mardi 19 janvier 2010

Guide de la Venise secrète

Pourquoi ce guide ?
Souvent Ce Glob Est Plat s'est plaint (ici ou ) des gardiens français de la culture qui s'approprient des droits sur le bien public, en interdisent les photographies et parfois s'en réservent l'accès. Ces déboires ne sont rien face à ceux du malheureux qui visite Venise, car si les musées français respectent moyennement le quidam, les vénitiens s'en moquent comme de leur premier Carpaccio. Tous leurs musées interdisent la photographie, et on trouve toujours un surveillant zélé pour vous le rappeler en aboyant dans une langue indéchiffrable. Dans ces conditions, il était impensable, sans une image, de réaliser le rêve de tout blog qui se veut cultivé, faire une chronique sur la peinture vénitienne.
Aussi avons-nous demandé à notre reporter, afin de rentabiliser malgré tout les frais engagés, de confectionner le seul guide illustré que les musées vénitiens permettent au blog impécunieux, le guide de leurs toilettes, de leurs lieux d'aisances.
L'amateur averti d'art moderne, le spécialiste de Marcel Duchamp et son urinoir, ou de Piero Manzoni et ses conserves, y trouvera son avantage, et sans conteste un côté pratique. Il y constatera également que le musée le plus désuet n'a pas nécessairement les commodités les moins accueillantes.

Cliquez sur le plan de Venise pour en découvrir tous les détails.


LISTE DES PRINCIPALES CURIOSITÉS
(classées dans l'ordre d'intérêt décroissant)


VAUT LE VOYAGE : Ca' Rezzonico, musée du 18ème siècle vénitien (œuvres (1) de Longhi, Tiepolo, Guardi, Canaletto).
Chaque cabine, spacieuse, propose à l'usager tous les outils nécessaires aux ablutions les plus complètes, et la vétusté relative de l'ensemble ne nuit pas à l'indéniable convivialité des lieux. Enfin, c'est le seul établissement à fournir de l'eau chaude.



VAUT LE DÉTOUR : Collection Pinault, Palais Grassi et bâtiment de la Douane de mer (œuvres de Jake & Dinos Chapman, Fucking Hell, 80 caprices de Goya rectifiés, Murakami, personnages de mangas hypertrophiés, Maurizio Cattelan, trophée de cheval).

D'une propreté engageante mais d'une hygiène qui n'est pas à la hauteur d'une fondation qui se dit moderne (toutes les commandes sont à contact manuel). Notez toutefois la conception bien venue de la balayette brosse, «à la Morandi». Enfin, opportunité dont il convient de profiter sans retenue, c'est le seul service dont l'usage est gratuit dans la visite de cette collection où il faut presque payer pour respirer (2).


INTÉRESSANT : Accademia, Peinture vénitienne du 14 au 18ème (œuvres de Bellini, Giorgione, Carpaccio, Tintoret, Tiepolo, Previtali). L'hygiène générale du lieu et l'ascétisme de l'outillage sont assez peu encourageants, mais certains apprécieront l'atmosphère distante et sans passion, digne des tableaux de Vittore Carpaccio ou de Benedetto Diana.


INTÉRESSANT : Palais des doges, demeure historique des gouvernements de Venise. Spartiates, minimalistes, et désagréables à cause du manque de confort et d'une agressive et persistante odeur d'eau de Javel, les lieux bénéficient cependant d'un cadre unique couvert d'histoire et de toiles du Tintoret (1) et méritent une courte halte.


INTÉRESSANT : Ca' Pesaro, Musée d'art moderne et d'art oriental (œuvres (1) de Morbelli, Khnopff, Medardo Rosso, Caffi, Sorola, Bonnard, Hokusai).
Ensemble d'un abord un peu froid, qui ne manque pas de style mais commence malheureusement à afficher les stigmates du temps.


À ÉVITER : Collection Peggy Guggenheim (œuvres de Magritte, Ernst, Dali, Giacometti, Miro, Duchamp, Kandinsky) et Musée Correr (sorte de musée napoléonien, œuvres (1) de Canova, Antonello, Carpaccio, Bellini, Bissolo).
De ces deux établissements, nous resterons discrets sur les toilettes qu'il sera prudent d'ignorer.


Enfin, le véritable amateur de sanitaires couronnera son voyage dans les toilettes hospitalières de l'Aéroport Marco Polo de Venise où tout est démesuré, le rouleau de papier d'une dimension déconcertante, et où les opérations se font avec un salubre minimum de contacts manuels. Seul l'environnement culturel y est un peu déficient, quoique les plus grandes marques de vêtements, de cosmétiques et d'objets de luxe y rivalisent d'élégance et de chic.
Nous n'illustrerons pas cette étape dans ce guide, afin de préserver, pour le pèlerin blasé, un peu du plaisir de la découverte et la fraicheur de la première impression.

Notez : 7 somptueuses sérigraphies numérotées, imprimées sur papier spécial de luxe double épaisseur molletonnée, représentant le plan de Venise et les plus belles vues de ce guide, sont en vente dans les principaux kiosques et musées de la ville ou auprès de Ce Glob Est Plat (à partir de 699 euros l'unité).


***
(1) Sélectionnez le bouton «cerca» pour obtenir la liste complète en italien des œuvres du musée.
(2) À titre de comparaison, les prix d'entrée dans les musées vénitiens se situent entre 6 et 12 euros. Pour visiter cette collection astucieusement partagée dans deux lieux, il faudra débourser 20 euros, sans compter deux fois 3 euros pour les vestiaires (les seuls payants de tout Venise) quasi obligatoires (on vous impose sinon, pour de mystérieux motifs, de tenir votre sac à dos à bout de bras...), sans oublier le prix du transport par vaporetto entre les deux lieux.

5 commentaires :

Anonyme a dit…

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai soudain un irrépressible besoin d'aller faire pipi. Du coup je n'ai plus de commentaire à faire. A plus.

Handout Presentation a dit…

"En vous appuyant sur des exemples précis et significatifs, montrez comment l'espace architectural des musées s'est particulièrement adapté aux nouvelles formes artistiques de la seconde moitié du xxe siècle."

Merci, avec cette article, il y a de quoi frangeoyer de brancoeur ; je me gargariserai dans ma copie d'avoir pu visiter toutes les commodités muséales vénitiennes tout en faisant des références au débectant pop'art... (ou à Jackson Pollock ?! ça serait fort à propos n'est-ce pas ?)
Bon, en tout cas, ton blog est bien chouette, dommage que je sois obligé d'avancer.

Costar a dit…

Merci pour ces encouragements stimulants, tellement utiles pour que nous dénichions l'opulence du patrimoine culturel de l'Humanité.

Anonyme a dit…

Le "Centre d'Études de l'Histoire du Tissu et du Costume" qu'abrite le Palais Mocenigo ne vaut que pour le bâtiment lui-même. Le cabinet de toilettes de ce palais est dans la même veine et intéressante d'authenticité : plancher qui craque, robinets d'époque... Pour le trouver, demandez au personnel, ce lieu secret se trouve au fond d'un couloir derrière la photocopieuse. Désolé, je n'ai pas la photo !

Costar a dit…

Ah comme c'est regrettable! Des toilettes publiques (ou presque) situées à quelques dizaines de mètres seulement de la Ca' Pesaro (traitée en détails dans ce guide) et que je n'ai pas visitées. Il reste donc des merveilles à découvrir à Venise.