La vie des cimetières (21)
Faut-il respecter les morts ?
Les moines capucins de Palerme, en Sicile, l'affirment. Et comment les respecter ? En ne les photographiant pas, répondent les moines, par le moyen d'affichettes libellées «Pas de films, pas de photos, les catacombes sont un lieu sacré à respecter».
Parce qu'ils les exposent, les morts. Par centaines, grimaçants et difformes, habillés de tenues folkloriques rapiécées ou de sacs de toile, en cage ou dans des niches, le long des galeries des catacombes du monastère qui régurgite par jour des légions de touristes horrifiés, un peu dégoutés, mais rafraichis par l'air ambiant et les plaisanteries égrillardes des pères de famille rassurants.
De tout cela, les morts se contrefichent, naturellement. Ils sont dans le pays de l'immobilité où les cellules, désorganisées, inconscientes, ne produisent plus que de la poussière.
Alors pourquoi leur prodiguer ces égards révérencieux, proches du fétichisme ? Parce que le culte des morts est une immense entreprise d'autosuggestion qui affirme qu'on n'aura pas vécu pour rien, qu'il y a une continuité de l'espèce, un héritage, mais qui admet implicitement que la seule survie de l'individu est dans la mémoire des survivants.
Alors pourquoi leur prodiguer ces égards révérencieux, proches du fétichisme ? Parce que le culte des morts est une immense entreprise d'autosuggestion qui affirme qu'on n'aura pas vécu pour rien, qu'il y a une continuité de l'espèce, un héritage, mais qui admet implicitement que la seule survie de l'individu est dans la mémoire des survivants.
Résumons-nous :
On devra respecter les morts afin qu'ils survivent un peu.
Pour cela on les exposera aux visiteurs, sous forme desséchée, comme des grenouilles dans les vitrines poussiéreuses d'un vieux museum d'histoire naturelle, si possible sous une lumière sinistre dans des caveaux glacés.
Et on ne s'étonnera plus alors de découvrir parfois, dans une campagne proprette du sud de Londres, une grand-mère racornie clouée avec tous ses chats, depuis des mois, sur le mur du salon d'un pavillon quelconque. Le petit-fils aura certainement, jeune, visité en famille les momies de Palerme.
On devra respecter les morts afin qu'ils survivent un peu.
Pour cela on les exposera aux visiteurs, sous forme desséchée, comme des grenouilles dans les vitrines poussiéreuses d'un vieux museum d'histoire naturelle, si possible sous une lumière sinistre dans des caveaux glacés.
Et on ne s'étonnera plus alors de découvrir parfois, dans une campagne proprette du sud de Londres, une grand-mère racornie clouée avec tous ses chats, depuis des mois, sur le mur du salon d'un pavillon quelconque. Le petit-fils aura certainement, jeune, visité en famille les momies de Palerme.
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