mercredi 30 décembre 2009

Clichés en solde

Au cinéma, comme en tant d'autres domaines, l'homme ne changera jamais. Il choisira toujours la féerie de pacotille et la quincaillerie des sentiments.

Connaissez-vous une planète où les montagnes flottent mollement en altitude (1), la forêt grouille de jolies lampes de chevet ouvragées et de guirlandes multicolores comme dans les grands magasins, envahie de nonchalants moustiques luminescents que de grands poissons dégingandés (qui parlent, évidemment) appellent «les âmes de l'arbre sacré» ?
Ces maquereaux bipèdes et arboricoles, coiffés et peints à l'iroquoise, refusent que leur monde enchanté soit transformé en bois de chauffage par de méchants étrangers exploiteurs et sans âme, qui convoitent leurs ressources naturelles.
Démunis, ils dorment dans les arbres mais cultivent une puissante vie intérieure, faite de rituels primitifs et de cantiques psalmodiés dans une unanimité extatique. Et ils s'obstinent à empêcher la fin de leur culture à grands coups d'arcs et de flèches. Cela rappellera quelque chose aux amateurs de cinéma yankee, même si, pour égarer l'observateur perspicace, les félins en caoutchouc et les chevaux de bois domestiques ont été dotés de six pattes incommodes au lieu de quatre.

Les progrès du trucage d'images par ordinateur redonnent au cinéma moderne une crédibilité perdue depuis Georges Méliès.

En bons sauvages, les maquereaux fusionnent avec la nature, par des moyens qui ne peuvent pas être décrits dans un blog destiné au grand public. Mais cette osmose a des limites, on a beau être progressistes, il faut bien dominer au moins une espèce, et c'est à une sorte de dragon vert à quatre ailes en élastomère que revient ce rôle servile. Un maquereau éduqué selon la tradition devra le soumettre en éructant, pendant le dressage, de mâles directives comme «t'es à moi» ou «tu la fermes et tu files droit !».
En face, chez les envahisseurs, on trouve un militaire haineux qui aime le sashimi saignant et veut détruire les maquereaux par la ruse ou la force, une scientifique usagée qui n'aime pas le militaire, et un ancien «marine» handicapé qui revit les joies du baroud dans un corps d'emprunt (l'Avatar) au moyen d'une technologie d'incarnation extrêmement sophistiquée (on est en mai 2154). Le militaire lui a promis des jambes neuves s'il volait les secrets du banc de poissons bleus. Le brave marine estropié, déguisé en morue, s'introduit alors dans le clan des poissons où il est instruit par la fille du chef du banc, qui est roulée comme un sushi.

Après quelques péripéties sans intérêt, on apprendra que chez les maquereaux, c'est le mâle qui choisit sa maquerelle, et que les poissons s'embrassent comme les humains, avec la langue, et s'aiment pudiquement en se cachant de la caméra qui virevolte au dessus d'eux, au son de violons sirupeux et d'un orgue de supermarché.
Bon, il parait que dans la véritable histoire, ce sont les indiens qui ont perdu.

Admirons donc James Cameron pour avoir, en truffant son dernier film de tant de scènes stéréotypées, de tant de banalités creuses, essayé d'égaler «2012», le film catastrophique de Roland Emmerich et sa collection si complète de lieux communs. Cette compétition les grandit et confirme leur incontestable domination dans le monde des clichés et de la grosse ficelle.
On ne devrait pas accorder tant d'audience à des esprits aussi médiocres.


(1) Scènes qui semblent imitées du dessin animé plein de charme et d'idées d'Ivernel et Qwak, «Chasseurs de dragons».

3 commentaires :

Anonyme a dit…

"roulée comme un maki" aurait peut-être été encore plus parlant...

Anonyme a dit…

Pas de bol, en plus ce "machin" est salué par tout le milieu bien pensant du ciné amerlock !!!!
Et par ces connards de visionneurs de films, qui enchainent séance sur séance, sans même se souvenir de ce qu'ils voient.
J'adore le cinoche, je n'y vais jamais; et je suis une mini encyclopédie dans ce domaine (enfin je me vante un peu).

Costar a dit…

Et oui, il n'y a plus rien à faire. Et en plus les vrais films (je pense aux premiers Robert Altman ou Carlos Saura) deviennent totalement introuvables...