samedi 7 juillet 2012

La vie des cimetières (44)

LE ROI : Les rois devraient être immortels.
MARGUERITE : Ils ont une immortalité provisoire.
Eugène Ionesco, Le roi se meurt, 1962

L'amateur de littérature qui flâne à Paris dans le cimetière du Montparnasse feuillette un album de ses souvenirs en déchiffrant sur les tombes des noms dont il a jadis lu les livres. Des phrases lui reviennent à l'esprit. Tel écrivain qui l'a impressionné est là, tangible, incontestable, son univers se matérialise sur la pierre usée, parmi les mousses humides.
Le cimetière du Montparnasse est empli de ces noms mémorables.

D'abord leur maitre, Charles Baudelaire, douloureux poète à la fois de l'horreur et de l'extase de vivre, condamné par la justice pour offense à la morale et aux bonnes mœurs, et syphilitique. Il est enterré dans la fosse familiale, sous l'autorité et les décorations du général Aupick, le beau-père.
Trop misérable sépulture aux yeux de ses admirateurs qui lui érigèrent 35 ans plus tard, en compensation, un impressionnant cénotaphe à l'autre bout du cimetière. On y admire la momie du poète gisant, surmontée d'une immense chauve-souris ultra-plate et d'une sorte de brute occupée à se concentrer pour penser.

Alentour Ionesco, Beckett, Topor, Cioran, auteurs de l'étrange, de l'insolite, cyniques qui ont bouleversé notre vision du monde. Leurs tombes sont sans histoire, dépouillées au point qu'on ne les distingue pas parmi les milliers d'autres. Ici leur ironie s'est tue.

Puis Proudhon, Emmanuel Bove, Marguerite Duras, Jean-Paul Sartre, d'autres encore.

Et entre ces écrivains, la providence (ou la fatalité) a clairsemé les plus grands lexicographes, faiseurs de dictionnaires et d'encyclopédies, Pierre Larousse et ses définitions polies comme des perles fines, Émile Littré, Ernest Flammarion, Louis Hachette, afin de remettre un peu d'ordre alphabétique dans ce fouillis de pages et de mots éparpillés.




16 impressions du cimetière du Montparnasse à Paris, le 29 avril 2007.

2 commentaires :

Tilia a dit…

Très moche, cet esquelette de chiroptère.
Pauvre Baudelaire !
et pauvres chauves-souris,
toujours associées au malheur...

Costar a dit…

Oui mais elles le cherchent, à se lever quand tout le monde va se coucher, ça ne favorise pas les échanges, et puis elles sont encore plus discrètes que l'air qu'elles déplacent. Alors forcément, on ne peut s'empêcher de se faire des idées.