de ses collègues en corruption, français ou italiens, et d'accepter l'assistance « de notre savoir faire en matière de maintien de l'ordre » que lui proposait la consternante première diplomate de France, il a perdu son sang-froid et fait fusiller des dizaines de manifestants. Il s'est sottement comporté en tyranneau médiéval là où ses amis chefs d'état, pourtant moins expérimentés et pris parfois au cœur d'intenses remous sociaux, réussissent à faire gober sans douleur, lois iniques, népotisme, faveurs et combines.

Le drapeau tunisien flotte un peu chiffonné sur Carthage outragée, Carthage colonisée, Carthage pillée mais Carthage libérée.Résultat, le président est en fuite. Un printemps précoce fleurit au nord de l'Afrique, et comme après une finale de coupe du monde de football l'exaltation populaire est au zénith.

Rassurez-vous, Messieurs, O ministres intègres, qui possédez là-bas villa en bord de mer, si vous ne commettez pas l'erreur d'héberger en France l'exil de votre infortuné confrère, si vous affichez ostensiblement une certaine désapprobation, et si vous n'intervenez pas trop dans les tentatives de restauration de l'ordre par les séides de l'ancien régime sortis de l'obscurité, vous aurez toutes chances de recouvrer bientôt la jouissance de vos palais carthaginois à l'ombre des moucharabiehs.
Et si néanmoins le printemps s'éternisait un peu trop en Tunisie et remettait en cause vos droits de propriété, vous pourriez toujours, par un décret bien ajusté, vous rembourser sur les biens du despote et de sa famille, que vous avez pris soin de consigner en France.

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* Carthago reficienda est : Carthage doit être reconstruite.

1 commentaire :

Tilia a dit…

Les tunisiens ne sont, hélas, pas encore au bout de leurs peines.

Pourvu qu'ils ne tombent pas du despotisme laïque dans la tyrannie religieuse.