jeudi 29 novembre 2007

Théorie de l'évolution : du nouveau !

On le sait, et La Bruyère l'a affirmé depuis bien longtemps, dès la première phrase de ses "Caractères" *, le monde a été créé voilà 7000 ans, en commençant par les animaux, ensuite l'homme, puis la femme dans une opération de charcuterie assez dégradante. Parmi les animaux, les documents d'époque ne sont pas très précis, mais on peut raisonnablement penser que l'homme a connu les dinosaures. C'est en tous cas ce qu'affirme le Musée de la Création, ouvert cette année à Cincinnati. Sérieusement documenté (ses sources essentielles sont la bible et les films scientifiques de Steven Spielberg) il fait gambader de gracieux diplodocus sur le frais gazon du paradis en compagnie des premiers humains.

Mais ces évidences ont été sérieusement remises en cause par une publicité pour la bière Guinness, datée de 2005, mais que les internautes découvrent depuis peu en «haute définition» sur le site tout frais de Christian Blachas, Culture Pub. On a tous été façonnés par Culture Pub. C'est hypnotisés durant 18 ans par ses spots publicitaires qu'on a absorbé les vrais valeurs : le mercantilisme, l'outrance, la futilité, l'illusoire, le conformisme, bref le bon goût. Culture Pub revient donc depuis quelques jours, sur Internet, dans un site de qualité, propre et bien rangé où on recense 1800 publicités. C'est un plaisir de regarder toutes ces choses inutiles. On y trouve ainsi ce film célébrant la bière Guinness, Evolution back, réalisé par Kleinman & AMV. Les théories de la «Création spontanée» y sont notablement réfutées. On y voit nettement les preuves que l'homme, avant d'être homme, a été une espèce de salsifis mélancolique **. Ce Glob Est Plat, toujours circonspect, se gardera de donner un avis dans un débat aussi sensible, malgré une préférence certaine pour la bonne bière plutôt que pour l'eau bénite.

  * Le lecteur perspicace aura noté que je cite toujours la même phrase du livre, la première (voir «La Bruyère avait raison»). En effet, je ne lis jamais que la première phrase des livres, et quelquefois la dernière si la première est prometteuse. On reconnaît un grand écrivain quand l'essentiel est dit dans ces deux phrases. Et que de temps épargné! ** Alexandre Vialatte, dans L'homme en famille, chronique parue dans La Montagne le 10 juin 1958, disait, à propos de l'ancêtre de l'homme que la science suppose avoir été une sorte d'axolotl «C'est un bestiau qui ne rime à rien dans notre langue, et qui ne se trouve nulle part sauf dans les dictionnaires ; ou dans les grottes. C'est une invention du Larousse, ou le rêve d'une flaque au fond d'un souterrain gluant. Je suis allé le voir au vivarium. Il baigne dans une eau verdâtre qui doit être mauvaise à boire et il a l'air d'un salsifis mélancolique avec des pattes en vermicelle, des espèces de barbes, ou de cils, en queue de poireau rasée sans soin. Trop épluché : blanc comme une rave, trop nu, dans un sombre bocal. Sans même une fourchette pour le prendre. Bref un lugubre condiment. On ne parvient pas à éprouver un sentiment de famille sincère, quelque chose d'affectueux et de réellement jovial en face de ce funèbre légume. Même en se forçant. Le frisson manque. Comment dirai-je ? On n'entend pas la voix du sang.»

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