Le musée de l'extrême
Afin que votre famille conserve longtemps en mémoire le souvenir des fêtes de fin d'année, vous cherchiez un lieu, un évènement marquant. N'hésitez plus, emmenez-la au musée du Louvre, à Paris. C'est, d'après son président à vie (enfin jusqu'en 2017), Henri Loyrette, «le plus grand musée du monde, il doit s'adresser à l'univers entier». Et il en fournit les preuves : 35 000 œuvres réparties sur les 60 000 mètres carrés indispensables à l'écoulement des 25 000 visiteurs moyens par jour. Un visiteur toutes les secondes.
On le voit, c'est le musée superlatif. Comme aux Galeries Lafayette, vous en trouverez pour tous les goûts en arpentant ses 14 kilomètres de couloirs et d'escaliers. Strass et paillettes à tous les étages.
Cédons à un petit jeu récréatif pour susciter, si c'était encore nécessaire, l'envie de le visiter : quel est le point commun aux quatre merveilles illustrées ci-dessous, en dehors du fait que ce sont quatre des plus beaux chefs d'œuvre qui enrichissent le musée du Louvre ?
De gauche à droite et de haut en bas, le tricheur à l'as de carreau (Georges De La Tour), l'astronome (Johannes Vermeer), l'enfant au toton (Jean-Baptiste Chardin), un portement de croix (Lorenzo Lotto).
Eh bien la réponse était dans la question. Ils enrichissent effectivement le Louvre, mais par leur absence, plus rentable que leur présence. Ne perdez pas votre temps à les chercher dans les 14 kilomètres du musée, ils n'y sont plus depuis de nombreux mois et sont pour quelques temps encore à Minneapolis, en Amérique.
Chaque année augmente le nombre de prêts des œuvres du domaine public par les gestionnaires avisés du musée. Contre monnaie évidemment. On parle de millions d'euros pour les œuvres majeures, et le projet d'expatriation d'une partie du Louvre vers l'émirat d'Abu Dhabi (300 œuvres sur 10 ans) rapportera presque un milliard d'euros.
Pour cet hiver, en attendant, il vous restera la Joconde, elle est indiquée partout au moyen de flèches, et il suffit de se laisser emporter par le courant de touristes. On la dit inamovible. Mais c'est faux, tout a un prix. Nos technocrates éclairés ont déjà fait le calcul : 99% des visiteurs viennent pour l'apercevoir. Sans elle, le Louvre ferme. Le manque à gagner serait de 25 000 visiteurs, soit 150 à 200 000 euros par jour, 5 millions d'euros par mois. Sans même compter les économies de charges sociales, c'est moins qu'Abu Dhabi.
Une ville ambitieuse pourrait aisément s'offrir une «exposition Joconde». Kennedy l'a bien fait en 1963, après une cérémonie grotesque ponctuée d'hymnes nationaux, imité par l'empereur criminel du Japon, Hirohito, à Tokyo en 1974, puis la même année à Moscou par Brejnev, amateur d'objets de luxe, envahisseur de la Tchécoslovaquie et restaurateur du mythe de Staline. Il suffit d'un peu de mégalomanie, et de la complaisance d'élus qui considèrent les biens publics comme leur appartenant. C'est généralement le cas.
4 commentaires :
C'est un peu comme "L'Escamoteur escamoté"...
Vous avez raison, l'épopée de ce petit panneau de Bosch (ou son entourage) est emblématique. Attribué, volé, retrouvé, invisible pendant des décennies, nettoyé, attribué à un proche, exposé au pinacle, puis oublié, je n'ai aucune idée de sa localisation depuis l'exposition de Saint-Germain-en-Laye en 2002...
Je me souviens qu'en juillet, admirant l'astronome de Vermeer au Louvre donc, une famille de japonais se penchait à quelques pas devant le tableau de la dentelière. Enfin devant une petite affiche les informant qu'elle se trouvait alors à Tokyo...
Ah, nous avons maintenant un témoignage digne de foi qui a vu l'astronome au Louvre en juillet 2009, la dentelière était alors à Tokyo... Les choses se précisent.
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