samedi 13 juin 2009

Chronique de quelques petites libertés

La loi, digne d'une république bananière, avait été fignolée «aux petits ognons». Jugez-en. Ça se passe sur internet.
Les marchands de culture (disques et films, surtout) prétendent que leurs médiocres résultats sont dus aux téléchargements illicites, sur les réseaux de partage, des œuvres dont ils détiennent les droits. Alors ils ont obtenu une loi qui devait les autoriser à se connecter sur ces réseaux, simuler la recherche d'œuvres protégées, noter soigneusement l'adresse électronique des internautes qui les téléchargent (donc les partagent), et en transmettre la liste à un organisme d'enregistrement appelé Hadopi. Cette entité administrative, sans la moindre vérification, demandait alors aux fournisseurs d'accès, à la première récidive, de couper la connexion internet des contrevenants, de leur interdire pendant un an la souscription d'un autre abonnement, et de continuer cependant à percevoir le montant de l'abonnement suspendu. Tout ceci était entièrement automatisé pour répondre à des impératifs de performance (1000 abonnements suspendus par jour), sans moyen sérieux de défense ou de protection contre les usurpations d'identité, parait-il aisées.
Tout était vraiment bien ficelé. Le Conseil d'état, l'Assemblée nationale et le Sénat n'avaient rien trouvé à redire et les premiers milliers de lettres recommandées étaient prêts à partir quand a été connu l'avis du Conseil constitutionnel (décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009). Il remettait en cause toutes les avancées démocratiques de la loi : la présomption de culpabilité, l'absence de droit à la défense, la suspension d'une liberté fondamentale par une autorité non judiciaire. Quand on sait comment sont nommés les membres du Conseil constitutionnel, on frémit devant une telle ingratitude, ou une telle mesquinerie. Néanmoins le gouvernement a promulgué la loi sans attendre, le 12 juin, en supprimant les phrases et articles censurés par le Conseil constitutionnel, certainement pour les replacer bientôt après rafistolage.

Et il parait qu'en matière de libertés Hadopi n'est rien à côté de la loi Loppsi qui va passer cet été, pendant le mois d'aout, quand tout le monde fera la sieste. Comme en Chine, c'est le gouvernement qui interdira désormais sans contradiction possible les sites qui ne lui conviennent pas, et un tas d'autres plaisanteries dans le même esprit.

Au Louvre, ce qu'il reste de la douce main de la liberté parvient encore à apaiser la croupe fougueuse de l'abus de pouvoir devant les yeux absents de la République.Profitons de cette réjouissante chronique des libertés pour nous inquiéter de l'article 33. Rappelons qu'il instaurait une interdiction progressive de photographier les œuvres appartenant au domaine public exposées dans le musée du Louvre et qu'un article bancal du site du musée contredisait le règlement de visite et prétendait l'article 33 modifié et la photographie tolérée. Aujourd'hui, plus d'un an après, le règlement n'a pas changé et reste en contradiction avec les propos du site.
Alors Ce Glob Est Plat, fidèle à l'actualité la plus brûlante, a envoyé un reporter téméraire et chevronné constater la situation. Il en est revenu entier, avec quelques centaines de photograpies autorisées et une sentence de grand journaliste : « Ce qu'il reste de la douce main de la liberté parvient encore à apaiser la croupe fougueuse de l'abus de pouvoir devant les yeux absents de la République ».

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