lundi 25 novembre 2024

Ce monde est disparu (16)

John Koch, Conversation le soir, 1954, esquisse et toile finale.
Vente Sotheby's 20.11.2024, 30k$.

Vous ne connaissez peut-être pas John Koch. On n’entend jamais parler de lui en Europe. L'Encyclopédie en français ne le connait pas. Il a pourtant passé 5 ans à paris.

C’était un peintre américain sans le moindre intérêt pour les mouvements de peinture de son temps (1909-1978). Il gagnait très bien sa vie en réalisant des portraits classiques de familles bourgeoises classiques dans des appartements bourgeois (souvent le sien, une vingtaine de pièces au 10ème étage d’un immeuble prestigieux de Manhattan).  

Chaque objet, sur ses toiles, est soigneusement éclairé, chaque personnage consciencieusement mis en scène, chaque reflet, chaque forme parfaitement placés pour faire joli et accueillant. Bref des tableaux confortables, douillets et sans mystère, ce qu’on aime dans la peinture classique, le plaisir des yeux sans arrière-pensée. 


Le Metropolitan museum de New York possède 5 très beaux Koch, qu’il reproduit à peine, pour raison de copyright, car le pauvre Koch, mort en 1978, devra attendre 2049, voire 2072, pour devenir un peintre incontestable. Pour l’instant il n’est qu’un faiseur de timbres-poste. Il attend discrètement dans les réserves du musée, qui se garde bien de l’exposer.

Heureusement, dans le monde merveilleux du libéralisme économique, l’argent permet de violer n’importe quelle réglementation, et pour allécher le client les salles de vente reproduisent somptueusement les œuvres d’art dans leurs catalogues en ligne (seulement pour une durée limitée avant la vente, bien entendu). 


Koch s'achète quasi exclusivement chez Sotheby’s à New York entre 10 et 30 000$, avec de rares pointes à 300 000$, et un record à presque 700 000$. Ainsi cette belle Conversation nocturne de 1954 en illustration plus haut, accompagnée d’un dessin préparatoire, vient de disparaitre contre 30 000$ (presque autant en euros).


Ci-dessous, quelques reproductions de bonne qualité (illégales encore pendant 25 ans) d’œuvres de Koch passées en ventes publiques dans les 10 à 15 dernières années. Vous noterez que sa peinture, quoique plus subtile, n’est pas si éloignée de celle d’Edward Hopper, mais un Hopper dont la principale préoccupation métaphysique aura été le choix de la couleur des rideaux. Il faut bien que les gens heureux s’expriment aussi.

 

1 commentaire :

GJG a dit…

Impressionnant (mais pas impressionniste, hélas pour le MET et pour nous).
Subtiles, la partition en A1 et la nappe en B2.
Et ces lumières…

et ce Koch a raté le Koche.
mais rien ne cloche
c’est pas moche