dimanche 15 mars 2015

L’ange corrompu de Gaetano Zumbo

Le touriste qui a l'idée saugrenue de visiter à Florence le musée d'histoire naturelle « La Specola », près du palais Pitti, y découvre parmi les araignées les scorpions et les scolopendres méthodiquement alignées dans des boites de carton, après des vitrines bondées d’oiseaux absolument identiques et empaillés, quelques salles lugubres consacrées à la somptueuse collection de cires anatomiques humaines.
Cercueils transparents où reposent alanguies des Vénus éventrées qui présentent fièrement les détails de leur anatomie interne, profusion d’organes sains ou malades, de membres écorchés, de têtes dépecées, tous modelés dans la cire colorée à l’imitation de la réalité, par Gaetano Zumbo notamment, à la fin du 17ème siècle ou Clemente Susini un siècle plus tard.

Parmi ces cires sont quatre scènes de fléaux naturels, sortes de dioramas mis en scène comme des petits théâtres baroques sous verre où sont représentés des personnages dans toutes les phases de la décomposition. Ces scènes édifiantes, pathétiques et scientifiques sont de Zumbo. Elles illustrent la mort (sepolcro), la peste, le temps et la syphilis (il morbo gallico).

La dernière est une reconstitution imaginée à partir de fragments retrouvés dans un réserve du palazzo Mozzi, qui avait souffert des inondations de Florence en 1966. Et les restaurateurs ont placé, parmi les corps et les morceaux illustrant les divers états de la maladie, à droite de la scène, un chérubin qui trainait, un angelot qui semble endormi.
Dans l’iconographie occidentale, les angelots servent à tout et à n’importe quoi. Messagers de Dieu, contrepoint moralisateur, point de vue du peintre, remplissage d’une zone délaissée de la toile, ils envahiront l’art pendant des siècles, ribambelles de chérubins mièvres virevoltant en nuées grassouillettes, riant ou pleurnichant niaisement.

Mais ici l’ange de Zumbo est mort. Sa peau est verdâtre, dans un état avancé de putréfaction, son ventre est ouvert. Le bandeau qui couvre ses yeux symbolise traditionnellement l’aveuglement du destin, qui détruit tous indifféremment, jusqu’aux êtres imaginaires.



2 commentaires :

Anonyme a dit…

J'ai visité la Specola à l'âge de 12 ans lors d'un voyage scolaire ( école catholique ) 50 ans après je n'ai pas pu oublier...

Costar a dit…

C'est effectivement le genre de musée qui impressionne l'adolescent. Le musée des sciences de Florence, de l'autre côté de l'Arno, présente également, en moindre quantité, des cires anatomiques assez inquiétantes. C'est un monde étrange.