Le Maitre de Moulins
Jean Hey ou Hay (alias le Maitre de Moulins) : trois anges du panneau central du triptyque de la Vierge de l'apocalypse, vers 1500. On ne trouve pas de bonne reproduction du triptyque sur internet.
Il ne fait pas de doute que si le triptyque de Jean Hey, la Vierge de l'Apocalypse, était exposé au Louvre de Paris, sur un mur normalement fréquenté et sous une honnête lumière zénithale, il éclipserait rapidement les plus grands chefs-d'œuvre du musée.
On viendrait des antipodes admirer ses fines nuances colorées, la suavité de ses volumes, la grâce naturelle des visages, notamment des douze anges du panneau central, douze fois le même modèle, qui mime avec application les poses et les sentiments demandés par le peintre sans parvenir à vraiment masquer, à l'égard de la scène qu'il simule, son orgueilleuse indifférence.
Mais en réalité le triptyque est conservé depuis cinq cents ans dans la cathédrale de Moulins-sur-Allier, en Auvergne, aujourd'hui rassemblé dans la Chapelle des évêques, sur le flanc nord.
Un guide obligatoire muni d'antiques clefs vous conduit dans la salle d'exposition, derrière une vieille porte sonore.
Sur le mur de gauche, deux répliques en grandeur réelle reproduisent le revers des deux panneaux latéraux du triptyque, peints en grisaille, et que des précautions de conservation empêchent de manipuler. Ce sont des photographies fantomatiques délavées par les années.
Et à droite, sur une estrade élevée de quelques marches trône le triptyque, le trésor de la ville de Moulins, cinq mètres au-delà d’un cordon infranchissable.
N'imaginez pas que vous pouvez alors contempler sereinement le joyau de Jean Hey. Car une malédiction poursuit les plus beaux chefs-d'œuvre de la peinture conservés dans les édifices religieux, l'ignorance (et peut-être l'économie). On croit qu'il est plus convenable de les exposer dans la pénombre, alors qu'en vérité la peinture à l'huile jaunit dans l'obscurité et revit à la lumière indirecte du jour.
L'amateur qui a visité dans la cathédrale Saint Bavon de Gand le polyptyque de l'Agneau mystique de Van Eyck, avant qu'il soit démembré et lessivé dans la longue phase de restauration actuelle, se rappellera la déception d'avoir peiné à distinguer quelques vagues formes dans l'ombre, alors que le peintre s'est ingénié à couvrir chaque centimètre carré de son immense œuvre de détails d'une merveilleuse perfection naturaliste, peints pour être admirés.
Le triptyque de Moulins subit la même punition. L'éclairage est déficient, la distance trop respectueuse, la récitation du guide sans répit et l'exhibition minutée.
On devra donc le vénérer plutôt que le contempler.
Le photographier est également interdit. L'ordre en viendrait de Paris. On peut excuser le mensonge, parce que les conditions de prise de vue seraient de toute manière trop difficiles, et qu'il faut bien additionner quelques ventes de cartes postales aux maigres recettes des billets d'entrée, pour payer la femme de ménage qui l'époussète de temps en temps.
Le sort du triptyque ne serait d'ailleurs pas meilleur s'il était hébergé à quelques pas de la cathédrale, dans le Musée des beaux-arts Anne de Beaujeu, car la collection de peintures, exclusivement du 19ème siècle, y est entassée comme dans un cabinet des siècles passés, en couches successives jusqu'au plafond, et dans une obscurité presque complète.
Cependant la renommée de l'œuvre est maintenant planétaire et il ne serait pas étonnant que quelque édile en quête de visibilité électorale fomente un jour un plan machiavélique pour soustraire le joyau aux griffes du clergé moulinois.
Le rêve d'un triptyque baigné de lumière sur les cimaises d'un grand musée régional, voire du Louvre, se réaliserait alors.
Et puis, après quelques années, sa trop grande notoriété obligerait les conservateurs à le confiner, comme la Joconde, dans une cage de verre blindé à l'abri des touristes fanatisés, cinq mètres au-delà d'un cordon infranchissable.
On viendrait des antipodes admirer ses fines nuances colorées, la suavité de ses volumes, la grâce naturelle des visages, notamment des douze anges du panneau central, douze fois le même modèle, qui mime avec application les poses et les sentiments demandés par le peintre sans parvenir à vraiment masquer, à l'égard de la scène qu'il simule, son orgueilleuse indifférence.
Mais en réalité le triptyque est conservé depuis cinq cents ans dans la cathédrale de Moulins-sur-Allier, en Auvergne, aujourd'hui rassemblé dans la Chapelle des évêques, sur le flanc nord.
Un guide obligatoire muni d'antiques clefs vous conduit dans la salle d'exposition, derrière une vieille porte sonore.
Sur le mur de gauche, deux répliques en grandeur réelle reproduisent le revers des deux panneaux latéraux du triptyque, peints en grisaille, et que des précautions de conservation empêchent de manipuler. Ce sont des photographies fantomatiques délavées par les années.
Et à droite, sur une estrade élevée de quelques marches trône le triptyque, le trésor de la ville de Moulins, cinq mètres au-delà d’un cordon infranchissable.
N'imaginez pas que vous pouvez alors contempler sereinement le joyau de Jean Hey. Car une malédiction poursuit les plus beaux chefs-d'œuvre de la peinture conservés dans les édifices religieux, l'ignorance (et peut-être l'économie). On croit qu'il est plus convenable de les exposer dans la pénombre, alors qu'en vérité la peinture à l'huile jaunit dans l'obscurité et revit à la lumière indirecte du jour.
L'amateur qui a visité dans la cathédrale Saint Bavon de Gand le polyptyque de l'Agneau mystique de Van Eyck, avant qu'il soit démembré et lessivé dans la longue phase de restauration actuelle, se rappellera la déception d'avoir peiné à distinguer quelques vagues formes dans l'ombre, alors que le peintre s'est ingénié à couvrir chaque centimètre carré de son immense œuvre de détails d'une merveilleuse perfection naturaliste, peints pour être admirés.
Le triptyque de Moulins subit la même punition. L'éclairage est déficient, la distance trop respectueuse, la récitation du guide sans répit et l'exhibition minutée.
On devra donc le vénérer plutôt que le contempler.
Le photographier est également interdit. L'ordre en viendrait de Paris. On peut excuser le mensonge, parce que les conditions de prise de vue seraient de toute manière trop difficiles, et qu'il faut bien additionner quelques ventes de cartes postales aux maigres recettes des billets d'entrée, pour payer la femme de ménage qui l'époussète de temps en temps.
Le sort du triptyque ne serait d'ailleurs pas meilleur s'il était hébergé à quelques pas de la cathédrale, dans le Musée des beaux-arts Anne de Beaujeu, car la collection de peintures, exclusivement du 19ème siècle, y est entassée comme dans un cabinet des siècles passés, en couches successives jusqu'au plafond, et dans une obscurité presque complète.
Cependant la renommée de l'œuvre est maintenant planétaire et il ne serait pas étonnant que quelque édile en quête de visibilité électorale fomente un jour un plan machiavélique pour soustraire le joyau aux griffes du clergé moulinois.
Le rêve d'un triptyque baigné de lumière sur les cimaises d'un grand musée régional, voire du Louvre, se réaliserait alors.
Et puis, après quelques années, sa trop grande notoriété obligerait les conservateurs à le confiner, comme la Joconde, dans une cage de verre blindé à l'abri des touristes fanatisés, cinq mètres au-delà d'un cordon infranchissable.
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