Français, encore un effort…
« Français, je vous le répète, l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et de l’encensoir […] Encore un effort ; puisque vous travaillez à détruire tous les préjugés, n’en laissez subsister aucun […] pulvérisons à jamais les idoles […] nous ne voulons plus d’un dieu sans étendue et qui pourtant remplit tout de son immensité, d’un être souverainement bon et qui ne fait que des mécontents […] »
Parmi les conseils que le marquis Donatien de Sade prodiguait aux Français en 1795 dans « La philosophie dans le boudoir - Dialogues destinés à l'éducation des jeunes demoiselles », ceux qui fustigeaient les religions étaient sans équivoque.
Mais assourdis par les délires de brutalité érotomane de l’auteur, et la rareté des éditions longtemps clandestines, ces conseils ont été largement ignorés.
On le constate 226 ans plus tard ; malgré un effort évident, près de la moitié des Français sont encore croyants. C’est ce qu’affirme un récent sondage.
Plus ou moins régulièrement, quand l’actualité se calme ou se répète trop et que les organismes de sondage s’ennuient, paraissent des chiffres sans intérêt sur lesquels se précipitent mollement les grands médias ou les blogs en manque d’inspiration. En ce début d’automne, c’est la croyance des Français en Dieu (la majuscule de Dieu vient des rédacteurs du rapport et des médias respectueux).
En 10 ans, les non croyants en France seraient donc devenus majoritaires, passant de 44 à 51% des sondés (page 12 du rapport). Si la tendance reste linéaire le pays ne croira plus en dieu en 2091 exactement. Les pessimistes objecteront que les Français, s’il en reste alors, seront surtout concentrés sur les oracles de la météo nationale et la courbe des températures.
Le Dieu incarné de la religion chrétienne, pétrifié en pierre calcaire cette fois par Michel-Pascal en 1856 sur le tympan externe de la basilique de Vézelay, dans un pastiche assez élégant du style roman sous la direction de Viollet-le-Duc.
En réalité, le rapport du sondage d’opinion présente, en préambule page 3, le degré de confiance qu’on peut lui accorder, en raison du nombre d’individus sondés, soit 1018. Et là où les médias annoncent 51% de mécréants, il faut comprendre un nombre compris entre 48% et 54% des Français ne croient pas, ou encore un nombre compris entre 46% et 52% des Français croient. La différence est subtile. Imaginez la même fourchette d’imprécision dans les prévisions d’un sujet moins futile !
Et le rapport illustre cet à-peu-près dès la page 5, dans un tableau relatif à la fréquence des discussions sur la religion. Dans une opération périlleuse, le sondage additionne 7 à 29 et trouve résolument 38, ce qui implique que pour l'institut de sondage 38 + 64 = 100, à 2% près, ce qui reste inférieur à la marge d'erreur autorisée.
Évidemment, ce genre d’approximation trouble la confiance.
Et finalement, la seule certitude qui résultera de ce sujet d'automne frelaté et creux, c’est qu’en France aujourd’hui, exactement 519 personnes ne croient en aucun dieu et très précisément 499 croient. Ce sont les seules données obtenues sans biais, directement à la source. Reste à en interroger encore 57 millions de plus de 18 ans (car les mineurs ont été exclus).
Notons enfin que dans le même sondage, décidément très inspiré, on estime page 19 que 18,5 à 23,5% des Français ont ressenti l’éveil d’un sentiment religieux ou d’une fibre spirituelle devant le spectacle de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame à Paris en avril 2019.
Admettons, mais rappelons que cette exaltation qu’on croit métaphysique se produit également quand l’équipe nationale de football enlève une victoire déterminante ou quand l’armée défile au pas cadencé sur une grande avenue ; on se met à imaginer qu’existent réellement des entités abstraites comme la nation ou la patrie. C’est un phénomène grégaire assez commun propre à l’espèce humaine.
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