samedi 22 juin 2024

Médias : l’utopie approche


Tous les médias, jusqu’aux plus sérieux, puisent depuis des années dans les réseaux sociaux où ils trouvent une grande part de leurs informations. Et cependant qu’ils les pillent en les citant abondamment, ils les dénigrent et leur reprochent une absence de rigueur, de déontologie, et la propagation de fausses nouvelles ; tous travers dont ils ne souffriraient pas eux-mêmes, médias établis dirigés par des propriétaires désintéressés.

En effet quelle information sérieuse et à jour peuvent fournir un grand journal ou une agence de presse, qui emploient au mieux quelques centaines de journalistes pour informer quelques millions d’abonnés, face à plusieurs centaines de millions d’individus connectés en permanence et en temps réel, voire presque 3 milliards pour ce fameux réseau au nom de Trombinoscope créé il y a 20 ans pour partager des avis sur la tronche des étudiantes de la classe ? L’Union internationale des télécommunications déclare aujourd’hui plus d’abonnements téléphoniques mobiles que d’habitants sur la planète. 

Et les médias n’ont pas encore tout vu. Qu’ils ne s’impatientent pas, le paradis de l’information se déploie à marche forcée en France aujourd’hui, au motif de la sécurité des jeux olympiques. On a déjà commenté cette fascination des pouvoirs pour le système automatisé du crédit social chinois, basé sur l’omniprésence des caméras de surveillance et l’espionnage des téléphones mobiles, le tout orchestré par les estimations de deux ou trois algorithmes incontrôlables. Si aucun de ces systèmes n’a jamais prévenu le moindre attentat ni apporté la preuve de son utilité, au moins fourniront-ils bientôt aux médias la source de toute information digne de ce nom. 
Sur notre illustration, une caméra de surveillance dans une rue de Langfang au sud de Pékin surprend la pratique du surf sur la voie publique en dehors des heures de loisir, aggravée par la dégradation d’équipements collectifs (l'infraction est d’autant plus évidente sur le document sonore original). À défaut de données plus précises, on peut supposer un retrait important de points au crédit social du contrevenant par le système automatisé.  

Assurément les médias, alimentés en continu, n’auront plus le temps d'enquêter sur les questions de fond, qui ne regardent finalement que la justice et la confidentialité de la vie privée des individus, mais ils auront la liberté d'en commenter les aspects esthétiques, car il faut bien reconnaitre en l’espèce que là où Buster keaton ou Jacques Tati dépensaient des fortunes en mise en scène et ingéniosité technique, une simple caméra automatique fournira désormais une inépuisable source d’évènements parmi lesquels une part mathématiquement non négligeable dépassera inévitablement l’imagination.   

Note : Les chiffres les plus récents, aussi peu fiables que les propos de notre chronique, font état actuellement en Chine d’une caméra de surveillance pour deux habitants, en moyenne.

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