Du bruit qui pense
Anges musiciens, détail de la porte centrale de la cathédrale de Florence, bronze d'Augusto Passaglia (vers 1899-1903) |
Par les pluvieux après-midis de printemps, quand le temps s'étire sans fin, quand l'ennui s'insinue jusque sous la peau, quoi de plus doux, de plus réconfortant, que d'écouter un peu de musique classique dont les grands auteurs disent qu'elle calme même les douleurs les plus sourdes.
Mais tout le monde n'a pas été initié à la culture classique. Aussi pour révéler à chacun cet univers si raffiné, les grandes entreprises de la culture ont-elles déployé les puissants moyens de l'Internet. Rendez-vous par exemple dans le magasin en ligne de la firme à la pomme, qui a vendu 25 milliards de morceaux de musique.
Il est accessible de n'importe quel ordinateur ou téléphone moderne. Il faut ouvrir le logiciel gratuit iThunes (tout un programme) puis dans le choix des Genres opter pour Classique, enfin appuyer sur Classement. Vous êtes transportés sur la page Classement Albums classiques, classée par défaut dans l'ordre des meilleures ventes. Les plus grands chefs d’œuvre classiques de l'humanité dégoulinent alors sur la page.
Et vous pouvez écouter quelques secondes, voire une minute de chaque, sans payer !
Pour l'édification des nouveaux-venus dans cet univers de consolation et de joie, voici quelques albums choisis parmi les premiers de la liste (le classement peut avoir changé depuis la réalisation de cette chronique).
Le premier album, « Getz/Gilberto » , est un mélange de jazz et de bossa-nova où le saxophoniste Stan Getz et Joao Gilberto interprètent Carlos Jobim. Splendide album qui n'est pas vraiment de la musique classique, mais sans conteste un classique de la musique. Qu'importe, l'excellence se joue des catégories.
Le quatrième album, après les nocturnes pour piano de Chopin par Arthur Rubinstein, est « Les essentiels de Ludovico Einaudi ». Einaudi est un musicien contemporain, pianiste minimaliste, très apprécié dans le monde du cinéma et de la publicité. La grande force de sa musique est qu'à la première écoute l'auditeur a l'impression de la connaitre déjà et de l'avoir beaucoup entendue.
Le huitième album est le « Requiem » soi-disant de Mozart. Musique obèse, très peu de Mozart qui est mort pendant sa composition, achevée par quelques élèves zélés, notamment le médiocre Sussmayr.
Le quinzième album s'intitule « Je n'aime pas le classique, mais ça j'aime bien ! » Il compile 45 des piliers de la musique classique, en commençant par les pièces favorites des mélomanes nazis (Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, Carmina Burana de Carl Orff et la chevauchée des walkyries de Richard Wagner), suivies de 42 tubes bien connus des amateurs de publicités. Étrangement, aucune musique de Beethoven dans ces merveilles de pesanteur. Mais signalons que devant le succès de l'objet l'éditeur a réitéré avec « Je n'aime toujours pas le classique, mais ça j'aime bien ! », placé en quatre-vingtième position. Beethoven y fait une entrée remarquée avec trois pièces.
Le vingt-cinquième album est « Héros Legio patria Nostra », recueil de chansons et chœurs de la Légion étrangère. Là encore, ce n'est pas réellement de la musique classique, mais on y trouvera les grands classiques du bon goût (le boudin, un dur un vrai un tatoué, le chant de l'oignon, une reprise du boudin, Lili marleen) et la Marseillaise, hymne de tous les amateurs de la musique qui en a.
Arrêtons-là ce panorama (1). On comprend pourquoi certains l'appellent la Grande Musique. Victor Hugo, grand aussi, aurait déclaré de la musique que c'est du bruit qui pense. On ne saurait mieux dire.
Mais tout le monde n'a pas été initié à la culture classique. Aussi pour révéler à chacun cet univers si raffiné, les grandes entreprises de la culture ont-elles déployé les puissants moyens de l'Internet. Rendez-vous par exemple dans le magasin en ligne de la firme à la pomme, qui a vendu 25 milliards de morceaux de musique.
Il est accessible de n'importe quel ordinateur ou téléphone moderne. Il faut ouvrir le logiciel gratuit iThunes (tout un programme) puis dans le choix des Genres opter pour Classique, enfin appuyer sur Classement. Vous êtes transportés sur la page Classement Albums classiques, classée par défaut dans l'ordre des meilleures ventes. Les plus grands chefs d’œuvre classiques de l'humanité dégoulinent alors sur la page.
Et vous pouvez écouter quelques secondes, voire une minute de chaque, sans payer !
Pour l'édification des nouveaux-venus dans cet univers de consolation et de joie, voici quelques albums choisis parmi les premiers de la liste (le classement peut avoir changé depuis la réalisation de cette chronique).
Le premier album, « Getz/Gilberto » , est un mélange de jazz et de bossa-nova où le saxophoniste Stan Getz et Joao Gilberto interprètent Carlos Jobim. Splendide album qui n'est pas vraiment de la musique classique, mais sans conteste un classique de la musique. Qu'importe, l'excellence se joue des catégories.
Le quatrième album, après les nocturnes pour piano de Chopin par Arthur Rubinstein, est « Les essentiels de Ludovico Einaudi ». Einaudi est un musicien contemporain, pianiste minimaliste, très apprécié dans le monde du cinéma et de la publicité. La grande force de sa musique est qu'à la première écoute l'auditeur a l'impression de la connaitre déjà et de l'avoir beaucoup entendue.
Le huitième album est le « Requiem » soi-disant de Mozart. Musique obèse, très peu de Mozart qui est mort pendant sa composition, achevée par quelques élèves zélés, notamment le médiocre Sussmayr.
Le quinzième album s'intitule « Je n'aime pas le classique, mais ça j'aime bien ! » Il compile 45 des piliers de la musique classique, en commençant par les pièces favorites des mélomanes nazis (Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, Carmina Burana de Carl Orff et la chevauchée des walkyries de Richard Wagner), suivies de 42 tubes bien connus des amateurs de publicités. Étrangement, aucune musique de Beethoven dans ces merveilles de pesanteur. Mais signalons que devant le succès de l'objet l'éditeur a réitéré avec « Je n'aime toujours pas le classique, mais ça j'aime bien ! », placé en quatre-vingtième position. Beethoven y fait une entrée remarquée avec trois pièces.
Le vingt-cinquième album est « Héros Legio patria Nostra », recueil de chansons et chœurs de la Légion étrangère. Là encore, ce n'est pas réellement de la musique classique, mais on y trouvera les grands classiques du bon goût (le boudin, un dur un vrai un tatoué, le chant de l'oignon, une reprise du boudin, Lili marleen) et la Marseillaise, hymne de tous les amateurs de la musique qui en a.
Arrêtons-là ce panorama (1). On comprend pourquoi certains l'appellent la Grande Musique. Victor Hugo, grand aussi, aurait déclaré de la musique que c'est du bruit qui pense. On ne saurait mieux dire.
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(1) Le mélomane pointilleux qui aura remarqué quelque anomalie dans les choix de la firme à la pomme se repliera vers des magasins en ligne plus sérieux, Qobuz par exemple.
8 commentaires :
Faites notre éducation Monsieur, quand on n'est rien et qu'on ne connait rien, on ne sait pas par quoi commencer.
J'attends votre liste du débutant.
J'espère qu'elle me fera sauter le coeur dans la cage thoracique autant que vos peintures et vos sculptures.
Annie B
À AB,
Ah ! Échanger ses goûts est une des choses les plus complexes qui soient dans les rapports humains. On partage rarement plus qu'une petite part de nos goûts avec autrui. Les personnes qui s'apprécient s'arrêtent à la zone partagée et évitent pudiquement d'aborder le vaste espace des différences. On ne devrait d'ailleurs jamais parler de ses goûts dans une chronique au risque de s'aliéner à chaque fois une partie des lecteurs, mais on ne peut pas y résister, probablement par provocation.
Il me semble que l'évolution de ses propres goûts ne peut être qu'une quête solitaire mais il existe peut-être des moments rares, des passages mystérieux qui permettent de transmettre ce qu'on aime en déclenchant la même impression chez autrui.
En son temps Ce Glob est Plat avait ouvert une sorte de salon de musique (cliquez sur le lien «Fainéanter en musique» à droite en haut de la page) qui a été abandonné en friches parce qu'il est très difficile de maintenir un outil de lecture pérenne (les pièces de musique disparaissent petit à petit du fait du site qui les héberge, par exemple le magnifique album de Norma Winstone ne peut plus être écouté ici).
Vous y trouverez néanmoins une première liste totalement hétéroclite et que je pourrais enrichir petit à petit si elle suscite un petit intérêt.
"Ithunes", Careful with that H !
J'entends bien qu'il n'y a pas de H à Natalie comme le dit si bien Vialatte, mais je vous assure qu'il y a un H à Thunes comme dans l'expression "cet actionnaire d'Apple est vraiment pété de thunes" !
Monsieur,
Je vous pensais un vieux sage ...
Sage, sans aucun doute, vous l'êtes !
Mais vieux ? j'ai des doutes à présent au vu de votre précédente réplique.
Peu importe, je suis pétée de rire !
Et vous remercie,
Et vous répondrais dès que possible au sujet de la musique ...
Annie B
Vous aviez, hélas, raison en affirmant qu'échanger ses goût est une des choses les plus complexes qui soient.
Je ne suis pas pudique et vous avoue donc sans détours que j'ai été dépitée de ne rien découvrir dans votre sélection qui me touche
autant que vos choix en matière de peinture et de sculpture.
Je n'ai jamais été initiée au jazz et malgré maints efforts je reste imperméable.
Tant pis pour moi, je continuerai d'admirer cette merveilleuse petite fille du post précédent en écoutant O solitude de Purcell et Casta Diva par la Callas et j'apprendrai, au détours d'un blog, que ce qui me fait couler les larmes des yeux est obèse ...
Etonnant que vous aimiez Blue Oyster Cult, bien trop carré et irréprochable à mon goût !
Peu importe, Monsieur, même si je n'ai pas votre savoir, je ris et j'apprends beaucoup à la lecture de vos billets et, à notre époque, cela me paraît être le comble du luxe.
Annie B
O solitude (par Alfred Deller) et Casta Diva (par Maria Callas) sont des choses sublimes et certainement pas obèses mais qui n'ont pas besoin d'être défendues tellement elles ont été diffusées et rediffusées, si bien qu'on peut soupçonner qu'elles sont tellement aimées parce qu'elles ont pénétré au plus profond des crânes. On les fredonne comme le dernier tube à la mode.
En écoutant énormément de musiques (éventuellement en en faisant) on finit par se rendre compte quasiment dès la première écoute si une pièce est originale et belle ou si elle n'est qu'un cliché remâché. Et s'ouvre alors un monde d'une richesse bien trop grande pour une vie si courte. C'est une démarche personnelle faite de curiosités permanentes, et je crois qu'il est difficile de sauter des étapes.
Bon j'arrête parce que je commence à pontifier.
Richesse bien trop grande pour une vie si courte, vous avez parfaitement résumé, je renonce parfois à m'enrichir, me sentant trop vieille pour tout digérer !
Annie B
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