mardi 8 janvier 2019

Tableaux singuliers (10)

Chaque œuvre du peintre flamand Petrus Christus justifierait son apparition dans cette chronique irrégulière dédiée aux tableaux singuliers. On lui en attribue moins d’une trentaine.

Devenu membre de la guilde des peintres à Bruges en 1444, peu après la mort de Van Eyck, il est peut-être le « Pietro Crista élève de Van Eyck » que cite Vasari dans Les Vies, ou le « Piero Cresci de Bruges », à Milan en 1456 quand Antonello de Messine y était, et qui lui aurait montré la technique inventée par Van Eyck, ce mélange d’huile et de résine pour lier les pigments colorés, qui remplacera bientôt les autres techniques dans toute l’Italie.


La particularité de Petrus Christus, c’est qu’il ne semble pas avoir été formé dans les grands ateliers de l’époque, chez Van Eyck ou Van der Weyden, mais qu’il s’efforce un peu maladroitement de leur ressembler.
De Van Eyck il n’a pas la solennité, ni de Van der Weyden la gravité. Ses volumes sont simples, presque naïfs, et ses personnages ont des poses un peu raides, ce qui leur donne l’aspect de santons dans des décors miniatures, mais fait la fraicheur ingénue de son style.
S’il respecte globalement les canons de l’iconographie, il surprend maintes fois par des inventions dans la perspective, ou dans l'intégration des figures dans l’espace.

Il suffit de piocher dans la série incomparable des 5 œuvres hébergées par le Metropolitan museum de New York pour remonter à chaque fois une pépite, comme l’incroyable portrait d’un moine chartreux auréolé d’une mystérieuse lumière rouge, une lamentation géométrique, ou un orfèvre corail.

Et puis il y a cette extraordinaire et unique scène d’Annonciation (illustrations), vue d’un point surélevé dans une légère perspective plongeante, comme d’un drone équipé d’une optique à grand angle survolant la scène, et surprenant un curieux conciliabule, sur le pas d’un porche annexe qui donne sur un jardin abandonné.



Post scriptum :
Qui connait l’œuvre de ce primitif flamand se sera peut-être étonné de ne pas trouver ici, plutôt que cette Annonciation dont l’attribution à Christus reste discutée (voir les nombreux avis d’experts - en anglais - au chapitre References), le portrait de jeune femme à l’étrange et singulière pureté, du musée Gemäldegalerie de Berlin.
C’est parce que ce petit panneau est une singularité parmi les singularités, unique dans l'histoire du portrait. Un hapax disent les linguistes. Et tous les mots pour en parler sont inutiles.

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