jeudi 4 mai 2017

Les Le Nain et le Maitre des Jeux

Les trois toiles du mystérieux Maitre des Jeux,
à l'exposition Le Nain, Lens 2017.

On sait peu de choses des peintres des siècles passés, au moins jusqu’au 19ème. Les musées sont remplis de leurs œuvres mais leur histoire est une énigme. Il suffit d'y piocher au hasard, on n’y trouve que des mystères. Et le mystère se vend bien.
Nous parlerons donc du « Mystère Le Nain » puisque c’est le titre de la grande exposition organisée par le Louvre à Lens et consacrée à ces trois frères, peintres à Paris au milieu du 17ème siècle, et qui signaient d'un laconique « Le Nain ».

On s'attendait donc à des révélations, des découvertes sensationnelles, 39 ans après la grande rétrospective Le Nain de 1978 à Paris.
En fait, rien de bien nouveau.
Il y a dans la production des frères Le Nain, comme on le savait déjà en 1978, quelques tableaux superbes, d’une main virtuose, représentant des paysans pensifs à la pose un peu empruntée, attribués à un certain Louis mort en 1648, et puis d'autres tableaux assez moyens et parfois médiocres donnés à Antoine mort en 1648 ou à Matthieu mort en 1677. L'affaire se complique un peu quand les experts voient dans certains tableaux les mains de deux des trois frères.
Tout cela n’a pas vraiment changé et les attributions valsent encore comme elles le faisaient en 1978, au point que la même exposition présentée en 2016 aux États-Unis, à Fort Worth puis San Francisco, n'a pas fait l'objet du même catalogue qu’à Lens, tant il y avait de désaccords entre les commissaires d'exposition. Comme le raconte monsieur Rykner dans La Tribune de l’Art, nombre de tableaux on changé de prénom, voire de nom de l’auteur, en traversant l'Atlantique.

Le « mystère » de la signification de leurs tableaux n’est pas nouveau non plus. On savait que leurs représentations de paysans étaient soigneusement fabriquées en atelier, avec des modèles, des objets et des animaux qu'on retrouve au long de leurs œuvres, et qu'ils répondaient à une mode que les frères avaient sans doute créée et qui mélangeait la rigueur d’une inspiration peut-être religieuse à l’influence des peintres de paysans flamands et hollandais.

En réalité, le seul mystère un peu neuf, pour l’amateur négligent qui en était resté au catalogue de 1978, c’est l’existence et l’identité du Maitre des jeux.
En 1978, peu après la rétrospective, certains tableaux magnifiques, dont l’admirable « Danse d’enfants au joueur de pochette » et les « Joueurs de trictrac », qui étaient alors considérés comme des chefs d’œuvre des Le Nain, furent inopinément attribués à un peintre flamand et inconnu qui aurait travaillé à Paris à la même époque. En raison des thèmes de ses tableaux il fut appelé le « Maitre des jeux ».
Aujourd’hui encore, à part une poignée de tableaux au style semblable éparpillés sur la planète à Cleveland, Paris, Toledo, Cologne ou Reims, on n’en sait pas plus sur cet obscur peintre anonyme.

Les organisateurs de l’exposition ont eu l'excellente idée de consacrer une place importante à une quinzaine de tableaux donnés hier encore aux Le Nain, dont trois toiles de ce mystérieux « Maitre des jeux ».
Et on comprend, à la contemplation de ses scènes où les gestes et les regards sont suspendus, isolés, découpés dans l’espace comme dans le temps, qu’ils aient été pendant plus de deux siècles considérés parmi les plus beaux tableaux des Le Nain.

On peut les voir à Lens pendant deux mois encore.


Le Maitre des Jeux, Danse d'enfants
Cleveland museum of art (attribué au cercle des Le Nain)

Le Maitre des Jeux, Danse d'enfants au joueur de pochette
Belgique, collection particulière

Le Maitre des Jeux, Repas de famille
Toledo museum of art

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