samedi 14 décembre 2024

Le Premier, en pire

Meissonnier, ruines des Tuileries, entre 1871 et 1883, 136cm
(Compiègne, musées du Second Empire) 

Cornegidouille ! nous n’aurons point tout démoli si nous ne démolissons même les ruines !
Alfred Jarry, Ubu enchaîné.

Pour le lectorat qui ne s’est jamais passionné pour la vie de nos maitres et leurs néfastes lubies, résumons : le Premier Empire c’était Napoléon premier, des millions de morts dans des guerres quasi mondiales et incessantes, un népotisme effréné, la suppression de la liberté de la presse, le rétablissement de l’esclavage, une centralisation bureaucratique abusive, et en matière d’art officiel l’impériale figure romaine de Jacques-Louis David, lèche-cul de tous les régimes. 
Le Second Empire, c’était Napoléon 3 (oui, ça commençait mal, et c’était un neveu de l’autre), le même régime que le premier en plus mesquin, une incompétence à gouverner quoi que ce soit, la colonisation débridée de l’Afrique et de l’Asie, et la remise au pays voisin des clés de tout un territoire, avec un ou deux millions de têtes de bétail humain.
En peinture c’était une cour de tâcherons serviles, Winterhalter, Meissonnier, Flandrin, Pils, Horace Vernet, Dubufe et quelques autres.

Décevant, en effet. Et le déclin va jusqu’au musée qui les héberge aujourd'hui. Les grandes tartines au bitume du Premier Empire s’étalent sur les hautes cimaises de l’aile Denon, au Louvre, quand les fades mondanités du second se perdent dans les salons négligés du château de Compiègne et de son musée du Second Empire.

On se dit qu’il doit bien y avoir malgré tout quelques tableaux attrayants dans ce musée. Le site du château nous en présente un catalogue de 650 peintures, avec des fonctions de recherche (choisir Outils puis Index), et des reproductions de qualité passable.
Hélas on n’y fera pas une pêche miraculeuse. Peu de choses originales. Le récent achat de la Cantharide esclave n’y est pas encore, la longue série de toiles de Coypel sur Don Quichotte est consternante, Natoire, plus talentueux, ne s’en sort pas mieux, tous les portraits sont navrants, sans parler des scènes de chasse .

Nous avons réuni ici les rares tableaux qui sortent un peu de l’ordinaire. Leur présence dans le catalogue, peu explicite sur le sujet, ne garantit pas qu’elle sont effectivement exposées dans le château ou le musée.
Allez le vérifier avant la fermeture définitive du château, ce qui ne saurait tarder, à lire le rapport de contrôle consterné que la cour des comptes vient de publier. La courte synthèse en introduction (pages 4 à 6) est un modèle de poésie ; on croit y lire la déploration d’un Byron ou d’un Lamartine sur la ruine des empires (voyez ce qu’en disait hier Étienne Dumont).

Allez-y même si vous n’en attendez pas grand chose, vous y flânerez dans un grand parc (négligé parait-il), un château luxueusement meublé (mal chauffé et où tombent régulièrement des pierres dit le rapport), et une vaste et passionnante remise de voitures hippomobiles. 
Et vous contribuerez ainsi modestement au financement d’un patrimoine totalement abandonné depuis des années par les ministères de la Culture et les dotations de l’état, qui semblent n'attendre qu'un prétexte pour confier le tout à des capitaux privés.

À gauche, Jacob de Heusch - Chantier naval, fin 17e, 72cm
À droite, Salomon van Ruysdael - Réjouissances près de l'église d'Alkmaar, 1640, 42cm (les deux :  Compiègne, musées du 2d Empire).

À gauche, Friedrich Sustris, Adoration des bergers, 138cm
À droite, Protais PA., percement d'une route 1869, 100cm
Les deux :  Compiègne, musées du 2d Empire.

À gauche, Paul Huet, Château de Pierrefonds en ruine (vers 1860, 162cm)
À droite, Paul Huet, Après recréation par Viollet-le-Duc (vers 1860, 162cm)
Les deux :  Compiègne, musées du 2d Empire.

Potémont, Femmes au jardin, 1860 (Compiègne, musées du Second Empire) 

Aucun commentaire :