Monuments singuliers (8)
L’hommage aux caporaux fusillés pour l’exemple à Suippes
La Grande guerre de 1914-1918 a été un des carnages les plus efficaces perpétrés par des humains pour détruire une partie de leur propre espèce.
À Souain dans la Marne, les soldats de la 21e compagnie du 336e régiment d’infanterie reçoivent l’ordre de reprendre à l’ennemi une position située derrière un terrain couvert de barbelés et de cadavres de leurs camarades mitraillés qui ont tenté l’opération.
Alors ce 10 mars 1915, les soldats, même menacés d’être abattus sur place par les officiers, refusent de quitter la tranchée. L’attaque est reportée de 12 heures. Le brave général Réveilhac, loin du front, ordonne (mais refuse de le confirmer par écrit) que des obus arrosent les tranchées rétives.
À l’aube les soldats refusent toujours de partir pour l’abattoir.
Une semaine plus tard, quatre caporaux choisis plus ou moins au hasard sont hâtivement fusillés à Suippes devant le régiment au complet, surveillé par une compagnie de cavaliers. Ils n’avaient pas 30 ans. Un ordre de surseoir à l’exécution pour demande de recours en grâce est, parait-il, arrivé trop tard.
Toutes les civilisations (enfin, c’est ainsi qu’elles se nomment) ont toujours exalté le sacrifice, l’offrande publique de vies humaines, histoire d’enfoncer dans la tête des peuples bornés et récalcitrants les idéaux magnifiques de soumission qu’elles ont imaginés pour eux.
Après des années d’efforts des familles des fusillés, le 2 mars 1934, la justice reconnaissait que « l’ordre était irréalisable et que le sacrifice dépassait les forces humaines ».
Le lourdement médaillé général Réveilhac s’éteignait dans son lit le 28 février 1937, à 86 ans.
Le monument aux morts officiel de Suippes, entre la mairie et l'église, sculpté par Desruelles (comme à Commentry), inauguré le 26 octobre 1930. On remarquera l’absence d’accent sur le « A » de la dédicace, une erreur qui transforme le sens de la phrase.
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